ENTRETIEN AVEC ERIC LINDIVAT,
METTEUR EN SCÈNE DE
THYESTE
DE SÉNÈQUE
Pourquoi avoir choisi de travailler sur une
tragédie romaine ?
Avant de faire le choix d’une pièce, je suis
dans un premier temps en quête d’un texte qui
peut m’offrir le nombre de personnages dont
j’ai besoin pour la distribution des rôles.
Quête qui s’avère être, le plus souvent, une
utopie car au fil de mes lectures il y en a
une qui s’impose «étrangement» à moi.
Cela a été précisément le cas pour la
tragédie romaine «Thyeste» de Sénèque.
J’ai lu la traduction de Florence Dupont et
j’ai découvert un texte clair, accessible, au
point de penser lire un texte contemporain.
Le sujet est tout à la fois dérangeant et
fascinant. L’acte monstrueux d’Atrée, le
frère de Thyeste, m’a immédiatement rappelé
des crimes commis au 21ème siècle et dont
l’horreur, aussi bien par le fond que par la
forme, égalent celle de cette tragédie.
Pensez-vous qu’une tragédie dont les
références mythologiques sont tombées en
grande partie aux oubliettes va intéresser
les spectateurs ?
© Anthony Coquin
Il est vrai que le texte fait référence à de
nombreux personnages de la mythologie
grecque(les dramaturges romains s’appuyaient
sur ces mythes étrangers pour écrire leurs
pièces), mais ces références n’empêchent en
rien la compréhension de l’histoire qui, par
ailleurs, est annoncée dès la première scène.
Aussi, comme c’est essentiellement
l’intervention des choeurs (prières aux dieux
et discours philosophiques), qui sont en
charge des noms appartenant aux mythes (peu
connus de l'auditeur, le plus souvent), j’ai
fait en sorte d’alléger la pesanteur du
drame;j’ai donc détourné leurs interventions
en leur prêtant une présence orale et
physique, décalée et amusante, pour permettre
aux spectateurs de «respirer».
Vous êtes metteur en scène d’un groupe
amateur, ne prenez-vous pas des risques dans
le choix d’une pièce théâtrale de ce genre ?
© Anthony Coquin
En 2012/2013, nous avons travaillé, avec les
membres de l’Equipage Théâtre, une courte
pièce de Jean-Claude Grumberg, «Guerre et
Paix».
C’était la première fois que je me risquais à
aborder un sujet grave.
Après une lecture commune, l’ensemble du
groupe a accroché et aimé le sujet et, de ce
fait, notre première aventure théâtrale a pu
commencer.
Ce qui m’avait attiré dans l’écriture de
cette pièce, c’était qu’il y avait peu de
dialogues et que les monologues avaient la
part belle. J’ai donc pu, avec eux, exploiter
les longues tirades qu’offrait ce texte dans
le but d’amener les comédiens à un travail
rigoureux de diction et d’articulation tout
en les obligeant à trouver le ton juste pour
extraire les traits de caractères essentiels
et faire apparaître les personnages.
C’est de façon positive que ce travail a
porté ses fruits ; la qualité de leur
interprétation a fait l’unanimité dans le
public.
La petite troupe de l’Équipage Théâtre m’a
fait confiance sur «Guerre et Paix» et, à mon
tour je leur fais pleinement confiance sur
«Thyeste».
Je suis rigoureux avec eux et j’ai pour
chacun une attention particulière en
observant leur évolution dans le résultat du
travail proposé.
Si j’estime qu’un ou qu’une comédienne n’est
pas à l’aise, je ne les engage pas à se
produire sur la scène. Je m’interdis de les
mettre en danger.
Quant aux risques, au théâtre on ne peut pas
les éviter. C’est un art vivant qui, après un
long travail, se donne à entendre et à voir
en direct et l’émotion est servie sur
l’instant.
Quant vous faites le choix de la création,
vous ne pouvez avoir de certitudes.
Entretien réalisé par Fabrice Florio le 01/07/2013