Vous trouvez le contenu de cette chronique utile? Faites un don à www.richardbeliveau.org pour supporter nos recherches. LUNDI 15 AOÛT 2016 Les cellules cancéreuses sont incapables d’envahir les organes sans la collaboration du milieu dans lequel elles se trouvent Le cancer, une prise D’OTAgE cELLULAiRE Docteur en biochimie Collaboration spéciale Richard Béliveau Une recherche récente montre que les cellules tumorales sont capables de forcer certaines cellules saines à collaborer avec elles pour les aider à obtenir les éléments essentiels à leur évolution en cancer. On perçoit souvent le cancer comme un corps étranger complètement autonome, capable de se développer par lui-même dans l’organisme. Ce n’est pourtant pas le cas: malgré toute leur puissance, les cellules cancéreuses sont absolument incapables d’envahir les organes du corps sans l’étroite collaboration du milieu dans lequel elles se trouvent. Une tâche difficile, car cet environnement est composé d’un très grand nombre de cellules normales, notamment les fibroblastes, qui possèdent une forte activité anticancéreuse capable de freiner le développement des tumeurs. C’est d’ailleurs la présence de cet environnement anticancéreux qui explique pourquoi la plupart des cancers qui se forment spontanément en nous ne parviennent pas à se développer et demeurent dans un état latent et inoffensif. DétoUrnement De ressoUrces Pour évoluer, le cancer doit donc trouver un moyen de prendre en otage cet environnement, c’est-àdire de le forcer à collaborer avec lui pour lui apporter les ressources indispensables à sa croissance. La formation de nouveaux vaisseaux sanguins à l’intérieur des tumeurs par le processus d’angiogenèse est un des meilleurs exemples de cette collaboration. Pour pouvoir progresser, le cancer doit en effet absolument pouvoir compter sur un approvisionnement constant en oxygène et en éléments nutritifs par le sang. Les cellules cancéreuses sécrètent alors certains signaux biochimiques (notamment une protéine appelée VEGF), qui vont attirer vers la tumeur les cellules d’un vaisseau sanguin situé à proximité et le pousser à former suffisamment de nouvelles cellules pour fabriquer un nouveau vaisseau sanguin. Un cercle vicieux s’installe alors: plus il y a de nouveaux vaisseaux sanguins, plus la croissance de la tumeur s’accélère et plus cette masse tumorale augmente, plus de signaux sont produits pour former de nouveaux vaisseaux et détourner la circulation sanguine vers la tumeur. sUpport mécaniqUe Même s’il est maintenant bien caractérisé, ce processus d’angiogenèse demeure néanmoins mystérieux: en effet, pourquoi les cellules saines du tissu conjonctif entourant les vaisseaux sanguins (les fibroblastes) demeurent-elles aussi passives et n’empêchentelles pas cette nouvelle vasculari- sation? Autrement dit, comment ces nouveaux vaisseaux parviennent-ils à se former dans un environnement qui leur est normalement totalement inhospitalier? Les résultats récemment obtenus par une équipe de scientifiques britanniques permettent de mieux comprendre ce phénomène et montrent, encore une fois, à quel point les cellules cancéreuses possèdent plus d’un tour dans leur sac pour parvenir à leurs fins1. Ils ont tout d’abord observé que la présence de cellules cancéreuses à proximité des fibroblastes provoquait d’importantes modifications dans le fonctionnement de ces cellules, en particulier sur les mécanismes impliqués dans la production des protéines sécrétées par ces fibroblastes. Alors que dans des conditions normales, la principale fonction des fibroblastes est de produire de grandes quantités de collagène de type I, les cellules cancéreuses modifient complètement ce programme et forcent les fibroblastes à sécréter plutôt un autre type de collagène (collagène de type II), normalement retrouvé dans le cartilage. Cette modification est importante, car les auteurs ont montré que cette forme de collagène II offre un support mécanique idéal pour la formation de nouveaux vaisseaux sanguins et la croissance tumorale. refUser De collaborer Ces observations sont très importantes, car elles indiquent que les cellules normales de l’organisme qui entourent les cellules tumorales participent activement au développement du cancer. En matière de prévention, cela signifie qu’il faut préserver l’intégrité des cellules normales de l’organisme pour empêcher autant que possible qu’elles collaborent avec les microtumeurs dont nous sommes tous porteurs. L’inflammation chronique, par exemple, est un agent déstabilisateur par excellence de l’environnement tumoral, et l’adoption d’un mode de vie capable de réduire au minimum cette inflammation représente une priorité absolue pour empêcher cette coopération entre les tumeurs et les cellules saines et pour diminuer les risques de cancer. Adopter une alimentation plus riche en végétaux, maintenir un poids corporel normal et faire régulièrement de l’activité physique demeurent les meilleurs moyens de stabiliser l’environnement entourant les tumeurs naissantes et de les maintenir dans un état inoffensif. 1. Clarke CJ et coll. The initiator methionine tRNA drives secretion of type II collagen from stromal fibroblasts to promote tumor growth and angiogenesis. Curr Biol. 2016; 26: 755-65. Vous trouvez le contenu de cette chronique utile? Faites un don à www.richardbeliveau.org pour supporter nos recherches. Vous trouvez le contenu de cette chronique utile? 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