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Blandine Kriegel
La République
et le Prince moderne
Paris, PUF, 2011, 382 p., 24
Qu’est-ce qu’une République
moderne ? Depuis de nombreuses
années Blandine Kriegel s’efforce de
donner à cette question une réponse
qui ne soit pas « républicaine », au
sens que cet adjectif a souvent pris
dans la doxa de notre temps. On se
souvient de sa Philosophie de la
République (1998), ouvrage l’au-
teure de l’État et les esclaves plai-
dait pour un républicanisme authen-
tique. Loin des balançoires chères
aux rhéteurs, elle n’a jamais fait de la
« République » une machine de
guerre contre une « démocratie »
supposée incontrôlable mais l’envi-
sage comme une certaine idée du
vivre-ensemble qui ne peut s’ac-
complir, au terme d’une longue matu-
ration, que dans l’égalité démocra-
tique. Aujourd’hui, la philosophe,
qui a longtemps réfléchi sur la nais-
sance du métier d’historien, passe
en quelque sorte du côté du récit
sans renoncer au concept. On pense
parfois à Michelet, un auteur qu’elle
affectionne visiblement.
Intégrant à sa réflexion, tout en
gardant un point de vue indépendant,
les travaux regroupés sous le label de
l’« humanisme civique » (Pocock,
Skinner), elle propose une archéolo-
gie de la République qui distingue
fortement les formes antico-médié-
vales Républiques de Cité ») et
modernes Républiques d’État »).
Car la modernité politique n’est pas
que redécouverte de vérités éter-
nelles. Il y a des changements de
paradigme (voir Thomas S. Kuhn, la
Structure des volutions scientifiques)
dans la philosophie politique, comme
dans d’autres disciplines. Tout n’est
pas ridans l’héritage d’Aristote,
mais il y a eu bifurcation et rema-
niement à un point tel que l’édifice
ancien ne subsiste que comme vérité
« régionale ». Ce n’est pas être « his-
toriciste » ou relativiste que de
constater que la dialectique
« Athènes et rusalem », chère on le
sait à Leo Strauss, implique non pas
un face-face intemporel, mais bel et
bien une tension l’hébreu peut
compléter le grec, ou même l’empor-
ter sur lui. C’est tout l’enjeu de
cette période dont on réduit la signi-
fication en la désignant du terme
vague « guerres de religion ». En réa-
lité, derrière les impitoyables mas-
sacres entre catholiques et réformés,
il y a une confrontation entre l’ancien
et le nouveau en ce qui concerne
l’essence du politique.
Après le traumatisme de la
Saint-Barthélemy (1572) surtout, les
doctrinaires calvinistes que l’on
appelle traditionnellement « monar-
chomaques », mais aussi ceux de ce
tiers parti des « politiques », mettent
en cause le droit divin des rois pour
lui substituer ce qu’on appellera plus
tard les théories du contrat social,
dont le modèle, introuvable chez les
Grecs et les Romains, sera exhumé
de l’Ancien Testament. Blandine
Kriegel insiste sur le fait que ce n’est
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