PSYCHOLOGIE QUÉBEC • MARS 2002
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Il arrive que le psychologue soit confronté à la violence de
son client. Osera-t-il avouer son impuissance devant cette question
trop longtemps tenue secrète? Le psychologue peut-il maîtriser
cette violence? Comment peut-il l’interpréter? Des psychologues
issus de différents milieux rompent le silence.
DOSSIER
serait pas directement proportionnel au degré de frustration res-
sentie. Certains facteurs tels que les attributions causales et le
degré d’injustice perçu joueraient un rôle de médiateur. Les traits
de personnalité pourraient également faire pencher la balance
dans un sens ou dans l’autre. Nous connaissons tous des gens chez
qui la frustration et la colère, plutôt que de mener à l’agression, ont
conduit au dépassement de soi et à la lutte pacifique pour le res-
pect des droits et libertés. Nous avons également entendu parler de
psychopathes qui, sans éprouver la moindre colère ou frustration,
ont sauvagement assassiné leur victime.
Les multiples facettes de l’agression
Fort heureusement, la plupart des agressions ne mènent pas à l’ho-
micide et diffèrent quant au type d’intentions à leur source. Les
agressions hostiles, par exemple, émaneraient de la rage et au-
raient pour but d’infliger du tort à autrui afin de satisfaire ses pul-
sions hostiles ou colériques. Les crimes passionnels pourraient
entrer dans cette catégorie. Les agressions instrumentales, quant à
elles, prendraient naissance dans le désir d’atteindre certains ob-
jectifs bien précis. Les vols à main armée en seraient un bon
exemple. Il est à noter que, sous certaines circonstances, les agres-
sions hostiles et instrumentales pourraient se recouper. Les agres-
sions défensives, comme leur nom l’indique, viseraient la défense
de l’individu en cas d’attaque réelle ou perçue. Les agressions sym-
boliques, quant à elles, se distingueraient des précédentes en ce
sens qu’elles n’entraîneraient aucun tort physique. Elles pren-
draient plutôt la forme de commentaires blessants ou de rumeurs
nuisant à la réputation d’une personne. Enfin, les agressions sanc-
tionnées référeraient aux actes agressifs jugés acceptables par une
société donnée. Les actes commis par les soldats américains et ca-
nadiens envoyés en Afghanistan illustreraient bien cette dernière
catégorie d’agressions.
Tel que mentionné précédemment, la plupart des gens qui
éprouvent de la colère ne passeraient pas à l’acte. Les agressions
physiques directes ne compteraient que pour 10 % des agressions
commises, alors que le comportement inverse (p. ex. s’efforcer de
démontrer des comportements amicaux lorsqu’on est en colère)
serait deux fois plus fréquent
2
. Nous pourrions nous attendre à ce
que la colère que les gens éprouvent soit tournée vers les personnes
méprisées ou exécrées. Ceci ne se produirait toutefois que dans
8% des cas, alors que dans 75 % d’entre eux l’émotion serait tour-
née vers un être cher ou une personne bien connue et appréciée
2
.
Le reste du temps, ce sont les inconnus qui seraient à la source de
cet état émotionnel négatif. La colère étant une émotion de nature
interpersonnelle, il est logique de savoir qu’elle est la plupart du
temps dirigée vers nos conjoints, nos enfants, notre famille, nos
amis, nos collègues, notre patron ou… notre psychologue.
La violence en milieu clinique
Si les psychologues se sont employés à comprendre la colère et
l’agression, ils les ont parfois rencontrés de près et à leurs dépens.
Quel professionnel de la santé mentale n’a pas craint, un jour, d’être
violenté par un patient schizophrène ou assailli par une cliente nar-
cissique? Comment reconnaître celui ou celle qui se transformera en
agresseur? Si l’agression est parfois difficile à prévoir, maints fac-
teurs ont été associés au risque de passage à l’acte dont l’âge, la
présence de symptômes psychotiques et les troubles de la person-
nalité3. Ainsi, les clients qui sont jeunes, qui souffrent d’un trouble
ou d’un épisode psychotique et qui présentent un trouble ou des
traits de personnalité du groupe B (antisociale, borderline, histrio-
nique ou narcissique) seraient plus susceptibles d’agresser leur en-
tourage, y compris leur psychologue, que ceux qui ont des caracté-
ristiques différentes.
Dépendamment de la méthodologie utilisée par les chercheurs
et du pays à l’étude, la prévalence des agressions physiques com-
mises par des patients hospitalisés pour troubles mentaux varierait
entre 4 % et 37 %
3
. Dans un hôpital psychiatrique de Montréal, on
rapporte que 46 des 397 patients hospitalisés — soit près de 12 %
d’entre eux — ont été tenus responsables des 133 incidents violents
commis sur une période d’un an
4
. Dans 44 % des cas d’agressions,