Choses lues, vues, entendues. Virtuose ? Le devenir pour ne plus l

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Choses lues, vues, entendues.
Les chroniques de Gérard Abrial
« Récital de Macej Pikulski, piano »
Programme :
F.Chopin Andante Spianato et Grande Polonaise en mi bémol majeur, Op. 22- Ballade n° 4 en fa
mineur
F.Liszt Un sospiro
F.Schubert F. Liszt Transcriptions F.Schubert Die Stadt Der Aufenthalt Ständchen Auf dem Wasser zu
singen
R. Schumann- F.Liszt Mondnacht Widmung
S. Rachmaninov 3 Études – Tableaux op.33
Virtuose ? Le devenir pour ne plus l’être
Chopin, Liszt et Rachmaninov…au temps des compositeurs-pianistes d’exception, voila une trinité qui
demeure au zénith de l’art du piano. Dans la mémoire collective, ces trois génies sont associés par
une disposition aussi fascinante que vénéneuse : la virtuosité. En début de la carrière d’un musicien,
comme manifestation de séduction offert à un public amateur de sensations fortes, nous la pensons
admissible. Mais comme fin en soi ou marque de fabrique, la virtuosité est une agitation assez vaine.
Invités de ce concert :
-Franz Liszt. Metteur en scène des ses extravagants moyens techniques, à la mi-temps de sa vie, au
profit d’une sobriété quasi-mystique, il renonça à la virtuosité.
-Frédéric Chopin. Capable de toutes les prouesses, conformément à sa nature, de celle-ci, il fit un
usage parcimonieux.
- Serguei Rachmaninov : auteur de compositions d’une folle exigence pianistique, mais lui-même
économe de ses moyens, il fut injustement associé à des interprètes de type
« beaucoup de notes, peu de musique… »
Mais, quid de Schubert et de Schumann, ces « non-virtuoses » au programme de Maciej Pikulski ?
Prudent, le premier renonça à interpréter ses propres œuvres car, limité par ses capacités
pianistiques. Le second, qui se rêvait en concertiste majeur, perdit l’usage de celui de la main droite.
En cause, l’usage d’un dispositif digital calamiteux. Parmi les conséquences : la fin de la rivalité
pianistique entre Robert et son épouse Clara. (que les freudiens veuillent bien se tenir à distance.)
Eglise au grand complet, premiers accords de l’ « Andante Spianato et Grande Polonaise » de Chopin.
De sa Pologne natale au Conservatoire de Paris, Maciej Pikulski sur les traces de Chopin.
Maciej Pikulski, née à Cracovie en 1969, est un pur produit de l’enseignement français dispensé au
Conservatoire national supérieur de Musique et de Danse de Paris. Vénérable institution, elle reçoit
des élèves de tous les continents, leur formation étant assurée par des enseignants du plus haut
niveau. Voila un domaine, qui en ces temps de turbulences sociales, peut se prévaloir de l’excellence
nationale. Mais parfois, une bévue vient entacher cette réputation. La plus récente, le rejet de la
candidature du jeune Liszt par l’odieux Cherubini. C’était en décembre 1823. Le jour nous est
inconnu.
Epargné par celui-ci, Maciej déploie des talents aussi solides que variés. Chambriste, récitaliste,
soliste, il est cependant très sollicité comme un des accompagnateurs les plus sûrs et subtils dans ce
domaine lyrique.
Son très ancien et encore actuel duo avec José Van Dam l’a révélé musicien idéal pour servir les
notes comme pout les mots.
Impressions entre blanc et noir
Délicat compte-rendu que celui du récital de Maciej Pikulski, artiste sans ostentation que nous
apprécions sincèrement. Aux premières mesures de l’Andante Spianato, nous retrouvons sa noblesse
de ton, sa souveraine sonorité, calme et profonde. Mais, dès les premiers accords de la quatrième
Ballade de son compatriote, nous avons été gênés par un volume sonore de type « fortissimo »
d’autant plus privilégié par un programme assez « extraverti » Ou du moins tel que Maciej Pikulski
désira nous le faire entendre. Acoustique problématique et/ou usage opulent de la pédale…
romantisme par trop généreux…depuis notre emplacement, la saturation sonore dénatura une part
de ces pages. A ces réserves, épargnons un « Sospiro » de Liszt impeccable avec ses arpèges
subtilement et diversement accentuées et ses complexes séries de passages de mains en alternance.
Mais aussi un « Ständchen » de Schubert palpitant, à fleur de peau et un Prélude en do dièse mineur
de Rachmaninov, droit, simple, naturel.
La transcription ou l’art de l’anti plagiat
Maciej Pikulski jouant Liszt transcripteur, il n’est pas inutile d’en savoir plus sur cette discipline.
Transcrire n’est pas un exercice de style ni un palliatif pour compositeur en mal d’inspiration, pas
plus qu’un copier-coller déguisé.
La transcription est un art. Elle se définit comme une adaptation pour un instrument (ou voix)
différente de celle initialement prévue. Elle peut affecter la tessiture, modifier la richesse
harmonique ou mélodique d’une œuvre.
Son champ sémantique est vaste : Avatar, métamorphose, réduction, paraphrase, variations,
transposition, arrangement, reformulation, réminiscences …chacun de ces termes ayant sa
définition.
Au temps de la musique ancienne, une utilisation de l’œuvre d’autrui, loin d’être un plagiat,
constituait un hommage à la composition initiale (ex : Chaconne de Bach,
transcription Busoni ou œuvres de Vivaldi inspirant Bach.)
On peut ainsi déduire que la science de la transcription constitue une mutation profitable
à la diffusion d’œuvres ainsi « régénérées » (dans le meilleur des cas.)
Elle postule du principe qu’une œuvre n’est jamais achevée (au sens contraire d’anéantir.. !)
Le charmant village de Saignon vient heureusement compléter les lieux de concert des Musicales.
Programmation 2017 en cours….
Traité de référence
Liszt transcripteur
Jacques Drillon
Actes-Sud 1993
http://www.actes-sud.fr/catalogue/actes-sud-beaux-arts/liszt-transcripteur-suivi-de-shubert-etlinfini
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