Sténose aortique: une malformation ancienne qui pose de nouveaux

HIGHLIGHTS 201512
Cardiologie
Sténose aortique:
une malformation ancienne qui
pose de nouveaux défis
Felix C. Tanner
Klinik für Kardiologie, UniversitätsSpital Zürich
Sous nos latitudes, la sténose aortique est la valvulopathie la plus fréquente, et sa
fréquence ne cesse d’augmenter en raison du vieillissement de la population []. La
sténose aortique illustre également de manière saisissante comment, en decine,
une simplication méthodologique peut avoir des implications extrêmement
complexes.
volution trapeutique en cardiologie
Dans le passé, le traitement de la sténose aortique -
re symptomatique était ts fastidieux, nécessitant
l’utilisation d’une machine ur-poumons et la alisa-
tion d’une sternotomie. En conquence, les patients,
en particulier ceux d’un âge avancé, mettaient long-
temps àrécupérer de cette intervention. Aujourd’hui, il
est possible de aliser un remplacement valvulaire
aortique percutané par voie transartérielle (
transcatheter
aortic valve implantation
, TAVI) en l’espace de quelques
minutes, parfois même sous anestsie locale. A l’issue
de l’intervention, seule une hospitalisation de courte
due est nécessaire, et même les patients âgés fragiles
surmontent l’opération sans problème majeur et sans
adaptation prolone. Ainsi, après l’angioplastie co-
ronaire et le stent coronaire, le remplacement valvu-
laire percutané représente ritablement une nouvelle
volution thérapeutique dans le domaine de la cardio-
logie (g.).
De nouvelles questions stimulent
larecherche
Bien que la alisation d’un remplacement valvulaire
percutané soit relativement rapide, cette intervention
doit être bien pparée. L’opérateur a besoin d’informa-
tions sur le diatre et le degré de calcication du
système arriel utili comme voie d’acs, et il doit
également connaître les dimensions et le degré de
calcication de la racine aortique qu’il a dénie en tant
que zone cible. s lors, une imagerie exacte de ces ré-
gions est indispensable, et elle doit si possible être obte-
nue avec diérentes modalis. Ces derniers temps, de
nombreuses questions ont émer dans le cadre de ces
examens d’imagerie intensiés; d’un , elles rendent
le diagnostic de la sténose aortique toujours plus com-
plexe, mais d’un autre côté, elles stimulent la recherche
et aliorent notre comphension de cette valvulo-
pathie.
Problèmes dans la détermination pcise
du degré de sévérité de la snose
aortique
Nous sommes encore et toujours confrontés à des pa-
tients chez lesquels il est problématique de déterminer
précisément le degré de ri de la sténose aortique
au moyen des recommandations actuellement en vi-
gueur [, ]. Chez ces patients, les valeurs échocardio-
graphiques, qui sont calcues pour les gradients de
pression, et la surface d’ouverture de la valve ne corres-
pondent pas. Mais que se passe-t-il au juste?
Un problème désormais reconnu réside dans l’anato-
mie du tractus d’éjection du ventricule gauche. A
l’échocardiographie bidimensionnelle, qui constitue
toujours l’examen de référence pour le diagnostic de la
sténose aortique dans les recommandations actuelles,
il est admis que le tractus d’éjection du ventricule gauche
est circulaire. Or, l’échocardiographie tridimension-
nelle ainsi que la tomodensitométrie ont clairement
mont que cela n’est pas le cas chez la majorité des in-
dividus; dans la plupart des cas, le tractus d’éjection est
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ovale, de sorte que le diatre le plus court est mesu
à l’imagerie bidimensionnelle (g.). En conséquence,
la surface d’ouverture de la valve est sous-estimée et
ainsi, le degré de sévérité de la snose aortique est sur-
estimé.
Un autre problème est dû au fait que les gradients de
pression ne sont pas directement mesus à l’échocar-
diographie, mais qu’ils sont calcus à partir de la vi-
tesse duux sanguin. La vitesse duux sanguin est dé-
terminée là elle est le plus élevée, autrement dit
l’énergie cinétique est maximale. Toutefois, chez les
patients psentant une aorte proximale de faible dia-
tre, une partie parfois consirable de cette énergie
citique est retransfore en énergie potentielle en
aval de la sténose. Ce phénomène est appelé «restitu-
tion de pressio, et il n’est pas encore pris en compte
nitivement dans les recommandations actuelles.
Chez ces patients, le gradient de pression à travers la
valve aortique est surestimé et ainsi, la sténose aor-
tique est elle aussi surestimée.
Par conséquent, il y a chez certains patients une incer-
titude d’origine thodologique concernant le degré
de sévérité el de la sténose aortique. Pour compli-
quer encore davantage la situation, diérentes formes
de sténose aortique ont été nies à partir de cette in-
certitude: la sténose aortique classique, la sténose aor-
tique à bas bit et bas gradient, et la sténose aortique
à bas bit paradoxal et bas gradient. Un paratre
majeur dans cette nouvelle classication est le volume
d’éjection systolique. Malheureusement, une telle clas-
sication n’est pasable, car toutes les modalités
d’imagerie ne permettent pas un calcul susamment
précis du volume d’éjection systolique []. A chaque
fois que je suis confronté à des patients atteints de s-
nose aortique, les mots du physicien nucaire Enrico
Fermi me retraversent l’esprit:
«I am still confused but
on a higher level
Illusion commune
Dans ce contexte, une tout autre dimension doit en-
core être prise en consiration: celle de l’illusion com-
mune. Lorsqu’un patient présentant une dyspnée d’ef-
fort est exami et que le médecin traitant n’est pas
certain si la sténose aortique est seulement de degré
modé et par conséquent pas responsable de la dys-
Figure 2: Représentation tomodensitométrique multicoupe du tractus d’éjection du
ventricule gauche avant l’intervention TAVI. Il convient de noter la forme ovale
du tractus d’éjection du ventricule gauche (cliché fourni par le Docteur Thi Dan Linh
Nguyen-Kim du service de radiologie de l’hôpital universitaire de Zurich).
Figure 1: Représentation échocardiographique d’une valve aortique calcifiée en coupe parasternale grand axe durant la systole.
Gauche: avant le remplacement valvulaire aortique percuta par voie transartérielle (TAVI). Droite: après l’intervention TAVI.
Avant TAVIAps TAVI
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pnée ou si elle est sévère et doit être consie comme
cause de la dyspnée, il pourrait avoir tendance à consi-
rer la sténose aortique comme sévère en raison des
diculs diagnostiques évoqes ci-dessus. Il se ber-
cerait alors dans l’illusion d’avoir ecacement exploré
le problème du patient. Ce dernier pourrait à son tour
avoir l’illusion que le remplacement valvulaire aor-
tique percutané l’aidera ecacement. Les con-
quences économiques de cette méprise possible sont
évidentes.
cessité d’une meilleure collaboration
Ainsi, le remplacement valvulaire aortique percutané
a des conséquences extrêmement complexes, à la fois
pour l’imagerie cardiaque et pour notre société. Com-
ment pouvons-nous réagir à ces nouveaux dés?
Nous devrions collaborer encore davantage. Les ac-
teurs de l’imagerie cardiaque et des disciplines inva-
sives devraient aliser ensemble une évaluation cri-
tique du patient et accorder un poids raisonnable aux
anomalies cliniques et aux valeurs mesurées. Les
heart
teams
représentent une avancée majeure dans cette di-
rection, et les chirurgiens cardiaques y ont naturelle-
ment aussi leur place. Les cardiologues travaillant dans
Correspondance:
Pr Felix C. Tanner
Leitender Arzt Echokardio-
graphie
HerzKreislaufZentrum
UniversitsSpital Zürich
mistrasse
CH-Zürich
felix.tanner[at]usz.ch
l’imagerie ont un le particulier à jouer dans la colla-
boration, car, de plus en plus souvent, diérentes -
thodes d’imagerie cardiaque sont utilies de manière
ingrée pour l’évaluationnale du patient. La sténose
aortique illustre donc de manre saisissante que nous
avancerons bien plus dans le diagnostic cardiaque si
les cardiologues tirent à la même corde que les radiolo-
gues et les spécialistes de médecine nucléaire.
Disclosure statement
L’auteur ne déclare aucun conit d’intérêtsnancier ou
personnel en rapport avec cet article.
Références
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