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17 septembre2008 1991
et les données manquent encore à propos de l’évolution
symptomatique et de l’histoire naturelle du TDA-H à un
âge plus avancé.
Les taux de persistance du trouble ainsi obtenus varient
de manière importante (de 20% à 60%). Ces différences peu-
vent s’expliquer par les critères d’inclusion et d’exclusion
adoptés pour constituer les populations cliniques (par
exemple, les sujets répondant aussi aux critères d’un trou-
ble des conduites sont-ils ou non inclus dans l’étude ?),
mais elles tiennent surtout aux critères utilisés pour diag-
nostiquer le trouble à l’âge adulte. Alors que certains tra-
vaux ne considèrent comme souffrant de TDA-H que les
sujets présentant tous les critères de définition du trou-
ble, d’autres études incluent des patient(e)s ayant un nom-
bre de symptômes inférieur au seuil exigé par le DSM-IV-
TR. Dans le premier cas, c’est la
persistance du syndrome
qui
est exigée (au moins six symptômes d’inattention et/ou six
symptômes d’hyperactivité-impulsivité), dans le second
c’est la
persistance de symptômes
qui est prise en compte, pour
autant qu’elle s’accompagne de répercussions fonctionnel-
les marquées.3En toute rigueur, il s’agit alors, selon le
DSM-IV-TR, de TDA-H en rémission partielle, mais cette
expression pourrait égarer, car ces patient(e)s sont souvent
profondément perturbé(e)s dans leur vie relationnelle et
affective autant que sociale et professionnelle.
Plus récemment des
études épidémiologiques
en population
générale ont été conduites. Kessler et coll., en adoptant
des critères restrictifs de définition du trouble (critères du
DSM-IV et apparition de la symptomatologie avant l’âge
de sept ans), ont estimé à 4,4% la prévalence du TDA-H
chez l’adulte.4Cette étude a par ailleurs confirmé l’impor-
tance de la comorbidité et révélé que la majorité des
sujets relevant de ce diagnostic n’étaient pas en traite-
ment pour ce trouble. L’étude de Fayyad et coll.,5menée
sous l’égide de l’OMS dans une dizaine de pays, donne
une prévalence moyenne du TDA-H chez l’adulte de 3,4%.
Atitre de comparaison, signalons qu’une prévalence de
5,29% a été obtenue chez les enfants et les adolescents
par une méta-analyse récente.6La recherche de facteurs
prédictifs de la persistance du trouble se heurte à des dif-
ficultés méthodologiques et à l’absence d’enquêtes épi-
démiologiques prospectives de grande ampleur. A ce jour,
le seul facteur prédictif identifié est la sévérité du TDA-H
dans l’enfance.7
HISTOIRE NATURELLE DU TROUBLE
Certes, le TDA-H présente chez l’adulte de nombreuses
caractéristiques cliniques identiques à celles qui ont été
depuis longtemps décrites chez l’enfant, ce qui a par ail-
leurs contribué à valider cette entité nosologique,amais la
permanence du TDA-H de l’enfant à l’adulte ne doit pas
suggérer que la symptomatologie du trouble demeure
inchangée. Une diminution plus marquée des symptômes
d’hyperactivité/impulsivité que des troubles attentionnels
est communément observée et, de fait, l’inattention, les
troubles de la concentration, la désorganisation et l’inachè-
vement des tâches représentent le motif premier de con-
sultation des adultes qui s’adressent souvent de leur pro-
pre chef à un spécialiste.8Ce sont parfois d’autres symp-
tômes qui amènent à consulter : troubles du contrôle des
impulsions et de l’expression des émotions, avec en par-
ticulier des explosions de colère, procrastination, oublis,
impatience et faible tolérance à la frustration, mauvaise
estime de soi, difficultés relationnelles, sentiment d’inac-
complissement ; ce peut être aussi une symptomatologie
dépressive ou anxieuse, fréquemment présente.
Mais la liste de dix-huit symptômes figurant dans le
DSM-IV-TR, qui donne au TDA-H de l’enfant sa signature
clinique spécifique, est-elle la plus appropriée pour carac-
tériser ce même trouble à l’âge adulte? Rappelant à propos
que cette symptomatologie est le produit d’études empi-
riques réalisées chez l’enfant et qu’il n’est peut-être pas
judicieux de se contenter de la transposer ainsi à l’adulte,
Barkley et coll. se sont demandés si d’autres symptômes
n’étaient pas de nature à mieux caractériser le TDA-H de
l’adulte. En se fondant sur des données de psychologie du
développement et de neuropsychologie, ils ont établi un
modèle théorique s’appuyant sur l’évaluation des fonc-
tions exécutives et sur les notions d’inhibition comporte-
mentale et d’autorégulation.bAla suite d’un long processus
de recherche, six symptômes se rapportant aux perturba-
tions des fonctions exécutives se sont révélés très discri-
minatifs : (1) prendre des décisions de manière impulsive ;
(2) avoir des difficultés à interrompre une activité ou un
comportement quand c’est nécessaire; (3) initier un projet
ou commencer une activité sans prendre soin de lire ou
d’écouter les directives ou les instructions; (4) faire preuve
de manque de continuité dans ses projets ou ses engage-
ments ; (5) avoir de la peine à faire les choses dans l’ordre
ou selon la séquence appropriée et (6) conduireàune vites-
se excessive. Ces symptômes ou comportements sont pro-
posés comme critères pour le DSM-V.9
COMORBIDITÉS
Le TDA-H est souvent associé dès l’enfance à d’autres
troubles psychiatriques ou neurologiques qui en compli-
quent le traitement et en péjorent le pronostic : troubles
anxieux et troubles de l’humeur,trouble des conduites,
trouble oppositionnel avec provocation, tics, dyslexie et
troubles de l’apprentissage de la lecture. Par ailleurs, il
augmente le risque de développer d’autres pathologies
psychiatriques, particulièrement les addictions: abus et/ou
dépendance à l’alcool, aux drogues et à la nicotine sont
beaucoup plus fréquents chez les sujets ayant eu un diag-
nostic de TDA-H dans l’enfance. Une récente étude pros-
pective a permis de préciser la nature du lien entre TDA-H
et abus/dépendance à diverses substances. Elle suggère
qu’une approche dimensionnelle est plus apte à éclairer
ces relations: ce sont en effet les dimensions d’impulsivité
et d’hyperactivité qui permettent de prédirela survenue
ultérieure de dépendance aux drogues et à la nicotine, alors
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a Les comorbidités psychiatriques, les perturbations neuropsychologiques, les facteurs
génétiques de vulnérabilité sont identiques chez l’enfant et l’adulte et dans les deux
cas les psychostimulants offrent un traitement pharmacologique efficace.
b Ce modèle fait appel à des notions complexes de neuropsychologie et de psychologie
du développement. Le lecteur intéressé pourra se rapporter au chapitre 7 (Identifying
new symptoms of ADHD in adulhood) de l’ouvrage mentionné en référence.
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