" Les Evêques d'Mrique et le concile Vatican II Nous sommes conscients que quelques scories subsistent dans cet ouvrage. Vu l'utilité du contenu, nous prenons le risque de l'éditer ainsi et comptons sur votre compréhension. @ L'Harmattan, 2010 5-7, rue de l'École-polytechnique; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com [email protected] harmattan [email protected] ISBN: 978-2-296-13886-5 EAN : 9782296138865 Alfred Guy BWIDI KITAMBALA ". Les Evêques d'Afrique et le concile Vatican II Participation, contribution et application du Synode des Évêques de 1994 L' IItmattan Collection ÉGLISES D'AFRIQUE Dirigée par François Manga-Akoa Depuis plus de deux millénaires, le phénomène chrétien s'est inscrit profondément dans la réalité socio-culturelle, économique et politique de l'Occident, au point d'en être le fil d'Ariane pour qui veut comprendre réellement les fondements de la civilisation judéo-chrétienne. Grâce aux mouvements d'explorations scientifiques, suivis d'expansions coloniales et missionnaires, le christianisme, porté par plusieurs générations d'hommes et de femmes, s'est répandu, entre autres contrées et à différentes époques, en Afrique. D'où la naissance de plusieurs communautés ecclésiales qui ont beaucoup contribué, grâce à leurs œuvres socioéducatives et hospitalières, à l'avènement de plusieurs cadres, hommes et femmes de valeur. Quel est aujourd'hui, dans les domaines économiques, politiques et culturels, le rôle de l'Église en Afrique? Face aux défis de la mondialisation, en quoi les Églises d'Afrique participeraient-elles d'une dynamique qui leur serait propre? Autant de questions et de problématiques que la collection « ÉGLISES D'AFRIQUE» entend étudier. Dernières parutions Sancy Verdi Lenoble MA TSCHINGA, Gouverner la cité. Ce que dit la Bible, 2010. Pamphile AKPLOGAN, L'enseignement de l'Église catholique sur l'usure et le prêt à intérêt, 2010. Côme KINA TA, Histoire de l'Église catholique du Congo à travers ses grandes figures, 2010. Antoine ESSOMBA FOUDA, Le mariage chrétien au Cameroun,2010. Jules Pascal, ZAB RE, Chrétien, image du Christ I, 2010. Pépin Wenceslas Firmin DANDOU, Les Conférences des évêques d'Afrique, 2009. Rubin POHOR, Ecole et développement, 2009. Roger HOUNGBEDJI, O.P., L'église-famille de Dieu en Afrique, 2009. Armand Alain MBILI, D'une Eglise missionnaire à une Eglise africaine nationale. L'observatoire du grand séminaire d 'Otélé (1949-1968). Nous dédions ces pages à la famille Matungala Tosinga Lucie Rufin, Matungala Robert-Pélagie, Valéry, André, Diana Marie-Jeanne, Mathy, Josiane, Alfi, Rita; notre Mère Dianaben Marie-Jeanne; nos sœurs et frères, Désiré, Diogène, Nico, Noli, Victor- Josée, Wanita, Toussaint, Tshibola Cathérine,Marie-Thèrèse,Ambroisine, Brigitte, Benedicte,Divine,Aristide. REMERCIEMENTS Notre travail est devenu ce qu'il est grâce à de multiples concours. Notre arrivée à l'Université Pontificale Grégorienne a été possible grâce à la Chiesa che soffre. Nous lui en sommes très reconnaissant. Nous tenons à remercier tout particulièrement et de tout cœur le R.P. Fidel Gonzalez Fernandez qui, en dépit de ses multiples occupations, a accepté de diriger avec dévouement ce travail. Ses conseils judicieux, sa rigueur scientifique et son sens de l'écoute ont toujours éveillé en nous ce goût d'un travail bien fini. Nous sommes redevable à la faculté d'Histoire ecclésiastique, à ses Doyens, les R.P. Josef Benftez et Marek Inglot, à ses professeurs et bibliothécaires, ainsi qu'à tout son personnel. Nous sommes également très reconnaissant à Mgr Louis Mbwol Mpasi, évêque émérite d'Idiofa (République démocratique du Congo), pour sa paternelle sollicitude et l'intérêt particulier qu'il a toujours manifesté pour la formation spirituelle et intellectuelle de son clergé. Notre indéfectible gratitude va aussi à Mgr Jan van Cauwelaert qui fut à l'origine de la bourse de deux ans de la Chiesa che soffre et à Mgr Luciano Mona ri, évêque de Piacenza-Bobbio (Italie), qui nous a reçu dans son diocèse et nous a permis de porter ce travail à bonne fin. Nous lui disons bien sincèrement merci. Nous n'oublions pas la Maison généralice des Oblats de Saint Joseph (via Boccea 364, 00166 Rome, Italie) qui nous ont gentiment reçu pendant notre séjour romain. Nos cordiaux remerciements s'adressent d'une façon particulière au cher Don Giancarlo Conte, curé de la paroisse San Giuseppe Operaio à Piacenza, qui fut à l'origine de notre venue dans cette ville, ainsi qu'à tout le clergé de Piacenza-Bobbio qui nous a toujours manifesté ce sincère esprit fraternel de disciples du Christ. Notre sincère reconnaissance aux abbés Paolo Camminati, Luigi Chiesa, Gianluca, Stefano Segalini et NNSS.Lino Ferrari et Busani, et la Famille Alberto Rocca,mesdames Giovanna Ferari, Antonella et Lauredana. Nous exprimons notre profonde et sincère gratitude aux familles de Josef Dollendorf (Arna, Sabine, Myriam) et d'Angela Maria Muller qui ont soutenu cet être depuis le Séminaire, qu'elles trouvent dans ce travail le couronnement de leurs efforts spirituels et matériels. Nous rendons grâce également aux familles de Gabriele Tramelli-Fernanda (Sara, Rébeca, Ciria, David;, d'Albino ;Ricardo et Ornella G. et Alice ;, Marcellina Benedett;, Ivano Benedetti; Grassi Dominico, Malvicini Dante -Latina et à toute la grande Communauté de San Bonico qui nous a gentiment accueilli et nourri pendant plus de six ans, nous lui sommes vraiment reconnaissant. Un grand et fraternel merci aux abbés Jean Charlier, du diocèse de Tournai (Belgique), Boniface Ndoy, Florent Mufer, Lufwaël, Binia, Jean-Pierre Siem, Urbain Etanga, Sisi, KamaKama, May, Titus Ndala, Claude Musimar, Mfukala, Moke, Atitung, Malung-Mper, Bulamilungu. Que les compagnons de la Communauté, les abbés Flavien Nkay, Ndim, Georges Mbukamundele, Appolinaire Ngun, Alexis Malingisi, Félix Ngolo, Munima, le Père Ngun Victor, Phulusi, Ndunge, Lukwah D., trouvent ici l'expression de notre gratitude pour tous leurs conseils et encouragements. Nous remercions bien fraternellement les familles,Papa Alexandre Maswana, Papa James,Papa loseph, Gaston Kabona, Donat Seseke, Cyrille - Fiji Mibo, Boniface Kabisa-Pauline, Jean- Chantal Kabisa, Paulin- Victoire Mulatris, Jean et Louise Kitambala, Pierre et Pétronille Kabamba, François Mumbim, Dieudonné, Kabulanzeke Th., Mpende Zéphirin-Mariane, Ebalantshim lean-Pierre, Ebalantshim Justin, lwaramanga Hubert-Béatrice, Philippe Laloux-Jacqueline ainsi que Edouard et Thérèse Malobo. Profonde est notre sincère gratitude à l'égard de Brigitte et MarieClaire Jégouzo qui nous ont aidé à écrire ce travail en français. Grand merci aux abbés et pères Adelin Mwanangany, Georges Mboma, Clément Molo, François Moke Ndele, Emery Kibal, Macaire,. Nous pensons également aux Sœurs Ayilel Georgette, Clémentine, Celestine, Madiampanga Françoise,Mampasi Victorine, Kituba Odette et toute la Communauté de Roveleto. Nous pensons également à nos chers Pères évêques, N.S. Eugène Biletsi, ancien évêque d'ldiofa (République démocratique du Congo, Denis E. Hurley, archevêque de Durban (Afrique du Sud) et Mgr Séraphin Tshidima et notre cher Papa Mungoo, que le Seigneur a rappelés auprès de Lui. SIGLES ET ABREVIATIONS AAS Acta Apostolicae Sedis, Cité du Vatican AC Action Catholique AfER African Ecclesiastical Review, Tabora (Tanganyika) Masaka (Ouganda) App Acta et Documenta Concilio œcumenico Vaticano II apparando Arch. Archevêque AS Acta synodalia Vaticani II sacrosancti Concilii œcumenici AS/App Acta synodalia sacrosancti Vaticani II, Appendix Concilii œcumenici ASV Archives Secrètes du Vatican Card. Cardinal CEB Communauté ecclésiale de base Cg Congrégation générale Civ. Cat. Civiltà Cattolica, Rome CLG Centre "Lumen Gentium", Faculté de Théologie, Université catholique de Louvain-la-Neuve COPECIAL Comité permanent des Congrès internationaux pour l'apostolat des laïcs DC Documentation Catholique, Paris Denz.Hün. Enchiridiom Symbolorum definitionum et declarationum de rebus fidei et Morum, H. Denzinger, aux soins de H. Hünermann, édition bilingue, Ed. Dehoniane, Bologne, 1995 DIA Documentation et information africaines, Kinshasa, République démocratique du Congo ElA Ecclesia in Africa Ev. Evêque FCK Facultés catholiques de Kinshasa GS Gaudium et spes ICI Informations Catholiques Internationales, Paris KUL Katholieke Universiteit te Leuven, Louvain LG Lumen gentium L'Oss. Rom. L'Osservatore Romano, Cité du Vatican NRT Nouvelle Revue Théologique, Namur PMV Pro Mundi Vita, Bruxelles PUF Presses Universitaires RAT Revue Africaine de Théologie, Kinshasa RCA Revue du Clergé Africain, Mayidi RICAO Revue de l'Institut Catholique de l'Afrique de l'Ouest, Abidjan RTA Religions traditionnelles africaines SAC Société Africaine de Culture de France, Vendôme Autres: ACEAC Association des Conférences Episcopales d'Afrique Centrale ACERAC Association des Conférences Episcopales régionales d'Afrique Centrale AECAWA Association of Episcopal Conferences of Anglophone West Africa AMECEA Association of Member Episcopal Conferences in Eastern Africa AOTA Association Œcuménique des Théologiens Africains ATIEA Association Africa CELRA Conférence des Evêques Latins de la Région Arabe CERAO Conférence Episcopale Régionale de l'Afrique de l'Ouest francophone CERNA Conférence l'Afrique CISRET Centre pour la formation permanente des enseignements en éducation religieuse en Afrique orientale. Kenya COMITHEOL Comité théologique IMBISA Inter-Regional Meeting of Bishops of Southern Africa SCEAM (ou SECAM) Symposium Episcopales de l'Afrique et de Madagascar of Theological Episcopale Institutes Régionale des in Eastern du Nord de Conférences PROLOGUE LE CONCILE VATICAN II ET L'ÉGLISE EN AFRIQUE UNE RECHERCHE IMPORTANTE SUR L'ÉVÉNEMENT PLUS INCISIF DE CE XX SIECLE. ECCLÉSIAL Les évêques d'Afrique et le Concile Vatican II: participation, contribution et application jusqu'au Synode spécial pour l'Afrique de 1994 : tel est le titre de la thèse de doctorat du chercheur Alfred Guy Bwidi Kitambala, prêtre originaire de la R. D. du Congo ( Diocèse d'Idiofa), dans la Faculté d'Histoire ecclésiastique et des Biens culturels de l'Église de l'Université Pontificale Grégorienne, que j'ai eu le privilège d'accompagner comme directeur de thèse durant ces années de sa longue et méticuleuse recherche. Je suis convaincu que ce travail, résultat de longues et attentives recherches, est également le fruit d'une patiente consultation des sources, souvent plus difficiles à avoir à notre disposition, et recueillies en un seul volume. Le Concile Oecuménique Vatican TI, (du Il octobre 1962 au 8 décembre 1965), constitue un des moments fondamentaux et aussi une ligne de partage des eaux dans l'histoire ecclésiastique de ce XX siècle. TI fut également une des préoccupations constantes du magistère de derniers Pontifes, du grand Pape Jean XXli, qui l'a prophétiquement convoqué, de Paul VI, qui l'a conclu, et des Pontifes suivants, qui l'ont périodiquement reçu dans ses implications et diverses récurrences. Le Concile Vatican TI a été ensuite, comme l'affirmait Jean-Paul TI, une « vraie prophétie dans la vie de l'Église; et il continuera à l'être pour beaucoup d'années de ce troisième millénaire qui vient à peine de commencer» 1. Le 28 octobre 2008, on célébrait, en effet, l'anniversaire des cinquante ans de l'élection de Giuseppe Roncalli, alors patriarche de Venise, comme successeur de Pierre et de Pie XTI. Sa grande dévotion à saint Jean Baptiste et à l'apôtre évangéliste Jean, le conduit à prendre donc le nom de Jean XX li. Dès le début de son pontificat, le nouveau Souverain Pontife surprit déjà le monde entier par sa simplicité qui traduisait ses origines paysannes (diocèse de Bergam, en Italie), qui ne seront jamais trahies, et par l'extrême bonté qu'il manifestait à tous à I Cf. in L'Osservatore Romano,édition quotidienne en italien (28-29 février 2000), p.l. 11 travers son regard et ses gestes paternels: Comme le rappelait le cardinal Secrétaire d'Etat, Tarcisio Bertone, au cours de cette célébration en la Basilique vaticane, «Jean XXill a été bien ce digne prophète de convoquer le Concile Vatican II et d'ouvrir un nouveau chapitre dans l'histoire millénaire de l'Eglise. Toujours au cours de la susdite célébration cinquantenaire, Sa Sainteté Benoît XVI affirmait dans son discours concernant Jean XXill: ce «Pape Bon, le Pape du Concile », béatifié le 3 novembre 2000, et comment il a été à tout jamais honoré. Et toujours dans son discours, le Pape Ratzinger (Benoît XVI) faisait l'éloge de Jean XXIII en soulignant comment l'annonce de son élection fut une « grande joie (gaudium magnum) », « un prélude et une prophétie pleine d'expérience de paternité, que Dieu nous a abondamment offerte à travers les paroles, les gestes et le service ecclésial du Bon Pape. L'amour miséricordieux de Dieu annonçait en effet une grande saison à venir et prometteuse pour l'Eglise et pour la société, et rencontra dans la docilité à l'Esprit Saint, qui illumina la vie entière de Jean XXIII, en un terrain fertile pour y faire germer la concorde, l'espérance, l'unité et la paix pour le salut de toute l'humanité. Ainsi Jean XXIII proclamait la foi en Jésus-Christ et l'appartenance à l'Eglise, Mère et Maîtresse,. voilà donc la preuve d'une certitude éloquente et d'un si grand témoignage chrétien dans le monde. C'est ainsi qu'en face de fortes contradictions de son temps, le Pape Jean XXIII fut un homme et un pasteur de paix, qui sut ouvrir en Orient comme en Occident ces inattendus horizons (ou fenêtres) de fraternité entre chrétiens et du dialogue avec tous (...). Le Concile Œcuménique Vatican II, conçu, décidé et préparé par lui (Jean XXIII), fut vraiment un don spécial offert à toute l'Eglise. Et nous sommes tous invités à accueillir adéquatement ce don, continuer à méditer ses ensei¥nements et traduire dans la vie pratique ses indications opérationnelles» . Dès le début de son Pontificat, Benoît XVI a toujours exprimé sa pleine volonté de pouvoir marcher sur la voie tracée par cet événement ecclésial extraordinaire auquel le jeune professeur Joseph Ratzinger prit activement part comme conseiller (expert conciliaire) de l'archevêque de Cologne, le cardinal J. Frings. Et il a à tout moment souligné avec force sa ferme volonté et intention de poursuivre l' œuvre d'actualisation du Concile Vatican II. Au lendemain de son élection au Siège de Pierre, Benoît XVI s'engage solennellement à poursuivre le chemin tracé par son prédécesseur Jean-Paul II. Et lors de sa première Messe, du 20 avril 2 BENOÎTXVI, Discours prononcé dans la Basilique vaticane (le 28 octobre 2008), en l'occasion du cinquantième anniversaire de l'élection au pontificat de Jean XXIII, in L'Osservatore Romano, édition quotidienne en italien ( 29 octobre 2008). 12 (2005) dans la Chapelle Sixtine, Benoît XVI déclare qu'avec le passé des années, « les documents conciliaires n'ont pas perdu de leur actualité », mais que leurs enseignements se révèlent plus particulièrement pertinents au regard de nouvelles exigences de l'Eglise et de la présente société globalisée ». Pour Benoît XVI, Vatican TIn'est non seulement un événement ecclésial extraordinaire, mais il est aussi une expérience personnelle de valeur exceptionnelle. Et c'est encore le même Pontife, qui le révèle pendant son allocution du 18 août aux jeunes, des quatre coins du monde rassemblés à Cologne pour les Journées mondiales de la Jeunesse ( JMJ :« Besonders schon war es für mich, daj3 mir der dama lige Erzbischof Kardinal Frings von Anfang ». «C'est pour moi un souvenir inoubliable, dit-il, le fait que le cardinal Frings, alors archevêque, se fia dès le début entièrement à moi, en m'offrant ce grand privilège, en dépit de ma jeunesse et de mon inexpérience, me choisit comme son théologien, me porta à Rome, et c'est ainsi que j'ai pu participer à ses côtés au Concile Vatican TI et vivre de près cet extraordinaire et grand événement historique. Et dans ses multiples discours, sermons, catéchèses, audiences dominicales et angélus, le Saint-Père revient très fréquemment à Vatican TIpour amener les fidèles à méditer sur l'actualité du Concile. Et c'est pourquoi le Pape lance régulièrement une pressante invitation à tous les fidèles pour qu'ils tiennent bien vivant l'esprit du Concile en scrutant son inépuisable héritage, comme ce fut, très récemment, le cas pour le Synode sur la «Parole de Dieu », et rappelant la Constitution "Dei Verbum" du même Concile. TIn'y a vraiment aucun document émanant du Concile qui n'ait été cité par Paul VI ou Benoît XVI sans référer à cet événement (le Concile) qui constitue bien sûr une «boussole qui nous oriente dans l'immense océan du troisième millénaire ». LES ÉGLISES D'AFRIQUE ET VATICAN II Et c'est pour ces diverses raisons que le Concile Vatican TI est justement considéré comme l'événement ecclésial le plus incisif de ce XX siècle. Non seulement du point de vue participatif, il détient le chiffre record des participants, non jamais atteint dans l'histoire conciliaire de l'Eglise catholique, et aussi à cause de sa représentativité géographique nombreuse, mais parce qu'il est en outre une véritable mise à jour ou aggiornamento dans l'histoire de l'Eglise, que tous admettent aujourd'hui. Dès le début des années 80 de ce XXe siècle, je m'étais déjà posé la question sur l'opportunité du Concile concernant l'expérience 13 missionnaire de l'Eglise, et plus spécialement pour l'Afrique. Qu'attendaient donc les évêques, les tous nouveaux, et surtout les jeunes Eglises catholiques d' Mrique de cet événement si grandiose? Quel type de participation pouvait-on attendre de ces jeunes évêques d'Afrique quand le Pape Jean XXTII a convoqué le Concile Vatican TI, a initié les travaux de la préparation et bien plus in aula conciliaire? Quelles furent alors les principales préoccupations et interrogations qui surgirent chez les Pères qui s'apprêtaient à prendre la route de Rome? Quels furent aussi les problèmes engendrés par leur présence romaine, par leurs contacts en ces débuts timides et agités, et surtout dans leurs interventions si souvent prudentes? Et dans quelle mesure l'événement conciliaire même serait un nouveau départ dans la vie ecclésiale africaine? Un peuple, ou une Eglise, ne peut certes aller de l'avant, comme le notait le philosophe espagnol, installé en Amérique, Jorge Santallana, sans connaître son passé, et il n'y a pas d'avenir sans la mémoire vivante du passé. Un peuple ou une Eglise sans passé ressemble bien à une maison construite sur le sable, et s'écroule à terre quand souffle la tempête. L'étude d'Alfred Guy Bwidi Kitambala, "Les Évêques d'Afrique et le Concile Vatican II: participation, contribution et application jusqu'à l'Assemblée spéciale pour l'Afrique du Synode des Évêques de 1994," est cette tentative qui veut répondre à ces questions que se pose encore aujourd'hui la jeune Eglise catholique en Afrique, et l'exigence d'une connaissance adéquate de sa propre histoire dans ses diverses phases, sans pour autant censurer rien que ce soit. Or, la connaissance du passé historique est une exigence impérative pour pouvoir maintenir vivante la tradition afin de mieux construire le futur en conformité avec cette tradition authentique. Vatican II, dit Concile pastoral et l'Assemblée spéciale pour l'Afrique du Synode des Évêques de 1994, constituent les deux grands dons ou événements ecclésiaux qui ont, certes, marqué l'histoire de cette jeune Église catholique en Mrique et surtout subsaharienne. Mais pour mieux comprendre l'impact de Vatican II sur toute la vie de l'Eglise en terre africaine d'hier et d'aujourd'hui, l'auteur estime nécessaire de donner un bref aperçu de l'événement-Concile, comment donc l'Afrique a reçu la convocation de Vatican TI annoncée par Jean XXm? Quels sont des problèmes connexes, quel a été l'état de la hiérarchie ecclésiale, et quel nouveau souffle ce Concile Vatican II apportera en Mrique ? 14 LA CONVOCATION DU CONCILEVATICANII ET L'AFRIQUE C'est bien au cardinal Dominico Tardini, Secrétaire d'État, que le Bon Pape Jean XXIII a confié la charge de préparer cette première phase du Concile. Et Tardini se mit immédiatement à l'œuvre et envoya à tous les évêques du monde catholique, aux supérieurs généraux des ordres et instituts religieux de droit pontifical et aux universités et instituts catholiques une lettre le 18 juin 1959 dans laquelle il demandait leurs avis, conseils et propositions à traiter pendant le futur Concile Oecuménique, déjà annoncé par Jean XXIII le 25 janvier 1959 dans la basilique de Saint-Paul-hors-les-murs, à Rome. Le même cardinal Tardini avait, pendant la première rencontre de la Commission pontificale anté-préparatoire du Concile, exprimé le désir de vouloir acquérir un total consentement de tous les futurs pères pendant ce moment de préparation. «Dans ce premier temps, d'après le cardinal, on pensa utile à leur expédier avec la lettre un petit formulaire pour orienter les futurs pères conciliaires dans leurs réponses, et ils devront en principe s'exprimer ou formuler en toute liberté et sincérité leurs desiderata, vota ou suggestions» 3. Quelque chose de semblable s'était également passé en 1867 avec le cardinal Caterini, Préfet de la S. Congrégation du Concile, au sujet du Concile Vatican I, mais qui du reste n'était pas encore annoncé. Et l'initiative se conclut enfin positivement. Enfin, le cardinal président, D. Tardini jugea plus opportun d'envoyer une simple Lettre circulaire, « dans laquelle sont mentionnées les principales indications, et les propositions auxquelles L.Ls. évêques pourraient se référer dans leurs réponses. Le texte de la lettre, approuvé par le Pape, et signé par le cardinal Président (Tardini), est expédié à la même date. La lettre concédait une ample liberté aux futurs pères dans leurs réponses, ou mieux dans leurs propositions mais se demandait seulement ce que les évêques pensaient sur les grands problèmes doctrinaux et pastoraux de l'heure. Leurs propositions, desirata et . 4 . suggestIOns Ie dlfont,. .. . 3 Cf. Procès verbaux des rencontres de la Commission Pontificale Anté-préparatoire pour le Concile Oecuménique. Rencontre du 30 juin 1959, pp.JO-ll, in Acta et Documenta Concilio Oecumenico Vaticano 11 apparando. Series 1 (Antipraeparatoria),vol.n. Typis poliglottis vaticanis (MCMLX), pp.IX-XI. 4 Cf. "Letterae,quibus Exc.mi Episcopi et prelati rogantur communicare suas animadversiones consilia et vota circa res et argumenta quae in futuro Concilio 15 Et cette consultation concernait principalement tous les évêques résidentiels et titulaires de l'Eglise, les nonces et délégués apostoliques, les prélats et les abbés nullius, les administrateurs et exarques apostoliques, les supérieurs généraux des congrégations religieuses exemptes et non exemptes, les vicaires et préfets apostoliques. En tout, 2700 envois, et les 1600 réponses sont arrivées le 1er novembre 1959 à Rome. La grande majorité de celles-ci viennent des évêques résidentiels, (environ 80%). Étaient aussi consultées les Congrégations romaines qui constituèrent des commissions d'étude internes et envoyèrent leurs suggestions à la Commission Tardini. Et ces dernières bénéficièrent d'une prolongation de temps, c'est-à-dire, pouvoir répondre jusqu'au 30 avril 1960. Tout le travail de la Commission Tardini fut rassemblé en 23 volumes, divisés en deux séries. La première série comprend 16 tomes et la seconde 7, et tous les 23 tomes furent publiés par la même Commission anté-préparatoire sous le titre de: Acta et Documenta Concilio oecumenico Vaticano II Apparando. Series I ( Antepraeparatoria), Typis Polyglottis Vaticanis, Roma (1960). LES ÉVÊQUES DE L'AFRIQUE ET LEURS RÉPONSES Au moment de la consultation de la Commission Anté-préparatoire du 18 juin 1959 et dans les mois qui suivirent jusqu'à sa fin ou la date limite, la situation de l'épiscopat en Afrique se présentait ainsi suivant la liste de ceux qui ont répondu, et des réponses qui peuvent être catégorisées ainsi: - Évêques résidentiels: 159 réponses sur 173 envois, (91, 9%); - Abbés nullius: 3 réponses sur 3 envois, (100% ); - Internonces et délégués apostoliques: 6 réponses sur 6 envois, (100% ); - Exarques apostoliques: 2 réponses sur 2 envois, (100%); - Vicaires apostoliques: 31 réponses sur 33 envois, (93%); - Évêques titulaires: 17 réponses sur 32 envois, (53%); - Préfets apostoliques; 21 réponses sur 38 envois, (55%) ; - Au total: 241 réponses sur les 289 envois, (83%). Ces quelques données statistiques nous offrent une vue panoramique assez positive de l'écho qu'a suscité la convocation du Concile, et si l'on s'en tient au moins aux vota exprimés, à l'exception faite quasi des Ecumenico tracta ri poterunt et Documenta c.v.U App. val.u. X. e Civitate vaticana, die 18 iunii 1959, in Acta 16 vicaires et préfets apostoliques (qui pour la plupart étaient encore des prélats missionnaires ou de tous jeunes prélats indigènes), et dont quasi une moitié a pu répondre. De ces 241 évêques résidentiels ou titulaires (d'Afrique), combien d'autochtones ( natifs) avait-on? A quel clergé appartenaient-ils, religieux - missionnaire ou diocésain5? À l'époque, trop peu d'instituts missionnaires masculins (environ une trentaine) étaient apostoliquement à l'œuvre en Mrique6. Et ces évêques natifs d'Afrique qui provenaient des territoires encore entre les mains des instituts missionnaires furent donc les 27 du rite latin de l'Afrique subsaharienne, hormis les coptes catholiques de l'Egypte et de l'Ethiopie, et y compris certains autres rites 7. Et comme le notait l'historien des missions J. Metzler: « Concernant la progressive africanisation [sic comme à l'origine] de l'Église, Rome dépendait en grande partie d'une collaboration des Ordres, des Congrégations et des Sociétés missionnaires. C'est seulement là où celles-ci s'étaient bien engagées à former le clergé indigène et pouvaient ordinairement nommer ces indigènes et les incorporer dans le gouvernement de l'Église. Déjà en 1925 Rome envisagea de poser le premier pas dans cette direction, mais c'est seulement en 1938 qu'elle parvint à réaliser ces projets. L'initiative ou 5 Sur ce sujet, voir mon article: FIDELGONzÂLEZ F., L'Africa et il Vaticano Il. 1« Vota »(Le proposte) dei vescovi, in Archivio comboniani, anno xxv I( 1987). Ici, l'auteur traite en détailla question et la situation de chaque partie de l'Afrique étudiée, principalement l'Afrique anglophone de l'Est, ouganda, Kenya, Tanzanie, zambie, et soudan,.. . 6 Déjà en 1920, il y' avait en Afrique au moins 31 instituts et ordres religieux missionnaires masculins dont 14 instituts appartenant à des nouvelles fondations, et 24 congrégations religieuses féminines réparties dans 31 vicariats apostoliques et 7 préfectures. cf. L.JADIN,Sacrae congregagationis de propaganda Fide Memoria Rerum,350 anni delle Missioni 1622-1972, Herder-Freiburg (1972), cap.ll; IDEM, compendio di Storia della Sacra congregazione per l'Evangelizzazione del popolo 0 "De propaganda Fide" 1622-1972: 350 anni al servicio delle Missioni, Roma ( 1974), p.163. Au début des années 1960, le nombre des instituts et ordres missionnaires présents en Afrique avait considérablement doublé. Et ces instituts se sont, en effet, conformés aux directives de la Propaganda Fide pour la formation d'un clergé local, surtout les pères blancs d'Afrique suivis des pères spiritains; la hiérarchie commença aussi à être africanisée et l'on comptait à l'époque 36 évêques africains dont 21 résidentiels et 15 titulaires. 7 Le cas des évêques catholiques d'Egypte et d'Ethiopie appartenant à de divers rites orientaux est cas particulier, mais retenons que les 6 épiscopes de l'Egypte et les deux de l'Ethiopie sont tous des natifs; concernant les dix autres vicaires patriarcaux de divers rites orientaux, un seul était natif d'Egypte,... 17 l'impulsion vint de Pie XI, qui, au cours d'une audience du 24 mai de cette année même, demanda à Celso Costantini, Secrétaire de la Congrégation "de Propaganda Fide", si la divine Providence ne lui avait pas encore concédé la joie de consacrer en Saint Pierre un évêque africain, constatant que les missions dans ce continent produisaient donc une moisson plus abondante des convertis »8. Et c'est encore le Pape Pie XI qui exprima de nouveau le même désir de « stimuler ou couronner l'activité des missions étrangères en Afrique et donner par ailleurs une nouvelle impulsion aux missions locales,,9. LE PETIT ET TENDRE GRAIN GERMERA SOLIDEMENT ET LONGTEMPS À PARTIR DE VATICAN II Politiquement, à l'annonce en 1959 de Vatican II, il y'avait sur le sol africain à peine une dizaine d'états indépendants et souverains: l'Egypte, l'Ethiopie, le Ghana, la Guinée (Conakry), le Libéria, la Libye, le Maroc, la République Sud africaine, le Soudan et la Tunisie. Six de ceux-ci avaient déjà accédé à la souveraineté internationale au cours des années 50 de ce XX siècle. Et en 1960, dix-sept autres pays obtenaient leur indépendance et la plupart de ceux-ci sont des anciennes colonies françaises, à l'exception du Congo Belge (l'actuelle R.D du Congo). Dans la décade de 1960-1970, 16 nouvelles autres colonies accèdent à leur tour à la souveraineté internationale. Et pendant la décade de 19701979, neuf autres pays dont cinq anciennes colonies portugaises rejoignent les 44 premiers. Ils seront 51 états en 1988 et 53 en 2003. C'est ce même nombre qu'il y avait en 1993 quand l'Érythrée devenait indépendant. Adjoignons sur cette liste de 53 états, la République du Sahara Occidental (ancien territoire espagnol) qui devenait dès le 22 février 1982 membre à part entière de la défunte Organisation de l'Unité Africaine, l'actuelle Union Africaine. Et dépit de cette croissance certaine et solide de la petite semence tombée en cette terre africaine, quelques pays tels que la Somalie, le Liberia, la R.D. du Congo et bien d'autres de la Région de Grands Lacs se trouvent être engouffrés dans une interminable spirale de conflits civils et de guerres fratricides chroniques. II y a parsemé tout au long des mers d'Afrique quelques grandes et petites îles, comme le Madagascar, les Seychelles, les Comores, l'lle Maurice, dans l'océan Indien, et le Cap Vert, Malabo ( 8 J. METZLER(o.m.i), Le giovani chiese dell'Asia, Africa ed oceania, dans H.JEDIN, Storia della chiesa. La chiesa nei vari paesi ai nostri giomi. Tf. italiana, vol. x/2, Jaca Book, Milano (1975), p.743. 9 J. METZLER, op. cit., p. 743; voir aussi Agenzia Fides, n° 704-NI 211/39 (1939). 18