
B. Au niveau du traitement
I) L'on instaure régulièrement un traitement
définitif, souvent synonyme de chirurgie
mutilante ou radicale et de radiothérapie, sans
examen multidisciplinaire préalable ou sans
garantie de soins consécutifs appropriés. Peu
de centres hospitaliers sont structurés de
manière à pouvoir prodiguer un traitement
multidisciplinaire. La plupart des services de
cancérologie sont dirigés par un radio-
thérapeute. Lorsque l'utilisation des rayons
n'a pas atteint son objectif, la chimiothérapie
est trop souvent considérée comme l'ultime
recours. Un comité de traitement
oncologique, analysant les cas de façon
multidisciplinaire et établissant des schémas
de traitement d'après les diverses tumeurs, de
concert avec les trois disciplines concernées,
est une institution relativement rare.
2) Certains médecins administrent des
thérapies qui ne sont pas de leur ressort,
sans demander conseil à un spécialiste.
Ceci se présente le plus fréquemment en
matière de traitements cytostatiques. Il arrive
également que le spécialiste en cancérologie
soit consulté trop tard, comme pour la
personne souffrant d'un cancer au sein que
I'on soigne au Nolvadex et ou on ne fait
appel au chimiothérapeute au moment ou
elle devient ictérique.
Dans d'autres cas, aucun traitement ne sera
instauré du simple fait que le médecin traitant
n'est pas au courant des diverses possibilités
thérapeutiques. Nous recevons actuellement à
notre consultation plusieurs malades que l'on
avait abandonné comme « cas désespérés » il
y a quelques années. Il faut manifestement
accuser ici une défaillance dans la formation
médicale, la formation continue ou dans
l'information en général. Le traitement du
cancer, plus particulièrement la
chimiothérapie, évolue à une allure
étonnante. Par conséquent , toute information
concernant les plus récents progrès doit être
distribuée immédiatement, afin d'en faire
bénéficier les malades touchés. La pléthore
croissante de médecins veut que de plus en
plus de chirurgiens, internistes, spécialistes
d'organes ou de médecins de familIe traitent
eux-mêmes leurs patients cancéreux, sans
consulter d'experts. Chaque docteur en
médecine doit pouvoir assurer un certain
niveau de revenus. L'on ne peut donc
s'attendre à ce qu'un chirurgien transfère vers
un centre et à des fins opératoires, tous ses
patients cancéreux (représentant
probablement un pourcentage important de
ses interventions).
Par ailleurs, toute forme d'amateurisme allant
à l'encontre d'une thérapie efficace, est
intolérable.
La complexité et le progrès technique des
approches thérapeutiques en matière
d'oncologie, nécessitent une étroite col-
laboration entre les cancérologues et leurs
confrères. Malheureusement, cette
collaboration tant souhaitée prend souvent la
forme d'une compétition entre les
différents services des institutions hospi-
talières - autant au plan universitaire que
périphérique. Prenons pour exemple, le cas
d'une femme souffrant d'un cancer
mammaire; elle peut être soignée au choix
dans le service chirurgie, gynécologie,
chirurgie plastique, radiothérapie, oncologie
médicale, endocrinologie, ou médecine
interne. Chacun de ces départements
manifesteront leur propre philosophie. Ce
même type de compétition est parfois
ressenti entre les divers hopitaux d'une ville
ou d'une région.
3) Il arrive que l'on propose ou effectue une
intervention chirurgicale, sans raison valable;
par exemple, une pneumonectomie en cas de
cancer au poumon chez un malade présentant
déjà une adénopathie contrelatérale
supraclaviculaire.
4) Le choix d'une thérapie est fréquemment
influencé par le spécialiste en cancérologie
chez qui le patient est transféré, plutot que
par des considérations purement médicales.
Si une patiente est envoyée chez un
radiothérapeute pour une tumeur au sein, il
est fort probable que la radiothérapie
devienne la principale - voire I'unique -
modalité de traitement. Par contre, la même
femme confiée aux mains d'un chirurgien,
sera presque certainement opérée.
L'interniste-oncologue est, par définition, à
même de suggérer une thérapie locale de
manière plus objective. Avant toute chose, il
veillera à effectuer un staging complet.
La législation limitant l'équipement coûteux
aboutit à la monopolisation d'un certain
aspect de la médecine. Bon nombre de villes
ou de régions ne disposent que d'une seule
installation de radiothérapie, ce qui exclut
toute liberté de choix. Nous avons à
plusieurs reprises constaté, que dans une
ville comptant deux ou trois hopitaux, dont
un seul est doté d'un service de radiothérapie,
les patients sont envoyés vers des centres
éloignés, plutot que chez le radiothérapeute
de l'hôpital (concurrent) de la ville.
5) Les spécialistes d'organes, chirurgiens et
certains radiothérapeutes. tendent à
restreindre I'examen de « follow-up ') ou de
contrôle à un organe ou à une lésion bien
définie. Dans le cas précis des tumeurs
susceptibles de provoquer la formation de
métastases, pareille approche peut signifier
un dépistage et donc un traitement tardif
d'éventuelles métastases. La formation
spécifique du médecin interniste-oncologue
laisse supposer qu'il assurera un examen
complet et régulier de ses plaintes.
6) Un nombre croissant de charlatans peu
scrupuleux n'hésitent pas à exploiter le
désespoir des cancéreux en leur proposant
des remèdes inopérants. Une information
honnête s'avère, une une fois de plus,
essentielle. Les média sont généralement
responsables pour la diffusion de ces
traitements inutiles.
7) L'on note la fréquence d'examens
superflus, bien souvent effectués par des
médecins comptant parmi leur clientéle des
malades pour lesquels ils peuvent à la
fois prescrire et réaliser certains examens.
Notre médecine axée sur la performance
technique plutot que clinique favorise ce
type de pratiques. Les patients cancéreux
sont, par ailleurs, trop facilement et trop
longuement hospitalisés.
C. Problèmes financiers
Les quelques rares services d'oncologie
médicale se trouvent confrontés à de
sérieux problèmes d'ordre financier dans ce
pays, puisque leurs prestations majeures -
en d'autres termes l'administration de
cytostatiques - ne sont pas remboursées par
I'INAMI. L'on sait, cependant, que cela
implique un personnel nombreux. Ces
difficultés financières ont toujours empêché
le développement intégral de notre propre
service d'oncologie médicale. Nous avons
été obligés de refuser des soins à des
centaines de malades, par manque de
médecins, de personnel, de locaux et de
fonds. Chaque année, des milliers de
patients sont hospitalisés (ou soi-disant
hospitalisés) inutilement dans ce pays,
occasionnant des frais additionnels
considérables pour l'INAMI déficitaire
pour obtenir de cette manière un
remboursement sur la chimiothérapie. En
revanche, une série de rayons donne droit à
un remboursement de plus de 20.000 Fr.
Dans le cadre d'un tel système inéquilibré
de remboursement, l'on ne 'peut envisager
de traitement véritablement
multidisciplinaire, ou la thérapie serait
choisie sans tenir compte des
rémunérations qu'elle entraÎne.
L'on peut déplorer le fait, que l'INAMl
n'estime pas à leur juste valeur l'anamnèse
et l'examen clinique, et ne les rembourse
que relativement peu par rapport aux
remboursements généreux des prestations
techniques.
Les exemples qui suivent démontrent que
le système de remboursement par l'INAMI
n'est pas hönnête. Primo, à l'höpital St Jan à
Brugge, le rapport des revenues des
médecins est même supérieur de un à
quatre.
Notons, que ce ne sont pas les médecins
aux revenus les plus bas qui travaillent le
moins. Bien au contraire, il s'agit des
services cliniques n' effectuant pas eux-
mêmes de prestations, ou uniquement des
prestations non remboursées comme la
chimiothérapie. Ce sont les médecins qui
s'occupent principalement de soigner les
malades en consultation. Secundo les
patients cancéreux traités par radiothérapie
ont droit à un remboursement de leurs frais
de voyage, alors que ces mêmes personnes
ne sont pas remboursés pour leur
déplacement pour un traitement de
chimiothérapie (parce que le terme «
chimiothérapie » n' est pas encore vraiment
défini en 1982).
Proposition pour une
nouveIle politique du cancer
L' exposé qui précède démontre les
défauts du système actuel. Il en résulte
Oncologie