La simplicité volontaire par Jean-Claude Boutemy

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CONFÉRENCE PHILOSOPHIQUE
“Plus l’être humain sera éclairé, plus il sera libre.”
Voltaire
LA SIMPLICITÉ VOLONTAIRE
Une philosophie de vie
CONFÉRENCE PAR JEAN-CLAUDE BOUTEMY
Association ALDÉRAN Toulouse
pour la promotion de la Philosophie
MAISON DE LA PHILOSOPHIE
29 rue de la digue, 31300 Toulouse
Tél : 05.61.42.14.40
Email : [email protected]
Site : www.alderan-philo.org
conférence N°1600-118
LA SIMPLICITÉ VOLONTAIRE, UNE PHILOSOPHIE DE VIE
conférence de Jean-Claude Boutémy donnée le 25/02/2010
à la Maison de la philosophie à Toulouse
À l'opposé de la publicité, qui nous promet un bonheur par la consommation et s'adresse
surtout à notre inconscient (nos désirs, nos pulsion, etc.), la philosophie vise à nous rendre
plus heureux, plus conscient de notre vie, par les voies de la raison. La simplicité volontaire
est une démarche personnelle, une attitude, un état d'esprit qui permet d'affirmer ses choix
de vie, dans un environnement de surconsommation, tranquillement, sans frustration, en
restant centré sur l'essentiel et la joie de vivre.
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LA SIMPLICITÉ VOLONTAIRE
PLAN DE LA CONFÉRENCE PAR JEAN-CLAUDE BOUTÉMY
INTRODUCTION
Le point de vue de l'exposé
En mars 2009, j'ai eu l'occasion de présenter ici même, une synthèse de l'écologie
politique, sa genèse, sa diversité propre, et les reconversions culturelles qu'elle nous
amène à faire, en particulier : repenser le progrès, le productivisme, notre mode de
développement, la croissance, et le sens du travail.
Le point de vue était politique, au sens «organisation de la société», et invitait à une
réflexion sur le capitalisme, le socialisme et l'urgence écologique.
L'écologie comme une montagne, a plusieurs versants, on peut l'explorer, la décrire selon
le versant scientifique, politique, ou bien pratique, personnel, symbolique voire spirituel.
Aujourd'hui, c'est de cette démarche personnelle dont nous allons parler, et en particulier
de ses aspects philosophiques.
L'expérience de l'auteur
Quand j'étais petit, je rêvais d'être inventeur, j'étais passionné par les découvertes
scientifiques et les inventions techniques. J'ai choisi le métier de l'électronique et j'ai eu la
chance de passer quarante années de ma vie au Centre National d'Études Spatiales, à
imaginer et mettre au point des instruments d'observation de la terre et du ciel. Rien de
plus artificiel que ces satellites, et pourtant seule la prise de recul depuis l'espace a permis
cette compréhension globale de notre écosystème, et de la nature dont nous faisons partie.
À la retraite, je profite, depuis quelques années, de la formation de La Maison de la
Philosophie, où l'association Aldéran invite particulièrement à la Conscience, de Soi, des
Autres, de la Cité et du Cosmos.
Le contexte de cette présentation
Le titre de cette conférence vient d'un article du numéro 332 de Citoyens (revue de La Vie
Nouvelle, mouvement d'éducation populaire et d'engagement citoyen) consacré à la
simplicité volontaire. Le groupe local «La Vie Nouvelle» de Toulouse a choisi de s'investir
sur ce thème, et vous propose un atelier mensuel sur divers aspects de cette simplicité
volontaire (détails en fin de séance).
Je remercie La Maison de la Philosophie de son invitation, et sa stimulation personnelle à
sortir des bouquins pour oser un échange et une parole publique.
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LA SIMPLICITÉ VOLONTAIRE
PLAN DE LA CONFÉRENCE
I
CE QUI N’EST PAS NOUVEAU...DEPUIS L’ANTIQUITÉ
1 - La compétition pour les signes de la dominance sociale
2 - Les voies du détachement : par la sagesse, par la spiritualité, ...
II
CE QUI EST NOUVEAU... AVEC LA SOCIÉTÉ DE CONSOMMATION
1 - La problématique écologique
2 - Quels choix avons-nous, individuellement ?
III
EN QUOI LA SIMPLICITÉ VOLONTAIRE EST-ELLE UNE PHILOSOPHIE ?
1 - Appel à conscience et réflexion
2 - Mes désirs et mes besoins
3 - Se libérer
4 - Créer du lien
IV
SIMPLICITE-PAUVRETÉ-ASCÉTISME : QUELLE PLACE AU PLAISIR ?
1 - Simplicité/pauvreté/misère
2 - Simplicité/facilité
3 - Simplicité/ascétisme
V
FAIRE SOCIÉTÉ AUTREMENT
1 - Ni norme, ni dogme, ni idéologie
2 - Importance du lien
VI
CONCLUSION
1 - Démarche personnelle
2 - Risque de contagion
3 - Vers la décroissance
ORA ET LABORA
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LA SIMPLICITÉ VOLONTAIRE
PLAN DÉTAILLÉ
I
CE QUI N'EST PAS NOUVEAU
En effet la simplicité n'est pas née d'hier, c'est une vielle idée.
Commençons par les évidences, un constat des comportements humains, prosaïque et
banal, une sorte de constante ou d' ambivalence de l'humanité, de l'antiquité jusqu'à nos
jours,
1 - De tous temps, les humains se sont disputés les signes de la dominance sociale, que
ce soit du pouvoir, ou bien des richesses , les deux allant souvent de pair, et en
conséquence ont passé leur vie, consacré une part significative de leur énergie, à :
accaparer,
conquérir,
préserver.
Serait-ce dans la nature profonde de l'être humain, comme on l'entend souvent dire
nature individuelle, ou nature des sociétés ?
Vaste question, mais qui sort du cadre de ce modeste exposé …
2 - D'autres bipèdes, non moins humains que les précédents, mais sans doute plus
minoritaires, avaient une autre vision, une autre ambition dans leur vie :
au contraire, ils valorisaient une vie simple, un détachement des biens de ce monde, un
certain dépouillement, et font finalement, de la simplicité une très vielle idée.
Mais pourquoi, pour quels motifs le faisaient-ils ?
En gros pour deux types de raison : par sagesse, ou par spiritualité.
A - soit par sagesse, ou philosophie, qui est l'amour de la sagesse.
La philosophie n'est-elle pas fondamentalement une attitude de méfiance à l'égard
des apparences, même attrayantes, résistance à l'ordre établi ?
Pour exemple, quelques incontournables figures historiques emblématiques :
Socrate, qui choisit d'enseigner dans les rues d'Athènes, pauvre et mal vêtu,
clamant son «je sais que je ne sais rien».
Il nous a laissé l'image type du penseur qui résiste aux honneurs et aux richesses,
contrairement à ses ennemis les sophistes, qui lui reprochent de ne pas prendre
part à la vie politique.
Diogène, philosophe cynique, fils de banquier, choisit délibérément de vivre sur la
place publique, dans une grande amphore. Il allait pieds nus couvert d'un manteau
grossier : ayant vu un enfant boire avec ses mains à la fontaine, il conclut que son
écuelle était inutile et s'en débarrassa.
Épicure, par sa morale, considère le plaisir comme à l'origine du bien et de la
vertu, et prône une maîtrise du désir et la recherche d'une vie sobre : il a célébré la
volupté de boire une modeste coupe d'eau fraîche... Végétarien, Épicure a vécu
dans la simplicité, non dans l'ascèse, il défend l'auto suffisance (lettre à Ménécée),
et comme Bouddha (à peu près la même époque) prône l'ataraxie, la suppression
de toute douleur.
Avec Épicure donc, la sobriété est justifiée par la recherche du plaisir et non pour
des raisons mystiques ou métaphysiques.
Plus près de nous au 18ème siècle, la simplicité trouve une nouvelle expression
avec Jean-Jacques Rousseau, qui renonce aux honneurs de la Cour et se retire. Il
cultive l'image de l'homme sauvage, suite aux récits idylliques des grands
voyageurs de l'époque (Bougainville...), baignée du romantisme ambiant.
On pourrait citer au 19ème d'autres figures emblématiques de cette démarche de
Tolstoï à Gandhi, en passant par l'américain Henry David Thoreau et son célèbre
«Walden ou la vie dans les bois».
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B - soit par spiritualité
Les fondateurs des grandes religions ont généralement enseigné le
détachement des richesses : Jésus «nul ne peut servir deux maîtres, Dieu et
l'argent», «heureux ceux qui ont une âme de pauvre».
Pour Lao Tseu (inspirateur du taoïsme) : «il n'y a pas de plus grande calamité
que le désir d'acquérir».
Plus près de nous, au début du XIII° siècle, François d'Assises après une
jeunesse dorée, s'oriente vers la vie religieuse. Un jour, sommé de rendre des
comptes à son père, il abandonne l'argent qui lui reste, se défait sur la place
publique de tous ses vêtements et décide d'épouser «Dame Pauvreté», et
fonde l'ordre des Franciscains.
3 - À côté de tous ces champions historiques de la simplicité radicale, il ne faut pas
oublier l'immense majorité, la multitude des gens simples, les messieurs Jourdain, les
madame tout-le-monde, qui pratiquent au quotidien une forme de simplicité.
À côté des accros de la richesse, des experts de l'ascèse, une foule des gens stressés
par leur survie quotidienne, n'accèdent pas à la sécurité élémentaire leur permettant de
se poser ces questions (cf. pyramide de Maslow), et subissent leur sort bon gré mal gré,
comme une fatalité, parce qu'ils n'ont pas beaucoup d'autres choix.
Mais là encore deux attitudes sont possibles suivant le ressenti de la situation, soit le
vivre comme une frustration, plus ou moins supportable, soit être dans une relative
acceptation de ce sur quoi on a peu, ou pas de prise. Ce qui est déjà une attitude
philosophique, même si elle n'est pas formalisée par un discours.
Être capable au quotidien d'assez de lucidité pour distinguer : ce qui dépend de nous (et
s'y engager) de ce qui n'en dépend pas (et l'accepter) n'est pas très loin des philosophies
orientales, du stoïcisme, de Montaigne ou Spinoza.
La philosophie aussi, peut se vivre simplement.
Et la simplicité volontaire, dans sa forme moderne, que nous allons aborder, justement
s'adresse à tout le monde, et contient en elle-même cette dimension de modestie et
d'humilité.
II
CE QUI EST NOUVEAU
Les temps anciens étaient durs, la rareté économique était la règle, l'abondance
l'exception.
C'est ce contexte qui a profondément évolué.
Qu'est-ce qui a changé ?
Le siècle dernier malgré deux guerres mondiales, a vu l'accès au confort de vie, en
occident du moins, de larges couches de population, et la naissance, (suite à la crise de
1929), en particulier avec ce qu'on a appelé le «Fordisme», d'une société dite de
consommation, fondée sur un pétrole abondant et peu cher. Elle s'est progressivement
mondialisée, ceci de plus en plus rapidement depuis les années 1980-1990.
Depuis longtemps déjà (vers les années 1960), des voix prophétiques se sont élevées
(Dumont, Ellul, Gorz, Illich,le club de Rome, etc.) pour dénoncer : les limites de la
croissance, les dégâts du progrès, la course au toujours plus. Malgré leurs
avertissements, le phénomène productiviste s'est accru, avec les conséquences
écologiques que l'on sait accompagné d'une redistribution internationale du travail, d'une
libéralisation financière totale, et d'une croissance démographique sans précédent, qui en
aggravent les conséquences.
La problématique écologique :
L'épuisement des ressources, se profile à l'horizon, mais l'urgence liée au réchauffement
climatique va probablement imposer son tempo, avec ses contraintes de modération
énergétique, de limitation du gaspillage des ressources, de soutenabilité du
développement.
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C'est dans ce contexte qu'émergent, depuis une vingtaine d'années, des politiques
alternatives, ayant pour but d'organiser ces transformations sociales, une prise de
conscience collective et les concepts nouveaux : de décroissance (empreinte écologique,
des gaspillages d'énergies et de ressources), de frugalité conviviale, d'austérité joyeuse
(Illich), sobriété heureuse (Rabbi), de simplicité volontaire (Mongeau), d'objecteurs de
croissance, venant de gens qui partagent l'intuition, et la conviction : qu'on peut vivre
mieux avec moins, ou bien travailler moins pour vivre plus.
C'est cette diversité d'approches que nous allons approfondir dans nos prochains ateliers
philo mensuels auxquels vous êtes invités à participer, où nous avons retenu trois angles
particuliers :
La simplicité face à la complexité industrielle, à partir d'Ivan Illich et André Gorz
La simplicité face à nos modes de vie à partir de Pierre Rabhi et Edgar Morin
La simplicité face à la sur abondance à partir de Christian Arnsperger et Patrick
Viveret
En effet, le changement qui nous attend, est de nature politique et d'échelle mondiale, il
déclinera des normes sur des territoires, mais il implique aussi un changement de
comportement individuel pour chacun de nous.
Quels choix avons-nous, individuellement ?
Ma conviction est qu'individuellement nous avons deux types d'attitudes possibles : soit
de le subir comme une contrainte désagréable, avec regret, en traînant les pieds, soit de
l'accompagner, de l'anticiper même, avec responsabilité et même avec joie, en
comprenant la nécessité objective et rationnelle de changer certains comportements, et
aussi en comprenant l'intérêt qualitatif que cela peut apporter dans notre vie quotidienne :
c'est précisément à quoi nous invite la simplicité volontaire, volontaire parce que choisie.
III
EN QUOI EST-ELLE PHILOSOPHIE ?
Une définition, parmi d'autres, celle de Paul Ariès (politologue, écrivain) :
Pratiquer la simplicité volontaire, c'est choisir de vivre autrement, plus frugalement avec
moins de consommation, moins de technologies, moins de vitesse, moins de soumission
à des normes.
C'est avant tout faire le choix du souhaitable et du désirable, afin de rompre avec le
mythe du «toujours plus», de la croissance et de la consommation devenue addiction.
À mon sens, parce qu'elle fait appel à la conscience et la réflexion dans l'acte même de
consommer.
Plutôt qu'à la facilité, aux habitudes, aux automatismes si manipulables par la publicité.
1 - Conscience qu'au-delà d'un certain seuil de confort (assez/trop)
Ma satisfaction est suffisante à mon épanouissement et à mon bonheur.
Réflexion :
- sur la justice d'un certain niveau de partage,
- sur la prise en compte des générations futures,
- sur le non sens de réduire la biodiversité.
Autrement dit, introduction d'un jugement éthique sur les conséquences de mes actes
(responsabilité), (impact écologique, impact social), préalablement à une décision
économique basée sur mon pouvoir d'achat, la qualité du produit ou du service.
2 - Conscience plus affinée de la nature de mes désirs :
- ceux qui touchent à mon être profond, qui sont réellement importants pour moi au sens
de mon existence, à ma singularité
- ceux plus superficiels liés au paraître, au mimétisme social, à la rivalité
- ceux carrément induits par le conformisme ou la publicité, à la mode
Réflexion sur la réalité de mes besoins :
- sur les diverses façons de les satisfaire,
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- sur l'évaluation des avantages immédiats et des effets négatifs à plus long terme.
Bien entendu, comme chaque personne est complexe et singulière, ces réflexions
intègrent à la fois des éléments objectifs et subjectifs, et aboutissent à des choix
diversifiés, heureusement.
En conséquence, il ne s'agit pas d'adopter un prêt à penser normalisé, mais de se livrer
un réel examen, de ses habitudes de penser et de faire. (Cf. Connais-toi toi-même)
Comment ça marche ?
Rentrant dans ce processus de réflexion, l'individu évite la consommation compulsive et
insatiable, en même temps qu'il se libère, paradoxalement, là précisément où il craignait
d'être frustré. Faire l'effort de penser par soi même est par nature libérateur, (reprendre le
gouvernail de sa vie), accroît la confiance en soi, l'estime de soi, une conquête
d'autonomie et d'affirmation, et agir selon sa pensée est une satisfaction supplémentaire,
Être capable de différer un achat, de prendre le temps de la réflexion, (ce temps qui nous
manque, qui nous échappe), d'imaginer de faire autrement, (créativité, inventivité,
ouverture...) par exemple de mutualiser la possession et de partager l'usage, est déjà
une victoire immédiate, bonne pour le portefeuille, mais souvent aussi l'occasion de créer
des liens supplémentaires, entre voisins ou amis, porte ouverte à la convivialité (la
création de lien prime la possession d'un bien). Combien de lamentations sur le monde
inhumain, soumis à l'économie de profit, alors que nous délaissons notre pouvoir d'action
local, nos solidarités personnelles.
IV
SIMPLICITÉ - PAUVRETÉ - ASCÉTISME : QUELLE PLACE AU PLAISIR ?
Simplicité / Pauvreté / Misère
Quelques précisions de langage.
Couramment la misère c'est le manque du nécessaire, alors que la pauvreté est le
manque du superflu.
André Gorz avait pointé la relativité de la pauvreté par opposition à l'objectivité de la
misère : on est pauvre au Vietnam quand on marche pieds nus, en Chine quand on n'a
pas de vélo, en France quand on n'a pas de voiture, et aux États-Unis quand on n'en a
qu'une petite... tout le monde est le pauvre (ou le riche) de quelqu'un. On est miséreux
quand on n'a pas les moyen de satisfaire des besoins élémentaires : manger à sa faim,
boire, se soigner, avoir un toit décent, se vêtir.
Dans son ouvrage «quand la misère chasse la pauvreté», Majid Rahnema explique
comment les sociétés vernaculaires vivant sobrement et pauvrement sont déstabilisées
par les échanges internationaux, y compris les programmes d'aide au développement,
qui aggravent la dépendance et précipite des populations dans la misère.
Selon Serge Mongeau, parce qu'elle est choisie, la simplicité volontaire se distingue
d'une pauvreté subie et imposée par les circonstances.
Christian Arnsperger rappelle aussi (dans «Éloge du simple»), que c'est la liberté de
choix qui est déterminante, et que les traditions spirituelles désignent par pauvreté un
dépouillement choisi et serein.
Simplicité / facilité
Affirmer son indépendance d'esprit vis-à-vis de la publicité, est facile à dire. L'assumer en
actes est déjà moins facile. Face à la pub qui sournoisement nous séduit et nous harcèle,
qui flatte notre désir de paraître, nous pousse à toujours plus acheter, à vivre à crédit
(peut-être au dessus de nos moyens réels), l'attention, la vigilance et la volonté sont
nécessaires à l'exercice de la simplicité, comme à l'exercice de notre liberté : penser par
nous même, affirmer notre autonomie, rester maître de nos choix, et les assumer
personnellement ce n'est pas suivre la pente de la facilité.
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Simplicité / Ascétisme
De son côté, Serge Mongeau («la simplicité volontaire plus que jamais» - Montréal Ecosociété) tient à distinguer simplicité d'ascétisme au motif que : l'ascète se prive
volontairement des plaisirs de la vie matérielle, dans sa recherche d'une vie spirituelle
plus intense, alors que l'adepte de la simplicité volontaire ne fuit pas le plaisir, puisqu'il
cherche à s'y épanouir pleinement, mais il a compris qu'il ne peut y arriver par les voies
que lui offre la société de consommation. Donc vivre sobrement, n'est pas se priver d'un
bien, mais choisir de la remplacer par autre chose qui apporte davantage.
Pour Paul Aries, ce n'est pas réduire la part d'un gâteau, c'est changer la recette. Selon
Mongeau toujours, ce dépouillement laisse plus de place à la conscience, c'est un état
d'esprit qui convie à apprécier, savourer, rechercher la qualité c'est renoncer aux objets
qui alourdissent, gênent et empêchent d'aller au bout de ses possibilités. Qu'aurait dit
d'autre Épicure ?
V
FAIRE SOCIÉTÉ, AUTREMENT
Au sens des rapports avec les personnes que nous rencontrons.
La Simplicité Volontaire, ce qu'elle n'est pas, les pièges à éviter.
Pas une nouvelle norme de comportement, ou un retour au passé,
Cette voie de simplicité volontaire n'est pas une idéologie, ou un carcan dogmatique,
avec des listes de choses à faire ou pas, sans culpabilité
Choix personnel et pas figé
Choisir de ne pas suivre la mode ou de consommer autrement est un acte lucide et
personnel, une décision réfléchie, prise à un moment donné, sur laquelle on peut revenir
si elle ne convient plus.
Progressivité, souplesse, tolérance
C'est un chemin où chacun s'engage peu à peu, à son rythme.
En lien avec d'autres,
Née aux USA et au Quebec, la simplicité volontaire est bien implantée en Wallonie où
des groupes se retrouvent chaque mois pour échanger sur leurs expériences, un peu à la
manière des alcooliques anonymes :
Il est vrai que notre mode de consommation a les caractères parfois d'une addiction, et
que l'accompagnement collectif du sevrage à l'encombrement et à la surconsommation
peut être pertinent.
Là encore, il s'agit davantage de mutualiser des expériences, d'échanger des idées
pratiques,
de faire fonctionner l'intelligence collective, dans la confiance, l'humour et la convivialité,
et non de se soumettre à une norme quelconque, ou au jugement de ses semblables.
Cette pratique collective, est tout à fait cohérente avec la démarche individuelle de la S V.
Elle ne doit pas nous faire peur. (je l'ai personnellement expérimenté à plusieurs
reprises : dans ma vie militante (syndicale, non violente …), dans l'éducation populaire (à
La Vie Nouvelle...)).
Alléger sa vie de tout ce qui l'encombre est une manière de privilégier l'être plutôt que
l'avoir, et en conséquence de valoriser les relations humaines et la solidarité, ce qui
permet aussi à la simplicité volontaire de s'adresser non seulement aux malades de la
fièvre acheteuse, mais aussi aux exclus des circuits commerciaux pour insolvabilité, et
s'avoisine alors aux systèmes d'échanges locaux (SEL). :
Moins de biens mais plus de lien
une façon de faire société autrement
Cette réflexion sur l'importance du lien entre les personnes, y compris dans l'échange de
biens matériels ou de services. Ce qui conduit aussi à privilégier les circuits courts
(AMAP), les structures coopératives (un homme = une voix), l'économie sociale et
solidaire, les systèmes mutuels, le commerce équitable, la finance coopérative (NEF).
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VI
LA SIMPLICITÉ VOLONTAIRE VISE-T-ELLE À TRANSFORMER LA SOCIÉTÉ ?
À priori non, elle n'a pas cette ambition, c'est une démarche essentiellement personnelle,
c'est sa limite. On peut bien sur rêver que si elle est bien vécue et s'avère satisfaisante
pour ceux qui l'osent, elle devienne contagieuse et fasse des émules. À supposer même
que des tas de gens, actuellement mystifiés, déboussolés, impuissants prennent enfin
conscience que : «travailler plus pour gagner plus»ou «perdre sa vie à la gagner» sont
absurdes, ont assez duré, et qu'il est urgent de vivre autrement, surtout en période de
crise, cela ne saurait suffire à transformer la société dans son ensemble. L'échelon
politique est de toute évidence incontournable : se déplacer en vélo est un choix de
simplicité volontaire, revendiquer une «maison du vélo» peut être un objectif associatif,
obtenir des pistes cyclables relève de l'action politique.
Le lien entre choix individuel et vie collective.
Une enquête très intéressante a été menée en août 2008 par une étudiante d'HEC,
(Anne Hurand), autour de la question : comment vivre la décroissance dans une société
de croissance ? De ses interviews d'un échantillon d' «objecteurs de croissance», vivant
à Paris, Lyon et Toulouse, en lien avec des réseaux militants associatifs locaux, il ressort
qu'un niveau d'engagement plus radical, plus collectif, plus politique, (que la S. V.) est
praticable en milieu urbain (et pas seulement à la campagne). Ces objecteurs de
croissance s'encouragent mutuellement à réduire leur empreinte écologique, et leurs
déchets, ils tentent de se concentrer sur l'essentiel et de se réapproprier leur vie, de vivre
concrètement en cohérence avec leurs idées, ceci dans une réelle convivialité et une
militance active.
Cette démarche, en prolongement de la simplicité volontaire fait partie de ce que les
sociologues ont observé depuis quelques décennies : l'émergence d'une mouvance
sociale, étiquetée «créatifs culturels», vivant des formes plus personnalisées, et plus
originaux de rapports sociaux. D'autres penseurs de ces comportements de résistance
au système comme Thierry Verhelst (Des racines pour l'avenir - cultures et spiritualités
dans un monde en feu, L'Harmattan) les nomment les «mutants», et Christian Arnsperger
(Éthique de l'existence post-capitaliste - pour un militantisme existentiel, Cerf) pour sa
part préfère le terme de «militants existentiels», et nous appellent à le devenir aussi. La
simplicité volontaire en est probablement l'une des voies.
Et pour commencer ?
Comme dit un proverbe chinois, un voyage de mille lieues commence par un pas.
Le premier pas à faire, mais non le moindre, est probablement d'oser... oser décoloniser
notre imaginaire (comme le dit Paul Aries) :
- sortir de la croyance en la croissance comme solution, alors qu'elle est le problème,
- reconsidérer nos hiérarchie des richesses, entre le temps, les relations, l'argent,
- se mettre à l'écoute de notre malaise (mal-être, mal vivre, sens de notre existence,
maîtrise de notre vie, qualité de notre relation aux autres)
- commencer par là où ça nous fait le plus mal, après ce premier soulagement, le reste
viendra sans doute plus facilement …
La philosophie de la vie simple, accoucheuse d'esprits libérés de l'angoisse de l'emploi et
du pouvoir d'achat, pourrait alors s'avérer plus fertile que prévu.
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POUR APPROFONDIR CE SUJET, NOUS VOUS CONSEILLONS
- Les cours et conférences sans nom d’auteurs sont d’Éric Lowen -
Quelques livres et revues
- Apprendre à faire le vide pour en finir avec le toujours plus, Paul Ariès et Bernadette Costa-Prades,
Éditions Milan, 2009
- Vivre simplement pour vivre mieux - La simplicité volontaire en 130 conseils pratiques, Philippe Lahille,
Éditions Dangles, 2009
- Manifeste pour la Terre et l'Humanisme, Pierre Rabhi, Actes Sud, 2008
- La décroissance : un nouveau projet politique, Paul Ariès, Éditions Golias, 2008
- Éloge de la simplicité volontaire, Hervé-René Martin, Flammarion, mars 2007
- Petit traité de la décroissance sereine, Serge Latouche, Mille et Une Nuits, 2007
- Choisir la simplicité, Cahiers de l'atelier N°511, Éditions de l'atelier, 2006
- La part du colibri, Pierre Rabhi, Éditions de l'Aube, 2006
- L'ABC de la simplicité volontaire, Dominique Boisvert, Éditions Écosociété, 2005
- La voie de la simplicité, Mark A. Burch, Éditions Écosociété, 2003
- Quand la misère chasse la pauvreté, Majid Rahnema, Fayard/Actes Sud, 2003
- Reconsidérer la richesse, Patrick Viveret, Éditions de l'Aube, 2003
- Objectif décroissance, vers une société viable, Collectif sous la coordination de Michel Bernard, Vincent
Cheynet et Bruno Clémentin, Éditions Ecosociété, L'Aventurine, 2003
- Comment atteindre la simplicité volontaire : une nouvelle façon de vivre sans artifices : se recentrer sur les
choses vraiment importantes, Robert Dumoulin, Édimag, 2003
- La vie simple. Guide pratique, Pierre Pradervand, Éditions Jouvence, 1999
- La simplicité volontaire, plus que jamais..., Serge Mongeau, Éditions Écosociété, 1998
- La simplicité volontaire, ou comment harmoniser nos relations entre humains et avec notre environnement,
Serge Mongeau, Éditions Québec Amérique, 1985
Quelques revues et journaux
- L'âge de faire
- Human et Terre (Midi Pyrénées)
- Entropia
- Silence
- La Décroissance
- Passerelle Eco
- Politis
- Le Plan B
Webographie
- http://www.decroissance.info/
- http://www.decroissance.info/IMG/pdf/decroissance.pdf
- http://www.decroissance.org/
- http://www.simplicitevolontaire.org/ (simplicité volontaire au Québec)
- http://www.les-renseignements-genereux.org/presentation/
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