ONCOLOGIE Plaidoyer pour une nouveIle stratégie du cancer

publicité
ONCOLOGIE
I
Plaidoyer pour une
nouveIle stratégie du cancer
Dr. A. CLARYSSE, Chef de Service d'Oncologie Médicale A.Z. St.-Jan - Brugge.
Dans le domaine du diagnostic et du traitement du cancer de nombreuses acquisitions ont
été faites ces dernières années. Néanmoins, par expérience personnelle, nous sommes
convaincus du fait que tout au plus un tiers des cancéreux bénéficie d'un traitement
optimal. Les 2/3 restants ne jouissent pas pleinement du progrès réalisé dans le traitement
du cancer. Rien ne nous permet de prévoir une amélioration de cet état de choses, sauf si
l'attitude envers le cancer est changée radicalement ainsi que l'organisation des soins de
santé.
But du traitement du cancer
L'idéal serait de prévenir autant que possible le cancer , sinon de le dépister précocément. Le but principal est encore
toujours à I'heure actuelle de viser à guérir
un nombre maximal de malades en
optimalisant les modalités thérapeutiques
dont nous disposons. Chez les patients
incurables, parce que leur maladie a atteint
un stade trop avancé, il faut veiller à leur
fournir un traitement palliatif et une prise
en charge de leurs problèmes psychosociaux. En même temps la formation de
médecins en cancérologie et de paramédicaux, doit être assurée, ainsi que la
recherche scientifique. Des données
statistiques
doivent
être
recueillies
(enregistrement de cas bien documentés,
observations
épidémiologiques
et
démographiques). Enfin, d'une façon ou
d'une autre, tout ce système doit être
financé.
Dans notre pays, le « Conseil Supérieur du
Cancer » a pour tàche de conseiller le
Ministère de la Santé Publique dans les
décisions qu'il doit prendre dans la lutte
contre le cancer. Malheureusement, depuis
deux ans ce conseil est dépourvu de
président. Son röle est uniquement
consultatif et quelques propositions
importantes sont restées sans suite dans le
tiroir de I'un ou l'autre ministère.
Aperçu historique
Jusqu'à la fin du siècle dernier, la chirurgie
constituait le seul moyen thérapeutique,
encore réservé à certains cancers bien
localisés. Au tournant du siècle, les
propriétés antitumorales des radiations
ionisantes ont été découvertes. Ceci
constitua un progrès réel: même si leur
application était, elle aussi, réservée surtout
à des tumeurs circonscrites, certaines
formes inopérables (par extension locale
avancée) purent en bénéficier. C'est ainsi
que, progressivement, le can-
cer devint le domaine commun des chirurgiens et des radiothérapeutes.
Pendant la seconde guerre mondiale, les
médicaments anticancéreux (chimiothérapie) virent le jour. C'était la première fois
qu'il devenait possible de traiter des cancers
mérastasés. Très rapidement, les Etats-Unis
virent là un progrès important à exploiter.
En 1971 I'Oncologie Médicale fut reconnue
en tant que sousspécialité de la médecine
interne. Très rapidement il en résulta une
collaboration
fructueuse
entre
trois
disciplines (la chirurgie, la radiothérapie et
la chimiothérapie) et une approche
pluridisciplinaire du cancer. La lutte contre
le cancer devint affaire de spécialistes.
Tandis que la chirurgie et la radiorhérapie
ont déjà atteint leur apogée, à quelques
raffinements
techniques
près,
la
chimiothérapie en est toujours à ses débuts.
C'est la branche de la médecine qui connaît
I'évolution la plus rapide.
Dans notre pays, les radiothérapeutes
ressentirent le développement de la chimiothérapie comme une menace pesant sur
leur monopole des droits acquis. Certains
internistes et spécialistes d'organes se sont
même opposés à son déploiement. Le seul
résultat fut d'empêcher I'épanouissement de
I'oncologie médicale, qui n'est pas reconnue
en tant que spécialité et qui n'est pas
remboursée par l'l.N..A.M.l. En règle
générale, les traitements chimiothérapiques
sont prescrits par des médecins sans
formation
spéciale:
leur
source
d'information est constituée par les
documents fournis par les délégués
pharmaceutiques, dont le but essentiel est
de vendre leurs produits ...
L' essor du traitement du cancer a donc été
abandonné surtout au hasard. II en résulte
un fossé inacceptable et tragique entre
diverses façons de traiter les cancéreux et
ce qu'il y aurait lieu de faire.
Qui traite les cancéreux
dans notre pays ?
En premier lieu ce sont les cancérologues,
c'est-à-dire, un petit nombre d'internistes
oncologues et de radiothérapeutes, les seuls
à avoir bénéficié d'une formation en
cancérologie. Ensuite, nous trouvons des «
spécialistes d'organes », qui s'occupent
exclusivement d'un organe précis p.e.
pneumologues, urologues, gynécologues,
etc. Dans le cadre de leur spécialité ils
rencontrent des tumeurs malignes de
I'organe en question. C'est chez eux que
très souvent les patients se présentent avec
leurs plaintes. lls posent le diagnostic et
sont précieux dans I'établissement du stade
clinique. Les spécialistes d'organes des
disciplines chirurgicales (urologie,
gynécologie, chirurgie thoracique) sont
souvent indispensables pour le traitement
local du cancer concerné. Les spécialistes
d'organes n'ont généralement pas eu une
formation en cancérologie et il n'est pas
inutile qu'ils consultent le cancérologue
spécialisé quant aux modalités globales du
traitement.
Les chirurgiens généraux et les internistes
généraux traitent des cancéreux dans leur
clientèle variée. Beaucoup d'interventions
chirurgicales pour cancer sont réalisées par
des chirurgiens généraux.
La plupart des médecins généraJistes ne
traitent pas eux-mêmes leurs malades
atteints de cancer, si ce n'est après avoir
consulté un spécialiste. Ce qui n'empêche
qu'il ne faut pas sous-estimer le röle du
généraliste dans le dépistage, le diagnostic
et le traitement du cancer. II peut exercer
une influence déterminante sur l'évolution
de la maladie par un diagnostic précoce et
par le choix d'un spécialiste du cancer ou
un centre compétent. Enfin, un nombre
croissant de cancéreux aboutissent chez des
charlatans qui n'hésitent pas d'exploiter Ie
désespoir des malades en leur administrant
des traitements inefficaces.
2
3
Oncologie
Ou traite-t-on les cancéreux ?
Très souvent c'est le hasard qui détermine la
réponse ou encore les préférences du
médecin-traitant ou du patient. En Belgique,
iJ n'existe qu'un seul centre qui s'occupe
excIusivement du traitement des cancéreux et
de la recherche. Cest l'Institut J. Bordet à
Bruxelles, dont le retentissement est certes
plus grand au plan international qu'au plan
national. Les Etats-Unis possèdent un réseau
d'institutions de ce type, orientées vers la
conception et la réalisation du traitement du
cancer. Nos hópitaux universitaires disposent
généralement d'un service de radiothérapie
dans lesquels aboutissent la plupart des
cancéreux, tout au moins ceux qui ne sont pas
traités uniquement de façon chirurgicale.
Tous les hópitaux universitaires n'ont pas un
service de chimiothérapie digne de ce nom
(oncologie médicale). Trop souvent la
chimiothérapie occupe une place hiérarchique
et thérapeutique seçondaire. Une plainte
constante de la part des patients traités dans
certains services universitaires est le manque
de continuité dans les soins. Trop souvent
l'équipe médicale est trop restreinte et on se
trouve dans I'obligation de faire appel aux
assistants qui changent conrinuellement.
Dans les centres anticancéreux périphériques, la situation est loin d'être idéale. Cest
même un euphémisme que de parIer de
centres anticancéreux périphériques. On ne
peut même pas parIer de « centre », lorsqu'il
ne comporte qu'un radiothérapeute qui par
hasard s'iméresse oui ou non à la
chimiothérapie et dont le raisonnement
pluridisciplinaire peut être hypothétique.
Enfin iJ y a également les nombreux
höpitaux, grands ou petits, qui sont
dépourvus de tout équipement radiothérapique et, par conséquent, d'un département d'oncologie médicale. Le traitement
du cancer y est assuré par des chirurgiens,
des internistes, des spécialistes d'organes,
sans orientation multidisciplinaire.
Le traitement idéal du cancer
Le traitement ne peut être mis au point
qu'après que le diagnostic ait été confirmé
par I'examen anatomopathologique, et après
un établissement préalable du stade
clinique.
Dans les modalités thérapeutiques du cancer
iJ faut distinguer les traitemems locaux.
(chirurgie er radiothérapie) et systémiques
(chirnio-, hormono-, immuno-thérapie). Le
traitement systémique est indiqué chaque
fois qu'il existe des métastases macro- ou
microscopiques (chimiothérapie adjuvante).
Dans de nombreux cas les meilleurs
résultats sont obtenus par une approche
thérapeutique multidisciplinaire, c.-à-d. par
I'application synchrone ou successive de
différents traitements qui se complètent et
permettent de meilleures chances de
guérison. Ceci présuppose une bonne
collaboration entre les différents spécialistes
impliqués.
En ce qui conceme I'objectif du traitement
du cancer il faut distinguer le traitement
curatif (dont le but est d'obtenir une
guérison) et palliatif (la guérison est
impossible, mais on tâche d'enrayer I'
évolution).
Il faudrait également poursuivre comme
objectif le maintien aussi longtemps que
possibIe d'une vie normale, d'une activité
professionnelle, de distractions, d'une vie
sociale et familiale. On évite donc
I'hospitalisation et on donne la préférence au
traitement ambulatoire. Il ne faut pas
négliger les problèmes psychologiques,
familiaux et sociaux. On ne traite pas un
cancer mais un cancéreux. Les services
impliqués doivent être aptes à faire face à
l'entièreté de la problématique du malade.
Il est important de veilIer à la continuité des
soins dans une affection chronique comme le
cancer. Dans le courant de leur maladie
certains patients entrent en contact avec
nombre de médecins, que ce soit en même
temps ou (l'un après I'autre. Tous ont leur
interprétation personnelle des symptômes, du
pronostic etc. Le patient apprécie qu'un seul
médecin conduise, coordonne et interprète le
traitement.
Il va de soi que leur meilleur traitement
devrait pouvoir se faire dans un centre
anticancéreux, ou une équipe de médecins
et de scientifiques ont comme tache
principale d'étudier la maladie cancéreuse
sous tous ses aspects.
C'est à des institutions de ce genre que I'on
doit tous les progrès cliniques réalisés sans
cesse, de même qu'à des travaux qu 'ils
réalisent en collaboration avec d'autres
centres. Ils disposent d'un équipement
diagnostic et thérapeutique sophistiqué. Les
trois disciplines, chirurgie, radiothérapie et
chimiothérapie, y voisinent sur un pied
d'égalité avec, pour chacune d'elles, un
service complètement structuré de telle
sorte que chacune puisse poursuivre son
propre épanouissement. En tant que
partenaires égaux, rénumérés de façon
équitable, ils poursuivent leur travail dans
un même but. Le traitement y est
pluridisciplinaire. Souvent on y trouve des
groupes d'étude pour chaque type de
tumeur (p. ex. tumeurs pulmonaires,
urologiques, gynécologiques, etc ... ) qui
élaborent des schémas thérapeutiques
communs, qu'ils exécutent et soumettent à
une évaluation scientifique.
Les centres amicancéreux intégrales ne se
limitent pas à des recherches cIiniques; ils
font de la recherche de laboratoire. Les
échanges constants entre cIiniciens et
chercheurs sont essentiels et sont la source
d'une stimulation et d'un enrichissement
réciproques. La formation des médecins,
chercheurs et paramédicaux fait partie
intégrante de la tâche des centres
anticancéreux. On attend d'eux qu'ils
mettent à la disposition des autres médecins
et des patients toute leur connaissance et
leur expérience. Il faut que les instanees
gouvernementales soutien-
nent leurs efforts et leur permettent de
poursuivre leur mission. Il faut qu'ils aient
un apport suffisant de malades, surtout de
cas rares (p. ex. sarcomes ostéogéniques,
tumeurs testiculaires), pour permettre des
études, la recherche et la formation. Le but
n'est pas de traiter les cancéreux uniquement
dans les centres amicancéreux. Il faut
néanmoins veilIer à ce que ceux qui
n'aboutissent pas dans ces institutions
puissent bénéficier au même titre des
progrès de la cancérologie.
PROBLEMES ET
DEFICIENCES DE LA
SITUATION ACTUELLE
L 'analyse d'une série de patients faisant
partie de notre service nous met en mesure
de signaIer les points critiques suivants :
A. Au niveau du diagnostic
1) Le dépistage tardif d'un cancer, par
négligence du malade n'ayant pas consulté
de médecin malgré l'apparition de troubles
évidents.
2) Bien que le patient découvre parfois une
tumeur en formation, par exemple à
I'occasion d'une campagne d'information
comme celles concernant les tumeurs au
sein, cette constatation n'engendre par
nécessairement un traitement immédiat. En
effet, il se peut que le médecin consulté ne
mesure pas toute la gravité du problème, ou
qu'il manque de courage pour annoncer la
possibilité d'un cancer. Sans même
confirmer ou infirmer un tel diagnostic, il
va rassurer le patient. Dans certains cas, les
cancéreux ne sont pas transférés chez un
spécialiste ou vers un centre, afin qu'il
n'apprennent pas la vraie nature de leur
maladie.
3) Le diagnostic de cancer établi tardivement, parce que le médecin ne prend pas le
temps nécessaire pour effectuer une
anamnèse et un examen cIinique approfondis.
4) L'on a rapporté quelques cas exceptionnels de patients soumis à une thérapie
anticancéreuse sans confirmation histologique du diagnostic.
5) Certains malades s'adressent de leur
propre initiative à un spécialiste mal choisi,
qui débute un traitement basé sur un
diagnostic différent et provoque ainsi une
perte de temps considérable. Il va de soi,
que c'est normalement au médecin de
familie qu'incombe la responsabilité de
référer le patient à un spécialiste approprié.
Il y a des cas ou le médecin traitant n
'assume pas cette tàche et que le patient
doit solliciter lui-même une assistance
spécialisée adéquate.
6) Il s'avère que les malades sont de plus en
plus confus devant les diverses formes de
thérapie se présentant à leur choix.
Suivront-ils le chemin cIassique, avec
interventions chirurgicales, baxters, rayons
et tous les inconvénients connus; ou
prendront-ils conseil chez des voisins ou
amis avant d' opter pour l' approche
«naturelle », avec ses régimes, gouttes,
vitamines, etc ... (sans effets secondaires
mais également sans effet curatif).
Oncologie
B. Au niveau du traitement
I) L'on instaure régulièrement un traitement
définitif, souvent synonyme de chirurgie
mutilante ou radicale et de radiothérapie, sans
examen multidisciplinaire préalable ou sans
garantie de soins consécutifs appropriés. Peu
de centres hospitaliers sont structurés de
manière à pouvoir prodiguer un traitement
multidisciplinaire. La plupart des services de
cancérologie sont dirigés par un radiothérapeute. Lorsque l'utilisation des rayons
n'a pas atteint son objectif, la chimiothérapie
est trop souvent considérée comme l'ultime
recours.
Un
comité
de
traitement
oncologique, analysant les cas de façon
multidisciplinaire et établissant des schémas
de traitement d'après les diverses tumeurs, de
concert avec les trois disciplines concernées,
est une institution relativement rare.
2) Certains médecins administrent des
thérapies qui ne sont pas de leur ressort,
sans demander conseil à un spécialiste.
Ceci se présente le plus fréquemment en
matière de traitements cytostatiques. Il arrive
également que le spécialiste en cancérologie
soit consulté trop tard, comme pour la
personne souffrant d'un cancer au sein que
I'on soigne au Nolvadex et ou on ne fait
appel au chimiothérapeute au moment ou
elle devient ictérique.
Dans d'autres cas, aucun traitement ne sera
instauré du simple fait que le médecin traitant
n'est pas au courant des diverses possibilités
thérapeutiques. Nous recevons actuellement à
notre consultation plusieurs malades que l'on
avait abandonné comme « cas désespérés » il
y a quelques années. Il faut manifestement
accuser ici une défaillance dans la formation
médicale, la formation continue ou dans
l'information en général. Le traitement du
cancer,
plus
particulièrement
la
chimiothérapie, évolue à une allure
étonnante. Par conséquent , toute information
concernant les plus récents progrès doit être
distribuée immédiatement, afin d'en faire
bénéficier les malades touchés. La pléthore
croissante de médecins veut que de plus en
plus de chirurgiens, internistes, spécialistes
d'organes ou de médecins de familIe traitent
eux-mêmes leurs patients cancéreux, sans
consulter d'experts. Chaque docteur en
médecine doit pouvoir assurer un certain
niveau de revenus. L'on ne peut donc
s'attendre à ce qu'un chirurgien transfère vers
un centre et à des fins opératoires, tous ses
patients
cancéreux
(représentant
probablement un pourcentage important de
ses interventions).
Par ailleurs, toute forme d'amateurisme allant
à l'encontre d'une thérapie efficace, est
intolérable.
La complexité et le progrès technique des
approches
thérapeutiques
en
matière
d'oncologie, nécessitent une étroite collaboration entre les cancérologues et leurs
confrères.
Malheureusement,
cette
collaboration tant souhaitée prend souvent la
forme d'une compétition entre les
différents services des institutions hospitalières - autant au plan universitaire que
périphérique. Prenons pour exemple, le cas
d'une femme souffrant d'un cancer
mammaire; elle peut être soignée au choix
dans le service chirurgie, gynécologie,
chirurgie plastique, radiothérapie, oncologie
médicale, endocrinologie, ou médecine
interne. Chacun de ces départements
manifesteront leur propre philosophie. Ce
même type de compétition est parfois
ressenti entre les divers hopitaux d'une ville
ou d'une région.
3) Il arrive que l'on propose ou effectue une
intervention chirurgicale, sans raison valable;
par exemple, une pneumonectomie en cas de
cancer au poumon chez un malade présentant
déjà
une
adénopathie
contrelatérale
supraclaviculaire.
4) Le choix d'une thérapie est fréquemment
influencé par le spécialiste en cancérologie
chez qui le patient est transféré, plutot que
par des considérations purement médicales.
Si une patiente est envoyée chez un
radiothérapeute pour une tumeur au sein, il
est fort probable que la radiothérapie
devienne la principale - voire I'unique modalité de traitement. Par contre, la même
femme confiée aux mains d'un chirurgien,
sera
presque
certainement
opérée.
L'interniste-oncologue est, par définition, à
même de suggérer une thérapie locale de
manière plus objective. Avant toute chose, il
veillera à effectuer un staging complet.
La législation limitant l'équipement coûteux
aboutit à la monopolisation d'un certain
aspect de la médecine. Bon nombre de villes
ou de régions ne disposent que d'une seule
installation de radiothérapie, ce qui exclut
toute liberté de choix. Nous avons à
plusieurs reprises constaté, que dans une
ville comptant deux ou trois hopitaux, dont
un seul est doté d'un service de radiothérapie,
les patients sont envoyés vers des centres
éloignés, plutot que chez le radiothérapeute
de l'hôpital (concurrent) de la ville.
5) Les spécialistes d'organes, chirurgiens et
certains
radiothérapeutes.
tendent
à
restreindre I'examen de « follow-up ') ou de
contrôle à un organe ou à une lésion bien
définie. Dans le cas précis des tumeurs
susceptibles de provoquer la formation de
métastases, pareille approche peut signifier
un dépistage et donc un traitement tardif
d'éventuelles métastases. La formation
spécifique du médecin interniste-oncologue
laisse supposer qu'il assurera un examen
complet et régulier de ses plaintes.
6) Un nombre croissant de charlatans peu
scrupuleux n'hésitent pas à exploiter le
désespoir des cancéreux en leur proposant
des remèdes inopérants. Une information
honnête s'avère, une une fois de plus,
essentielle. Les média sont généralement
responsables pour la diffusion de ces
traitements inutiles.
7) L'on note la fréquence d'examens
superflus, bien souvent effectués par des
médecins comptant parmi leur clientéle des
malades pour lesquels ils peuvent à la
fois prescrire et réaliser certains examens.
Notre médecine axée sur la performance
technique plutot que clinique favorise ce
type de pratiques. Les patients cancéreux
sont, par ailleurs, trop facilement et trop
longuement hospitalisés.
C. Problèmes financiers
Les quelques rares services d'oncologie
médicale se trouvent confrontés à de
sérieux problèmes d'ordre financier dans ce
pays, puisque leurs prestations majeures en d'autres termes l'administration de
cytostatiques - ne sont pas remboursées par
I'INAMI. L'on sait, cependant, que cela
implique un personnel nombreux. Ces
difficultés financières ont toujours empêché
le développement intégral de notre propre
service d'oncologie médicale. Nous avons
été obligés de refuser des soins à des
centaines de malades, par manque de
médecins, de personnel, de locaux et de
fonds. Chaque année, des milliers de
patients sont hospitalisés (ou soi-disant
hospitalisés) inutilement dans ce pays,
occasionnant des frais additionnels
considérables pour l'INAMI déficitaire
pour obtenir de cette manière un
remboursement sur la chimiothérapie. En
revanche, une série de rayons donne droit à
un remboursement de plus de 20.000 Fr.
Dans le cadre d'un tel système inéquilibré
de remboursement, l'on ne 'peut envisager
de
traitement
véritablement
multidisciplinaire, ou la thérapie serait
choisie
sans
tenir
compte
des
rémunérations qu'elle entraÎne.
L'on peut déplorer le fait, que l'INAMl
n'estime pas à leur juste valeur l'anamnèse
et l'examen clinique, et ne les rembourse
que relativement peu par rapport aux
remboursements généreux des prestations
techniques.
Les exemples qui suivent démontrent que
le système de remboursement par l'INAMI
n'est pas hönnête. Primo, à l'höpital St Jan à
Brugge, le rapport des revenues des
médecins est même supérieur de un à
quatre.
Notons, que ce ne sont pas les médecins
aux revenus les plus bas qui travaillent le
moins. Bien au contraire, il s'agit des
services cliniques n' effectuant pas euxmêmes de prestations, ou uniquement des
prestations non remboursées comme la
chimiothérapie. Ce sont les médecins qui
s'occupent principalement de soigner les
malades en consultation. Secundo les
patients cancéreux traités par radiothérapie
ont droit à un remboursement de leurs frais
de voyage, alors que ces mêmes personnes
ne sont pas remboursés pour leur
déplacement pour un traitement de
chimiothérapie (parce que le terme «
chimiothérapie » n' est pas encore vraiment
défini en 1982).
Proposition pour une
nouveIle politique du cancer
L' exposé qui précède démontre les
défauts du système actuel. Il en résulte
27
Oncologie
que trop de cancéreux ne bénéficient pas de
soins appropriés. On pourrait penser que,
idéalement, tous devraient se faire traiter
dans des centres anticancéreux. En pratique
ce raisonnement ne tient pas. Dans les
circonstances actuelles il nous manque des
centres pour prendre en charge les 30.000
nouveau cas de cancers annuels, sans
compter les milliers en follow-up. II ne serait
pas réaliste d'espérer y envoyer tous les cas.
La réalité économique est telle que tout
médecin doit vivre et les cancéreux forment
un noyau important de la clientèle médicale.
D'autre part les centres existants ne disposent
pas du personnel suffisant et doivent faire
appel au nombre croissant de praticiens et
autres institutions hospitalières, qu'il faut
impliquer dans le traitement des cancéreux.
Notre position est la suivante: si les malades
ne vont pas au centre anticancéreox, les
centres doivent aller vers eux.
Ceci peut se faire gràce à un système de
collaboration avec les hôpitaux de province
et avec les médecins praticiens de la région.
Chaque région a besoin de son centre, qui
doit veilIer à s'occuper de tous les aspects du
cancer (information, dépistage, traitement,
recherche, formation, etc ... ), le tout en
collaboration avec les hôpitaux et les
médecins praticiens dans sa sphère de
rayonnement géographique. Il doit donc
bénéficier de moyens financiers et de
personnel. Cette collaboration entre les
différents hôpitaux doit se réaliser en de hors
des
considérations
politiques
et
confessionnelles. La collaboration doit être
assurée par des équipes de consultants et des
comités de traitement oncologique.
Les équipes de consultants (comportant des
mem bres des trois disciplines) doivent se
rendre à intervalles réguliers dans les centres
périphériques pour participer à la discussion
des cas. Les cas les plus
difficiles, que ce soit sur le plan thérapeutique ou diagnostique, peuvent être
transférés au centre anticancéreux. II
convient de mettre au point de schémas
communs, établis collégialement avec les
experts de la région.
Chaque hôpital doit avoir son comité de
traitement
oncologique
constitué
de
médecins ayant l'expérience du cancer. Ce
comité doit veiller à ce que les malades
venant à l'hôpital pour faire soigner
un cancer soient soignés de façon conforme
aux schémas, et que les cas à problèmes
soient discutés en temps voulus. Ce comité
doit constamment pouvoir demander un
conseil,
une
consultation,
de
la
documentation, etc. du centre anticancéreux
régional.
Le centre anticancéreux régional se charge
d'organiser des conférences, séminaires,
cours de formation continue, etc ... à
l'intention des médecins de la région et des
installations
hospitalières
concernées.
Pareilles initiatives devraient assurer une
bonne information sur les progrès en
cancérologie, les résultats obtenus par
l'étude des protocoles, ainsi que sur les
activités régionales. Le centre met sur pied,
comme précisé plus tôt, des campagnes
d'information et de dépistage, etc., en
collaboration avec les hôpitaux aftïliés.
Le centre régional doit être élaboré selon la
description donnée plus haut. II donnera le
ton dans le domaine de la thérapie et
permettra des travaux de recherche, de
nature clinique mais également de la
recherche
fondamentale.
Le
bon
fonctionnement du centre dépendra
essentiellement du fait que les trois spécialités se développent de manière absolument autonome et puissent coopérer sur
une base multidisciplinaire.
Au niveau national ou communautaire, il y
aura lieu de créer un organe central; un «
organe de concertation national ou
communautaire des centres anticancéreux »,
contrôlant, coordonnant et évaluant les
activités
des
différents
centres
anticancéreux régionaux, pour finalement
élaborer une politique nationale.
Le tout doit être financé. On pourrait par
exemple déduire un petit pourcentage du
prix de séjour de l'hospitalisation des
hapitaux affiliés pour aider à payer les
services rendus par le centre régional. Les
médecins
rattachés
aux
centres
anticancéreux régionaux doivent être
rémunérés (avec éventuellement une
indemnité clinique complémentaire en
fonction du nombre de malades pris en
charge afin de préserver une possibilité
d'émulation). De cette façon, on peut
proposer un traitement multidisciplinaire
sans faire entrer en ligne de compte des
considérations financières. Les hôpitaux
équipés en radiothérapie doivent bénéfi-
cier annuellement d'une aide financière
permettant le bon fonctionnement de leur
service (et non un remboursement à la
prestation), ainsi de même pour les
services de chimiothérapie. Le système
doit favoriser le traitement ambulatoire, et
le traitement multidisciplinaire. Par
exemple, on pourrait imaginer de ne
rembourser l'acte chirurgical d'une mastectomie qu'à condition de fournir la
preuve d'une discussion préopératoire
pluridisciplinaire. Ainsi de même, une
chimiothérapie ne serait remboursé que si
elle est administrée par un chimiothérapeute ou après consultation avec un
chimiothérapeute.
On ne peut bien sûr imposer aucun type de
traitement, mais bien obliger les médecins
de s'informer auprès des compétences.
II est clair que la mise au point d'un tel
système entraînerait et exigerait des
changements profonds des mentalités de
certains médecins, professeurs, directeurs
d'hôpitaux,
instances
officielles,
I.N.A.M.I., etc ...
L'objectif primaire est de permettre que Ie
plus grand nombre de malades puisse
bénéficier des progrès les plus récents en
cancérologie et que l'argent alloué aux
soins de santé serve en premier lieu à
I'amélioration du sort des malades.
Ce système n'est pas neuf. Nous l'avons vu
fonctionner aux USA., et la Hollande l'a
acquis récemment. II contraste avec la
situation chaotique et compétitive de la
Belgique. Notre proposition va au-delà de
celles du Conseil Supérieur de Cancer, qui
envisageait
l'érection
de
centres
anticancéreux régionaux à côté des centres
universitaires. Nous insistons sur la
nécessité de collaborer avec les hôpitaux
périphériques et les médecins, practiciens,
qui, maintenant et dans l'avenir,
continueront à traiter bon nombre de
cancéreux .
Téléchargement