À plusieurs voix
22
Un symbole qui ranimerait, très
probablement, les concurrences
mémorielles.
Jean-Louis Schlegel
LA PENSÉE
DE COMPTOIR DE
MICHEL ONFRAY
Michel Onfray souscrit à
la thèse de Samuel Huntington
du « choc des civilisations »,
qu’il comprend à la lumière du
« nihilisme guerrier à prétexte
islamique1 ». Malgré l’intention
louable de dénoncer la politique
étrangère de la France, menée à
coups de bombardements, Michel
Onfray s’inscrit de plain-pied dans
une perspective qui confond le
monde arabe avec l’islam.
Afin de démontrer le ressenti-
ment des musulmans envers l’Occi-
dent, il cite un rapport qui dénombre
les victimes des interventions mili-
taires en Irak, en Afghanistan et au
Pakistan2. Mais, dans la bouche de
Michel Onfray, les quatre millions
de victimes de la guerre contre le
terrorisme deviennent des musul-
mans. Peu importe donc la diver-
sité religieuse de ces pays, Michel
Onfray ne retient que l’islam. Fort
de cette conception, il relit toute la
1. « Les rencontres du Figaro » du
22 mars 2016. Voir son livre, Michel Onfray,
Penser l’islam, Paris, Fayard, 2016.
2. Body Count, mars 2015 (www.ippnw.
de).
politique à l’aune d’une « commu-
nauté musulmane » fantasmée.
Que faire alors des appels
lancés par le sultan-calife Abd al-
Hamîd II aux populations musul-
manes du Caucase et d’Afghanistan
pour qu’elles se soulèvent contre le
tsar et qui resteront lettre morte ?
Et des échecs du pan islamisme,
instrument politique pour contrer
les velléités territoriales euro-
péennes3 ? Des soulèvements en
Syrie et en Palestine contre l’oc-
cupant ottoman ? Est-il besoin de
préciser que le premier Congrès
arabe tenu à Paris en 1913 ne fait
pas grand cas de la dimension reli-
gieuse ? Marxisme, socialisme,
nationalisme, panarabisme : tous
ces courants de pensée politique
ne sont donc que du vent pour le
philosophe4.
En outre, Michel Onfray se
complaît dans la dérive culturaliste
de Samuel Huntington, lorsqu’il
s’interroge :
N’y a-t-il pas deux civilisations
entre ceux qui veulent s’amuser
au Stade de France, boire un coup
à une terrasse de café, écouter
de la musique au Bataclan […]
et de l’autre côté, des gens qui
estiment qu’il ne faut pas boire
d’alcool, qu’il ne faut pas s’amu-
ser, que c’est une musique diabo-
lique, etc.5 ?
3. Voir Nabil Mouline, le Califat. His-
toire politique de l’islam, Paris, Flammarion,
2016.
4. Voir Georges Corm, Pensée et poli-
tique dans le monde arabe. Contextes histo-
riques et problématiques, xix
e
-xxi
e
siècle, Paris,
La Découverte, 2015.
5. Sur Paris Première, le 27 novembre
2015.
1 / 1 100%