soires ; à l’interrogatoire on retrouve une orthopnée d’aggra-
vation progressive et/ou la survenue d’un facteur déclen-
chant. La tachycardie est habituelle. L’examen clinique
objective une hypertension artérielle systolodiastolique, des
râles crépitants fins, généralisés ou localisés dans les deux
bases. On observe classiquement, une expectoration mous-
seuse, « saumonée ».
2.2. La clinique est souvent moins évocatrice [6]
L’interrogatoire est difficile en cas de troubles des fonc-
tions supérieures ou de détresse respiratoire aiguë. Il peut
exister une bronchorrhée purulente, de la fièvre (infection
bronchopulmonaire associée), une hypotension artérielle
(choc cardiogénique), des râles sibilants (œdème bronchi-
que, bronchoconstriction réflexe, exacerbation associée
d’une bronchopathie chronique). Le patient est parfois bra-
dycarde en raison de traitements associés. L’expectoration
rosée est souvent absente.
La sémiologie des maladies cardiorespiratoires est égale-
ment très souvent trompeuse chez le sujet âgé [14].La
corrélation entre les plaintes fonctionnelles (dyspnée, dou-
leur thoracique notamment) et les anomalies retrouvées à
l’examen physique est médiocre, un même symptôme pou-
vant être observé au cours de diverses maladies. Contraire-
ment aux idées reçues, la présence d’une orthopnée n’est pas
un argument fort en faveur d’un OAP. En effet, le diaphragme
est dans une meilleure conformation géométrique pour se
contracter chez le patient en position assise, ceci quelle que
soit la pathologie causale de la dyspnée. Les sibilants sont
entendus au cours d’une crise d’asthme, une exacerbation de
BPCO, un œdème pulmonaire cardiogénique (asthme cardia-
que), voire même chez les patients présentant une embolie
pulmonaire [15]. L’auscultation de râles crépitants en décu-
bitus peut n’avoir aucune signification pathologique, en par-
ticulier chez le patient obèse.
C’est le contexte général et la connaissance des antécé-
dents du patient, associés aux résultats d’un traitement pro-
babiliste initial et des examens complémentaires, qui permet-
tent le diagnostic d’OAP. Dans une étude sur les OAP du
sujet âgé, un diagnostic initial d’atteinte pulmonaire, évoqué
en raison de l’existence d’un bronchospasme, s’avérait er-
roné dans 16 % des cas [1].
2.3. Limites des examens complémentaires de routine
Outre les problèmes séméiologiques évoqués précédem-
ment, les difficultés diagnostiques sont également liées au
manque de rentabilité clinique des différents examens com-
plémentaires de routine.
2.3.1. Cliché thoracique
Un cliché réalisé au lit permet habituellement de confir-
mer le diagnostic d’OAP. Il objective le plus souvent des
anomalies bilatérales : une redistribution vasculaire vers les
sommets avec atténuation des trois zones de West, des lignes
de Kerley B, un flou périvasculaire, puis des opacités alvéo-
laires diffuses, à prédominance périhilaire, en « aile de pa-
pillon ». Il peut être trompeur chez le sujet âgé hospitalisé
pour une insuffisance respiratoire aiguë : mauvaise pénétra-
tion des rayons rendant difficile la mise en évidence de la
redistribution vasculaire en cas d’insuffisance ventriculaire
gauche, œdème pulmonaire à prédominance unilatérale,
pseudocondensations, superposition d’artefacts cutanés,
élargissement du médiastin avec aorte calcifiée et déroulée,
cyphoscoliose, séquelles thoracoparenchymateuses de pa-
thologies antérieures (tuberculose, collapsothérapie, fractu-
res de côtes...). L’index cardiothoracique est ininterprétable
sur un cliché réalisé aux urgences car l’incidence du rayon
(antéropostérieur) élargit la silhouette cardiaque par rapport
à un cliché conventionnel (d’environ 15 % en moyenne) [16].
Dans une étude portant sur 104 patients suspects d’OAP,
les données obtenues par la radiographie thoracique, inter-
prétée de façon indépendante par trois radiologues, ont été
comparées à la pression télédiastolique ventriculaire gauche
mesurée par cathétérisme cardiaque. Dans plus d’un tiers des
cas où un OAP était prouvé, la radiographie était considérée
comme strictement normale [17].Affirmer radiologiquement
l’existence d’un œdème pulmonaire cardiogénique chez un
patient BPCO est aussi très difficile [18].
2.3.2. Les gaz du sang artériels
Si les gaz du sang artériels sont très fréquemment réalisés
en routine dans nos unités d’urgence, leur utilité d’un point
de vue pratique lors de la prise en charge d’un patient en
détresse respiratoire aiguë n’est pas évidente [19,20], com-
parativement à l’utilité de la surveillance de la saturation de
pouls en oxygène (SpO
2
). Ils permettront toutefois une orien-
tation diagnostique et permettront seuls de confirmer l’exis-
tence d’une hypercapnie.
Les valeurs du pH et de la PaCO
2
ne sont pas modifiées
chez les personnes âgées [21,22]. Si une étude ancienne avait
noté une diminution progressive de la PaO
2
avec l’âge [23],
donnée considérée comme acquise en pratique courante, des
travaux plus récents ont montré que la PaO
2
reste stable en
l’absence de pathologie respiratoire chronique [24,25].
L’existence d’un effet shunt gazométrique se rencontre
dans toute anomalie des rapports ventilation/perfusion, que
le patient présente un œdème pulmonaire cardiogénique, une
embolie pulmonaire ou encore une pneumopathie. La pré-
sence d’une hypercapnie n’est pas spécifique d’une décom-
pensation aiguë d’insuffisance respiratoire chronique. Cin-
quante pour cent des patients âgés hospitalisés pour un
œdème pulmonaire cardiogénique sont hypercapniques à
l’admission, y compris en l’absence d’insuffisance respira-
toire chronique [6]. Le niveau d’hypercapnie a moins d’im-
portance que la cinétique de l’augmentation de la PaCO
2
et/ou la baisse du pH, spontanément ou sous traitement.
Chaque gazométrie programmée devrait faire poser l’indi-
cation d’une analgésie locale, que celle-ci soit réalisée par
injection sous-cutanée de lidocaïne, ou par patch transdermi-
que, compte-tenu du caractère douloureux de ce type de
prélèvement [26].
518 E. L’Her et al. / Réanimation 13 (2004) 516–522