PREFACE
La carence iodée, responsable du développement de goitre comme manifestation clinique la plus
visible mais responsable de retard mental comme conséquence la plus importante sur le plan de la santé
publique, fait partie de l’histoire du continent européen. Tous les pays d’Europe, y compris les pays
Scandinaves à l’exception de l’Islande, ont en effet été confrontés à des degrés divers à ce fléau
médical et socio-économique. Le crétinisme endémique, la conséquence la plus sévère de la déficience
iodée, a été décrite de manière extensive dans des régions montagneuses et isolées d’Autriche, de
Bulgarie, de Croatie, de France, d’Italie et de Suisse. Le terme "crétin des Alpes" fait partie du langage
courant. Et pourtant, de manière très surprenante, le spectre des Troubles Dus à la Carence Iodée
(TDCI) a suscité relativement peu d’intérêt en Europe jusque récemment, et tout particulièrement dans
les pays de l’Union Européenne.
En 1922, la Suisse a été le premier pays européen à introduire un programme d’iodation du sel
dans le but d’éliminer la carence iodée. La commission suisse du goitre a recommandé aux 25 cantons
suisses d’utiliser du sel iodé à hauteur initialement de 3,75 mg d’iode par kg, tout en maintenant du sel
non iodé à la disposition du public. Le système décentralisé du gouvernement suisse a eu pour
conséquence que la progression de l’iodation du sel, établie sur une base volontaire, a été relativement
lente au point que le dernier canton (Aargau) a autorisé l’iodation du sel seulement en 1952. Mais
actuellement, plus de 90 % du sel de table est iodé ainsi que 60 % du sel utilisé dans l’industrie
alimentaire (1). L’expérience suisse est le modèle pilote d’un succès dans l’élimination de la déficience
iodée.
C’est probablement en raison de l’impact de ce succès en Europe et dans le monde et également
en raison du fait que d’autres pays européens ont promulgué des législations concernant le sel iodé que
le problème de la carence en iode en Europe a été curieusement ignoré durant plusieurs décennies. A la
suite de la prise de conscience par les Nations Unies et particulièrement par l’OMS du caractère
mondial de la déficience iodée, notamment sur la base de l’information fournie par l’International
Council for Control of Iodine Deficiency Disorders (ICCIDD), de vastes programmes d’évaluation et
de contrôle de cette déficience ont vu le jour dans le monde entier dès le début des années 90. Il a été
reconnu que l’iodation du sel était la stratégie recommandée en raison du fait que le sel est l’une des
rares denrées alimentaires qui est universellement consommée, que cette consommation est
relativement stable toute l’année dans une région donnée, que la production de sel est habituellement
relativement bien centralisée, que la technique d’iodation du sel est disponible à un prix raisonnable,
que l’addition d’iode au sel n’a pas d’influence sur la couleur, l’odeur et le goût du sel et enfin que la
qualité du sel iodé peut être contrôlée depuis la production jusqu’à la consommation par les ménages.
D’énormes efforts ont été consentis par les gouvernements de la majorité des 130 pays concernés par la
carence iodée, avec le soutien des organisations des Nations Unies, d’Organisations Non
Gouvernementales telles que l’ICCIDD et de l’industrie du sel en vue d’assurer la promotion du sel
iodé. De manière très logique, les efforts maximaux ont été développés dans les régions du monde les
plus atteintes, à savoir les pays andins, les pays de la chaîne himalayenne et les pays occupant les