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mt médecine de la reproduction, vol. 8, n°3, mai-juin 2006
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Après la fécondation, la zone pel-
lucide (ZP) entoure l’embryon jus-
qu’au stade blastocyste. L’éclosion de
l’embryon hors de la ZP permet l’im-
plantation dans l’endomètre. La pro-
tection mécanique assurée par la ZP
faciliterait le développement des jonc-
tions serrées entre les blastomères pen-
dant la compaction et préviendrait le
rejet immunologique de l’embryon ainsi
que son adhérence à la paroi de l’ovi-
ducte [1].
Durant les premiers stades du dévelop-
pement, l’expression des gènes dépend
en grande partie des modifications épi-
génétiques du génome. Ces modifica-
tions peuvent affecter l’extrémité N-ter-
minale des histones (méthylation,
acétylation, phosphorylation, ubiquiti-
nation) mais aussi l’ADN [2, 3]. Dans la
majorité des cas, les gènes qui vont être
transcrits sont hyperméthylés au niveau
des histones H3 et H4, tandis que ceux
qui sont réprimés sont désacétylés. La
modification épigénétique la plus
connue de l’ADN est la méthylation,
caractérisée par l’adjonction covalente
d’un groupe méthyle sur les résidus cyto-
sine en position 5 des dinucléotides
CpG, donnant naissance à de la 5-
méthylcytosine. La méthylation de
l’ADN est associée à l’inactivation des
gènes [4]. Les enzymes responsables du
transfert du groupe méthyle sont les
DNA méthyltransférases (Dnmts). Dans
les cellules somatiques, la méthylation,
qui est assurée par
Dnmt1
, est stable.
Elle est impliquée dans l’inactivation du
chromosome X, l’empreinte génomique,
l’inactivation de séquences rétrovirales
[3, 5], la tumorigenèse et le vieillisse-
ment [6]. En revanche, la méthylation
de l’ADN change au cours du dévelop-
pement embryonnaire précoce. Une
vague de déméthylation active se mani-
feste dans le pronucleus mâle dans les
heures qui suivent la fécondation, alors
que la déméthylation passive du pro-
nucleus femelle survient ultérieurement,
durant le clivage des blastomères. La
méthylation
de novo
se produit dans le
blastocyste, exclusivement dans la
masse cellulaire interne, sous l’action
des enzymes
Dnmt3a
et
Dnmt3b
[7].
Au vu de résultats récents établissant
que la suppression de la ZP affecte dura-
blement le développement embryon-
naire chez la souris [8], les auteurs ont
étudié les effets du retrait de la ZP sur la
méthylation de l’ADN et sur l’acétyla-
tion de l’histone H4 chez l’embryon pré-
implantatoire.
Matériels et méthodes
Des zygotes de souris générés par fécon-
dation
in vivo
ont été recueillis 1 heure
et 8 heures après la fécondation. La
ZP, pour la moitié d’entre eux a été digé-
rée par la pronase ou enlevée mécani-
quement (embryons « Zona-free » ou
ZF). Les embryons ont été cultivés
in
vitro
jusqu’au stade blastocyste. La ZP
a été retirée des embryons témoins
(« Zona-intact » ou ZI) juste avant la fixa-
tion pour éviter des variations de l’im-
munomarquage dues à la présence de
la ZP. Le nombre de cellules a été éva-
lué pour chaque blastocyste. La détec-
tion de la 5-méthylcytosine et la mise
en évidence de l’acétylation de l’histone
4 au niveau de la lysine 5 ont été effec-
tuées par immunocytochimie. La fluo-
rescence totale émise par les noyaux a
été analysée quantitativement à tous les
stades préimplantatoires. L’expression
de quatre gènes essentiels pour le déve-
loppement de la souris,
Dnmt1s
,
Ezh2
,
Nanog
et
Fgf4
, a été appréciée par RT-
PCR à partir de l’ARN total extrait des
embryons.
Résultats
En présence ou en l’absence de la ZP,
aucune différence significative n’est
observée dans le pourcentage d’em-
bryons développés jusqu’au stade blas-
tocyste ni dans le nombre de cellules
par blastocyste, bien que les blastocystes
ZF soient plus petits et plus irréguliers.
Les embryons ZF présentent une réduc-
tion significative du taux de méthylation
de l’ADN aux stades 2-cellules (de
l’ordre de 30 %) et 4-cellules (de l’ordre
de 43 %), alors qu’aucune différence
n’est décelée dans les pronuclei et dans
les stades morula et blastocyste.
Le mode de retrait de la ZP, enzymatique
ou mécanique, n’a pas d’incidence sur
les résultats. Quand la ZP est retirée
8 heures après la fécondation, il n’y pas
de différence dans les taux de méthyla-
tion de l’ADN entre les embryons ZF et
les embryons ZI au stade 2-cellules, indi-
quant que la période critique se situe
entre 1 heure et 8 heures après la
fécondation.
Le retrait de la ZP n’a pas d’effet sur
l’acétylation de l’histone H4 ni sur l’ex-
pression séquentielle des gènes
Dnmt1s
,
Nanog
et
Fgf4
(
Ezh2
étant un contrôle
positif exprimé à tous les stades).
Discussion
En dépit de la réduction transitoire du
taux de méthylation de l’ADN, le retrait
de la ZP ne retentit pas sur le dévelop-
pement des embryons jusqu’au stade
blastocyste, contrairement à ce qui a été
rapporté antérieurement [8].
Le moment où la ZP est retirée se révèle
déterminant pour le niveau de méthy-
lation de l’ADN. La période qui suit
immédiatement la fécondation paraît la
plus sensible. Le retrait de la ZP 8 heures
après la fécondation n’a plus d’effet sur
la méthylation. Quand le retrait a lieu
précocement, des modifications visibles
surviennent entre 7 heures (stade pro-
nucleus) et 24 heures (stade 2-cellules)
après la fécondation.
Indépendamment de la réduction signi-
ficative des taux de méthylation de
l’ADN observée chez les embryons ZF
aux stades 2- et 4-cellules, il n’est pas
exclu que de faibles variations aux
stades morula et blastocyste ne puissent
être détectées, en raison d’un défaut
Effet du retrait de la zone pellucide sur la méthylation
de l’ADN dans l’embryon de souris
au cours des stades précoces du développement
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d’accessibilité de l’anticorps aux noyaux
interphasiques.
L’absence d’effet sur l’acétylation de
l’histone H4 pourrait expliquer que l’ex-
pression séquentielle des gènes se pour-
suive durant tous les stades du déve-
loppement préimplantatoire.
Les mécanismes qui régulent la méthy-
lation de l’ADN ne sont pas complète-
ment élucidés. Il faut souligner qu’un
gène important,
Dmnt1
o
,
synthétisé par
l’ovocyte et localisé dans le cytoplasme
est impliqué dans le maintien de l’em-
preinte génomique chez l’embryon [9].
La libération prématurée dans la matrice
extra-cellulaire de deux protéines consti-
tutives des granules corticaux (p62, p56)
au moment où la ZP est retirée [10]
pourrait être responsable des altérations
de la méthylation de l’ADN.
Conclusion
Ces résultats suggèrent que la ZP est
impliquée dans le maintien de la méthy-
lation de l’ADN dans l’embryon de sou-
ris aux stades 2- et 4-cellules. Ils méri-
tent d’être confirmés au niveau
moléculaire.
Jean-Pierre Dadoune
Ribas RC, Taylor JE, McCorquodale C, Mau-
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Grâce aux avancées récentes de la
chimio- et de la radiothérapie, les
taux de guérison des cancers de l’enfant
atteignent 80 %. Malheureusement ces
traitements détruisent non seulement les
cellules malignes mais ont aussi un effet
cytotoxique sur les spermatogonies en
division [1].
Les adolescents et les adultes ont la
faculté de cryoconserver leur sperme
avant le traitement et d’engendrer leurs
propres enfants par insémination artifi-
cielle, FIV ou ICSI. En revanche, les gar-
çons ne peuvent bénéficier de cette
approche avant la puberté, puisqu’ils
n’ont pas achevé leur spermatogenèse.
Des stratégies alternatives pour préser-
ver leur fertilité ont été préconisées [2].
La déprivation hormonale pourrait dimi-
nuer la gonadotoxicité, en freinant la
prolifération des cellules souches. Mais
l’efficacité de ce traitement n’est pas éta-
blie chez l’homme. Une autre possibi-
lité est la restauration de la fertilité par
transplantation autologue de cellules
germinales. Cette méthode consisterait
à recueillir du tissu testiculaire avant le
début du traitement, de le cryoconser-
ver puis de retransplanter les spermato-
gonies dans les tubes séminifères après
la guérison, avec la perspective de res-
taurer la spermatogenèse. La transplan-
tation de cellules germinales a déjà été
réalisée avec succès chez les rongeurs
et les primates. Toutefois, le tissu testi-
culaire du patient peut contenir des cel-
lules malignes qui risquent d’être trans-
mises au cours de la transplantation,
entraînant une rechute du cancer.
La xénogreffe du tissu testiculaire, éven-
tuellement contaminé, à des animaux
immunodéficients représenterait une
autre stratégie pour prévenir le transfert
de cellules malignes au patient. Une
spermatogenèse complète a déjà été
observée dans les greffons en prove-
nance de rongeurs et de lapins imma-
tures et les spermatozoïdes ont permis
d’obtenir une descendance fertile [3, 4].
Dans le tissu testiculaire prélevé chez
des marmousets nouveau-nés, le déve-
loppement de la lignée germinale jus-
qu’au stade spermatocyte a été décrit
[5], alors que la greffe de tissu testicu-
laire en provenance de singes Rhésus
immatures a abouti à la production de
spermatozoïdes fécondants [6].
Le but de ce travail a été de comparer la
morphologie de greffons de tissu testi-
culaire en provenance d’une part de
souris nouveau-nées et adultes et d’autre
part d’hommes adultes, après implan-
tation dans deux modèles de souris
immunodéficientes, l’un présentant un
déficit en lymphocytes T (souris Swiss
Nude), l’autre un déficit en lymphocytes
B et T (souris SCID-NOD).
Matériels et méthodes
Des fragments testiculaires d’une part
de souris âgées de 3 mois et d’autre part
d’hommes adultes présentant une sper-
matogenèse normale ont été greffés seuls
ou co-greffés avec des testicules intacts
de souriceaux âgés de 3 jours, sous la
peau du dos des souris mâles immuno-
déficientes castrées. Les greffons ont été
prélevés entre 30 et 195 jours après la
transplantation et l’état de la spermato-
genèse a été apprécié en microscopie.
Résultats
Après allogreffe des testicules de souri-
ceaux, les cellules méiotiques sont
observées dans 69 % des greffons, alors
que la spermatogenèse est complète
dans 31 % d’entre eux. À partir de 120
jours après la greffe, une spermatoge-
nèse complète est observée dans 43 %
des greffons. Il n’y a pas de différence
significative entre les deux modèles de
souris immunodéficientes. En revanche,
tous les greffons testiculaires de souris
adultes sont le siège de sclérose et
d’atrophie.
Après xénogreffe de fragments testicu-
Survie des spermatogonies après
greffe de tissu testiculaire humain
à des souris immunodéficientes
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