LA CANTATRICE CHAUVE et LA LEÇON / pAgE 11
Vous montez La Cantatrice chauve pour la
troisième fois et La Leçon pour la seconde
fois avec le Théâtre des Fonds de Tiroirs.
Pourquoi ce désir de revenir à ces pièces
de Ionesco?
La Cantatrice chauve a été, en 1997, notre spectacle
fondateur, une véritable prise de position de la
compagnie. On a travaillé à la production pendant
l’été, pour affirmer notre envie de faire du théâtre,
en dehors de l’école et de notre formation
académique. Nous avons fait des choix plus
instinctifs que réfléchis, même si le spectacle était
déjà très chorégraphié. Dix ans plus tard, après
être sortis des écoles et avoir travaillé chacun de
notre côté, nous avons voulu vérifier si le texte de
Ionesco résonnait toujours de la même façon pour
nous. Or, notre rapport à la scène, à l’espace et
aux corps avait évolué. Comme metteur en scène,
j’ai été plus économe, moins démonstratif : j’avais
développé un langage scénique, une façon de
diriger les acteurs. Mais on avait gardé le même
goût de mordre dans le texte. À l’été 2007, on a
produit La Leçon à Québec, puis on l’a présentée en
seconde partie de La Cantatrice chauve à Denise-
Pelletier.
Et aujourd’hui?
Le spectacle que nous présenterons en février ne
sera pas vraiment une version trois de La Cantatrice
chauve, mais plutôt la deuxième version revisitée. En
langage informatique, on pourrait dire une version
2.1. De toute manière, dès qu’on amorce une reprise
d’un spectacle, on sait que certaines choses vont
bouger. Quant à La Leçon, la pièce diffère un peu
chaque soir selon l’énergie propre à chaque duo,
puisque tous les gars de la troupe connaissent le
rôle du professeur, les filles celui de l’étudiante,
et que c’est le public qui pige au hasard le nom
des comédiens qui interprètent La Leçon.
Lors du lancement de saison, en avril
dernier, vous avez souligné que l’angle
qui vous intéressait, cette fois-ci, était
celui de la mémoire. Pouvez-vous préciser
comment vous en êtes venu à cette
lecture?
J’ai vu un reportage, à Télé-Québec, où l’on suivait
trois dames atteintes de la maladie d’Alzheimer.
Ça m’a époustouflé. C’est une terrible maladie,
notamment pour ceux qui sont en contact avec les
ENTRETIEN AVEC FRÉDÉRIC DUBOIS,
METTEUR EN SCÈNE
~
Frédéric Dubois
Frédéric Dubois a terminé ses études au
Conservatoire d’art dramatique de Québec
en 1999. Il est récipiendaire du prix John-
Hirsh 2008, remis par le Conseil des arts du
Canada, qui souligne un début de carrière
singulier et prometteur. Il peaufine une
écriture scénique toute personnelle en
alliant les possibilités qu’offrent les scènes
institutionnelles du Québec à la liberté que
lui apporte sa compagnie de création. Depuis
novembre 2011, il est aussi le coordonnateur
artistique du Théâtre Périscope. Au moment
de faire l’entrevue, Frédéric Dubois séjournait
au Japon dans le cadre de son travail.
© DAVID OSPINA