Insuffisance cardiaque avancée : quand passer la main à

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MISE AU POINT
Insuffisance cardiaque avancée :
quand passer la main
à une équipe médico-chirurgicale
réalisant des transplantations ?
Advanced heart failure: when should a patient be referred
to a transplant center?
R. Dorent*, L. Lepage*, P. Nataf**
L
es progrès du traitement médical de l’insuffisance cardiaque au cours de ces 30 dernières
années ont amélioré de façon spectaculaire
la survie des patients en insuffisance cardiaque
avancée. Pour autant, la transplantation cardiaque
et l’assistance circulatoire mécanique ont une
place grandissante pour les patients auxquels elles
apportent un bénéfice par rapport au traitement
médical maximal toléré − traitement pharmacologique et traitement électrique. Les traitements
chirurgicaux ont une fenêtre thérapeutique étroite
et il est crucial d’éviter d’opérer les patients trop tôt,
quand la chirurgie n’apporte pas de bénéfice, ou trop
tard chez des patients trop malades. Cette mise au
point passe en revue les éléments qui doivent inciter
à adresser un insuffisant cardiaque hospitalisé et
ambulatoire à un centre médico-chirurgical effectuant des transplantations et mettant en place des
assistances circulatoires mécaniques.
parmi les 8,3 millions de personnes en France affiliées au régime général qui bénéficiaient de l’exonération du ticket modérateur au titre d’une affection
de longue durée, 577 670 en bénéficiaient au titre
d’une insuffisance cardiaque grave (2). L’analyse
des causes de décès et de leur évolution entre 2000
et 2008 à partir de la base de données nationale
Inserm-CépiDc indique que si le taux standardisé
de décès par insuffisance cardiaque a baissé de
24 % pendant cette période (taux standardisé pour
* Département de cardiologie et
service de chirurgie cardiaque et
vasculaire, hôpital Bichat, Paris.
** Service de chirurgie cardiaque et
vasculaire, hôpital Bichat, Paris.
Patient en insuffisance cardiaque avancée
Hospitalisé avec traitement intraveineux
Ambulatoire
Stabilisation
Traitement médical optimal y compris CRT/DAI
Traitement chirurgical
de l’insuffisance cardiaque
avancée (figure)
L’insuffisance cardiaque représente un enjeu sanitaire
majeur, avec une prévalence de l’ordre de 2 % (1).
Elle est à l'origine de 5 % des hospitalisations aiguës.
Malgré des progrès thérapeutiques considérables,
son pronostic reste sombre : 40 % des patients hospitalisés avec une insuffisance cardiaque décèdent ou
sont réhospitalisés dans l’année qui suit, et 50 % des
patients décèdent à 4 ans (1). Au 31 décembre 2008,
Dégradation
Insevrable
Intolérance
à l’effort
ECMO/ACM/Transplantation
Fréquents épisodes
de décompensation
Insufficance rénale
hypotension
en euvolémie
ACM/Transplantation
ACM : assistance circulatoire mécanique ; ECMO : Extracorporeal Membrane Oxygenation.
Figure. Schéma d’évaluation des malades adressés à un centre de transplantation-assistance.
La Lettre du Cardiologue • n° 448 - octobre 2011 | 17 Points forts
Mots-clés
Insuffisance cardiaque
avancée
Transplantation
Assistance circulatoire
mécanique
Facteurs pronostiques
Fenêtre thérapeutique
Highlights
»» 21964 patients died from
heart failure in France in 2008.
»» The therapeutic window of
cardiac transplantation and
mechanical circulatory support
is narrow.
»» Graft scarcity is the main
limitation to heart transplantation.
»» One year post continuousflow left ventricular assist
device implantation survival
is > 70%.
»» Amulatory patients with
more than 10-15% 1-year
mortality with the Seattle
Heart Failure Model should be
referred to a transplant center.
»» Renal insufficiency in heart
failure patients is a risk factor
for death and should trigger
consideration for a referral to
a transplant center.
Keywords
Advanced heart failure
Transplantation
Mechanical circulatory
support
Prognostic factors
Therapeutic window
»» 21 964 personnes sont décédées d'insuffisance cardiaque en France en 2008.
»» La fenêtre thérapeutique de la transplantation et/ou de l'assistance circulatoire est étroite.
»» L'accès à la transplantation cardiaque resté limité par la rareté des greffons (360 greffes par an).
»» Les dispositifs d'assistance circulatoire à débit continu, plus petits et plus fiables, donnent, dans le
registre INTERMACS, une survie à 1 an supérieure à 70 %.
»» Une mortalité à 1 an estimée supérieure à 10 à 15 % avec le Seattle Heart Failure Model doit amener
à adresser un patient à un centre de greffe.
»» L'insuffisance rénale chez un insuffisant cardiaque est un facteur de risque de décès sous traitement
médical après greffe et après assistance, et doit conduire à référer le malade à un centre de greffe.
100 000 habitants à 36,4 en 2000 et 27,6 en 2008),
en 2008, l’insuffisance cardiaque a été à l'origine du
décès de 21 964 personnes (3).
La place des traitements pharmacologiques et électriques de l’insuffisance cardiaque est précisée dans
les recommandations des sociétés savantes (1, 4).
La transplantation cardiaque est un traitement de
l’insuffisance cardiaque terminale. S’il n’y a jamais
eu d’étude randomisée comparant les résultats de
la transplantation avec ceux du traitement médical,
il a été montré que la transplantation apportait un
bénéfice sur la survie des malades inscrits sur liste
d’attente (5). Le risque de décès après la transplantation est inférieur à celui des patients inscrits
sur liste d’attente après le dixième jour pour les
malades hospitalisés en décompensation, et après le
quarante-deuxième jour pour les malades ambulatoires. En France comme ailleurs, la transplantation
cardiaque reste limitée par la rareté des greffons.
En 2009, 485 nouveaux candidats ont été inscrits
sur liste d’attente et 359 patients ont été greffés. Le
niveau de pénurie est stable depuis plusieurs années
avec 2,2 candidats pour un greffon. La durée médiane
d’attente pour les malades inscrits entre 2007 et
2009 sur liste d’attente était de 3,5 mois et le taux
d’incidence de décès parmi les patients inscrits sur
liste d’attente, de 22,2 pour 100 patients-années (6).
Depuis l’étude randomisée et contrôlée REMATCH
(Randomized Evaluation of Mechanical Assistance
for the Treatment of Congestive Heart Failure) [7],
au début des années 2000, qui a montré qu’un
système d’assistance circulatoire mécanique avec
une pompe à débit pulsatile réduisait de 48 %
(p = 0,001) le risque de décès par rapport au traitement médical chez les patients en insuffisance
Tableau I. Profils cliniques INTERMACS.
Profil
Description
Délai d’intervention
1
Choc cardiogénique critique
Heures
2
Déclin progressif sous inotropes
Jours
3
Stable mais dépendant des inotropes
Semaines
4
Symptômes au repos, au domicile, traitement oral
Semaines ou mois
5
Intolérant à tout effort
Semaines ou mois
6
Efforts limités
Mois
7
Classe IIIB de la NYHA
Pas précisé
18 | La Lettre du Cardiologue • n° 448 - octobre 2011
cardiaque terminale non éligibles à une transplantation, les machines, leur stratégie d’implantation et
surtout leurs résultats­ont beaucoup évolué. Il s’est
produit une transition des pompes à débit pulsatile
vers les pompes à débit continu, qui représentaient
98 % des implantations chez l’adulte au premier
semestre 2010 aux États-Unis. Plus petites, plus
faciles à implanter et plus fiables, ces pompes s’accompagnent de moins de complications infectieuses
et améliorent significativement la survie à 2 ans (8).
Par ailleurs, l’Interagency Registry for Mechanically
Assisted Circulatory Support (registre INTERMACS)
indique qu’entre les périodes 2006-2008 et 20092010, la proportion des implantations en attente
de récupération et de greffe a diminué, alors que
celle des implantations en attente d’inscription
sur la liste d’attente et comme traitement définitif
ont augmenté (9). La survie à 1 an rapportée par le
registre est supérieure à 70 %.
Patients hospitalisés
Parmi les insuffisants cardiaques hospitalisés pour
un ajustement thérapeutique, qu’il s’agisse d’une
insuffisance cardiaque de novo ou d’une décompensation d’insuffisance cardiaque chronique, certains
répondent au traitement et à la prise en charge
des facteurs favorisant la poussée d’insuffisance
cardiaque. D’autres sont réfractaires et doivent
recevoir un traitement inotrope intraveineux
prolongé. Pour mieux caractériser cette population
de patients en insuffisance cardiaque réfractaire, le
registre INTERMACS, créé en 2006, a défini 7 profils
cliniques (tableau I) [10]. Les éléments qui doivent
conduire à adresser un patient répondant au traitement à un centre médico-chirurgical sont les mêmes
que ceux pris en compte pour les patients ambulatoires. À l'opposé, les patients avec un profil INTERMACS 1, 2 et 3 doivent être transférés vers un centre
médico-chirurgical dans des délais se comptant
respectivement en heures, en jours et en semaines
s’ils n’ont pas de contre-indication à la mise en place
d’une assistance circulatoire mécanique.
Le profil INTERMACS 1 (crash and burn) concerne
les patients en choc cardiogénique critique, avec
une hypotension menaçante et une hypoperfusion
MISE AU POINT
des organes critiques, choc souvent confirmé par
une acidose et/ou une augmentation des lactates,
une oligurie et un foie de choc. Il peut s’agir d’insuffisants cardiaques connus éventuellement en liste
d’attente, mais le plus souvent, il s’agit d’un infarctus
du myocarde, d'une myocardite ou d'un choc après
une cardiotomie. Ces patients sont sous inotropes.
Pour certains, le passage par une assistance de courte
durée, comme l’ECMO (ExtraCorporeal Membrane
Oxygenation), permet de voir avant de décider de
la mise en place d’une assistance circulatoire mécanique. Le transfert est une urgence.
Le profil INTERMACS 2 (sliding on inotropes)
concerne les patients dont l'état se dégrade sous
inotropes ou qui sont intolérants aux perfusions
d’inotropes (arythmie, ischémie) et qui présentent
une détérioration de la fonction rénale et une
rétention hydrosodée. Ces patients doivent être
transférés dans un délai se comptant en jours et
peuvent bénéficier d'une assistance de courte durée
avant la mise en place d'une assistance circulatoire
mécanique.
Le profil INTERMACS 3 (dependent stability)
concerne les patients dont la tension et la fonction
des organes critiques sont stables sous perfusion
d’inotrope et/ou sous assistance de courte durée,
mais qui sont en échec de sevrage et qui présentent
alors une hypotension ou une insuffisance rénale. Ces
patients sont d’excellents candidats à une assistance
circulatoire mécanique.
Patients ambulatoires
Chez les patients ambulatoires avec une insuffisance
cardiaque compensée, la transplantation peut être
indiquée :
− quand la capacité d’exercice est altérée ;
− quand les patients ont des épisodes de décompensation fréquents ;
− quand le maintien en situation d’euvolémie ne peut
être obtenu qu’au prix d’une insuffisance rénale ou
d’une hypotension.
Mesures de la capacité
d’exercice
Alors que la transplantation cardiaque est le traitement de choix de l’insuffisance cardiaque sévère,
il est crucial d’avoir une évaluation objective de la
capacité d’exercice des patients.
Le test de marche de 6 minutes permet d’évaluer
la capacité fonctionnelle sous-maximale de façon
simple et reproductible, au-delà de la simple classe
NYHA (New York Heart Association). Utilisé dans
de nombreuses études sur l’assistance circulatoire
mécanique (8, 11), il ne fait pas partie des examens
recommandés par la Société internationale de
transplantation cardiaque et pulmonaire (International Society for Heart and Lung Transplantation [ISHLT]) pour la sélection des candidats à une
transplantation (12).
L’introduction des bêtabloquants dans l’arsenal
thérapeutique de l’insuffisance cardiaque, qui
modifie le pronostic des patients sans améliorer
le pic de VO2, a limité la place du test d’effort avec
étude des échanges gazeux dans l’évaluation des
malades. Néanmoins, le pic de VO2 reste un facteur
pronostique majeur dans l’insuffisance cardiaque.
Sa diminution peut être due à une limitation de
l’augmentation du débit cardiaque, à une mauvaise
adaptation du débit sanguin périphérique ou à une
anomalie du métabolisme des muscles squelettiques au cours de l’effort. Pour l’ISHLT, il convient
de mesurer le pic de VO2 avant d'opter ou non pour
une inscription sur la liste d’attente. Les valeurs
devant inciter à adresser un patient à un centre
médico-chirurgical doivent être supérieures aux
valeurs seuils d’inscription sur la liste d’attente
− valeurs seuils inférieures ou égales à 14 ml/kg/­mn
chez les patients intolérants aux bêtabloquants
et inférieures ou égales à 12 ml/kg/mn (classe I,
niveau B) chez les patients sous bêtabloquants.
Le test doit être maximal, permettant de dépasser
un quotient respiratoire (QR = production de
CO2/consommation d’O 2) de 1,05 et d’atteindre
le seuil anaérobie. Chez les patients de moins de
50 ans, l’ISHLT recommande, pour l’inscription sur
liste d’attente, d’utiliser la valeur du pic de VO 2
normalisée sur l’âge et le sexe avec une valeur seuil
inférieure ou égale à 50 % du pic de VO 2 théorique (classe IIa, niveau B). Indépendamment du
pic de VO2, la pente de l’équivalent respiratoire en
CO2 (débit ventilatoire/production de CO 2) est un
facteur pronostique puissant dans l’insuffisance
cardiaque. L’adaptation ventilatoire au cours de
l’effort dépend de l’évolution du débit cardiaque,
des pressions pulmonaires et du rapport espace
mort/volume courant. Une pente VE/VCO2 supérieure à 35 peut être prise en considération pour
adresser un patient à un centre médico-chirurgical (pour l’ISHLT, recommandation de classe IIb,
niveau C pour l’inscription sur liste d’attente quand
le test d’effort a été sous-maximal [QR inférieur
à 1,05]).
La Lettre du Cardiologue • n° 448 - octobre 2011 | 19 MISE AU POINT
Insuffisance cardiaque avancée : quand passer la main à une équipe
médico-chirurgicale réalisant des transplantations ?
Scores de risque dans
l’insuffisance cardiaque
compensée
Il n'est pas possible de prédire avec précision le risque
de décès pour une population aussi inhomogène que
celle des insuffisants cardiaques ambulatoires sur
les seules données issues d’un test d’effort. C'est la
raison pour laquelle des scores de risque de décès
ont été développés dans l’insuffisance cardiaque
sévère ambulatoire, les 2 plus connus étant le Heart
Failure Survival Score (HFSS) et le Seattle Heart
Failure Model (SHFM).
Le HFSS, développé par l’équipe de Mancini (13), est
calculé à partir de 7 variables simples (tableau II).
Il permet de stratifier les patients en 3 niveaux
de risque : faible, intermédiaire et élevé. Le pic
de VO2 est l'un des 7 paramètres pris en compte
dans le modèle. Ce score a été développé dans les
années 1990, c’est-à-dire avant l’introduction des
bêtabloquants, de la spironolactone, de la stimulation biventriculaire et des défibrillateurs implantables, et il est tombé dans une relative désuétude.
Il est considéré comme légitime d’envisager une
transplantation cardiaque pour les patients à risque
intermédiaire ou élevé.
Plus récemment, un autre modèle de prédiction de
la survie chez les insuffisants cardiaques ambulatoires a été publié : le SHFM (14). Il s’agit d’un score
calculé à partir de 21 variables cliniques, biologiques
et thérapeutiques simples (tableau III), fondé sur
les données de l’étude PRAISE (Prospective Randomized Amlodipine Survival Evaluation) et validé sur 5
autres cohortes de patients. La dose de furosémide
ou son équivalent pour les malades sous bumétanide est la variable la plus significative du modèle.
Tableau II. Paramètres du Heart Failure Survival Score.
## Fréquence cardiaque au repos
## Pression artérielle moyenne
## Fraction d’éjection du ventricule gauche
## Natrémie
## Pic de VO2
## Durée de QRS ≥ 120 ms
## Étiologie ischémique de la cardiopathie
Tableau III. Paramètres du Seattle Heart Failure Model.
## Cliniques : âge, sexe, classe NYHA, poids, pression artérielle systolique, origine ischémique de la
cardiopathie, QRS >120 ms, fraction d’éjection du ventricule gauche
## Biologiques: hémoglobine, pourcentage de lymphocytes, acide urique, cholestérol total, natrémie
## Thérapeutiques : inhibiteur de l’enzyme de conversion, β-bloquant, antagoniste des récepteurs de
l’angiotensine II, statine, allopurinol, antagoniste de l’aldostérone, dose de diurétique, pacemaker
biventriculaire/défibrillateur automatique implantable
20 | La Lettre du Cardiologue • n° 448 - octobre 2011
Le pic de VO2 et les biomarqueurs, dont la valeur
pronostique est établie, n’ont pas été inclus dans le
modèle, car ils ne sont disponibles que pour un petit
sous-groupe de patients. De façon pratique, le calcul
de la survie estimée avec ce score peut être fait à
partir du site web www.SeattleHeartFailureModel.
org. Une mortalité à 1 an estimée supérieure à 10
à 20 % doit inciter à référer orienter le patient vers
un centre médico-chirurgical. Aux États-Unis, où
la mortalité 1 an après une greffe cardiaque est de
l’ordre de 10 %, les patients, dont la mortalité à 1 an
est estimée supérieure à 10 à 15 % selon le SHFM,
sont considérés comme des candidats à une greffe.
Insuffisance rénale associée à
une insuffisance cardiaque
Alors que les réanimateurs connaissent depuis longtemps l’impact, sur la mortalité des malades hospitalisés en unité de soins intensifs, d’une défaillance
d’organe (hépatique, rénale, pulmonaire, cérébrale)
associée à l’insuffisance circulatoire, ce n’est que
relativement récemment, dans les années 2000,
que de nombreux auteurs ont rapporté la valeur
pronostique de l’insuffisance rénale chez les insuffisants cardiaques. Cette insuffisance rénale peut
être liée à une maladie rénale autonome mais,
dans la grande majorité des cas, elle est due à
une diminution du flux sanguin rénal secondaire
à un débit cardiaque diminué ou à des pressions
veineuses centrales élevées. La valeur pronostique de
l’insuffisance rénale a été montrée chez les patients
hospitalisés pour une décompensation mais aussi
chez les patients ambulatoires. Les dysfonctions des
autres organes ne sont pas considérées comme des
facteurs pronostiques indépendants.
Par ailleurs, il est aujourd’hui bien établi qu’une
dysfonction rénale, hépatique ou pulmonaire
avant la greffe est un facteur de risque de mortalité pendant la première année après la greffe (15).
D’après le registre de l’ISHLT, le risque relatif de
décès pendant la première année devient supérieur
à 1 dès que les valeurs de 120 µmol/l pour la créatininémie et de 20 µmol/l pour la bilirubinémie sont
atteintes.
De la même façon, Lietz et al. (16) ont montré que
les dysfonctions rénale et hépatique étaient des
facteurs de risque de mortalité dans les 3 mois
suivant la mise en place d’une assistance circulatoire
mécanique avec une pompe à débit pulsatile à visée
définitive. Lorsque ces dysfonctions sont incluses
dans un modèle à 9 variables, elles permettent de
MISE AU POINT
stratifier les patients en 3 niveaux de risque.
De façon pragmatique, Russell et al. (17) ont proposé
un ensemble de 8 facteurs de risque qui doit inciter
à adresser un insuffisant cardiaque ambulatoire à
un centre médico-chirurgical (tableau IV). La valeur
seuil de créatininémie retenue par Russell et son
équipe est de 160 µmol/l.
Conclusion
La sélection des candidats à une transplantation
cardiaque et/ou une assistance circulatoire mécanique détermine pour une large part leurs résultats. La caractérisation, grâce à la classification
INTERMACS, des patients en classe IV instables
permet de fixer les délais de transfert des malades
dans la perspective de la mise en place d’une assis-
Tableau IV. Éléments justifiant d’adresser un patient ambulatoire à un centre de transplantation-assistance.
## Dyspnée à un pâté de maison
## Natrémie < 136 meq/l
## Créatinine > 160 µmol/l
## Intolérance aux IEC/ARA/β-bloquants
## Dose de diurétique > 1,5 mg/kg/jour
## Hospitalisation pour insuffisance cardiaque dans les 6 mois précédents
## Non répondeur à la resynchronisation ou absence de resynchronisation et QRS > 140 ms
## Hématocrite < 35 %
tance. Pour les patients ambulatoires, en plus des
tests d’effort avec étude des échanges gazeux, les
scores de risque dans l’insuffisance cardiaque et
le retentissement de l’insuffisance cardiaque sur
les autres organes (en particulier le rein) sont de
précieux outils pour décider d’adresser un malade à
un centre médico-chirurgical effectuant des transplantations.
■
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La Lettre du Cardiologue • n° 448 - octobre 2011 | 21 
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