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Actualités sur l’histoplasmose à Histoplasma capsulatum
variété capsulatum
Update on histoplasmosis caused by Histoplasma capsulatum
var. capsulatum
● A. Therby 1, A.
Lefort 2, B. Dupont 2, O. Lortholary 2, 3
RÉSUMÉ. L’histoplasmose est une mycose tropicale endémique, notamment dans certaines régions des États-Unis (vallées de l’Ohio et du
Mississipi), mais elle peut aussi être importée en Europe. Son expression clinique est très variée : souvent asymptomatique au cours de la primoinfection, elle prend une forme pulmonaire aiguë chez l’immunocompétent (ou chronique en cas de bronchopathie sous-jacente), des formes localisées après réactivation tardive ou une forme disséminée, parfois grave, chez l’immunodéprimé. Elle est plus particulièrement observée chez les
patients infectés par le VIH, chez qui elle représente actuellement la mycose la plus fréquente en région endémique. Son
diagnostic s’appuie avant tout sur la mise en évidence de levures caractéristiques à l’examen direct et, parfois, sur la positivité de la culture.
L’analyse histologique, bien que plus rapide que la culture, reste moins sensible et difficile à interpréter chez l’immunodéprimé. La détection de
l’antigène polysaccharidique de Histoplasma capsulatum, très sensible et spécifique, est actuellement encore l’apanage de laboratoires de référence aux États-Unis. Le traitement antifongique est indiqué dans les formes localisées sévères, les formes chroniques et disséminées avec signes
de gravité. Il repose sur l’amphotéricine B en cas d’histoplasmose aiguë sévère ou disséminée. L’itraconazole est une alternative efficace et bien
tolérée dans les formes de gravité modérée ou en relais oral. Son utilisation a également été validée chez les personnes infectées par le virus VIH,
en prophylaxie primaire dans certaines régions endémiques, mais ce n’est guère réalisé en pratique courante. La prévention secondaire reste indiquée tant que persiste l’immunodépression, même si certains auteurs évoquent la possibilité de l’interrompre en cas de restauration immunitaire
prolongée. Enfin, quelques observations de syndrome inflammatoire lié à une reconstitution immunitaire ont été décrites au cours du sida.
Mots-clés : Histoplasma capsulatum - Histoplasmose pulmonaire aiguë - Histoplasmose disséminée - Immunodépression - VIH Amphotéricine B - Itraconazole - Prophylaxie.
ABSTRACT. Histoplasmosis is an endemic tropical systemic mycosis, especially in US areas such as Mississipi and Ohio valleys, somehow imported cases have been described in Europe. Various clinical presentations can be seen : asymptomatic primary infection, acute pulmonary infection
in non-immunocompromised patients, chronic form in case of underlying respiratory disease, focal infection after reactivation or disseminated
histoplasmosis in immunocompromised hosts, especially those with cell-immune deficiency. Histoplasmosis is also the most common systemic
mycosis among HIV-infected persons in endemic areas. Diagnosis is based on direct examination using appropriate fungal stains and, sometimes,
on cultures. It should be noted that granuloma may not be present in immunocompromised hosts. Detection of specific antibodies is valuable for
the diagnosis of histoplasmosis in HIV seronegative individuals. Antigen detection is a very sensitive and specific test but is still restricted to reference lab in USA. Antifungal therapy is required for severe focal, chronic and disseminated infections. Amphotericin B is the treatment of choice
for severe disseminated manifestations. Itraconazole is also effective and well tolerated in mild or moderate cases, including disseminated forms.
Furthermore, itraconazole has been recommended for primary prophylaxis, in some endemic areas, for HIV-infected persons but isn’t used in
practice since the avaibility of highly active antiretroviral treatment. Secondary prophylaxis is necessary as long as immunosuppression exists,
even if US investigators recently suggested its interruption after lasting immune recovery. At last, several cases of immune reconstitution inflammatory syndrome, due to either Histoplasma capsulatum or Histoplasma duboisii, have been described during HIV infection.
Keywords: Histoplasma capsulatum - Acute pulmonary histoplasmosis - Disseminated histoplasmosis - Immunosuppression - HIV Amphotericin B - Itraconazole - Prophylaxis.
histoplasmose est une mycose granulomateuse profonde
due à Histoplasma capsulatum. H. capsulatum comporte
deux variétés : H. capsulatum var. capsulatum (Hc) et
H. capsulatum var. duboisii (Hd). Il s’agit d’un champignon
L’
1
Service de médecine interne, hôpital Beaujon, 92118 Clichy Cedex.
Service de maladies infectieuses et tropicales, hôpital Necker, 75743 Paris
Cedex 15.
3
Unité de mycologie moléculaire et centre national de référence des mycoses
et des antifongiques, Institut Pasteur, 75724 Paris Cedex 15.
2
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XIX - no 2 - mars-avril 2004
dimorphique avec une forme filamenteuse (forme infectante),
présente dans le milieu extérieur et dans les milieux de culture,
et une forme levure présente uniquement dans les tissus infectés de l’homme et des animaux.
ÉPIDÉMIOLOGIE
Répartition géographique
Hc est présent dans de nombreuses régions tempérées ou tropicales du globe, limitées par 45 ° de latitude Nord et 30 ° de
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latitude Sud. Il est fortement endémique dans la moitié Est des
États-Unis, notamment dans les vallées de l’Ohio et du Mississipi, et jusqu’aux grands Lacs au Nord. La maladie est également fréquente en Amérique centrale (Panama, Honduras,
Costa Rica, Mexique), en Amérique du Sud (Colombie, Équateur, Guyane, Brésil, Paraguay, Uruguay, Argentine, Chili,
Venezuela) et aux Caraïbes (Porto Rico, Trinité, Cuba, Antilles
françaises). Quelques cas sporadiques ont été décrits en Europe
(notamment en Italie), en Afrique noire, en Asie du Sud-Est
et en Australie. Il faut noter enfin qu’en Europe, en dehors de
l’Italie où quelques cas apparemment autochtones ont été rapportés (1), il s’agit de cas d’importation. En France, les cas
importés sont observés en France métropolitaine, la Guyane et
les Antilles restant les principaux pourvoyeurs d’histoplasmose
à l’échelle nationale.
En 1969, Edwards estimait déjà à 40 millions le nombre d’Américains ayant été infectés par Hc. La prévalence de l’histoplasmose, proche de 500 000 cas par an, la place au premier rang
des mycoses systémiques aux États-Unis. Ainsi, dans certaines
régions, 20 % des adultes ont une intradermoréaction à l’histoplasmine positive, et ce chiffre peut atteindre 80 % en zone
hyperendémique, comme l’Indiana ou le Kansas, l’âge moyen
de positivation du test se situant habituellement entre 10 et
15 ans (2).
La maladie a connu par ailleurs un essor important avec l’apparition de l’infection par le VIH. En 1990, Wheat et al. rapportaient une prévalence de 2 à 35 % de l’histoplasmose disséminée chez les patients au stade sida vivant en région
endémique, ce qui en faisait la deuxième cause d’infections
opportunistes. Cette infection, qui arrivait généralement à un
stade avancé de leur immunodépression, constituait dans plus
de la moitié des cas l’entrée dans la maladie. Actuellement,
depuis l’introduction de thérapies antirétrovirales efficaces,
on assiste à un effondrement du nombre des cas (3, 4). Pour
Hajjeh et al., recevoir un traitement antirétroviral, quel qu’il
soit, est associé de manière indépendante à une réduction significative du risque d’histoplasmose au cours de l’infection par
le VIH (5).
Mode de contamination
Hc est un champignon tellurique, particulièrement présent
autour des poulaillers, dans les sols enrichis en déjections d’oiseaux ou dans les sols humides contaminés par le guano des
chauves-souris (fermes, pigeonniers, grottes, granges). Ces
déjections constituent en effet des facteurs propices à la croissance et à la sporulation de Hc.
La contamination humaine se fait le plus souvent sur un mode
respiratoire, par inhalation de poussières riches en spores ; plus
rarement, elle se fait par voie digestive ou par le biais d’une
excoriation cutanée. Des cas exceptionnels de transmission par
transplantation rénale ou hépatique via un greffon infecté ont
été rapportés (6, 7), de même que des localisations cutanées
primitives après inoculation accidentelle. Il n’existe pas de
transmission interhumaine, ni de l’animal vers l’homme.
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Le risque d’infection dépend de l’activité exposante ainsi que
de la durée et de l’intensité de l’exposition aux poussières telluriques. Les zones rurales sont évidemment plus à risque, mais
des activités de nettoyage, construction, démolition, rénovation ou excavation des sols ont été impliquées. Parfois, la simple
manipulation de sols où se sont accumulés des déchets organiques (fientes d’oiseaux) suffit à la contamination ; ainsi,
récemment, l’utilisation d’un terreau enrichi pour des plantes
d’intérieur fut responsable d’une épidémie familiale de quatre
personnes immunocompétentes en Colombie (8). La spéléologie ou la visite touristique de grottes sont des activités à haut
risque, en cause dans plusieurs épidémies. Ainsi, en 1999, un
groupe d’adolescents chiliens en voyage en Équateur, ayant
visité pendant quelques minutes l’intérieur d’une grotte hébergeant des chauve-souris, avait été atteint (9). En 1994, il s’agissait de 24 spéléologues assistant à un congrès national de spéléologie au Texas (10). Enfin, récemment, une équipe française
rapportait une épidémie d’histoplasmose pulmonaire aiguë
parmi les 13 membres d’un groupe ayant traversé un tunnel
empli de chauves-souris, à l’occasion d’un trekking en Martinique (11).
Bien que souvent peu ou pas symptomatique chez le sujet
immunocompétent, la maladie pulmonaire peut revêtir une
forme sévère après une exposition prolongée ou une inhalation
massive de conidies. Les âges extrêmes de la vie ou une immunodépression cellulaire profonde potentialisent les formes disséminées. C’est le cas des sujets séropositifs pour le VIH à un
stade avancé d’immunodépression, des sujets porteurs d’une
hémopathie lymphoïde, sous corticothérapie par voie générale,
sous chimiothérapie ou autres immunosuppresseurs. Le rôle
favorisant de l’allogreffe de moelle et de la transplantation d’organe est discuté, avec une incidence identique chez ces patients
par rapport à celle rencontrée dans la population locale, même
en zone endémique (12).
PHYSIOPATHOLOGIE
Après inhalation, les spores produites par Hc se déposent dans
les alvéoles et se transforment pour former des levures. Ces
levures sont ingérées par les macrophages alvéolaires, dans lesquels elles vont se multiplier. Elles atteignent ensuite les ganglions hilaires et médiastinaux à partir desquels elles gagnent
les différents organes via la circulation générale. Environ 10 à
14 jours après l’exposition contaminante, les macrophages du
sujet immunocompétent parviennent à détruire les levures,
entraînant la formation de nécrose au niveau des sites infectés
(poumons, ganglions, foie, rate, moelle), de caséum, puis de
fibrose avec dépôt de calcium. Plusieurs années après la primoinfection, les granulomes calcifiés apparaissent. Chez le sujet
présentant une immunodépression cellulaire, l’infection progressera vers la dissémination parfois létale.
Hc est un champignon dimorphique saprophyte parfaitement
adapté à la compétition au sein de l’écosystème polymicrobien.
Sa forme levure en fait un pathogène intracellulaire facultatif
pour les macrophages des mammifères. Pour survivre et se mulLa Lettre de l’Infectiologue - Tome XIX - no 2 - mars-avril 2004
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tiplier au sein de ces macrophages, il est capable de moduler
son microenvironnement (modification du pH, résistance aux
dérivés oxygénés et nitrés et aux enzymes de dégradation de
l’hôte, acquisition de fer et de calcium, synthèse de précurseurs
d’acides nucléiques…). Ainsi, comme le bacille tuberculeux,
il exploite sa cellule hôte en s’y multipliant pendant la phase
aiguë de l’infection et en y persistant quiescent pendant la phase
latente, sans perdre sa capacité de réactivation (13, 14).
Hc a également été retrouvé dans les polynucléaires neutrophiles et les cellules mononucléées du sang périphérique, dans
lesquels il peut survivre. Selon l’hypothèse émise par Medeiros et al., Hc induirait un état antiapoptotique des leucocytes,
lié à une diminution de l’expression de surface de Mac-1. Ce
mécanisme, en retardant la mort cellulaire, prolongerait ainsi
la propre survie de Hc au sein des leucocytes (15).
Chez les sujets VIH+, la fréquence des formes disséminées
s’expliquerait par une altération de la fonction monocytesmacrophages. D’une part, les macrophages des patients infectés par le VIH sont moins performants pour la reconnaissance
et la phagocytose de Hc, et ce d’autant moins que le taux de
CD4 est bas. En effet, la gp120, en se liant au récepteur CD4
des macrophages, réduit leur capacité à lier et à ingérer Hc. De
plus, l’infection des macrophages par le VIH pourrait entraîner une dérégulation de l’expression et du fonctionnement de
leur récepteur CD18. Enfin, la croissance de la levure semble
accélérée dans les macrophages des patients infectés par le VIH,
quel que soit leur taux de CD4 (16).
CLINIQUE
Primo-infection et histoplasmose pulmonaire aiguë
La primo-infection est le plus souvent asymptomatique chez le
sujet immunocompétent. Elle peut se traduire radiologiquement
par un nodule pulmonaire isolé parfois calcifié, des adénopathies hilaires ou médiastinales ou, plus rarement, une image
excavée.
La forme pulmonaire aiguë, dont l’incidence et la sévérité
décroissent au fur et à mesure de l’acquisition de l’immunité
cellulaire, touche essentiellement les enfants dans les pays d’endémie. Elle se manifeste sept à quatorze jours après l’exposition, par un tableau pseudo-grippal associant céphalées, fièvre,
frissons, toux sèche, douleurs thoraciques, myalgies, anorexie
et amaigrissement. Dans les formes sévères liées à un fort inoculum, on observe parfois une dyspnée hypoxémiante. L’examen
clinique, souvent sans particularités, peut révéler une hépatosplénomégalie, des adénopathies périphériques ou un érythème
noueux. La biologie montre inconstamment une polynucléose
neutrophile ou une élévation des phosphatases alcalines et des
transaminases (hépatite granulomateuse). Sur la radiographie
pulmonaire, il existe des infiltrats non spécifiques prédominant
aux bases, des adénopathies hilaires ou médiastinales, voire,
dans les formes sévères, un aspect réticulo-micronodulaire diffus de type “miliaire” ou un épanchement pleural. L’évolution
se fait généralement vers la guérison en trois semaines, l’asLa Lettre de l’Infectiologue - Tome XIX - no 2 - mars-avril 2004
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thénie pouvant persister plus longtemps. À distance, des calcifications, généralement sous-pleurales, peuvent apparaître.
L’histoplasmose pulmonaire aiguë peut se compliquer de phénomènes immuno-allergiques à type de polyarthrite symétrique,
d’érythème noueux ou polymorphe ou de péricardite (en cas
d’atteinte ganglionnaire médiastinale). Les adénopathies
médiastinales et hilaires peuvent, par ailleurs, se développer
pour leur propre compte sur un mode inflammatoire, et évoluer
vers la formation de caséum, même après guérison de l’atteinte
pulmonaire parenchymateuse. Elles sont alors responsables de
toux avec hémoptysie, de douleurs thoraciques et de dyspnée,
par compression des vaisseaux et des bronches (médiastinite
granulomateuse). La médiastinite fibreuse est une entité rare
et de pathogénie mal connue. Elle se manifeste par un engainement fibreux compressif des structures adjacentes : veine
cave supérieure, vaisseaux pulmonaires, trachée, bronches,
œsophage…
Histoplasmose pulmonaire chronique
Elle survient chez des hommes d’âge moyen sur un terrain de
bronchopathie chronique obstructive ou d’emphysème centrolobulaire. Elle fait généralement suite à une infection pulmonaire traînante et sa présentation est proche de celle de la tuberculose pulmonaire commune, sous une forme moins sévère. En
l’absence de traitement, les lésions progressent vers la nécrose
et la destruction du parenchyme pulmonaire, conduisant à une
insuffisance respiratoire terminale. La réponse au traitement
est souvent médiocre, avec un taux important de rechutes.
Histoplasmose disséminée
Rare et souvent létale, elle se développe à la faveur d’une immunodépression : surtout l’infection par le VIH avec moins de
150 CD4/mm3, mais aussi le diabète, les hémopathies malignes,
la corticothérapie systémique, la chimiothérapie anticancéreuse
et la transplantation d’organe. Dans 20 % des cas, elle fait suite
à une inoculation massive chez un sujet sain. Enfin, elle s’observe volontiers chez les enfants de moins d’un an ou chez les
sujets âgés. Elle représente soit une infection aiguë rapidement
évolutive (0,1 % des histoplasmoses pulmonaires aiguës), soit
une réactivation tardive (16). La symptomatologie peut commencer sur un mode subaigu, voire latent, ou sous une forme
bruyante et fulminante, particulièrement chez les malades très
immunodéprimés ou les enfants.
Chez les patients séropositifs pour le VIH, l’histoplasmose est
la mycose endémique la plus fréquente et se présente sous sa
forme disséminée dans 90 à 95 % des cas (5, 17). L’histoplasmose disséminée fait d’ailleurs partie des pathologies classées
sida depuis 1987. Dans une étude menée par Hajjeh et al. chez
92 patients, entre 1996 et 1999, il ressort, en analyse multivariée (âge et CD4 comparables), que le seul facteur de risque
identifiable est le travail au contact de la terre souillée par des
fientes d’oiseaux ou de chauves-souris (OR : 3,3 ; CI95 : 1,57,2). À l’opposé, la prise d’un traitement antirétroviral, un antécédent de pneumocystose et un traitement par triazolé dans les
deux mois précédant l’inclusion seraient associés à un risque
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moindre d’histoplasmose (5). Si l’on compare cette période à
celle précédant l’introduction des traitements antirétroviraux
efficaces, il semble que ni le tableau clinique de l’histoplasmose disséminée chez le sujet VIH+, ni sa morbidité, ni même
sa mortalité précoce n’aient été modifiées (5). Pour les patients
infectés après 1996, le développement d’une histoplasmose traduit la découverte de la séropositivité, un échec thérapeutique
ou une mauvaise observance ou, enfin, un accès difficile aux
soins.
La présentation clinique est peu spécifique et se résume généralement à une fièvre traînante dans un contexte d’amaigrissement.
Les signes respiratoires (toux, dyspnée) sont présents dans environ la moitié des cas. Les symptômes digestifs (diarrhée, douleurs abdominales) sont moins fréquents (3-12 %), mais peuvent
se compliquer d’hémorragie digestive, d’occlusion, voire de perforation colique (18). L’examen clinique met en évidence une
hépatosplénomégalie avec des adénopathies périphériques dans
30 % des cas et de fréquentes lésions cutanéomuqueuses (éruption diffuse polymorphe, ulcérations oropharyngées…). Enfin,
il peut exister dans 5 à 20 % des cas une atteinte du système nerveux central sous forme de méningite et/ou encéphalite avec de
possibles signes focaux (histoplasmomes). L’envahissement
médullaire avec pancytopénie et l’altération des fonctions hépatiques sont souvent observés. Les anomalies radiologiques sont
décrites dans 50 à 70 % des cas sous forme d’opacités nodulaires
ou de syndrome interstitiel diffus (16). Enfin, des observations
exceptionnelles d’abcès surrénaliens avec maladie d’Addison,
de localisations thyroïdienne, pancréatique, génito-urinaire ou
d’endocardite ont été rapportées (19-22).
Dans 10 à 20 % des cas, l’évolution est d’emblée fulminante
avec choc septique initial, défaillance multiviscérale, pancytopénie et coagulopathie de consommation (23). Dans une série
portant sur 155 patients au stade sida entre 1988 et 1995, Wheat
et al. ont étudié les facteurs associés à ces formes sévères d’histoplasmose : en analyse multivariée, l’élévation de la créatinine (OR : 9,5 ; CI95 : 1,7-52) et une albuminémie inférieure à
35 g/l (OR : 4,8 ; CI95 : 1,0-22) étaient prédictives d’une évolution péjorative (17).
Plusieurs cas de syndromes de restauration immunitaire présumés ont été notés, associant une fièvre récurrente, des infiltrats pulmonaires, une aggravation du bilan hépatique ou une
atteinte neurologique, et dont les biopsies montraient la formation de granulomes (24, 25 et Wheat, données non publiées).
Quatre observations ont, par ailleurs, été faites récemment en
France (soumis pour publication).
Réactivation tardive
C’est la forme la plus fréquemment observée en France, parfois très longtemps après la contamination (jusqu’à 56 ans dans
l’étude française que nous avons coordonnée). Elle comprend
volontiers une atteinte pulmonaire, à laquelle peuvent s’associer des ulcérations muqueuses chroniques (buccales et parfois
digestives), une éruption maculopapuleuse, une hépatosplénomégalie, des abcès surrénaliens, une endocardite, une atteinte
du système nerveux central… L’infection peut aussi être strictement localisée (ulcération buccale), et représente alors un
piège diagnostique important.
DIAGNOSTIC POSITIF
L’interrogatoire recherche avant tout la notion de séjour en zone
d’endémie et d’exposition contaminante, parfois plusieurs
années avant les premiers signes. Le meilleur argument du diagnostic positif est l’identification de la levure à l’examen direct,
combiné avec la culture, mais il n’est pas toujours contributif.
La place occupée par les différentes méthodes diagnostiques
varie en fonction de la forme clinique d’histoplasmose
(tableau I).
Diagnostic microbiologique
Les prélèvements les plus contributifs sont les expectorations,
le liquide de lavage alvéolaire, les aspirations bronchiques, mais
aussi les urines, le liquide céphalorachidien, les frottis d’ulcérations cutanées, de ponction sternale, les biopsies d’organes,
les pièces opératoires… Les hémocultures, sur milieu Isolator®
et après leucoconcentration, ne poussent que dans les formes
disséminées (notamment chez les sujets infectés par le VIH) et,
inconstamment, en cas d’endocardite.
…/…
Histoplasmose
pulmonaire aiguë
Examen direct[a]
Culture[b]
Hémoculture Isolator®
et leucoconcentration
Anatomopathologie
Sérologie[c]
Antigénémie et antigénurie[d]
pulmonaire chronique
disséminée
+/+/-
+/+
-
+
+
++
/
+
+/-
++
-
++
+
++
[a]
Diagnostic immédiat en cas de lésion accessible (peau, muqueuses) ou de leucoconcentration.
Culture lente (2-4 semaines) ; rentabilité supérieure du lavage bronchoalvéolaire par rapport aux expectorations dans la
forme aiguë.
[c]
Séroconversion tardive ( ≥ 4 semaines) ; technique en immunodiffusion plus spécifique que la fixation du complément.
[d]
Dépend de la masse fongique ; sensibilité 75 % dans les formes aiguës diffuses, 90 % dans les formes disséminées ;
antigénurie plus sensible que l’antigénémie ; réactions croisées possibles.
[b]
56
Tableau I. Intérêt des différentes
méthodes diagnostiques.
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…/…
Le diagnostic repose alors sur la mise en évidence, à l’examen
direct et après coloration de Giemsa et Gomori-Grocott, de
petites levures caractéristiques de 3 à 5 microns de diamètre,
ovalaires et entourées d’un halo clair. Les cultures sont réalisées à 25-30 °C sur milieu de Sabouraud et conservées pendant
deux à six semaines. Elles se présentent sous forme de colonies blanches dont l’examen après coloration au bleu montre
de nombreux filaments et spores spiculées associés aux microconidies. Ces formes, très contaminantes, représentent un danger pour le personnel des laboratoires, qui devra être informé
de toute suspicion avant la manipulation des prélèvements. La
culture reste la méthode de référence, bien que le délai prolongé d’incubation en limite l’intérêt dans les formes sévères
et que sa sensibilité soit faible en cas de manifestations localisées (forme pulmonaire aiguë, atteinte articulaire, péricardite).
De plus, à la différence de l’examen direct, elle ne permet pas
le diagnostic d’espèce.
Examen histologique, immunofluorescence
L’analyse histologique des prélèvements, après coloration au
May-Grünwald-Giemsa, montre, chez l’immunocompétent,
une réaction inflammatoire avec des cellules mononucléées
contenant de nombreuses petites levures à membrane pourpre
en PAS et brun-noir en coloration argentique. Les levures sont
entourées d’un halo clair qui apparaît brillant au microscope à
contraste de phase. Chez les patients immunodéprimés, on
observe un très grand nombre de levures au sein des tissus infectés, à la différence des sujets immunocompétents, chez qui les
granulomes tuberculoïdes sont calcifiés et les levures moins
nombreuses.
L’identification définitive de la levure peut se faire en immunofluorescence grâce à des anticorps conjugués spécifiques. Cette
technique microscopique constitue une méthode rapide, mais
la sensibilité est inférieure à celle des cultures ou de la détection d’antigène. Cependant, elle permet une identification dans
60 % des cas d’histoplasmose disséminée (jusqu’à 75 % s’il
s’agit de prélèvements de moelle osseuse) (16, 26).
Sérologie d’histoplasmose
Le sérodiagnostic, détectant la présence d’anticorps anti-Histoplasma sp, repose sur deux méthodes : l’immunodiffusion
(apparition de bandes M et/ou H) et la fixation du complément.
Il est rapide, possède une relativement bonne sensibilité, mais
une médiocre spécificité. Les faux négatifs surviennent chez
les patients immunodéprimés (notamment infectés par le VIH)
et durant une période de six semaines suivant l’exposition
(fenêtre sérologique). Les faux positifs sont liés à une réaction
croisée avec d’autres champignons (Blastomyces, Coccidioides). Enfin, du fait de la persistance de taux élevés d’anticorps (parfois jusqu’à cinq ans après), la sérologie ne permet
pas de différencier une infection active d’une infection
ancienne, ni même de dépister les rechutes.
Antigénémie, antigénurie
La détection de l’antigène polysaccharidique de Hc dans les
liquides physiologiques est une méthode immunoenzymatique
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rapide, actuellement encore réservée au Laboratoire de référence de l’histoplasmose, à Indianapolis. Elle est très sensible,
particulièrement pour le diagnostic des formes disséminées et
chez les patients infectés par le VIH. Elle permet, par ailleurs,
un suivi évolutif de l’infection sous traitement et le dépistage
des éventuelles rechutes. Ainsi, sa sensibilité est de 90 % dans
l’histoplasmose disséminée et de 75 % dans l’histoplasmose
pulmonaire aiguë (elle est, en revanche, très faible dans la forme
pulmonaire chronique et dans les formes localisées). La détection de l’antigène dans les urines est d’une sensibilité supérieure à celle obtenue dans le sérum et atteint 95 % chez les
patients VIH+ ayant une forme disséminée. La spécificité est
proche de 98 %. Il existe de rares réactions croisées avec
d’autres mycoses endémiques (blastomycose, pénicilliose,
paracoccidioidomycose) ainsi qu’en cas d’activité de type
facteur rhumatoïde dans le sérum (27).
Intradermoréaction à l’histoplasmine
Le test cutané à l’histoplasmine présente surtout un intérêt épidémiologique, rarement diagnostique. En effet, il est très fréquemment positif en zones endémiques, témoignant d’un
contact antérieur, mais il peut aussi être faussement négatif,
notamment au cours de l’histoplasmose pulmonaire chronique.
Par ailleurs, il peut positiver la recherche d’anticorps dans le
sérum. Actuellement, le réactif n’est plus disponible en France.
Biologie moléculaire
Plus récemment, des techniques moléculaires de PCR ont été
mises au point. Les cibles utilisées étaient des gènes codant
pour l’ADN ribosomal 18S ou pour une protéine de 100 kDa,
spécifique à Hc, présentant des homologies avec la protéine
humaine p100 et essentielle à la survie de Hc dans les cellules
(28, 29). Dernièrement, Guedes et al. ont développé une technique de PCR, amplifiant certaines régions du gène codant pour
l’antigène M de Hc, avec une sensibilité et une spécificité de
100 % (30). Ainsi, à propos d’un cas d’histoplasmose disséminée chez un patient VIH+, Rickerts et al. ont pu établir un
diagnostic en 24 heures par PCR sur le liquide de lavage bronchoalvéolaire. Le diagnostic fut confirmé, dix jours plus tard,
par l’isolement de Hc dans le sang, la moelle et les prélèvements respiratoires (29). Cependant, l’application et l’utilisation diagnostique de ces méthodes moléculaires restent à déterminer en pratique clinique.
TRAITEMENT (31-33)
Histoplasmose pulmonaire aiguë paucisymptomatique
Son évolution chez l’immunocompétent, après une faible exposition, est bénigne et la résolution spontanée survient en quelques
semaines. De ce fait, il n’y a actuellement aucune indication à
traiter ces formes cliniques. En l’absence d’amélioration à un
mois ou de persistance de la fièvre plus de trois semaines, on
proposera cependant l’itraconazole (200 mg/j) pendant 6 à
12 semaines, bien qu’aucune étude prospective n’ait montré que
ce traitement accélérait la guérison ou prévenait les complications même tardives. Certains auteurs recommandent, par prudence, l’itraconazole à titre systématique pendant 4 à 8 semaines.
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Histoplasmose pulmonaire aiguë sévère de l’immunocompétent
Chez les patients nécessitant une ventilation mécanique, l’amphotéricine B (conventionnelle ou sous forme d’un dérivé lipidique) est recommandée en association avec une corticothérapie générale (prednisone 60 mg/j pendant deux semaines). Un
relais est pris par l’itraconazole (200-400 mg/j) pour une durée
totale de 12 semaines de traitement. Pour les patients ambulatoires, l’itraconazole (200-400 mg/j) peut être prescrit pendant
6 à 12 semaines.
Histoplasmose pulmonaire chronique
Chez la moitié des patients, l’évolution naturelle se fait vers le
décès par insuffisance respiratoire. Le traitement est donc toujours indiqué et repose sur l’itraconazole 200-400 mg/j pendant 12 à 24 mois. En cas d’hospitalisation pour défaillance
ventilatoire ou d’échec de l’itraconazole à plus de 12 semaines,
le choix se porte sur l’amphotéricine B (50 mg/j, soit
0,7 mg/kg/j, dose totale > 35 mg/kg), parfois relayée par l’itraconazole. Le fluconazole, bien que moins efficace, peut se donner à la dose de 400-800 mg/j. Enfin le kétoconazole, dont l’efficacité a été démontrée il y a une vingtaine d’années, est
souvent moins bien toléré que le fluconazole ou l’itraconazole.
Il n’est donc plus utilisé en France dans cette indication.
Histoplasmose disséminée
La dissémination de Hc, à partir du foyer initial, se fait dans les
deux premières semaines qui suivent la contamination et conduit
le plus souvent à la formation de granulomes calcifiés. Dans la
forme disséminée progressive, la mortalité sans traitement peut
atteindre 80 % (25 % sous traitement). Le taux de réponse thérapeutique varie selon les médicaments antifongiques utilisés,
l’état immunitaire de l’hôte (sida ou non) et la sévérité du
tableau. Ainsi, au cours du sida, 98 % des histoplasmoses
disséminées peu sévères guérissent, alors qu’environ la moitié
des patients atteints de formes graves meurent malgré
l’amphotéricine B.
✓ Pour les patients immunocompétents ou immunodéprimés en dehors du sida. L’amphotéricine B 0,7-1 mg/kg/j est
prescrite en hospitalisation et éventuellement relayée par l’itraconazole, pour une durée de 2 à 4 mois. L’itraconazole (200400 mg/j) pendant 6 à 18 mois est indiqué dans les formes de
gravité modérée ne nécessitant pas d’hospitalisation. Le fluconazole (400-800 mg/j) peut être une alternative en cas de contreindication à l’itraconazole. Mais l’apparition possible de
rechutes, associées à des augmentations de la CMI vis-à-vis du
fluconazole, rend nécessaire une surveillance étroite avec un
monitorage de l’antigène fongique dans le sang et les urines,
quand il est mesurable. Le kétoconazole est beaucoup moins
efficace et généralement moins bien toléré que l’itraconazole
ou le fluconazole.
Un suivi des concentrations d’antigène sous traitement, s’il est
possible, est toujours indiqué (diminution sous traitement efficace et remontée des taux en cas de rechute). Certains auteurs
recommandent même de poursuivre les antifongiques jusqu’à
négativation (ou obtention de taux ≤ 4 UI) de l’antigène sérique
et urinaire.
58
✓ Au cours du sida. L’amphotéricine B est le traitement d’attaque de choix pour les patients ayant une forme sévère ; elle
est relayée dès que possible par l’itraconazole (400 mg/j) pour
un total de 12 semaines. Une étude menée par Johnson et al. a
récemment suggéré la supériorité clinique de l’amphotéricine
liposomale sur la forme classique (88 % versus 64 %) dans le
traitement d’attaque des formes modérées à sévères au cours
du sida. L’efficacité mycologique apparaissait identique (89 %
de cultures négatives à deux semaines), le pourcentage de décès
significativement plus élevé dans le groupe amphotéricine B
conventionnelle (13 % versus 2 % ; p = 0,04) et la tolérance
nettement meilleure avec la forme liposomale (effets indésirables 25 % versus 63 %, néphrotoxicité 9 % versus 37 %) (34).
Dans une autre étude, l’amphotéricine liposomale s’est révélée supérieure à l’itraconazole en termes de négativation des
hémocultures à deux semaines (85 % versus 53 %), de diminution de l’antigène sérique et surtout urinaire de Hc dans le
traitement initial des formes modérées à sévères, avec une efficacité clinique superposable (86 % versus 85 %) (35).
Pour les formes modérées, l’itraconazole est prescrit d’emblée
à la dose de 200 mg x 3/j pendant trois jours, puis 200 mg x 2/j
pendant 12 semaines. Le fluconazole à la posologie de 800 mg/j
peut être une alternative, sous couvert d’une surveillance clinique et du monitorage de l’antigène à la recherche d’une éventuelle rechute. Dans une étude récente non randomisée comparant itraconazole (n = 59) et fluconazole (n = 49) en
traitement d’induction d’histoplasmoses non sévères, les taux
de réponse clinique ne sont pas significativement différents
(respectivement 85 % et 74 %). La décroissance de l’antigène
sérique et urinaire, à 4 et 12 semaines, était la même dans les
deux groupes. En revanche, dans le groupe traité par itraconazole, la négativation des hémocultures est apparue plus rapidement (92 % versus 62 % à 4 semaines ; p = 0,017), suggérant une efficacité supérieure de l’itraconazole sur Hc.
Cependant, cela n’est pas apparu comme prédictif des échecs
cliniques ou des rechutes sous traitement (36).
Atteinte du système nerveux central
Le taux de réponse est inférieur à celui observé dans les autres
localisations, avec 20 à 40 % de décès dans les méningites sous
amphotéricine B et environ 50 % de rechutes après l’arrêt des
antifongiques. Le traitement repose sur l’amphotéricine B 0,71 mg/kg/j pendant 3 à 4 mois (dose totale 35 mg/kg), suivie du
fluconazole (800 mg/j) pendant encore 9 à 12 mois. La forme
liposomale de l’amphotéricine B a été proposée pour les patients
en échec de cette première ligne de traitement, en raison d’une
meilleure diffusion neuroméningée lors d’études animales. La
place de l’itraconazole n’est pas précisée.
Médiastinite granulomateuse
Souvent de résolution spontanée sur quelques mois, elle peut
se compliquer de lésions obstructives sévères, nécessitant un
traitement par amphotéricine B (0,7-1 mg/kg/j) relayé par itraconazole (200-400 mg/j). Une corticothérapie systémique est
associée en cas de syndrome obstructif respiratoire majeur.
Dans les formes modérées persistant plus d’un mois, l’itracoLa Lettre de l’Infectiologue - Tome XIX - no 2 - mars-avril 2004
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nazole est proposé pour une durée de 6 à 12 mois. La résection
chirurgicale des masses médiastinales compressives s’impose
rarement.
Médiastinite fibreuse
D’installation progressive et souvent létale, son évolution sous
traitement est controversée. Dans la forme strictement fibreuse,
les antifongiques n’apportent pas de bénéfice. Dans les formes
frontières avec la médiastinite granulomateuse, l’itraconazole
a été proposé. Les corticoïdes ne semblent pas améliorer la
symptomatologie. Enfin, la chirurgie est très lourde, réservée
aux situations de sauvetage, et de résultat très incertain (37).
Péricardite
Il s’agit d’une manifestation inflammatoire survenant dans 5 à
10 % des formes aiguës et ne nécessitant aucun traitement antifongique. Elle est généralement résolutive sous anti-inflammatoires non stéroïdiens pendant une à deux semaines. En cas
de complications hémodynamiques, une courte corticothérapie, parfois associée à l’itraconazole, peut être prescrite. Enfin,
l’évolution vers la tamponade justifie un drainage percutané ou
chirurgical.
Manifestations articulaires
Il s’agit le plus souvent de polyarthrites symétriques des extrémités, fréquemment associées à un érythème noueux ou polymorphe. L’évolution est favorable sous anti-inflammatoires non
stéroïdiens pendant 2 à 12 semaines, avec de possibles rechutes.
Le traitement antifongique n’est pas recommandé.
PROPHYLAXIE AU COURS DE L’INFECTION PAR LE VIH
Prophylaxie primaire
Dans les régions endémiques (≥ 10 cas pour 100 patientsannée), le bénéfice d’une prophylaxie par itraconazole contre
placebo a été démontré pour les patients VIH+ (38). Un traitement par itraconazole à la dose de 200 mg/j serait donc théoriquement recommandé chez les malades ayant moins de
150 CD4/mm3. À l’inverse, dans plusieurs études, le fluconazole n’a pas montré d’effet protecteur et, en outre, favorise
l’apparition de résistances (39).
Les échecs de cette prophylaxie semblent concerner particulièrement les patients non traités ou ne recevant qu’une seule
molécule antirétrovirale. Dans une étude réalisée avant l’ère
des trithérapies, il apparaissait qu’un traitement même suboptimal etait associé à une réduction d’incidence de l’histoplasmose (38). Actuellement, du fait de la disponibilité des trithérapies, il n’est pas proposé de prophylaxie primaire dans les
zones endémiques.
Prophylaxie secondaire
En raison d’un risque important de rechute (35 à 80 % selon les
séries), la prophylaxie secondaire est indiquée tant que persiste
l’immunodépression, en association à une surveillance de l’antigène tous les trois à six mois. Le choix du traitement d’entretien
se porte d’abord sur l’itraconazole (200-400 mg/j), pour sa bonne
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tolérance et son efficacité, y compris dans les formes sévères. En
deuxième intention, l’amphotéricine B peut être administrée à la
dose de 50 mg/sem. en intraveineux, avec toutefois un taux de
rechute estimé à 20 %. Le fluconazole (> 200 mg/j), en raison de
sa moindre efficacité, d’une survie diminuée et du développement
de résistances, est réservé aux seules intolérances ou interactions
médicamenteuses sous itraconazole.
La durée de cette prophylaxie est actuellement indéterminée et
certains auteurs, tel Wheat, commencent à suggérer qu’elle
pourrait être interrompue à un an chez les patients ayant restauré leur immunité sous traitement antirétroviral, si l’antigène
sérique et urinaire est inférieur à 4 UI (24, 40).
CONCLUSION
L’histoplasmose représente en France la première étiologie de
mycose systémique au retour de voyage. En effet, de par l’augmentation croissante du nombre de voyageurs internationaux,
mais aussi du nombre de patients immunodéprimés, les
mycoses endémiques ont récemment émergé, notamment sous
forme d’infections opportunistes chez les patients séropositifs
pour le VIH ayant vécu ou séjourné en zone d’endémie. Le
spectre clinique de la maladie est large. Aussi faut-il savoir
l’évoquer rapidement devant toute notion de séjour ou d’exposition à risque en région endémique, particulièrement chez
les immunodéprimés, chez lesquels la forme disséminée reste
grave. Le traitement est prolongé : il repose sur l’amphotéricine B dans les formes sévères ou sur l’itraconazole pour les
formes de gravité modérée. La prévention passe par l’éviction
des situations à risque d’exposition, spécialement chez les
immunodéprimés. De nouvelles molécules antifongiques sont
actuellement à l’étude, qui permettront peut-être d’améliorer
le pronostic, encore sombre, des formes sévères.
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