136 Chirurgie Thoracique et Cardio-Vasculaire 2015 ; 19(3) : 135-140
Ph. Rinieri et al. | Comparaison des segmentectomies pulmonaires vidéo- et robot-assistées
≤ 2cm, en l’absence de métastase ganglionnaire scissurale et/
ou hilaire, dans certaines situations topographiques favorables et
dans les situations cliniques suivantes : risque opératoire élevé,
tumeurs multifocales [5,6].
La chirurgie thoracique mini-invasive est définie par l’absence
d’écartement costal, une vision indirecte par un moniteur, une
instrumentation dédiée et la dissection élective des éléments
bronchovasculaires [7]. Elle peut se faire par vidéothoracosco-
pie (VATS = video-assisted thoracic surgery) ou à distance par
robot : télé-chirurgie (RATS = robotic-assisted thoracic surge-
ry). En France, la voie d’abord mini-invasive n’est qu’une option
pour les CPNPC stade IA [5], alors qu’elle est recommandée pour
les CPNPC stade I dans les centres experts américains [6]. Les
voies d’abord mini-invasives se développent pour les exérèses
pulmonaires majeures, car la morbidité semble plus faible qu’en
thoracotomie : diminution du traumatisme chirurgical, des dou-
leurs, des complications postopératoires, des durées de drainage
et d’hospitalisation et meilleure fonction respiratoire postopé-
ratoire [8-10]. La reprise d’activité est plus précoce et la com-
pliance à la chimiothérapie adjuvante est meilleure [11].
Une segmentectomie est techniquement plus dicile qu’une lo-
bectomie, surtout par chirurgie mini-invasive. Les premières sé-
ries de segmentectomies par VATS ont été publiées il y a moins
de 10 ans [12,13], celles par RATS sont encore plus récentes
[14-16]. Les segmentectomies robot-assistées ont été réalisées
rapidement après le début de l’activité robotique. La dissection
des éléments bronchovasculaires, de la scissure et des ganglions
semble plus simple en RATS qu’en VATS.
Cette étude de faisabilité avait pour objectif de savoir si l’utilisa-
tion du robot pour une segmentectomie présente des avantages
à court terme par rapport à la vidéothoracoscopie. Pour ce faire,
les résultats initiaux des segmentectomies par VATS et RATS ont
été comparés.
2. MÉTHODES
2.1. Cohorte de patients
Nous avons réalisé une étude de cohorte monocentrique por-
tant sur les segmentectomies mini-invasives réalisées d’avril
2010 à juin 2014. Les patients candidats pour une segmentec-
tomie mini-invasive ont été inclus. En cas de segmentectomies
multiples chez un même patient, seule la première a été rete-
nue pour l’étude. Une exérèse pulmonaire atypique associée à
la segmentectomie et une conversion en thoracotomie et/ou
lobectomie n’étaient pas des critères d’exclusion. Le choix de la
voie d’abord mini-invasive n’était pas randomisé, il dépendait des
disponibilités des plages opératoires et des dicultés peropé-
ratoires prévisibles. En cas de risque d’adhérences multiples, la
VATS était privilégiée.
2.2. Techniques chirurgicales
La dissection élective des éléments bronchovasculaires était sys-
tématique. Le curage ganglionnaire hilaire et intralobaire était sys-
tématique. Le curage ganglionnaire médiastinal (échantillonnage
ou curage radical) dépendait du stade clinique en cas de suspicion
de CPNPC. La pièce opératoire était extraite à l’aide d’un sac. Tous
les critères de chirurgie thoracique mini-invasive étaient respec-
tés, sauf en cas de conversion par thoracotomie. Pour des raisons
de sécurité, des clamps vasculaires et un écarteur costal étaient
sur table, une double aspiration prête et la boîte de conversion
dans la salle. L’équipe médicale et paramédicale avait été formée à
la gestion d’une hémorragie non contrôlée.
Pour les VATS, la technique antérieure modifiée par le Dr Hansen
[17] était utilisée : pleurotomie utilitaire de 4-5 cm dans le 4e
ou 5e espace intercostal, un trocart antérieur de 10 mm pour
la caméra (optique 30°, Olympus®) et un trocart postérieur de
11,5mm pour les instruments [figure 1]. La pleurotomie utilitaire
permettait l’introduction d’un ou deux instruments et l’extraction
de la pièce en fin d’intervention. La dissection était faite grâce à
un système d’électrofusion (LigaSure®, Covidien®) ou au crochet
coagulateur. La section des éléments bronchovasculaires et la
division du plan inter-segmentaire étaient réalisées à l’agrafeuse
(Endo GIA® Tri-Staple®, Covidien®).
Les RATS étaient réalisées avec le robot Da Vinci Surgical Sys-
tem® (Intuitive Surgical®) selon la technique à 3 bras décrite
par Dylewski et al. [14]: 3 trocarts-robot (12mm pour la ca-
méra, 5 et 8,5mm pour les instruments) et 1 trocart-assistant
transdiaphragmatique de 15mm dans le 9-10e espace inter-
costal (figure2). L’insuation de CO2 (5-8mmHg) facilitait la
dissection et améliorait l’exposition. La dissection était faite
grâce à une pince robotique bipolaire permettant la section
(Maryland Bipolar Forceps®, Intuitive Surgical®). La section des
éléments bronchovasculaires et la division du plan interseg-
mentaire étaient réalisées au fil ou à l’agrafeuse (Powered
Echelon Flex® Endopath®, Ethicon®). La chirurgie robotique
nécessite un assistant entraîné pour agrafer les éléments
bronchovasculaires disséqués par l’opérateur. La pleurotomie
du trocart-assistant était élargie en fin d’intervention pour ex-
traire la pièce opératoire.
2.3. Anesthésie
Une péridurale thoracique était mise en place en cas de coro-
naropathie ou de bronchopathie chronique obstructive sévère.
Une sonde d’intubation à double lumière (Carlens®) permettait
une ventilation unipulmonaire. Les patients à risque avaient un
monitorage tensionnel par cathéter radial, en raison de l’insua-
tion de CO2. En fin de procédure par VATS, le chirurgien mettait
en place un cathéter paravertébral d’analgésie. Depuis juin 2014,
les anesthésistes réalisent un bloc du grand dentelé sous écho-
graphie pour tous les patients.
2.4. Données et classifications
Les données sont issues de la base de données prospective
de notre service (CNIL: the French Data Protection Authority
1690770 v0) : caractéristiques des patients, segment, curage
ganglionnaire, saignement, conversion par thoracotomie, temps
opératoire, complication postopératoire, durée de drainage et
d’hospitalisation, histologie.
Les complications postopératoires étaient reportées selon la
classification de Clavien-Dindo (grade I à IV) [18]. En cas de mul-
tiples complications, seule la plus grave était retenue. Les stades
pathologiques étaient évalués selon la 7e édition de la classifi-
cation TNM, publiée en 2009 par l’UICC (Union internationale
contre le cancer). Les adénocarcinomes pulmonaires ont été
classés selon la classification de 2011 [19]. En cas d’adénocar-
cinome multifocal réséqué en un temps, seul le stade patholo-
gique le plus élevé a été retenu.
2.5. Analyse statistique
Les résultats portant sur des variables continues sont exprimés
par la médiane et les 1er et 3e quartiles. Les groupes VATS et
RATS ont été comparés par des tests de Freeman-Halton et de
Wilcoxon. L’analyse statistique a été réalisée avec le logiciel SAS
9.3. Une valeur p inférieure à 0,05 était considérée comme sta-
tistiquement significative.