des deux grandes e
´tudes en population ge
´ne
´rale nord-
ame
´ricaine : la NCS (National Comorbidity Survey) [6] et
l’ECA (Epidemiologic Catchment Area) [10] pour les troubles
bipolaires de type I et II, dans la population adulte. Il y aurait
donc en France environ 4 a
`500 000 patients bipolaires, en
pe
´riode maniaque, de
´pressive ou en re
´mission [14].
La pre
´valence du trouble bipolaire en me
´decine ge
´ne
´rale a
e
´te
´e
´value
´e, en France, avec le MDQ (Mood Disorder
Questionnaire) introduit par Hirschfeld et al. [5]. Elle est de
3,7 % [12] dans la population des omnipraticiens. Elle atteint
15 % en consultation spe
´cialise
´e, avec des taux sensiblement
comparables selon le type d’activite
´prive
´e ou publique [11].
La pre
´valence du trouble bipolaire a e
´te
´assez constante a
`
travers le temps si ce n’est une diminution sensible de l’a
ˆge de
de
´but (autour de 30 ans selon les publications de Kraepelin, 20 ans
en moyenne dans l’ECA). La seule tendance qui puisse e
ˆtre
souligne
´e est l’inte
´re
ˆt porte
´, depuis une vingtaine d’anne
´es, aux
formes mineures (hypomanie, tempe
´rament, cyclothymie...).
Par effet de « halo » autour de la forme paradigmatique (le trouble
bipolaire de type I), il y a eu un e
´largissement sensible de la
population conside
´re
´e comme bipolaire.
1.2. Mortalite
´et conse
´quences
Le taux de mortalite
´, notamment suicidaire, est ge
´ne
´rale-
ment e
´value
´avec celui des troubles de
´pressifs. Globalement,
les troubles de l’humeur (uni ou bipolaire) sont conside
´re
´s
comme responsables d’environ deux tiers des de
´ce
`s par suicide.
Le ratio bipolaire/unipolaire e
´tant d’environ un sur quatre, on
peut estimer la pre
´valence du suicide des patients bipolaires a
`
15 %, soit environ 1500 morts par an. C’est la proportion
qu’avaient mentionne
´e Goodwin et Jamison, au de
´cours d’une
revue des e
´tudes de mortalite
´suicidaire, dans leur ce
´le
`bre livre
Manic Depressive Illness, publie
´en 1990. Des e
´tudes re
´centes
ont pluto
ˆt eu tendance a
`re
´viser a
`la baisse ce taux de mortalite
´
suicidaire, probablement du fait de l’ame
´lioration de la prise en
charge the
´rapeutique de ces patients. De fait, la mortalite
´
suicidaire des bipolaires a baisse
´depuis l’introduction des sels
de lithium en the
´rapeutique. C’est la seule donne
´e sur laquelle il
y ait un relatif consensus international sur la question « suicide
et trouble de l’humeur » (ce n’est pas parfaitement e
´tabli pour
les antide
´presseurs).
Il convient d’ajouter a
`la mortalite
´suicidaire les de
´ce
`s par
accident (les patients bipolaires en phase maniaque y sont plus
expose
´s) ainsi que l’aggravation du pronostic d’autres maladies
(en cas de comorbidite
´) et les accidents iatroge
`nes. Ainsi, dans
leur revue de litte
´rature sur 331 000 cas rapporte
´s (dont
2500 patients bipolaires), Roshanaei-Moghddam et Katon [13]
e
´tablissent que les patients maniacode
´pressifs ont une baisse
significative de l’espe
´rance de vie principalement due a
`des
affections cardiovasculaires, par rapport a
`la population ge
´ne
´rale.
Les autres conse
´quences majeures du trouble bipolaire sont
l’abus et la de
´pendance a
`l’alcool et aux drogues et l’aggravation
de la maladie par augmentation du nombre de cycles ou l’absence
de traitement. Apre
`s 20 ou 30 ans d’e
´volution, il n’y a plus de
phase intercritique chez une majorite
´de patients, voire des cycles
rapides, comme en attestent les e
´tudes e
´pide
´miologiques
longitudinales. Certains facteurs pre
´dictifs d’une e
´volution
de
´favorable ont e
´te
´identifie
´s. Par exemple, dans une e
´tude
prospective de deux ans, Azorin et al. [1] ont montre
´que les e
´tats
mixtes (34 % de leur e
´chantillon de 771 patients) avaient un plus
mauvais pronostic que les formes maniaques pures.
Lorsqu’il n’est pas traite
´, le trouble bipolaire a une
importante re
´percussion sur la qualite
´de vie ; par exemple,
il multiplie par trois le risque de divorce et entraı
ˆne une
de
´sinsertion professionnelle d’autant plus regrettables que les
bipolaires traite
´sete
´quilibre
´s ont de bonnes capacite
´s
d’inte
´gration socioprofessionnelle et familiale.
La consommation de soins des bipolaires, en hospitalisation
ou en ambulatoire, est mal connue en France. Ils ne repre
´sentent
toutefois pas un contingent important de la file active des
secteurs, comme c’est le cas pour le trouble schizophre
´nique.
Aux USA, le million de bipolaires traite
´s chaque anne
´e a eu en
moyenne 14,7 contacts avec une institution de soins (en
ambulatoire) par an [14].
2. Facteurs de risque
Le trouble bipolaire concerne aussi bien les hommes que les
femmes, quels que soient leur classe sociale et leur lieu de
re
´sidence ; il de
´bute autour de l’a
ˆge de 20 ans et la population a
`
risque pour le de
´pistage a donc de 15 a
`25 ans. Toutes les classes
sociales sont concerne
´es de manie
`re sensiblement comparable,
me
ˆme s’il fut longtemps dit que la psychose maniacode
´pressive
(PMD) e
´tait un peu plus fre
´quente parmi les personnes
socioe
´conomiquement favorise
´es. Son pronostic est proba-
blement plus mauvais dans les milieux de
´favorise
´sou
`les
conse
´quences du trouble (par exemple financie
`res en cas
d’achat pathologique ou de licenciement) ont des re
´percussions
plus marque
´es, ce qui retentit ine
´vitablement sur l’e
´volution
(cho
ˆmage, abandon du conjoint, endettement...).
Le trouble bipolaire est probablement la maladie mentale ou
`
le de
´terminisme ge
´ne
´tique est le plus fort, me
ˆme si sa nature
polyge
´nique le rend difficile a
`identifier, d’autant que son
phe
´notype ne
´cessite d’e
ˆtre mieux caracte
´rise
´. Pour autant, les
e
´tudes d’e
´pide
´miologie ge
´ne
´tique, que ce soit celle d’agre
´ga-
tion familiale, de jumeaux ou d’adoption, concourent toutes a
`
souligner l’he
´ritabilite
´de ce trouble et de nombreux
polymorphismes ont e
´te
´identifie
´s comme y contribuant.
La mauvaise qualite
´du de
´veloppement psychoaffectif et ses
avatars (deuil parental pre
´coce, maltraitance dans l’enfance...)
sont des facteurs de risque de trouble bipolaire comme d’autres
troubles mentaux. De plus, certains traits de personnalite
´
pathologique sont pre
´dictifs de ce trouble. Dans une cohorte
finlandaise, il a e
´te
´montre
´sur 213 443 personnes que la
dimension d’extraversion au moment du service militaire e
´tait
associe
´e avec un trouble bipolaire a
`l’a
ˆge adulte [7].
Les facteurs d’environnement jouent e
´galement un ro
ˆle, que
ce soient les difficulte
´s de vie ou les facteurs de stress
psychosociaux qui pre
´cipitent les re
´cidives, l’intensite
´des
e
´ve
´nements de vie stressants diminuant au gre
´des re
´cidives ;
cette constatation e
´pide
´miologique, de
´ja
`rapporte
´e par Emile
Kraepelin, fut a
`l’origine de la the
´orie du « Kindling »,
introduite par Robert Post dans les anne
´es 1980, qui sugge
´rait
F. Rouillon / Annales Me
´dico-Psychologiques 167 (2009) 793–795794