CONFÉRENCE PHILOSOPHIQUE “Plus l’être humain sera éclairé, plus il sera libre.” Voltaire LA SIMPLICITÉ VOLONTAIRE Une philosophie de vie CONFÉRENCE PAR JEAN-CLAUDE BOUTEMY Association ALDÉRAN Toulouse pour la promotion de la Philosophie MAISON DE LA PHILOSOPHIE 29 rue de la digue, 31300 Toulouse Tél : 05.61.42.14.40 Email : [email protected] Site : www.alderan-philo.org conférence N°1600-118 LA SIMPLICITÉ VOLONTAIRE, UNE PHILOSOPHIE DE VIE conférence de Jean-Claude Boutémy donnée le 25/02/2010 à la Maison de la philosophie à Toulouse À l'opposé de la publicité, qui nous promet un bonheur par la consommation et s'adresse surtout à notre inconscient (nos désirs, nos pulsion, etc.), la philosophie vise à nous rendre plus heureux, plus conscient de notre vie, par les voies de la raison. La simplicité volontaire est une démarche personnelle, une attitude, un état d'esprit qui permet d'affirmer ses choix de vie, dans un environnement de surconsommation, tranquillement, sans frustration, en restant centré sur l'essentiel et la joie de vivre. Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-118 : “La simplicité volontaire“ - 24/02/2010 - page 2 LA SIMPLICITÉ VOLONTAIRE PLAN DE LA CONFÉRENCE PAR JEAN-CLAUDE BOUTÉMY INTRODUCTION Le point de vue de l'exposé En mars 2009, j'ai eu l'occasion de présenter ici même, une synthèse de l'écologie politique, sa genèse, sa diversité propre, et les reconversions culturelles qu'elle nous amène à faire, en particulier : repenser le progrès, le productivisme, notre mode de développement, la croissance, et le sens du travail. Le point de vue était politique, au sens «organisation de la société», et invitait à une réflexion sur le capitalisme, le socialisme et l'urgence écologique. L'écologie comme une montagne, a plusieurs versants, on peut l'explorer, la décrire selon le versant scientifique, politique, ou bien pratique, personnel, symbolique voire spirituel. Aujourd'hui, c'est de cette démarche personnelle dont nous allons parler, et en particulier de ses aspects philosophiques. L'expérience de l'auteur Quand j'étais petit, je rêvais d'être inventeur, j'étais passionné par les découvertes scientifiques et les inventions techniques. J'ai choisi le métier de l'électronique et j'ai eu la chance de passer quarante années de ma vie au Centre National d'Études Spatiales, à imaginer et mettre au point des instruments d'observation de la terre et du ciel. Rien de plus artificiel que ces satellites, et pourtant seule la prise de recul depuis l'espace a permis cette compréhension globale de notre écosystème, et de la nature dont nous faisons partie. À la retraite, je profite, depuis quelques années, de la formation de La Maison de la Philosophie, où l'association Aldéran invite particulièrement à la Conscience, de Soi, des Autres, de la Cité et du Cosmos. Le contexte de cette présentation Le titre de cette conférence vient d'un article du numéro 332 de Citoyens (revue de La Vie Nouvelle, mouvement d'éducation populaire et d'engagement citoyen) consacré à la simplicité volontaire. Le groupe local «La Vie Nouvelle» de Toulouse a choisi de s'investir sur ce thème, et vous propose un atelier mensuel sur divers aspects de cette simplicité volontaire (détails en fin de séance). Je remercie La Maison de la Philosophie de son invitation, et sa stimulation personnelle à sortir des bouquins pour oser un échange et une parole publique. Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-118 : “La simplicité volontaire“ - 24/02/2010 - page 3 LA SIMPLICITÉ VOLONTAIRE PLAN DE LA CONFÉRENCE I CE QUI N’EST PAS NOUVEAU...DEPUIS L’ANTIQUITÉ 1 - La compétition pour les signes de la dominance sociale 2 - Les voies du détachement : par la sagesse, par la spiritualité, ... II CE QUI EST NOUVEAU... AVEC LA SOCIÉTÉ DE CONSOMMATION 1 - La problématique écologique 2 - Quels choix avons-nous, individuellement ? III EN QUOI LA SIMPLICITÉ VOLONTAIRE EST-ELLE UNE PHILOSOPHIE ? 1 - Appel à conscience et réflexion 2 - Mes désirs et mes besoins 3 - Se libérer 4 - Créer du lien IV SIMPLICITE-PAUVRETÉ-ASCÉTISME : QUELLE PLACE AU PLAISIR ? 1 - Simplicité/pauvreté/misère 2 - Simplicité/facilité 3 - Simplicité/ascétisme V FAIRE SOCIÉTÉ AUTREMENT 1 - Ni norme, ni dogme, ni idéologie 2 - Importance du lien VI CONCLUSION 1 - Démarche personnelle 2 - Risque de contagion 3 - Vers la décroissance ORA ET LABORA Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-118 : “La simplicité volontaire“ - 24/02/2010 - page 4 LA SIMPLICITÉ VOLONTAIRE PLAN DÉTAILLÉ I CE QUI N'EST PAS NOUVEAU En effet la simplicité n'est pas née d'hier, c'est une vielle idée. Commençons par les évidences, un constat des comportements humains, prosaïque et banal, une sorte de constante ou d' ambivalence de l'humanité, de l'antiquité jusqu'à nos jours, 1 - De tous temps, les humains se sont disputés les signes de la dominance sociale, que ce soit du pouvoir, ou bien des richesses , les deux allant souvent de pair, et en conséquence ont passé leur vie, consacré une part significative de leur énergie, à : accaparer, conquérir, préserver. Serait-ce dans la nature profonde de l'être humain, comme on l'entend souvent dire nature individuelle, ou nature des sociétés ? Vaste question, mais qui sort du cadre de ce modeste exposé … 2 - D'autres bipèdes, non moins humains que les précédents, mais sans doute plus minoritaires, avaient une autre vision, une autre ambition dans leur vie : au contraire, ils valorisaient une vie simple, un détachement des biens de ce monde, un certain dépouillement, et font finalement, de la simplicité une très vielle idée. Mais pourquoi, pour quels motifs le faisaient-ils ? En gros pour deux types de raison : par sagesse, ou par spiritualité. A - soit par sagesse, ou philosophie, qui est l'amour de la sagesse. La philosophie n'est-elle pas fondamentalement une attitude de méfiance à l'égard des apparences, même attrayantes, résistance à l'ordre établi ? Pour exemple, quelques incontournables figures historiques emblématiques : Socrate, qui choisit d'enseigner dans les rues d'Athènes, pauvre et mal vêtu, clamant son «je sais que je ne sais rien». Il nous a laissé l'image type du penseur qui résiste aux honneurs et aux richesses, contrairement à ses ennemis les sophistes, qui lui reprochent de ne pas prendre part à la vie politique. Diogène, philosophe cynique, fils de banquier, choisit délibérément de vivre sur la place publique, dans une grande amphore. Il allait pieds nus couvert d'un manteau grossier : ayant vu un enfant boire avec ses mains à la fontaine, il conclut que son écuelle était inutile et s'en débarrassa. Épicure, par sa morale, considère le plaisir comme à l'origine du bien et de la vertu, et prône une maîtrise du désir et la recherche d'une vie sobre : il a célébré la volupté de boire une modeste coupe d'eau fraîche... Végétarien, Épicure a vécu dans la simplicité, non dans l'ascèse, il défend l'auto suffisance (lettre à Ménécée), et comme Bouddha (à peu près la même époque) prône l'ataraxie, la suppression de toute douleur. Avec Épicure donc, la sobriété est justifiée par la recherche du plaisir et non pour des raisons mystiques ou métaphysiques. Plus près de nous au 18ème siècle, la simplicité trouve une nouvelle expression avec Jean-Jacques Rousseau, qui renonce aux honneurs de la Cour et se retire. Il cultive l'image de l'homme sauvage, suite aux récits idylliques des grands voyageurs de l'époque (Bougainville...), baignée du romantisme ambiant. On pourrait citer au 19ème d'autres figures emblématiques de cette démarche de Tolstoï à Gandhi, en passant par l'américain Henry David Thoreau et son célèbre «Walden ou la vie dans les bois». Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-118 : “La simplicité volontaire“ - 24/02/2010 - page 5 B - soit par spiritualité Les fondateurs des grandes religions ont généralement enseigné le détachement des richesses : Jésus «nul ne peut servir deux maîtres, Dieu et l'argent», «heureux ceux qui ont une âme de pauvre». Pour Lao Tseu (inspirateur du taoïsme) : «il n'y a pas de plus grande calamité que le désir d'acquérir». Plus près de nous, au début du XIII° siècle, François d'Assises après une jeunesse dorée, s'oriente vers la vie religieuse. Un jour, sommé de rendre des comptes à son père, il abandonne l'argent qui lui reste, se défait sur la place publique de tous ses vêtements et décide d'épouser «Dame Pauvreté», et fonde l'ordre des Franciscains. 3 - À côté de tous ces champions historiques de la simplicité radicale, il ne faut pas oublier l'immense majorité, la multitude des gens simples, les messieurs Jourdain, les madame tout-le-monde, qui pratiquent au quotidien une forme de simplicité. À côté des accros de la richesse, des experts de l'ascèse, une foule des gens stressés par leur survie quotidienne, n'accèdent pas à la sécurité élémentaire leur permettant de se poser ces questions (cf. pyramide de Maslow), et subissent leur sort bon gré mal gré, comme une fatalité, parce qu'ils n'ont pas beaucoup d'autres choix. Mais là encore deux attitudes sont possibles suivant le ressenti de la situation, soit le vivre comme une frustration, plus ou moins supportable, soit être dans une relative acceptation de ce sur quoi on a peu, ou pas de prise. Ce qui est déjà une attitude philosophique, même si elle n'est pas formalisée par un discours. Être capable au quotidien d'assez de lucidité pour distinguer : ce qui dépend de nous (et s'y engager) de ce qui n'en dépend pas (et l'accepter) n'est pas très loin des philosophies orientales, du stoïcisme, de Montaigne ou Spinoza. La philosophie aussi, peut se vivre simplement. Et la simplicité volontaire, dans sa forme moderne, que nous allons aborder, justement s'adresse à tout le monde, et contient en elle-même cette dimension de modestie et d'humilité. II CE QUI EST NOUVEAU Les temps anciens étaient durs, la rareté économique était la règle, l'abondance l'exception. C'est ce contexte qui a profondément évolué. Qu'est-ce qui a changé ? Le siècle dernier malgré deux guerres mondiales, a vu l'accès au confort de vie, en occident du moins, de larges couches de population, et la naissance, (suite à la crise de 1929), en particulier avec ce qu'on a appelé le «Fordisme», d'une société dite de consommation, fondée sur un pétrole abondant et peu cher. Elle s'est progressivement mondialisée, ceci de plus en plus rapidement depuis les années 1980-1990. Depuis longtemps déjà (vers les années 1960), des voix prophétiques se sont élevées (Dumont, Ellul, Gorz, Illich,le club de Rome, etc.) pour dénoncer : les limites de la croissance, les dégâts du progrès, la course au toujours plus. Malgré leurs avertissements, le phénomène productiviste s'est accru, avec les conséquences écologiques que l'on sait accompagné d'une redistribution internationale du travail, d'une libéralisation financière totale, et d'une croissance démographique sans précédent, qui en aggravent les conséquences. La problématique écologique : L'épuisement des ressources, se profile à l'horizon, mais l'urgence liée au réchauffement climatique va probablement imposer son tempo, avec ses contraintes de modération énergétique, de limitation du gaspillage des ressources, de soutenabilité du développement. Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-118 : “La simplicité volontaire“ - 24/02/2010 - page 6 C'est dans ce contexte qu'émergent, depuis une vingtaine d'années, des politiques alternatives, ayant pour but d'organiser ces transformations sociales, une prise de conscience collective et les concepts nouveaux : de décroissance (empreinte écologique, des gaspillages d'énergies et de ressources), de frugalité conviviale, d'austérité joyeuse (Illich), sobriété heureuse (Rabbi), de simplicité volontaire (Mongeau), d'objecteurs de croissance, venant de gens qui partagent l'intuition, et la conviction : qu'on peut vivre mieux avec moins, ou bien travailler moins pour vivre plus. C'est cette diversité d'approches que nous allons approfondir dans nos prochains ateliers philo mensuels auxquels vous êtes invités à participer, où nous avons retenu trois angles particuliers : La simplicité face à la complexité industrielle, à partir d'Ivan Illich et André Gorz La simplicité face à nos modes de vie à partir de Pierre Rabhi et Edgar Morin La simplicité face à la sur abondance à partir de Christian Arnsperger et Patrick Viveret En effet, le changement qui nous attend, est de nature politique et d'échelle mondiale, il déclinera des normes sur des territoires, mais il implique aussi un changement de comportement individuel pour chacun de nous. Quels choix avons-nous, individuellement ? Ma conviction est qu'individuellement nous avons deux types d'attitudes possibles : soit de le subir comme une contrainte désagréable, avec regret, en traînant les pieds, soit de l'accompagner, de l'anticiper même, avec responsabilité et même avec joie, en comprenant la nécessité objective et rationnelle de changer certains comportements, et aussi en comprenant l'intérêt qualitatif que cela peut apporter dans notre vie quotidienne : c'est précisément à quoi nous invite la simplicité volontaire, volontaire parce que choisie. III EN QUOI EST-ELLE PHILOSOPHIE ? Une définition, parmi d'autres, celle de Paul Ariès (politologue, écrivain) : Pratiquer la simplicité volontaire, c'est choisir de vivre autrement, plus frugalement avec moins de consommation, moins de technologies, moins de vitesse, moins de soumission à des normes. C'est avant tout faire le choix du souhaitable et du désirable, afin de rompre avec le mythe du «toujours plus», de la croissance et de la consommation devenue addiction. À mon sens, parce qu'elle fait appel à la conscience et la réflexion dans l'acte même de consommer. Plutôt qu'à la facilité, aux habitudes, aux automatismes si manipulables par la publicité. 1 - Conscience qu'au-delà d'un certain seuil de confort (assez/trop) Ma satisfaction est suffisante à mon épanouissement et à mon bonheur. Réflexion : - sur la justice d'un certain niveau de partage, - sur la prise en compte des générations futures, - sur le non sens de réduire la biodiversité. Autrement dit, introduction d'un jugement éthique sur les conséquences de mes actes (responsabilité), (impact écologique, impact social), préalablement à une décision économique basée sur mon pouvoir d'achat, la qualité du produit ou du service. 2 - Conscience plus affinée de la nature de mes désirs : - ceux qui touchent à mon être profond, qui sont réellement importants pour moi au sens de mon existence, à ma singularité - ceux plus superficiels liés au paraître, au mimétisme social, à la rivalité - ceux carrément induits par le conformisme ou la publicité, à la mode Réflexion sur la réalité de mes besoins : - sur les diverses façons de les satisfaire, Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-118 : “La simplicité volontaire“ - 24/02/2010 - page 7 - sur l'évaluation des avantages immédiats et des effets négatifs à plus long terme. Bien entendu, comme chaque personne est complexe et singulière, ces réflexions intègrent à la fois des éléments objectifs et subjectifs, et aboutissent à des choix diversifiés, heureusement. En conséquence, il ne s'agit pas d'adopter un prêt à penser normalisé, mais de se livrer un réel examen, de ses habitudes de penser et de faire. (Cf. Connais-toi toi-même) Comment ça marche ? Rentrant dans ce processus de réflexion, l'individu évite la consommation compulsive et insatiable, en même temps qu'il se libère, paradoxalement, là précisément où il craignait d'être frustré. Faire l'effort de penser par soi même est par nature libérateur, (reprendre le gouvernail de sa vie), accroît la confiance en soi, l'estime de soi, une conquête d'autonomie et d'affirmation, et agir selon sa pensée est une satisfaction supplémentaire, Être capable de différer un achat, de prendre le temps de la réflexion, (ce temps qui nous manque, qui nous échappe), d'imaginer de faire autrement, (créativité, inventivité, ouverture...) par exemple de mutualiser la possession et de partager l'usage, est déjà une victoire immédiate, bonne pour le portefeuille, mais souvent aussi l'occasion de créer des liens supplémentaires, entre voisins ou amis, porte ouverte à la convivialité (la création de lien prime la possession d'un bien). Combien de lamentations sur le monde inhumain, soumis à l'économie de profit, alors que nous délaissons notre pouvoir d'action local, nos solidarités personnelles. IV SIMPLICITÉ - PAUVRETÉ - ASCÉTISME : QUELLE PLACE AU PLAISIR ? Simplicité / Pauvreté / Misère Quelques précisions de langage. Couramment la misère c'est le manque du nécessaire, alors que la pauvreté est le manque du superflu. André Gorz avait pointé la relativité de la pauvreté par opposition à l'objectivité de la misère : on est pauvre au Vietnam quand on marche pieds nus, en Chine quand on n'a pas de vélo, en France quand on n'a pas de voiture, et aux États-Unis quand on n'en a qu'une petite... tout le monde est le pauvre (ou le riche) de quelqu'un. On est miséreux quand on n'a pas les moyen de satisfaire des besoins élémentaires : manger à sa faim, boire, se soigner, avoir un toit décent, se vêtir. Dans son ouvrage «quand la misère chasse la pauvreté», Majid Rahnema explique comment les sociétés vernaculaires vivant sobrement et pauvrement sont déstabilisées par les échanges internationaux, y compris les programmes d'aide au développement, qui aggravent la dépendance et précipite des populations dans la misère. Selon Serge Mongeau, parce qu'elle est choisie, la simplicité volontaire se distingue d'une pauvreté subie et imposée par les circonstances. Christian Arnsperger rappelle aussi (dans «Éloge du simple»), que c'est la liberté de choix qui est déterminante, et que les traditions spirituelles désignent par pauvreté un dépouillement choisi et serein. Simplicité / facilité Affirmer son indépendance d'esprit vis-à-vis de la publicité, est facile à dire. L'assumer en actes est déjà moins facile. Face à la pub qui sournoisement nous séduit et nous harcèle, qui flatte notre désir de paraître, nous pousse à toujours plus acheter, à vivre à crédit (peut-être au dessus de nos moyens réels), l'attention, la vigilance et la volonté sont nécessaires à l'exercice de la simplicité, comme à l'exercice de notre liberté : penser par nous même, affirmer notre autonomie, rester maître de nos choix, et les assumer personnellement ce n'est pas suivre la pente de la facilité. Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-118 : “La simplicité volontaire“ - 24/02/2010 - page 8 Simplicité / Ascétisme De son côté, Serge Mongeau («la simplicité volontaire plus que jamais» - Montréal Ecosociété) tient à distinguer simplicité d'ascétisme au motif que : l'ascète se prive volontairement des plaisirs de la vie matérielle, dans sa recherche d'une vie spirituelle plus intense, alors que l'adepte de la simplicité volontaire ne fuit pas le plaisir, puisqu'il cherche à s'y épanouir pleinement, mais il a compris qu'il ne peut y arriver par les voies que lui offre la société de consommation. Donc vivre sobrement, n'est pas se priver d'un bien, mais choisir de la remplacer par autre chose qui apporte davantage. Pour Paul Aries, ce n'est pas réduire la part d'un gâteau, c'est changer la recette. Selon Mongeau toujours, ce dépouillement laisse plus de place à la conscience, c'est un état d'esprit qui convie à apprécier, savourer, rechercher la qualité c'est renoncer aux objets qui alourdissent, gênent et empêchent d'aller au bout de ses possibilités. Qu'aurait dit d'autre Épicure ? V FAIRE SOCIÉTÉ, AUTREMENT Au sens des rapports avec les personnes que nous rencontrons. La Simplicité Volontaire, ce qu'elle n'est pas, les pièges à éviter. Pas une nouvelle norme de comportement, ou un retour au passé, Cette voie de simplicité volontaire n'est pas une idéologie, ou un carcan dogmatique, avec des listes de choses à faire ou pas, sans culpabilité Choix personnel et pas figé Choisir de ne pas suivre la mode ou de consommer autrement est un acte lucide et personnel, une décision réfléchie, prise à un moment donné, sur laquelle on peut revenir si elle ne convient plus. Progressivité, souplesse, tolérance C'est un chemin où chacun s'engage peu à peu, à son rythme. En lien avec d'autres, Née aux USA et au Quebec, la simplicité volontaire est bien implantée en Wallonie où des groupes se retrouvent chaque mois pour échanger sur leurs expériences, un peu à la manière des alcooliques anonymes : Il est vrai que notre mode de consommation a les caractères parfois d'une addiction, et que l'accompagnement collectif du sevrage à l'encombrement et à la surconsommation peut être pertinent. Là encore, il s'agit davantage de mutualiser des expériences, d'échanger des idées pratiques, de faire fonctionner l'intelligence collective, dans la confiance, l'humour et la convivialité, et non de se soumettre à une norme quelconque, ou au jugement de ses semblables. Cette pratique collective, est tout à fait cohérente avec la démarche individuelle de la S V. Elle ne doit pas nous faire peur. (je l'ai personnellement expérimenté à plusieurs reprises : dans ma vie militante (syndicale, non violente …), dans l'éducation populaire (à La Vie Nouvelle...)). Alléger sa vie de tout ce qui l'encombre est une manière de privilégier l'être plutôt que l'avoir, et en conséquence de valoriser les relations humaines et la solidarité, ce qui permet aussi à la simplicité volontaire de s'adresser non seulement aux malades de la fièvre acheteuse, mais aussi aux exclus des circuits commerciaux pour insolvabilité, et s'avoisine alors aux systèmes d'échanges locaux (SEL). : Moins de biens mais plus de lien une façon de faire société autrement Cette réflexion sur l'importance du lien entre les personnes, y compris dans l'échange de biens matériels ou de services. Ce qui conduit aussi à privilégier les circuits courts (AMAP), les structures coopératives (un homme = une voix), l'économie sociale et solidaire, les systèmes mutuels, le commerce équitable, la finance coopérative (NEF). Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-118 : “La simplicité volontaire“ - 24/02/2010 - page 9 VI LA SIMPLICITÉ VOLONTAIRE VISE-T-ELLE À TRANSFORMER LA SOCIÉTÉ ? À priori non, elle n'a pas cette ambition, c'est une démarche essentiellement personnelle, c'est sa limite. On peut bien sur rêver que si elle est bien vécue et s'avère satisfaisante pour ceux qui l'osent, elle devienne contagieuse et fasse des émules. À supposer même que des tas de gens, actuellement mystifiés, déboussolés, impuissants prennent enfin conscience que : «travailler plus pour gagner plus»ou «perdre sa vie à la gagner» sont absurdes, ont assez duré, et qu'il est urgent de vivre autrement, surtout en période de crise, cela ne saurait suffire à transformer la société dans son ensemble. L'échelon politique est de toute évidence incontournable : se déplacer en vélo est un choix de simplicité volontaire, revendiquer une «maison du vélo» peut être un objectif associatif, obtenir des pistes cyclables relève de l'action politique. Le lien entre choix individuel et vie collective. Une enquête très intéressante a été menée en août 2008 par une étudiante d'HEC, (Anne Hurand), autour de la question : comment vivre la décroissance dans une société de croissance ? De ses interviews d'un échantillon d' «objecteurs de croissance», vivant à Paris, Lyon et Toulouse, en lien avec des réseaux militants associatifs locaux, il ressort qu'un niveau d'engagement plus radical, plus collectif, plus politique, (que la S. V.) est praticable en milieu urbain (et pas seulement à la campagne). Ces objecteurs de croissance s'encouragent mutuellement à réduire leur empreinte écologique, et leurs déchets, ils tentent de se concentrer sur l'essentiel et de se réapproprier leur vie, de vivre concrètement en cohérence avec leurs idées, ceci dans une réelle convivialité et une militance active. Cette démarche, en prolongement de la simplicité volontaire fait partie de ce que les sociologues ont observé depuis quelques décennies : l'émergence d'une mouvance sociale, étiquetée «créatifs culturels», vivant des formes plus personnalisées, et plus originaux de rapports sociaux. D'autres penseurs de ces comportements de résistance au système comme Thierry Verhelst (Des racines pour l'avenir - cultures et spiritualités dans un monde en feu, L'Harmattan) les nomment les «mutants», et Christian Arnsperger (Éthique de l'existence post-capitaliste - pour un militantisme existentiel, Cerf) pour sa part préfère le terme de «militants existentiels», et nous appellent à le devenir aussi. La simplicité volontaire en est probablement l'une des voies. Et pour commencer ? Comme dit un proverbe chinois, un voyage de mille lieues commence par un pas. Le premier pas à faire, mais non le moindre, est probablement d'oser... oser décoloniser notre imaginaire (comme le dit Paul Aries) : - sortir de la croyance en la croissance comme solution, alors qu'elle est le problème, - reconsidérer nos hiérarchie des richesses, entre le temps, les relations, l'argent, - se mettre à l'écoute de notre malaise (mal-être, mal vivre, sens de notre existence, maîtrise de notre vie, qualité de notre relation aux autres) - commencer par là où ça nous fait le plus mal, après ce premier soulagement, le reste viendra sans doute plus facilement … La philosophie de la vie simple, accoucheuse d'esprits libérés de l'angoisse de l'emploi et du pouvoir d'achat, pourrait alors s'avérer plus fertile que prévu. Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-118 : “La simplicité volontaire“ - 24/02/2010 - page 10 DÉCOUVREZ NOTRE AUDIOTHÈQUE pour télécharger cette conférence, celles de la bibliographie et des centaines d’autres Tous nos cours et conférences sont enregistrés et disponibles dans notre AUDIOTHÈQUE en CD et DVD. Des milliers d’enregistrements à disposition, notre catalogue est sur notre site : www.alderan-philo.org. Plusieurs formules sont à votre disposition pour les obtenir : 1 - PHILO UPLOAD : un abonnement annuel pour un libre accès à la totalité des enregistrements disponibles. Présentation sur notre site internet ou envoyez-nous un email avec le code PHILO UPLOAD et laissez-vous guider en quelques clics : [email protected] 2 - TÉLÉCHARGEMENT : vous commandez la conférence ou le cycle qui vous intéresse via internet. C’est rapide et économique. 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Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-118 : “La simplicité volontaire“ - 24/02/2010 - page 11 POUR APPROFONDIR CE SUJET, NOUS VOUS CONSEILLONS - Les cours et conférences sans nom d’auteurs sont d’Éric Lowen - Quelques livres et revues - Apprendre à faire le vide pour en finir avec le toujours plus, Paul Ariès et Bernadette Costa-Prades, Éditions Milan, 2009 - Vivre simplement pour vivre mieux - La simplicité volontaire en 130 conseils pratiques, Philippe Lahille, Éditions Dangles, 2009 - Manifeste pour la Terre et l'Humanisme, Pierre Rabhi, Actes Sud, 2008 - La décroissance : un nouveau projet politique, Paul Ariès, Éditions Golias, 2008 - Éloge de la simplicité volontaire, Hervé-René Martin, Flammarion, mars 2007 - Petit traité de la décroissance sereine, Serge Latouche, Mille et Une Nuits, 2007 - Choisir la simplicité, Cahiers de l'atelier N°511, Éditions de l'atelier, 2006 - La part du colibri, Pierre Rabhi, Éditions de l'Aube, 2006 - L'ABC de la simplicité volontaire, Dominique Boisvert, Éditions Écosociété, 2005 - La voie de la simplicité, Mark A. Burch, Éditions Écosociété, 2003 - Quand la misère chasse la pauvreté, Majid Rahnema, Fayard/Actes Sud, 2003 - Reconsidérer la richesse, Patrick Viveret, Éditions de l'Aube, 2003 - Objectif décroissance, vers une société viable, Collectif sous la coordination de Michel Bernard, Vincent Cheynet et Bruno Clémentin, Éditions Ecosociété, L'Aventurine, 2003 - Comment atteindre la simplicité volontaire : une nouvelle façon de vivre sans artifices : se recentrer sur les choses vraiment importantes, Robert Dumoulin, Édimag, 2003 - La vie simple. Guide pratique, Pierre Pradervand, Éditions Jouvence, 1999 - La simplicité volontaire, plus que jamais..., Serge Mongeau, Éditions Écosociété, 1998 - La simplicité volontaire, ou comment harmoniser nos relations entre humains et avec notre environnement, Serge Mongeau, Éditions Québec Amérique, 1985 Quelques revues et journaux - L'âge de faire - Human et Terre (Midi Pyrénées) - Entropia - Silence - La Décroissance - Passerelle Eco - Politis - Le Plan B Webographie - http://www.decroissance.info/ - http://www.decroissance.info/IMG/pdf/decroissance.pdf - http://www.decroissance.org/ - http://www.simplicitevolontaire.org/ (simplicité volontaire au Québec) - http://www.les-renseignements-genereux.org/presentation/ - http://www.manicore.com/ (site de Jean Marc Jancovici) - http://www.youtube.com/watch?v=idlCElCe-2U/ (hommage à N. Georgescu Roegen : interview de J. Grinevald) - http://events.it-sudparis.eu/degrowthconference/ - http://www.acrimed.org/ - http://fr.ekopedia.org/ - http://fr.wikipedia.org/ - http://www.fdf.org/download/visage_generosite.pdf/ (récit de vie) - http://www.partipourladecroissance.net/ - http://lesverts.fr/ - http://www.ecolo.asso.fr/ - http://www.ecologiste.org/indexl.html/ - http://ocparis.canalblog.com/ (collectif parisien pour la décroissance) - http://toulouse.decroissance.info/ - http://selidaire.org/spip/sommaire.php3/ Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-118 : “La simplicité volontaire“ - 24/02/2010 - page 12 - http://bookcrossingrance.apinc.org/ - http://fr.freecycle.org/ - http://amap-idf.org/ - http://clanduneon.over-blog.com/article-18331151.html/ - http://alliancepec.free.ff/Webamap/ - http://vww.terre-humanisme.org/ - http://frap.samizdat.net/ - http://www.amisdelaterre.be/rubrique.php3?id_rubrique=32/ - http://www.consomacteurs.com/ - http://www.casseursdepub.org/ - http://wiki.rocade.info/ - http://aquandladecroissance.over-blog.com/ - http://www.ecotheurgie.com/pages/Manuel_dantieconomie-461572.html/ - http://www.citerre.org/SVquoipourquoimct.htm/ - http://merome.net/dotclear/index.php?2006/03/O8/197-la-simnlicite-volontaire/ Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-118 : “La simplicité volontaire“ - 24/02/2010 - page 13