
Vol.2–Anno2012–Numero2InterrogazionesullafenomenologiadiJanPatočkaFogliCampostrini
RivistaonlinedellaFondazioneCentroStudiCampostrini‐Verona–Italy
 
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phénoménologique: la distinction de l’apparaître primaire et de l’apparaître secondaire. 
Cette distinction nous amènera à envisager le problème du monde, en tant qu’il détient, à 
nos yeux, la clef pour la compréhension du projet d’une métaphysique 
phénoménologique. Dans ces derniers développements, nous serons contraints, à la fois 
par le caractère lacunaire des textes de Patočka que par la grande proximité qu’ils 
manifestent avec la pensée de Eugen Fink, de faire une place importante aux thèses et 
aux textes de l’ancien assistant de Edmund Husserl.  
 
Avant d’essayer de faire apparaître la teneur propre, à la fois critique et positive, de la 
phénoménologie asubjective, il nous faut d’abord la confronter à une objection qui pour 
commune qu’elle soit, n’est pas dépourvue d’une certaine force éristique (= de 
persuasion). N’y a-t-il pas en effet quelque chose qui, au moins au premier abord, peut 
sembler paradoxal dans le projet d’une “phénoménologie asubjective”, et cela, dans sa 
littéralité même? En effet, si la phénoménologie a pour thème les “choses mêmes”, si elle 
cherche constamment à défaire les obstacles qui nous bloquent l’accès, à libérer le regard 
des préjugés traditionnels ou des penchants spéculatifs non interrogés, il n’en demeure 
pas moins que les “choses de la phénoménologie” se tiennent toujours dans la trame 
tendue par une conscience. Comment une phénoménologie pourrait-elle se faire alors 
asubjective sans contredire, par ce geste même, sa propre vocation, sans renoncer pour 
autant à être une recherche portant sur l’être-
donné
 des choses? 
Or, non seulement un tel passage n’a rien d’illégitime, mais, aux yeux de Patočka, il 
semble indispensable. Seule une “phénoménologie asubjective” semble à même de 
retrouver l’inspiration fondamentale des 
Recherches logiques
, de renouer avec leur percée 
(
Durchbruch
) inaugurale, et de corriger, par là même, “la méprise fatale”5 qui grève la 
phénoménologie husserlienne dans sa version transcendantale. Par ce geste, Patočka 
tente d’éviter l’écueil que représente à son sens la soumission de Husserl, dans sa période 
dite “transcendantale”, aux supposés fondamentaux de “la philosophie moderne de la 
conscience” qui seront rassemblés sous une étiquette commune, celle du cartésianisme. Il 
s’agira donc de purifier la phénoménologie husserlienne de l’interprétation subjectiviste 
donnée par Husserl lui-même. 
Le projet d’une phénoménologie asubjective comporte donc une charge polémique: il est 
dirigé contre le cartésianisme qui domine encore l’entreprise de Husserl, et qui se traduit 
notamment – selon une formule que Patočka emprunte à Ernst Tugendhat – «dans le 
préjugé dogmatique de la donation absolue des 
cogitationes
»6 dont le corollaire est une 
détermination de la conscience comme un “être absolu”, accessible à un regard intérieur. 
                                            
5 J. Patočka, “Le subjectivisme de la phénoménologie husserlienne et la possibilité d’une phénoménologie 
‘asubjective’”, in 
Qu’est-ce que la phénoménologie?
, trad. de E. Abrams, Millon, Grenoble 1988, désormais 
“QP”, p. 204. 
6 QP, p. 192.