tiplier au sein de ces macrophages, il est capable de moduler
son microenvironnement (modification du pH, résistance aux
dérivés oxygénés et nitrés et aux enzymes de dégradation de
l’hôte, acquisition de fer et de calcium, synthèse de précurseurs
d’acides nucléiques…). Ainsi, comme le bacille tuberculeux,
il exploite sa cellule hôte en s’y multipliant pendant la phase
aiguë de l’infection et en y persistant quiescent pendant la phase
latente, sans perdre sa capacité de réactivation (13, 14).
Hc a également été retrouvé dans les polynucléaires neutro-
philes et les cellules mononucléées du sang périphérique, dans
lesquels il peut survivre. Selon l’hypothèse émise par Medei-
ros et al., Hc induirait un état antiapoptotique des leucocytes,
lié à une diminution de l’expression de surface de Mac-1. Ce
mécanisme, en retardant la mort cellulaire, prolongerait ainsi
la propre survie de Hc au sein des leucocytes (15).
Chez les sujets VIH+, la fréquence des formes disséminées
s’expliquerait par une altération de la fonction monocytes-
macrophages. D’une part, les macrophages des patients infec-
tés par le VIH sont moins performants pour la reconnaissance
et la phagocytose de Hc, et ce d’autant moins que le taux de
CD4 est bas. En effet, la gp120, en se liant au récepteur CD4
des macrophages, réduit leur capacité à lier et à ingérer Hc. De
plus, l’infection des macrophages par le VIH pourrait entraî-
ner une dérégulation de l’expression et du fonctionnement de
leur récepteur CD18. Enfin, la croissance de la levure semble
accélérée dans les macrophages des patients infectés par le VIH,
quel que soit leur taux de CD4 (16).
CLINIQUE
Primo-infection et histoplasmose pulmonaire aiguë
La primo-infection est le plus souvent asymptomatique chez le
sujet immunocompétent. Elle peut se traduire radiologiquement
par un nodule pulmonaire isolé parfois calcifié, des adénopa-
thies hilaires ou médiastinales ou, plus rarement, une image
excavée.
La forme pulmonaire aiguë, dont l’incidence et la sévérité
décroissent au fur et à mesure de l’acquisition de l’immunité
cellulaire, touche essentiellement les enfants dans les pays d’en-
démie. Elle se manifeste sept à quatorze jours après l’exposi-
tion, par un tableau pseudo-grippal associant céphalées, fièvre,
frissons, toux sèche, douleurs thoraciques, myalgies, anorexie
et amaigrissement. Dans les formes sévères liées à un fort ino-
culum, on observe parfois une dyspnée hypoxémiante. L’examen
clinique, souvent sans particularités, peut révéler une hépato-
splénomégalie, des adénopathies périphériques ou un érythème
noueux. La biologie montre inconstamment une polynucléose
neutrophile ou une élévation des phosphatases alcalines et des
transaminases (hépatite granulomateuse). Sur la radiographie
pulmonaire, il existe des infiltrats non spécifiques prédominant
aux bases, des adénopathies hilaires ou médiastinales, voire,
dans les formes sévères, un aspect réticulo-micronodulaire dif-
fus de type “miliaire” ou un épanchement pleural. L’évolution
se fait généralement vers la guérison en trois semaines, l’as-
thénie pouvant persister plus longtemps. À distance, des calci-
fications, généralement sous-pleurales, peuvent apparaître.
L’histoplasmose pulmonaire aiguë peut se compliquer de phé-
nomènes immuno-allergiques à type de polyarthrite symétrique,
d’érythème noueux ou polymorphe ou de péricardite (en cas
d’atteinte ganglionnaire médiastinale). Les adénopathies
médiastinales et hilaires peuvent, par ailleurs, se développer
pour leur propre compte sur un mode inflammatoire, et évoluer
vers la formation de caséum, même après guérison de l’atteinte
pulmonaire parenchymateuse. Elles sont alors responsables de
toux avec hémoptysie, de douleurs thoraciques et de dyspnée,
par compression des vaisseaux et des bronches (médiastinite
granulomateuse). La médiastinite fibreuse est une entité rare
et de pathogénie mal connue. Elle se manifeste par un engai-
nement fibreux compressif des structures adjacentes : veine
cave supérieure, vaisseaux pulmonaires, trachée, bronches,
œsophage…
Histoplasmose pulmonaire chronique
Elle survient chez des hommes d’âge moyen sur un terrain de
bronchopathie chronique obstructive ou d’emphysème centro-
lobulaire. Elle fait généralement suite à une infection pulmo-
naire traînante et sa présentation est proche de celle de la tuber-
culose pulmonaire commune, sous une forme moins sévère. En
l’absence de traitement, les lésions progressent vers la nécrose
et la destruction du parenchyme pulmonaire, conduisant à une
insuffisance respiratoire terminale. La réponse au traitement
est souvent médiocre, avec un taux important de rechutes.
Histoplasmose disséminée
Rare et souvent létale, elle se développe à la faveur d’une immu-
nodépression : surtout l’infection par le VIH avec moins de
150 CD4/mm3, mais aussi le diabète, les hémopathies malignes,
la corticothérapie systémique, la chimiothérapie anticancéreuse
et la transplantation d’organe. Dans 20 % des cas, elle fait suite
à une inoculation massive chez un sujet sain. Enfin, elle s’ob-
serve volontiers chez les enfants de moins d’un an ou chez les
sujets âgés. Elle représente soit une infection aiguë rapidement
évolutive (0,1 % des histoplasmoses pulmonaires aiguës), soit
une réactivation tardive (16). La symptomatologie peut com-
mencer sur un mode subaigu, voire latent, ou sous une forme
bruyante et fulminante, particulièrement chez les malades très
immunodéprimés ou les enfants.
Chez les patients séropositifs pour le VIH, l’histoplasmose est
la mycose endémique la plus fréquente et se présente sous sa
forme disséminée dans 90 à 95 % des cas (5, 17). L’histoplas-
mose disséminée fait d’ailleurs partie des pathologies classées
sida depuis 1987. Dans une étude menée par Hajjeh et al. chez
92 patients, entre 1996 et 1999, il ressort, en analyse multiva-
riée (âge et CD4 comparables), que le seul facteur de risque
identifiable est le travail au contact de la terre souillée par des
fientes d’oiseaux ou de chauves-souris (OR : 3,3 ; CI
95
: 1,5-
7,2). À l’opposé, la prise d’un traitement antirétroviral, un anté-
cédent de pneumocystose et un traitement par triazolé dans les
deux mois précédant l’inclusion seraient associés à un risque
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XIX - n
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