L11 jan fev 2008 - Institut de Stratégie Comparée

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Hi s t o i r e mi l i t ai r e & S t r a t é g i e
lettre d’information de la
COMMISSION FRANÇAISE
D ’ H I S TO I R E M I L I TA I R E
Janvier-Février 2008 – n°
11
Vie de la Commission
Éditorial
C
CFHM
ette nouvelle année 2008, pour laquelle
je vous présente tous mes vœux, est
celle de notre soixante-dixième anniversaire. L’histoire de notre Commission est
riche. Comme toute organisation, elle a
vécu des périodes difficiles et d’autres plus
fastes. Toujours, elle a été fidèle
à ses objectifs scientifiques et humains.
Les publications rédigées par ses membres
dépassent les dix mille pages. Des réunions
mensuelles ont permis à des dizaines de
chercheurs de trouver un espace
d’expression en toute liberté. L’importance
de la représentation de la Commission au
sein des colloques de la Commission
internationale ne s’est jamais démentie. Il
nous incombe de poursuivre notre action et
je crois que nos projets, pour cette année
et à plus long terme, vont dans ce sens.
Nos réunions se poursuivront à l’École
militaire à partir d’avril. Nous organiserons
le 12 juin, au musée de l’Armée, une
journée d’études consacrée à la diplomatie
militaire. Plusieurs délégations régionales
ont prévu, comme celles d’Artois et de
Méditerranée, d’organiser des journées
d’études et/ou des visites. Bien entendu,
le colloque international, à Trieste, sera
également une occasion de montrer notre
vitalité et notre aptitude à remplir notre
rôle de représentant de la France au sein
de la prestidigieuse organisation.
J’espère que notre effort permettra
d’améliorer la «visibilité» de notre
Commission à la fois dans l’Hexagone et
au dehors. C’est avec ce message d’espoir
que je vous réitère mes vœux pour 2008.
Jean Avenel
président de la CFHM
Voyage d’études de la CFHM en Belgique
30 mai - 1er juin 2008
La CFHM organise son voyage annuel d’études en Belgique du
vendredi 31 mai au dimanche 2 juin 2008 sur quelques-uns des champs
de bataille de la guerre de la ligue d’Augsbourg et de la guerre de
succession d’Espagne.
PROGRAMME
Vendredi 30 mai : Départ de Paris en voiture en début d’après-midi. Sur
le chemin, visite du champ de bataille de Malplaquet
(1709) et du musée de Bavai.
Samedi 31 mai : Visite, avec un guide privé, du champ de bataille
d’Oudenaarde(1708) et de l’exposition internationale
organisée pour la commémoration du tricentenaire de
la bataille.
e
r
Dimanche 1 juin :Visite, avec un guide privé, du champ de bataille de
Steenkerque (1692).
Les personnes intéressées doivent prendre contact avec :
• le secrétaire général, Pierre-Emmanuel Barral
([email protected])
ou avec :
• Madame Claudine Denis ([email protected]).
Délégation Méditerranée-Dauphiné-Rhône
manifestations 2008
Une année chargée s’annonce pour la Délégation,
qui participe – du 28 février au 1er mars 2008 – au
XVe Symposium international du Centre d’histoire
et de prospective militaires, à Pully-Lausanne, sur le
thème du mercenariat et du service étranger.
En préparation, un colloque est prévu en partenariat avec le musée
de l’École d’application de l’artillerie à Draguignan, sur le thème de
l’artillerie hippomobile, portant à quatre ce genre de manifestation
commune. Des conférences sur les dernières nouveautés en matière de
publication d’histoire militaire seront organisées, avec la participation
des auteurs. Enfin, la Délégation ne saurait oublier la tradition du
Kriegspiel, qui sera organisé sur un thème tactique de la Seconde Guerre
mondiale.
Philippe Richardot
Histoire militaire & Stratégie N° 11 – CFHM – Janvier-Février 2008
1
C o n grès inte rnational d’histo i re milita i re
XXXIVe CONGRÈS INTERNATIONAL D’HISTOIRE MILITAIRE, TRIESTE
31 août -5 septembre 2008
Le XXXIVe Congrès international d’histoire militaire se déroulera
à Trieste du 31 août au 5 septembre 2008. Le thème retenu pour cette année porte sur
« Les conflits militaires et les populations civiles :
guerres totales, guerres limitées, guerres asymétriques »
Les personnes désirant y participer sont priées de se mettre d’ores et déjà en rapport avec
le secrétaire général de la CFHM, Pierre-Emmanuel Barral, soit :
• par courrier à l’adresse suivante : 13, rue Linné – 75005 Paris
• par courriel ([email protected])
• par téléphone au 01 43 36 72 50 (en laissant éventuellement un message sur le répondeur)
Site Internet : www.cihm.difesa.it
Les confé rences de la CFHM
La Russie, rempart de l’Occident
par Dominique Farale* le 15 décembre 2007
En raison de sa position géographique, la Russie a subi
pendant des siècles des invasions de nomades asiatiques.
Des Slaves, appelés Russes par la suite, ont peuplé la partie
centrale, forestière, de la Russie. Désireux d’atteindre la
mer, ils ont progressé vers le nord au détriment de peuplades
finnoises établies dans la toundra glaciale des environs du
cercle polaire.
Les steppes situées au nord du Caucase, de la mer d’Azov
et de la mer Noire ont été envahies pendant des siècles par
des vagues de cavaliers asiatiques – Huns, Avars, Bulgares,
Khazars, Magyars, Petchénègues, Oghouz, Polovtses – dont
certaines ont atteint la Hongrie et ravagé une partie de
l’Europe occidentale.
La Russie est née au IXe siècle avec l’arrivée de Varègues
scandinaves qui se sont mêlés aux Slaves de cette région.
Les Russes se sont convertis au christianisme sous le règne
de Vladimir le Grand (fin IXe et début Xe siècles), ont
progressé vers la mer Noire et interrompu ainsi les invasions jaunes en direction de l’Europe. La Russie a été
conquise et ravagée au XIIIe siècle par une invasion mongole
dont elle n’a pu se libérer qu’au XVIe siècle. Elle a ensuite
conquis la Sibérie et le Turkestan occidental, et mis fin aux
invasions jaunes.
Vers le sud, la Russie s’est heurtée aux Turcs ottomans
qui, depuis l’Anatolie – à laquelle ils ont donné le nom de
Turquie –, ont envahi l’Europe au XIVe siècle, conquis la
Grèce, les Balkans, la Roumanie, la Hongrie, et envahi
l’Autriche.
2
La Russie a fortement
contribué, au XIXe siècle, à la
libération de la Grèce, de la
Serbie, de la Roumanie et de
la Bulgarie.
La parenthèse a débouché, en 1991, sur la dislocation de l’URSS. Les
républiques musulmanes du
Turkestan occidental, riche
en pétrole, gaz et minerais,
ont conservé des liens avec la Russie par crainte de la Chine
et de l’islamisme.
La Russie joue à nouveau un rôle de rempart de
l’Occident, en raison de sa position géographique. La Chine
n’est actuellement pas militairement agressive, mais progresse
par immigration clandestine. L’islamisme agit de même en
Europe. Les islamistes – devenus majoritaires en Turquie –
ne sont pas militairement agressifs envers l’Europe dans
laquelle ils veulent pénétrer par adhésion.
Si cette double situation évolue, la Russie est l’alliée
naturelle de l’Europe.
* Saint-cyrien, Dominique Farale est écrivain militaire. Il vient de
publier un ouvrage intitulé La Russie et les Turco-Mongols, 15 siècles
de guerre, aux éditions Economica. Il est membre d’honneur de
la CFHM.
Histoire militaire & Stratégie N° 11 – CFHM – Janvier-Février 2008
Les confé rences de la CFHM
Eylau et Friedland : d’une campagne indécise au triomphe
par Frédéric Naulet*, le 12 janvier 2008
À la fin du mois d’octobre 1806, Napoléon venait d’écraser
la Prusse dans une campagne éclair. Restait la Russie. La
campagne de Pologne allait commencer et se révéler
autrement plus difficile que celles d’Austerlitz et d’Iéna.
Elle se divisa en trois phases distinctes : la manœuvre de
Pultusk (décembre 1806), la campagne d’Eylau (janvierfévrier 1807) et celle de Friedland (juin 1807).
La Grande Armée atteignit les bords de la Vistule fin
novembre. Initialement, l’Empereur avait prévu de faire
prendre à ses troupes ses cantonnements d’hiver, mais le
repli des Russes vers la Narew lui donna l’occasion de
franchir la Vistule et de chercher à battre son adversaire.
Dans un océan de boue et souvent dans la pénombre, la
manœuvre échoua. Le 26 décembre, à Pultusk et à Golymin,
l’armée russe réussit à échapper aux Français. Épuisés, dans
une région ravagée par la politique de la terre brûlée de
l’ennemi, les soldats de la Grande Armée n’étaient plus
capables de poursuivre. Napoléon décida de ne reprendre
les opérations militaires qu’en mars. Le général Bennigsen,
commandant l’armée russe, ne lui en laissa pas le temps.
Fin janvier, ses régiments quittèrent la région des lacs
Mazures pour fondre sur le premier corps de Bernadotte et
lever le blocus de deux places prussiennes sur la Vistule,
Danzig et Graudenz. La manœuvre surprit Napoléon, lequel
mit une semaine pour comprendre les intentions de son
adversaire. Deux raisons expliquent cette incertitude.
Premièrement, les renseignements sur l’ennemi lui
manquaient. La cavalerie légère se heurtait aux redoutables
rideaux de cosaques, lesquels masquaient le déplacement
des régiments russes. Pour la première fois, Napoléon put
mesurer le potentiel de nuisance de ces cavaliers. Deuxièmement, la logique de Bennigsen lui échappait. L’offensive
de ce dernier allait à l’encontre de tous les principes militaires. Sans y être obligés, les Russes s’enfonçaient dans
une nasse formée par la Baltique, la Vistule et les corps de
la Grande Armée.
Le 30 janvier 1807, Napoléon décida d’en profiter en
lançant sa propre offensive vers le nord. Alerté, Bennigsen
se replia promptement vers Königsberg, évitant tout engagement majeur et multipliant les combats d’arrière-garde.
À deux reprises (Jonkowo et Landsberg), Napoléon pensa
tenir la bataille tant recherchée, mais les Russes se défilèrent de nouveau. Cette stratégie, l’Empereur la retrouvera
cinq ans plus tard, durant la campagne de Russie. Persuadé
que Bennigsen ne s’arrêterait pas avant Königsberg, Napoléon n’estima plus nécessaire de garder concentrées l’ensemble de ses forces et ordonna au 6e corps de Ney de
poursuivre ce qu’il restait de l’armée prussienne, dont il
ignorait la position exacte. Cette décision fut lourde de
conséquences. Deux
jours plus tard,
Bennigsen accepta
de livrer bataille à
Eylau, et Ney, trop
éloigné, ne put
arriver qu’en fin de
journée, trop tard pour peser sur les combats. Cette bataille
indécise obligea les deux armées à bout de souffle à prendre,
enfin, leurs cantonnements d’hiver.
Napoléon sortit terriblement affaibli de cette campagne,
brève mais usante. Son armée n’était plus capable de
reprendre l’offensive avant le printemps, et un repli derrière
la Vistule fut envisagé. Tous les acquis de la manœuvre de
Pultusk seraient alors perdus. Plus grave, l’Empereur n’avait
pas été capable de battre les Russes dans une bataille rangée,
et ne semblait plus invincible. L’Autriche pouvait être tentée
de prendre sa revanche. Au grand désespoir de Bennigsen,
il n’en fut rien.
Le dernier acte de la campagne commença le 5 juin 1807,
avec l’offensive de Bennigsen contre le 6e corps de Ney, à
Guttstadt, mais, pour le commandant de l’armée russe, la
seule chance de faire vaciller Napoléon n’avait pas été saisie
après Eylau. Sans espoir sur l’issue de la campagne, il reprit
donc : éviter tout engagement majeur, sauf sur des positions
défensives choisies à l’avance. Ce fut la bataille meurtrière
d’Heilsberg, le 10 juin. Après ce nouvel échec pour détruire
l’armée russe, Napoléon modifia sa stratégie et décida de
manœuvrer sans chercher à percer les desseins d’un adversaire bien difficile à comprendre. Il dirigea une grande partie
de ses forces vers Königsberg. Si les Russes abandonnaient
leur allié, la Prusse perdrait sa dernière place forte. Si
Bennigsen volait à son secours, Napoléon disposerait de
suffisamment de forces pour l’affronter. Contraint de marcher
vers Königsberg, le commandant de l’armée russe fit passer
son armée sur la rive gauche de l’Alle, à Friedland. Pour la
première fois, il fut obligé de livrer bataille sur le terrain
choisi par son adversaire et subit une cuisante défaite le
14 juin 1807. Quatre jours plus tard, il se repliait derrière
le Niémen. La paix fut signée le 7 juillet 1807. Jamais
Napoléon n’avait semblé aussi puissant. Pourtant, par bien
des aspects, la campagne de Pologne préfigurait celle de
Russie cinq ans plus tard.
* Docteur en histoire, Frédéric Naulet est spécialiste de l’artillerie.
Il est l’auteur d’un livre intitulé Antietam, le jour le plus sanglant de
la guerre de sécession (Economica, 2004). Il vient de publier deux
ouvrages aux éditions Economica : Eylau (8 février 1807), des Pultusk
aux neiges d’Eylau, et Friedland (14 juin 1807), la campagne de
Pologne, de Danzig aux rives du Niémen. Il est membre de la CFHM.
Histoire militaire & Stratégie N° 11 – CFHM – Janvier-Février 2008
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Publications
Rehearsals. The German Army in Belgium, August 1914
de Jeff Lipkes*
Rehearsals est le premier livre à fournir un récit détaillé
de l’invasion allemande de la Belgique, en août 1914, qui
affecta les civils. Reposant sur de nombreux témoignages,
le livre raconte les événements qui se déroulèrent autour
des villes de Liège, Aarschot, Andenne, Tamines, Dinant
et Leuven où eurent lieu les pires destructions. Sans aucune
raison légitime, les soldats allemands tuèrent presque
6 000 non-combattants, y compris des femmes et des
enfants, et incendièrent quelque 25 000 maisons et autres
bâtiments.
Pendant plus de soixante-quinze ans, les accusations
d’assassinats, de viols, de pillages et d’incendies volontaires furent repoussées en Allemagne, au Royaume-Uni
et aux États-Unis comme relevant de la propagande de
guerre. Plus récemment, cette flambée de violence (qui
culmina entre le 19 et le 26 août 1914) fut expliquée par
la crainte qu’avaient les Allemands des francs-tireurs civils.
Ce livre apporte des preuves que les exécutions furent
le fruit d’une campagne délibérée de terrorisme ordonnée
par les autorités militaires allemandes.
Pierre-Emmanuel Barral
* Jeff Lipkes a étudié l’histoire
aux universités de Berkeley
et Princeton dont il est diplômé.
Il est l’auteur d’un ouvrage intitulé
Politics, Religion and Classical
Economy in Britain: John Stuart
Mill and his Followers.
Rehearsals. The German Army
in Belgium, August 1914, Leuven
University Press, 832 p. 49,90 euros.
ISBN 978-90-5867-596-5.
Pour commander l’ouvrage :
LEUVEN UNIVERSITY PRESS
Minderbroedersstraat 4, bus 502
B-3000 LEUVEN – Belgique
Courriel : [email protected]
L’Armée et le peuple suisses face aux deux guerres mondiales,
1 9 1 4 - 1 9 18/1939-1945
de Jean-Jacques Langendorf et Pierre Streit*
Pour la première fois, un ouvrage rédigé par deux historiens se livre à une comparaison serrée des conditions dans
lesquelles le peuple suisse et son armée ont dû affronter
les deux dernières guerres.
Ce livre clair, objectif, fortement documenté et richement
illustré, met en parallèle les préparatifs et l’organisation
militaires, les conditions politiques, économiques et sociales
des deux époques, face à la vie quotidienne et au déroulement des hostilités. Leur comparaison fait apparaître le
rôle majeur de la milice et celui, fédérateur, du général
Guisan.
Un livre qui comble une lacune de l’historiographie.
Un livre nécessaire.
P.-E. B.
Pour commander l’ouvrage :
INFOLIO éditions – CH-1124 GOLLION – Suisse
Téléphone : +41 (0)21 863 22 47 – Fax : +41 (0)21 863 22 49
Courriel : [email protected]
Site Internet : www.infolio.ch
4
Histoire militaire & Stratégie N° 11 – CFHM – Janvier-Février 2008
* Jean-Jacques Langendorf,
maître de recherches à l’Institut
de stratégie comparée de Paris,
a publié de nombreux ouvrages
d’histoire politique et militaire,
dont une récente Histoire de
la neutralité. Il est l’auteur de
plusieurs romans et recueils
de nouvelles.
Pierre Streit, historien, travaille
au Département fédéral de
la Défense. Il est directeur
scientifique du Centre d’histoire
et de prospective militaires
à Lausanne, et a publié une
Histoire militaire suisse.
L’ h i sto i re milita i re au cinéma
La charge de la brigade légère au cinéma : mythe et réalité
La « charge de la brigade légère» est l’épisode le plus connu
de la guerre de Crimée qui opposa – à propos de la «question
d’Orient » – la Russie, qui souhaitait démembrer l’empire
ottoman, à la France et à l’Angleterre, qui le refusaient
fermement. L’essentiel du conflit eut pour théâtre la ville
de Sébastopol, principal port russe en mer Noire sur la côte
septentrionale de la Crimée.
Le 25 octobre 1854, les Russes déclenchèrent une attaque
surprise contre la base britannique de Balaklava. Ils furent
victorieusement repoussés par la « brigade lourde » de lord
Raglan, mais purent réorganiser leurs défenses derrière de
puissantes batteries d’artillerie. C’est alors que, pour des
raisons inexplicables, le commandement anglais ordonna
à la brigade légère de lord Cardigan
Errol Flynn dans
de charger. Sur les 673 hommes La Charge de la brigade
participant à cette action, 113 cava- légère, de Michael Curtiz
liers furent tués et 497 chevaux (1936)
furent perdus.
L’épisode, sanglant autant
qu’inutile, fut progressivement
élevé au rang de mythe par la littérature et par le cinéma. Lord Alfred
Tennyson, dans son célèbre poème
contemporain de l’événement,
exalte la Charge des 600 dans la
« Vallée de la mort », transfigurant
l’absurde carnage en geste
héroïque et en symbole des valeurs
de l’Angleterre impériale victorienne. Le cinéma ne pouvait qu’être tenté de s’emparer
du sujet.
En 1936, l’Américain Michael Curtiz réalise une première
version, avec Errol Flynn et Olivia de Havilland dans les
rôles principaux, mélangeant habilement certains faits historiques en les transformant pour les besoins de la cause avec
d’autres, fictifs. Le film se déroule aux Indes britanniques.
Le capitaine Geoffrey Vickers, du 27e lanciers du Bengale,
escorte sir Humphrey Harcourt auprès de Surat Khan, le
puissant émir des Suristanis. Les Britanniques participent
à une chasse au léopard donnée par leur hôte, au cours de
laquelle Vickers s’illustre par son courage. Sir Humphrey
Harcourt annonce à Surat Khan la suppression de la pension
octroyée par le gouvernement britannique à son père. Cela
provoque l’ire de ce dernier, ce dont Vickers se rend compte.
Vickers retourne à Calcutta et découvre que sa fiancée,
Elsa, est amoureuse de son frère Perry. Vickers accomplit
avec un grand succès une délicate mission consistant à ramener
des chevaux. Surat Khan s’emploie à soulever les tribus contre
les autorités britanniques, qui ne se doutent de rien. Sir
Benjamin Warrenton ordonne au colonel Campbell – père d’
Elsa, l’ancienne fiancée de Vickers – d’envoyer le gros des
troupes de Chukoti à Lohara, dégarnissant ainsi dangereusement la ville la plus proche du territoire de Surat Khan.
Chukoti est attaqué par Surat Khan, qui promet aux
assiégés la vie sauve en échange d’une reddition sans
condition, ce qui est accepté. Mais, alors que les Britanniques
sortent du fort, les troupes de Surat Khan les massacrent,
y compris femmes et enfants. Cependant, Vickers – que
Surat Khan a volontairement épargné en souvenir du jour
où il lui sauva la vie – et Elsa parviennent à s’échapper.
Le 27e lanciers est envoyé en Crimée pour participer à
l’offensive franco-anglaise contre les Russes sous les murs
de Sébastopol. Vickers apprend que
Surat Khan a rejoint les Russes.
Avide de vengeance, il rédige un
faux ordre commandant au
27e lanciers d’attaquer les hauteurs
de Balaklava. Il éloigne préventivement son frère pour assurer le
bonheur d’Elsa. Quand Vickers
arrive à la hauteur des lignes russes,
il aperçoit Surat Khan et le transperce de sa lance avant de s’écrouler
à son tour, tué d’un coup de fusil.
Le haut-commandement endosse
la responsabilité de l’opération et
sir Charles Macefield brûle le
document rédigé par Vickers.
La psychologie des personnages est, comme souvent dans
les films d’aventures, sommaire, et l’intrigue, avec la rivalité
amoureuse entre les deux frères, très classique. Cependant,
le personnage de Vickers n’est point exempt d’une dimension
tragique sur le plan personnel (la rivalité amoureuse avec son
frère dont il sauve, finalement, la vie) et collectif (il est l’un
des deux survivants du massacre de Chukoti).
Le film livre une explication originale, bien qu’inventée,
de la charge de la brigade légère. Il aborde des problèmes
historiques et militaires qui eurent une importance réelle.
Le massacre de Chukoti est manifestement inspiré des
massacres de la révolte des Cipayes, lorsqu’une partie des
troupes indigènes se mutine contre l’autorité du Raj britannique en 1857. Un problème stratégique bien réel est évoqué:
la nécessité vitale pour les Britanniques de défendre la frontière nord-ouest des Indes contre les incursions des tribus
rebelles. Le personnage du colonel russe qui conseille Surat
Khan est une évocation du « grand jeu » qui oppose, au
XIXe siècle, la Russie et l’empire britannique, la Crimée et
les Indes apparaissant comme deux théâtres d’opérations
d’une même guerre.
Histoire militaire & Stratégie N° 11 – CFHM – Janvier-Février 2008
5
L’ h i sto i re milita i re au cinéma
L’œuvre donne une image précise de la fameuse armée
des Indes avec les lanciers britanniques, les Cipayes, l’artillerie et les éléphants. Enfin, il s’inscrit dans la grande
tradition des films exaltant l’empire britannique. Geoffrey
Vickers est l’archétype de l’officier colonial britannique
de belle prestance, portant moustache, inébranlable, chevaleresque et galant, courageux jusqu’au sacrifice suprême,
mais également fin diplomate et bon administrateur. D’un
point de vue esthétique et formel, le film met en scène une
des plus belles charges de cavalerie du cinéma. Dans la
même veine, Raoul Walsh tournera une scène similaire
avec Errol Flynn dans le rôle du général Custer (La Charge
fantastique, 1941).
pauvres, la cruauté gratuite des châtiments en vogue dans
l’institution militaire, les préjugés surannés de la caste des
officiers dont la morgue n’a d’égale que l’incompétence.
Ainsi, les deux versions montrent l’évolution des esprits :
à l’apologie de l’héroïsme succède la déconstruction du
mythe. Il est paradoxal de noter que la version américaine
exalte l’empire britannique tandis que la version anglaise
le ridiculise.
Pierre-Emmanuel Barral
Errol Flynn
En 1968, le cinéaste britannique Tony Richardson réalise
une seconde version de La Charge de la brigade légère avec,
dans les rôles principaux, Trevor Howard et Vanessa Redgrave. Cette féroce satire du militarisme et de l’impérialisme
britanniques ainsi que des valeurs de la société victorienne
dénonce l’injustice de la conscription qui pèse sur les plus
B i b l i oth è que milita i re
La bibliothèque du CESAT* à l’École militaire
Le fonds ancien
Il regroupe 40 000 ouvrages provenant de l’École d’étatmajor et de la bibliothèque de l’Hôtel Royal des Invalides.
Une partie de ce fonds exceptionnel est constituée par les
collections provenant du château de Versailles. Les manuscrits des XVIIe et XVIIIe siècles concernent les œuvres de
Vauban, les doubles de la correspondance de Colbert, l’inventaire des joyaux de la couronne effectué sous Louis XIV,
de petits ouvrages destinés à l’éducation du duc de Bourgogne, père de Louis XV, etc. Les ouvrages armoriés ont
appartenu à Louis XV et à Mesdames de France, ses filles.
Le fonds Mirabaud
Il est constitué par la collection du banquier Paul
Mirabaud, réunissant 2 207 volumes et périodiques
rassemblés sur la guerre de 1870-1871 et légués à l’École
supérieure de guerre le 9 novembre 1895.
Les cartes et plans,
un fonds méconnu
Ce fonds est constitué de plus de
3 000 documents. Il comprend
notamment : les facs-similés en
couleur des cartes de la « Table de
Peutinger » (IIIe siècle) exécutés à
partir du manuscrit conservé à
6
Vienne ; plus de 80 cartes et plans manuscrits aquarellés
de places fortes des XVIIe et XVIIIe siècles ; la carte de
Cassini ; des cartes des champs de bataille des guerres de
l’Empire, datant de la première moitié du XIXe siècle ; une
carte des routes de poste de la Russie d’Europe, de 1812 ;
des cartes des expéditions coloniales de la fin du XIXe siècle,
etc. Un ensemble particulier est constitué par des cartes
allemandes de 1940 et 1941 concernant l’Europe centrale
et orientale, la Russie, le Proche et le Moyen-Orient, etc.
Plusieurs cartes estampillées « Geheim » (secret) donnent
des renseignements sur les dispositifs de défense, les bases
aériennes, les dépôts de munitions. Elles sont jointes à des
ouvrages illustrés consacrés à chacun des pays.
Il est à noter que la bibliothèque comprend un atelier
de reliure-restauration.
La bibliothèque du CESAT est ouverte de 9 heures
à 17 heures 30 les mardi et jeudi, le mercredi sur
rendez-vous en téléphonant au 01 44 42 52 30.
Histoire militaire & Stratégie N° 11 – CFHM – Janvier-Février 2008
Marie-France Sardain
* CESAT : Collège d’enseignement
supérieur de l’armée de Terre.
Notes de lecture
Jean-David AVENEL
La Guerre hispano-américaine de 1898. La naissance
de l’impérialisme américain, Economica, 2007, 193 p.
C
ETTE GUERRE DE QUELQUES SEMAINES, faite de rencontres inégales entre les
forces d’une Espagne exsangue et d’une jeune nation pourvue d’une marine
encore de second ordre et d’une armée peu expérimentée, a peu attiré l’attention des historiens européens. J.-D. Avenel nous montre qu’en réalité, outre l’effondrement de l’Espagne et l’accession des États-Unis au rang de puissance, elle amorce
un changement capital dans l’équilibre politique du monde.
Dépassant l’exposé des faits militaires, l’ouvrage embrasse la politique et la diplomatie de l’ensemble de la
planète pendant un siècle : mise en place des conditions du conflit et conséquences jusqu’au milieu du siècle
dernier. Pour atteindre ce but, il a fallu consulter, outre les archives des États-Unis et de La Havane, une abondante bibliographie anglaise, majoritairement américaine et espagnole d’Espagne et de Cuba. L’auteur l’a fait
objectivement en prenant le recul nécessaire. En fait, le sous-titre exprime la plus grande partie des problèmes
abordés. Comme il arrive souvent, un événement médiocre s’estompe devant ses conséquences. La guerre hispanoaméricaine de 1898 n’aura été que le déclic qui a révélé une évolution profonde.
Sans doute vaincre l’Espagne ne présentait-il aucune difficulté. Depuis la guerre de Sécession, le peuple
américain avait pansé ses plaies. Fortes d’une expansion démographique considérable, ses élites accueillaient la
théorie de la « destinée manifeste » inspirée par le darwinisme, à laquelle les écrits de Mahan offraient un instrument de puissance en affirmant la supériorité politique de la puissance navale. L’idée que les États-Unis avaient
un rôle de guide à assumer auprès des peuples attardés, se développait. La politique du président Théodore
Roosevelt est issue de ce mouvement d’idées. Dominant les Caraïbes, posant des jalons dans le Pacifique, la marine
américaine devint la deuxième du monde, tandis que le gouvernement et l’état-major s’employaient à corriger
les faiblesses manifestées par l’armée. Alors que s’apaise la rivalité entre la Grande-Bretagne et les États-Unis,
ces derniers entrés dans la compétition concernant le marché chinois et, d’une manière assez prémonitoire,
rencontrent des résistances du côté de l’Allemagne wilhelminienne et du Japon. C’est dire l’intérêt de l’ouvrage.
André Corvisier
Anne-Aurore INQUIMBERT, Les Équipes Jedburgh,
juin 1944- décembre 1944. Le rôle des services spéciaux
alliés dans le contrôle de la Résistance intérieure
française, Lavauzelle, 2007, 172 p.
Le sous-titre résume parfaitement ce petit livre tiré d’une
thèse. À partir des archives françaises accessibles, l’auteur
décrit en détail la genèse des équipes : le commandement
allié veut utiliser les formations de résistance sur les arrières
ennemis, en les encadrant pour aider les forces de débarquement. Ces équipes sont constituées de trois officiers dont,
au minimum, un Britannique. Elles doivent devenir les yeux,
la bouche et les oreilles de l’état-major interallié. Le commandement gaulliste veut garder, au moins, un droit de regard
sur ces équipes. Mises en place par les services spéciaux,
elles participent aux combats dans toute la France.
La troisième partie est intitulée « Un coup de maître ou
une occasion manquée ». Cette étude fouillée détaille un
type d’équipes spéciales qui va se développer après la guerre,
et encore aujourd’hui sous d’autres noms. Elle est donc d’un
grand intérêt pour les historiens.
Alain Roux
Général MAURICE SCHMITT, Deuxième Bataille
d’Alger (2002-2007) : La bataille judiciaire,
L’Harmattan, 2008, 127 p.
Ayant participé, du 20 juillet au 4 septembre 1957, à la fin
de la bataille d’Alger, le général Schmitt rappelle que quelques
dizaines de parachutistes, de zouaves « et de ralliés » avaient
alors infiltré et neutralisé l’organisation terroriste de la Zone
autonome (ZAA). Il a relaté cette opération dans son livre
précédent, Alger, été 1957, Victoire sur le terrorisme.
À la suite d’interventions dans les médias, il s’est trouvé
confronté aux plaintes en justice de deux personnes qu’il
avait accusées de mensonge : une ancienne terroriste algérienne, soutenue par certains médias; un ancien soldat appelé,
sympathisant communiste, faisant état de massacres et de
viols imaginaires. En première instance, des tribunaux mal
Histoire militaire & Stratégie N° 11 – CFHM – Janvier-Février 2008
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Notes de lecture
informés ont donné partiellement raison aux plaignants. Les
instances d’appel et la cour de cassation, en revanche, ont
reconnu leurs affabulations.
Avec clarté et précision, l’auteur décrit cette deuxième
bataille et revient sur des faits non contestables. Il démontre
en particulier que le colonel Bigeard, engagé dans l’opération Timimoun, ne pouvait pas se trouver à Alger pour
assister aux interrogatoires d’une terroriste, laquelle d’ailleurs ne présentait aucune importance alors que la bataille
d’Alger était terminée. Il dénonce également l’imposture
d’un sous-officier, hospitalisé au moment des faits.
Plusieurs passages du livre présentent un grand intérêt
pour l’Histoire :
- la lettre de repentance de trois chefs terroristes, qui proposent
d’œuvrer avec l’armée pour construire une Algérie nouvelle,
- la critique argumentée du livre d’une journaliste du Monde,
admiratrice du traître Maillot,
- le rappel des directives du général Schmitt, prescrivant de
respecter l’intégrité des individus : « Tout faire pour éviter
la torture, sans éluder cependant le cas extrême où des vies
sont en danger. »
Maurice Faivre
Philippe LACHAL, Fortifications des Alpes. Leur rôle
dans les combats de 1939-1945 : Ubaye, Ubayette,
Restefond, éditions du Fournel (2, avenue de Vallouise,
05120 L’Argentière La Bessée).
Ce magnifique album est en même temps une étude historique précise. Il se distingue au moment où les souvenirs
intellectuels et aussi matériels disparaissent.
Il décrit les fortifications de la ligne Maginot érigées dans
cette partie des Alpes avant 1939, de la vallée de l’Ubaye
au col de Larche – Dauphiné sud-est de Briançon. Elles
permettront à l’équivalent d’un régiment français d’arrêter
sur place et de détruire partiellement les divisions italiennes
qui les attaquent en juin 1940. Les combats sont racontés
dans le détail. Le résultat des pertes est éloquent : 2 000
soldats italiens, pourtant courageux, contre une centaine de
Français. Les ouvrages fortifiés sont décrits dans le détail
avec leurs plans et leurs photographies d’hier et d’aujourd’hui,
ainsi que les combats de 1940 et ceux, toujours oubliés, de
l’hiver 44-45.
Il faut noter que la plupart des ouvrages fortifiés ne sont
plus entretenus depuis qu’ils sont intégrés dans le parc national
du Mercantour.
Cette étude enchantera les amateurs de fortifications, les
Chasseurs évidemment, et tous ceux qui veulent mieux
CFHM
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connaître cette région superbe et sauvage. Les historiens
militaires se verront confirmer que les fortifications sont un
excellent investissement, y compris en montagne – au moins
jusqu’à la fin du XXe siècle –, et que la doctrine du général
Guisan se fondait sur un exemple solide.
A. R.
Vassili GROSSMAN, Carnets de guerre de Moscou
à Berlin 1941-1945, Calmann-Lévy, Paris, 2007.
Ce livre présente les carnets de guerre que le célèbre écrivain
rédigea entre 1941 et 1945. Suite à l’invasion allemande,
Grossman fut envoyé sur le front par le général Ortenberg,
rédacteur en chef du « journal officiel de l’Armée rouge »,
Krasnaïa Zvezda, qui était lu avec avidité par les civils russes.
Les Carnets sont une description précise, documentée et
humaine car fondée sur des conversations avec des soldats
que Grossman côtoyait – et dont il avait gagné la confiance –
au cours de la guerre sur le front de l’Est. Si elle se révèle
souvent passionnée, son caractère littéraire la rend vivante
et d’accès agréable, y compris pour le non-spécialiste. Des
notes et des commentaires, présentés par Antony Beevor et
Luba Vinogradova, permettent de resituer les documents
dans leur contexte historique.
Grossman se brouilla avec Staline après la guerre et
échappa de peu au goulag. Il mourut en 1960, à 55 ans.
Jean Avenel
Art LEETE, La Guerre du Kazym. Les peuples
de Sibérie occidentale contre le pouvoir soviétique
(1933-1934), L’Harmattan, Paris, 2007, 318 p.
Ce professeur d’ethnologie de l’université de Tartu (Estonie)
décrit ici la soviétisation des peuples autochtones de Sibérie
après la Révolution. Ignorée par l’historiographie soviétique,
voire russe et occidentale, elle fut longue et violente à l’instar
de la soviétisation dans d’autres régions de l’empire (Asie
centrale).
Leete, spécialiste de l’histoire des peuples de Sibérie,
nous présente ce conflit – assez court en soi mais particulièrement dur – entre les peuples du nord de l’Union soviétique
et le pouvoir central, en le replaçant dans un cadre historique et culturel plus large. Son récit débute dans les années
1920, alors que l’insurrection dura environ une année.
Nous découvrons ainsi un aspect malheureusement peu
connu, et peu médiatisé, des débuts du communisme en
Russie. L’auteur s’appuie sur des archives, des témoignages
recueillis pendant dix ans, et une abondante bibliographie.
J. A.
Histoire militaire & Stratégie – Lettre d’information de la Commission française d’histoire militaire – Château de Vincennes – Tour des Salves – BP 109 – 00481 Armées
Courriel [email protected] – Directeur de la publication Jean Avenel – Rédacteur en chef Pierre-Emmanuel Barral – Rédacteur en chef adjoint
François Soffer – Secrétaire de rédaction Françoise Bouquerel
le numéro : 4 euros
Histoire militaire & Stratégie N° 11 – CFHM – Janvier-Février 2008
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