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La couleur grise, la pesanteur, la chaleur intérieure, la force des hauteurs et des profondeurs,
la concentration et la faculté de retenir qui, dans le domaine de l’esprit, devient la mémoire,
toutes ces qualités réunies donnent l’image de l’être de Saturne. Une brillance d’or, des forces
rayonnantes qui prodiguent la vie, à mi-chemin entre le mou et le cassant (le cuivre et l’étain),
tout cela compose l’image de l’être du soleil.
Si maintenant nous voulons considérer les arbres pour leur rapport avec les forces cosmiques
de certaines planètes et aussi avec des forces eurythmiques déterminées, l’observation vivante
ne doit pas pour autant se soumettre à une théorie abstraite. Bien au contraire, nous voulons
essayer, avec cette clef en mains, d’accéder a la multiplicité, à la diversité des phénomènes, et
de voir s’il n’y aurait pas une porte qui s’ouvre sur un monde où les phénomènes isolés
s’ordonnent en un ensemble et forment des images caractéristiques.
Toutes les plantes, et donc aussi les arbres, sont des êtres temporels qui demandent à être
étudiés en tant que « devenir » et « devenu » dans le cours du temps. Le devenir, perpétuelle
métamorphose, nous le trouvons dans ce qui, au cours de l’année, se joue au-dessus du sol :
feuilles qui poussent, floraison et fructification, dépérissement de la plante qui se fane et
meurt. Le devenu, ce sont les troncs et les branches, ces monuments qui durent parfois des
siècles. Là, l’être de l’arbre élève la terre informe à la sphère des forces formatrices vivantes ;
là, une forme est modelée, des signes sont gravés dans le tronc et l’écorce. Ces formes, nous
voulons les sentir intérieurement, nous voulons essayer de déchiffrer cette écriture et de nous
rapprocher ainsi des êtres spirituels dont la sphère est celle d’où proviennent les arbres qui
sont donnés à la terre.
LE HETRE.
Jadis on appelait le hêtre « la mère de la forêt », comme le principe masculin-féminin, au sens
qu’il a chez les humains, n’existe pas dans les plantes, on pourrait dire aussi : dans le hêtre,
nous avons devant nous quelque chose comme « l’arbre originel », l’archétype de l’Arbre.
Grand d’une noble simplicité, tel est le geste du hêtre. Il s’élève dans les hauteurs en une
constante verticale et produit un bois qui est lourd, dur et solide et, quand il brûle, donne
beaucoup de chaleur. Au printemps, il offre au soleil (plus tôt que le frêne, le chêne et l’orme),
comme pour chanter sa juvénile joie de vivre, ses feuilles vert clair, toutes simples ; en
automne, il se consume dans une chaude lueur rougeâtre. En octobre, il mûrit ses graines, qui
sont pleines d’une huile nutritive, laquelle a également la propriété de la durée, car elle peut
se conserver dix ans sans rancir. De même que le geste du U (OU) rend l’homme constant, le
faisant pénétrer dans la force des profondeurs de la terre, et que d’autre part il l’anime d’un
feu intérieur et l’élève au-dessus de lui-même à la rencontre de l’esprit, le hêtre est là comme
un être qui relie les hauteurs et les profondeurs. La lumière et la chaleur, les éléments d’e haut,
s’unissent à la force et à la pesanteur de la terre. Mais ces éléments d’en haut et d’en bas se
mêlent en un calme harmonieux, si bien que le hêtre a un aspect où ne se lit aucun combat ni
aucun drame.
Sa silhouette est simple et repose en elle-même, son écorce est lisse. La constance et le calme
qui traduisent une harmonisation intérieure de tous les contraires, tel est le geste du hêtre. Il
porte ses faines jusqu’à la fin de l’automne ; et pendant tout l’hiver, et encore au printemps,
d’innombrables cupules restent attachées aux arbres nus ou verdissant de frais. Une forêt de
hêtre offre ainsi au printemps un spectacle étonnant. Là-haut, les jeunes feuilles vertes ; à coté,
d’innombrables vieux restes de l’an passé, d’apparence fantomatique, des sortes de souvenirs
matérialisés. Le sol est couvert de cotylédons des nouveaux rejetons de hêtres qui tous,
comme de petits nains coiffés d’un bonnet, portent encore sur la tête l’enveloppe de leur