DROIT PÉNAL DES AFFAIRES EN CHINE Introduction Histoire. Qu

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DROIT PÉNAL DES AFFAIRES EN CHINE
Introduction
Histoire. Qu’il semble loin, le temps où il suffisait
au souverain d’écouter son conseiller avisé pour
trouver l’harmonie du royaume. Il y fallait des
qualités d’écoute, ce qui n’est pas peu, mais,
surtout, les distinctions sociales semblaient
simples.
D’après le “Discours du Qi” que certains situent à la
fin du quatrième siècle avant le Christ, le duc Huan,
revenant dans ses Etats, après un exil dans les Etats
voisins, demanda : “Où installer les gentilshommes,
les artisans, les commerçants et les paysans?” Et le
ministre Guan Zi répondit à propos des commerçants
“Les commerçants, habitant ensemble, tous réunis en
un seul lieu, seront attentifs, aux besoins répondant
aux saisons; ils s’enquerront des produits des
différentes régions, afin de connaître les prix du
marché et ils s’emploieront à faire circuler les
marchandises aux quatre coins de l’empire...
échangeant ce qu’ils ont contre ce qui leur fait
défaut, achetant à la baisse pour revendre à la
hausse... C’est de cette façon que les marchands le
resteront de père en fils...” Et les pères étaient
supposés instruire les fils dans le droit chemin du
commerce.
La Chine contemporaine. Dans la Chine moderne, que
l’on qualifie d’atelier du monde, où il est question
de croissance, proche d’une mesure à deux chiffres,
d’enrichissement rapide par les affaires, de valeurs
matérielles, sans forcément remettre en cause des
valeurs familiales, où les méthodes de communication
se sont développées à une vitesse particulièrement
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rapide, avec l’Internet, les méthodes de publicité...
les institutions et collectivités publiques ne
pouvaient se désintéresser de la morale des affaires
et ne pouvaient que limiter tentations et déviations.
Le droit pénal des affaires ne peut, dans un système
qualifié de socialiste, sous la direction du parti,
avoir les mêmes bases ou le même contenu que celui
des pays occidentaux. Le droit n’est-il pas simple
superstructure? Pour autant, une convergence résulte
de l’acceptation du marché mondial ou des règles de
l’Organisation mondiale du commerce. Et les affaires
n’ont elles pas des ressorts comparables d’un pays à
l’autre?
Droit positif. Il ne faut pas non plus confondre
théorie et pratique. Ce n’est pas parce qu’une règle
existe qu’elle est effective. Au moins constitue-telle une directive si elle a été créée de bonne foi
ou n’est pas seulement instrument d’apparence ou de
bonne conscience.
Les bases se trouvent au code pénal adopté à la
deuxième session du cinquième congrès national du
peuple du 1er juillet 1979, révisé lors de la
cinquième session du huitième congrès national du
peuple du 14 mars 1997.
Mais au gré de l’évolution, des besoins, des lois
importantes sont intervenues. Un peu comme en France
la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés a
introduit de nombreuses dispositions de droit pénal
des sociétés, le droit spécial se transformant en un
droit général en ce domaine. En Chine, certaines lois
constituent une référence de base se substituant au
code pénal, dont les incriminations larges peuvent
cependant être invoquées.
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Des lois récentes sont très connues du public parce
qu’elles sont liées à des scandales. Lorsque la loi
du 28 février 2009, entrée en vigueur le 1er juin,
sur la sécurité alimentaire, est intervenue, elle
faisait suite à de graves événements mettant en cause
la société laitière Sanlu. Mais la Chine disposait
déjà de lois sur l’alimentation depuis 1965, puis
1982 et 1995.
Lutte contre la corruption. Bien entendu, c’est la
corruption qui est à la base de la plupart des
infractions. Ce n’est un secret pour personne que
l’étendue de cette corruption, mais c’est un
phénomène humain pas spécifiquement chinois. L’Etat
s’efforce de réagir par des textes internes, au
niveau du parti, à celui du pays, et il a signé
diverses conventions internationales qui peuvent
constituer une aide précieuse.
Les revenus occultes, particulièrement importants,
sont liés à la spéculation dans tous les domaines et
surtout dans celui de la construction immobilière. On
parle de “bulle” immobilière avec des achats
spéculatifs qui font augmenter le prix des logements
indispensables à la population, surtout au coeur des
villes. La rapide et courte marche de l’économie
n’est pas sans risque sur le plan social. L’écart
entre riches et pauvres s’est creusé sans que l’on
puisse se fier à l’apparence puisque les statistiques
de 2008 indiquaient un revenu annuel moyen inférieur
à 16000 RMB et 44000 RMB pour les plus riches. Il est
vrai que l’évolution est rapide et que des études de
2009 indiqueraient plutôt des revenus annuels moyens
de 140000 RMB en milieu urbain pour les plus riches.
On peut imaginer que le montant des revenus occultes
est, par nature, difficilement mesurable. La lutte
contre la corruption est, pour l’administration ou le
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Fisc, délicate. Comme toujours, ce n’est pas dans les
activités salariées que se glisse la dissimulation
mais plutôt par le biais des avoirs financiers ou
immobiliers des entreprises publiques ou des
collectivités. La lutte est donc prioritaire puisque
la stabilité sociale est en cause. La transparence
des chiffres constitue déjà un moyen privilégié.
Lutte contre le blanchiment. La prévention et la
répression du blanchiment d’argent ne sont que des
aspects de ce combat. Souvent médiatisé, le
blanchiment n’est qu’une conséquence de
dysfonctionnements sociaux. Bien entendu, il résulte
d’infractions préalables, mais les faits sont plus ou
moins visibles. Apparemment, dissimulations ou
trafics de drogue ne sont pas sur le même plan, même
s’il s’agit toujours de revenus occultes.
La loi sur la lutte contre le blanchiment d’argent,
adoptée le 31 octobre 2006, lors de la 24ème réunion
du comité permanent de l’assemblée populaire
nationale, constitue un texte important.
Le secret d’Etat. Parmi d’autres textes pouvant avoir
un impact sur le droit pénal des affaires, on peut
citer la loi déjà ancienne du 1er mai 1989 sur le
secret d’Etat, qui montre que la notion est
suffisamment vague pour prêter à interprétation, et
que les appréciations sont souvent discrétionnaires.
Alors, puisque le secret d’Etat concerne aussi les
entreprises, pourquoi ne pas l’étendre à des
hypothèses de concurrence ou même de négociations.
Jusqu’à quel point la divulgation des positions des
positions de la partie chinoise, pour employer le
langage habituel, par des partenaires chinois, n’est
pas une divulgation de secrets d’Etat? On pense
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évidemment à l’affaire Rio Tinto, dans laquelle
justement un Australien directeur du bureau de cette
compagnie minière à Shanghai, et trois employés
chinois, sont accusés d’avoir obtenu des “secrets
commerciaux” et des pots de vins. Qu’est-ce qu’un
secret commercial reçu illégalement, est-ce un secret
d’Etat alors que les sidérurgistes chinois sont en
négociation sur le prix du minerai de fer avec les
groupes étrangers? Depuis que les accusés ont décidé
de plaider coupable, le vol de secret d’Etat est
devenu vol de secrets commerciaux! Ce qui ouvre peutêtre la porte à un accord. Au regard des pratiques
occidentales, l’existence de cette incrimination pose
question.
De nombreuses autres lois ou événements peuvent
concerner le droit pénal des affaires. On se limitera
aux plus probants.
Le prix du marché. La loi sur les prix, adoptée à la
29ème réunion du comité permanent de l’assemblée
nationale populaire au huitième congrès, et mise en
oeuvre le 1er mai 1998, même si elle se réfère aux
prix du marché, permet l’intervention du gouvernement
et s’attaque aux prix déloyaux. Elle est déjà
correctrice de la concurrence déloyale.
Les sanctions administratives. Le droit des sanctions
administratives, en particulier la loi du 1er octobre
1996, peut concerner le droit des affaires et
ressemble au droit pénal des affaires, il peut mener
à des sanctions pénales. Dans une moindre mesure, le
droit du travail et des conditions du travail en
Chine, revu au 1er janvier 2008, peut avoir des
incidences.
Le faux. L’interprétation des droits des personnes
physiques ou morales fait référence aux principes
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généraux du droit civil du 12 avril 1986 et mise en
oeuvre au 1er janvier 1987. De même, la loi sur le
commerce extérieur, adoptée le 12 mai 1994 et en
vigueur au 1er juillet 1994, a des incidences. Elle
prévoit ainsi divers cas de faux ou de contrebande.
Le faux fait inévitablement penser à la contrefaçon,
et la protection de la propriété intellectuelle a des
répercussions de droit pénal des affaires. Des
sanctions sont prévues dans les lois sur les brevets,
les marques, les droits d’auteur, les logiciels, et
les modifications intervenues après l’adhésion aux
règles de l’OMC. Mais le code pénal reste
potentiellement applicable.
Inflation de textes. On le voit, ce n’est pas de
manque de lois que la Chine souffrirait. La question
se pose aussi en droit pénal des affaires et elle est
d’autant plus importante que les droits individuels
sont en cause. Il existe plutôt une inflation de
textes. D’où le besoin, pour assurer le principe de
légalité affirmé par la constitution, de discerner
les textes applicables, d’assurer la distinction du
droit pénal général et du droit pénal spécial. Ce
souci est d’autant plus vif que la procédure, à
travers les larges pouvoirs des institutions de
police ou de poursuite, les lourdes sanctions
applicables mais variables selon l’intérêt du litige,
incitent à la prudence.
Aspects de droit pénal des affaires. Pour les besoins
de l’exposé, on se référera à des catégories, mais on
s’efforcera de cerner les textes les plus pertinents.
I - L’application du droit pénal commun en droit
pénal des affaires
II - La lutte contre la corruption
III - La répression du blanchiment de capitaux
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IV - Secrets privés - Secret publics
V - La protection de la population sur le plan
alimentaire
Conclusion générale
Abondance des textes - Appréciation. Existe-t il des
valeurs occidentales et des valeurs chinoises qui
seraient différentes et qui se manifesteraient
jusqu’en droit des affaires? C’est un grand débat! Il
est vrai qu’il existe des approches différentes.
Malgré l’abondance des textes, en Chine, la loi ne
constitue que l’ultime recours et particulièrement le
droit pénal, surtout le droit pénal des affaires.
C’est d’abord de l’éthique ou de l’éducation que
relèvent les affaires. La bonne conduite morale, et
aujourd’hui l’éducation que le Parti encourage,
devraient éviter les dérives de l'égoïsme.
Mais, s’en remettre au discernement de chacun, et à
celui d’éventuels “juges Ti” saisis, ne suffit pas.
Force est d’avoir recours à de nouveaux Légistes. Les
nombreux textes sont souvent des réponses à des
événements d’actualité. Ils cherchent à résorber les
contradictions d’une ouverture économique rapide, à
donner satisfaction aux partenaires internationaux
mais surtout à redonner une harmonie aux relations
internes, alors que la morale devient, pour certains,
uniquement celle du profit. C’est mettre en cause
l’ordre du marché socialiste que l’on pourrait
qualifier de principe moral.
Pour autant les Légistes eux mêmes souhaitaient des
textes clairs, connus de tous et faciles à appliquer.
Les lois nouvelles renvoient le plus souvent au droit
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pénal commun, c’est-à-dire la loi pénale de base
depuis 1997 avec ses améliorations.
Que ce soit dans ce texte ancien ou dans les textes
nouveaux, il reste aux pouvoirs administratifs et
judiciaires, pour l’application de sanctions
administratives ou pénales, une large marge
d’appréciation. Aussi bien pour la définition des
faits, que pour l’application de la peine, il faut
interpréter, ce qui laisse une place prépondérante à
la politique criminelle et aux circonstances, gage
d’efficacité par l’incertitude des incriminations.
Jean-Bernard BOSQUET-DENIS
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