Le groupe « Ethique et Droits de l`Homme » fait partie du Centre de

Le groupe « Ethique et Droits de lHomme » fait partie du
Centre de Sociologie des Religions et dEthique Sociale, de la
Faculté de Théologie Protestante. Il a une vocation
interdisciplinaire marquée et a, dès sa création, réuni
philosophes, éthiciens, théologiens, juristes, sociologues et
psychologues, etc.
Animé dabord par le Professeur F. Tinland, puis par les
professeurs Vergote, Guibal et Vincent, il lest aujourdhui
par F. Rognon.
Le groupe organise des séries thématiques de conférences
destinées aux étudiants de doctorat, mais ouvertes aussi à un
plus large public. Les principaux thèmes de réflexion abordés
ont été, par ordre chronologique : - Lintolérance et le droit de
lautre - la bio-éthique en question - Violence et normalisation
- "1492", rencontre de deux mondes ? - Lordre mondial -
Lespace public - Léthique professionnelle et la déontologie. -
Techniques et discipline - Europe sociale, Europe solidaire ?
Pluralité des cultures média, droit à l’information et
démocratie Dire la guerre, penser la paix La responsabilité
et ses équivoques.
Plusieurs de ces séminaires ont donné lieu à publications :
- Responsabilités professionnelles et déontologie : les limites de
lefficacité, L’Harmattan, 2002
- Le corps, le sensible et le sens, PUS, 2004
- Hospitalité et solidarité. Éthique et politique de la reconnaissance,
PUS, 2006
- La technique et le façonnement du monde. Mirages et
désenchantement, L’Harmattan, 2007
- L’avenir de l’Europe sociale. Solidarités, droit et protections
sociales, L’Harmattan, 2007
- Pluralité des cultures et monde commun. Les droits culturels en
question, PUS, 2008
- Ecole et laïcité : modèles et controverses. La laïcité scolaire en débat
(Association des Publications de la Faculté de Théologie Protestante de
Strasbourg 14), 2009
- Théologie et sciences des religions en débat (Ecriture et Société),
PUS, 2009
- Médias et démocratie. Entre affinités électives et mutuelles
suspicions, PUS (Chemins d'éthique), 2010
- Dire la guerre, penser la paix, (le champ éthique 62), Genève,
Labor et Fides, 2014
Membres permanents du groupe :
Y. Courtel, M. Feix, D. Frey, R. Heyer, M. Le Du, K. Lehmkühler,
F. Rognon, M.-J. Thiel et G. Vincent, enseignants-chercheurs de
lUniversité de Strasbourg, Jean-Bernard Marie, directeur de
recherche au CNRS, Alain Degrémont, économiste à lInstitut du
Travail, Université R. Schuman.
Renseignements :
Centre de Sociologie des Religions et dEthique Sociale,
9, place de lUniversité, 67084 STRASBOURG Cedex
E.mail : Patricia.Carbiener@unistra.fr
PROGRAMME DU SÉMINAIRE
5 octobre 2015
« Le corps laïque n’aurait-il pas de voiles ?
Sécularisation et privatisation »
par M. René Heyer
(théologien moraliste, Faculté de théologie catholique,
Université de Strasbourg)
9 novembre 2015
« L’acteur et son corps »
Par M. Damien Houssier (acteur)
30 novembre 2015
« Les formes contemporaines d’esclavage
et la traite des êtres humains »
Par Mme Sylvie O’Dy
(vice-présidente du Comité contre l’esclavage moderne)
14 décembre 2015
« Abolition de la prostitution en France : état des lieux.
Quels enjeux pour notre société ? »
Par Mme Isabelle Collot
(permanente départementale Mouvement du Nid Bas-Rhin)
11 janvier 2016
« Dans le vivant de mon corps : de la viabilité à la vivacité »
par M. Bernard Andrieu
(philosophe,
CETAPS - Centre d’Etudes des Transformations
des Activités Physiques et Sportives, Université de Rouen)
8 février 2016
« Le corps saisi par les droits de l’homme »
par M. Jean-Bernard Marie
(Juriste, Misha CNRS, Université de Strasbourg)
14 mars 2016
« Droit de l’enfant ? Droit à l’enfant ?
Réflexions éthiques à propos de la gestation pour autrui »
par M. Karsten Lehmkühler
(éthicien, CSRES, Faculté de théologie protestante,
Université de Strasbourg)
4 avril 2016
« Nous n’avons pas de devoirs moraux envers nous-mêmes »
par M. Ruwen Ogien
(philosophe, CNRS, Paris)
Année Universitaire 2015-2016
MON CORPS ET MOI :
N’ai-je de devoirs qu’envers autrui ?
Séminaire organisé par le Groupe
« Ethique et droits de l’homme »
de l’Université de Strasbourg
Un lundi par mois,
De 17 h à 19 h
Salle Tauler
Palais Universitaire - Strasbourg
MON CORPS ET MOI :
N’ai-je de devoirs
qu’envers autrui ?
Notre rapport au corps a profondément changé :
piercing, tatouage, chirurgie esthétique, conduites à
risques, exaltation du sport (et notamment des sports de
l’extrême), dopage, industrie pornographique, prosti-
tution en ligne, greffe d’appareils bio-sensoriels,
transplantation d’organes, homoparentalité, procréation
médicalement assistée, gestation pour autrui, euthanasie,
thanatopraxie… Émergentes et hétéroclites, encore
élitistes ou déjà largement popularisées, ces nouvelles
conduites expriment les mutations considérables de
notre être-au-monde. À la frontière entre bioéthique et
éthique sociale, elles réinterrogent le champ de nos
droits et de nos devoirs.
La tradition kantienne avait maintenu la symétrie
entre les devoirs envers soi-même et les devoirs envers
autrui : « Agis de telle sorte que tu traites l’humanité,
aussi bien dans ta personne que dans celle de tout
autre, toujours en même temps comme une fin et jamais
simplement comme un moyen » (Emmanuel Kant,
Fondements de la métaphysique des mœurs, 1785). Le
philosophe de nigsberg avait même fini par discerner
dans les devoirs envers soi la condition irréfragable des
devoirs envers autrui : agir par devoir, c’est d’abord agir
par respect pour soi-même en tant que législateur. Je me
dois donc catégoriquement considération envers moi-
même et envers ma dignité, et l’atteinte à l’intégrité de
mon propre corps m’est par conséquent rigoureusement
interdite.
Ces questions ont été cemment reprises à
nouveaux frais, et de manière éminemment critique, par
Ruwen Ogien et le courant du minimalisme éthique (cf.
Ruwen Ogien, L’éthique aujourd’hui. Maximalistes et
minimalistes, Gallimard, 2007 ; La vie, la mort, l’État :
le débat bioéthique, Grasset, 2009). S’inscrivant en faux
contre les présupposés de la morale de Kant, mais aussi
contre tout paternalisme de la « police morale »,
l’éthique minimale consiste à limiter nos devoirs à nos
relations avec autrui. Cette posture revient donc à
exclure le rapport à soi-même du champ de l’éthique, et
à neutraliser tout jugement porté sur le style de vie
d’autrui du moment que celui-ci ne nuit à personne. Son
argument cardinal est la vertu de tolérance absolue qui
lui est afférente. Je peux faire ce que je veux de ma
propre vie et de mon corps, tant que personne d’autre
que moi n’en pâtit. Cela conduit Ruwen Ogien à militer
en faveur de la dépénalisation de la consommation de
stupéfiants, de la promotion de tout type de relations
sexuelles entre adultes consentants, et de l’aide active à
mourir pour ceux qui en font la demande.
Sans céder à la facile tentation de l’amalgame entre
l’éthique minimale et les dérives antimorales de type
libertarien, ni sombrer dans l’excès inverse du
maximalisme éthique, il nous revient d’interroger la
conception déontologique unilatérale de Ruwen Ogien,
et partant de remettre en perspective le rapport
postmoderne du « moi » à son propre corps. N’y a-t-il
pas, en effet, une part d’altérité dans toute identité ? Ne
suis-je pas quelque peu autrui pour moi-même ? Et mon
corps propre n’appartient-il pas aussi au corps social ?
Que peut signifier la notion de responsabilité envers soi-
même ? Où commence et où finit l’intégrité ? Quelle
est, en fin de compte, la teneur mantique de la notion
de « dignité » (invoquée tout aussi bien pour justifier
que pour condamner l’euthanasie…) ? Quels sont les
limites et les principes régulateurs des droits,
notamment des droits de l’homme ? Qu’est-ce que
l’auto-violence ? Quels sont les présupposés de
l’indifférence morale du rapport à soi, et de la neutralité
du jugement sur la vie privée d’autrui ? Peut-on cliver le
champ du souci éthique, en souci de soi et en souci
d’autrui, comme si ce dernier n’avait aucun impact sur
le premier ? Comment s’articulent le refus de l’intrusion
du politique dans la sphère personnelle, et l’impartialité
éthique à l’endroit de la vie privée (qui, pour
paraphraser Hannah Arendt, doit être « privée » de
quelque chose… en l’occurrence du regard d’autrui : Cf.
Hannah Arendt, Condition de l’homme moderne,
Calmann-Lévy, 1983, p. 76-77) ? Que reste-t-il de la
visée (aristotélicienne puis ricœurienne) de la « vie
bonne », lorsqu’elle récuse toute flexivité
déontologique ? Le critère du consentement comme
vecteur d’autorisation à agir sur autrui (dans le domaine
de la prostitution pratiquée comme une profession
libérale), ne relève-t-il pas d’une conception naïvement
humaniste de l’autonomie ? Inversement, le paramètre
de la non-nuisance envers son entourage suffit-il à
fonder une éthique minimale envers soi-même (comme
tendrait à le faire accroire la promotion de la cigarette
électronique) ?
Ce foisonnement de questions nous place devant une
éthique en chantier. Le Séminaire interdisciplinaire
« Éthique et droits de l’homme » se propose donc, pour
les années universitaires 2014-2015 et 2015-2016, après
une conférence d’ouverture donnée par Nathalie
Maillard (auteure de : Faut-il être minimaliste en
éthique ? Le libéralisme, la morale et le rapport à soi,
Labor et Fides, 2014) de décliner les différents registres
des relations entre mon corps et moi : l’hygiène, les
conduites à risque, le suicide, la gestation pour autrui, la
thanatopraxie, etc., et de terminer notre cycle par une
conférence de Ruwen Ogien. À raison d’une conférence
par mois, confiée chaque fois à un orateur différent
(chercheur ou/et acteur), et suivie d’un débat sans tabou,
nous nous donnerons les moyens de croiser les regards
disciplinaires et subjectifs, afin de promouvoir une
approche lucide de la condition de l’homme en régime
de modernité tardive.
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