Taux de marché et coût du crédit dans une économie partiellement

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Monsieur Jean-Baptiste
Desquilbet
Monsieur Jean-Paul Pollin
Taux de marché et coût du crédit dans une économie
partiellement désintermédiée
In: Revue économique. Volume 46, n°2, 1995. pp. 283-300.
Résumé
Taux de marché et coût du crédit dans une économie partiellement désintermédiée
Cet article étudie la relation entre les taux de marché et le coût des crédits dans une économie où les entreprises ont la
possibilité d'arbitrer entre financements bancaires et financements de marchés. Lorsque le coût d'accès au marché est
suffisamment faible, l'économie à l'équilibre est «partiellement désintermédiée » : tes emprunteurs de meilleure qualité se
financent directement sur le marché, les autres ont recours au crédit bancaire. Compte tenu des asymétries d'information, de la
concurrence dans le système financier et du coût de l'activité bancaire, on montre que le taux débiteur augmente si le coût
d'accès au marché baisse, et si le risque de défaillance s'accroît. On montre également qu'une baisse du taux de marché peut
entraîner une hausse du taux débiteur, si le coût moyen d'activité des banques est supérieur, et faiblement sensible, au taux de
marché.
Abstract
Market and credit interest rates in a partially disintermediated economy
We analyse the relationship between market and credit interest rates in an economy where borrowing firms can arbitrate between
banks and financial markets. Whenever the cost of accessing to the market is sufficiently low, the economy is partially disintermediated in equilibrium : high quality borrowers borrow directly on financial markets, the others resort to bank credit. Considering
information asymmetries, competition in the financial system and banking activity costs, we show that the credit interest rate
increases whenever the cost of accessing to the market is decreased or the risk of failure increases. We also show that a
decrease in the market rate may lead to an increase in the credit rate, if the mean banking activity cost is higher than, and not too
sensitive to, the market rate.
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Desquilbet Jean-Baptiste, Pollin Jean-Paul. Taux de marché et coût du crédit dans une économie partiellement désintermédiée.
In: Revue économique. Volume 46, n°2, 1995. pp. 283-300.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reco_0035-2764_1995_num_46_2_409644
Taux de marché
et coût du crédit
dans une économie
partiellement désintermédiée
Jean-Baptiste Desquilbet
Jean-Paul Pollin *
Cet article étudie la relation entre les taux de marché et le coût des crédits
dans une économie où les entreprises ont la possibilité d'arbitrer entre finance
mentsbancaires et financements de marchés. Lorsque le coût d'accès au marché
est suffisamment faible, l'économie à l'équilibre est «partiellement désinte
rmédiée» : les emprunteurs de meilleure qualité se financent directement sur le
marché, les autres ont recours au crédit bancaire. Compte tenu des asymétries
d'information, de la concurrence dans le système financier et du coût de l'activité
bancaire, on montre que le taux débiteur augmente si le coût d'accès au marché
baisse, et si le risque de défaillance s'accroît. On montre également qu'une baisse
du taux de marché peut entraîner une hausse du taux débiteur, si le coût moyen
d'activité des banques est supérieur, et faiblement sensible, au taux de marché.
Classification JEL : E4, E5 .
INTRODUCTION
Cet article se propose d'étudier la relation entre les taux de marché et le coût
des crédits dans une économie partiellement désintermédiée, c'est-à-dire dans
une situation où certaines entreprises ont la possibilité d'arbitrer entre finance
mentsbancaires et financements de marchés. Deux précisions doivent d'emblée
être apportées, quant à la définition de l' intermédiation du point de vue théori
que
et du point de vue empirique.
Sur le plan théorique, dans les approches récentes de l' intermédiation finan
cière1 , les relations entre prêteurs et emprunteurs se nouent dans un environne
ment
avec information asymétrique, où les intermédiaires financiers servent à
* Institut Orléanais de Finance - Université d'Orléans, rue de Blois, BP6739,
45067 Orléans Cedex 2.
Nous remercions Raphaëlle Bellando, Anne Lavigne, Eric Langlais, Patrick Villieu
pour leurs commentaires. Nous restons seuls reponsables pour les opinions émises et
d'éventuelles erreurs ou imprécisions.
1. Voir Diamond [1984], Williamson [1986], Williamson [1987].
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Revue économique — vol. 46, n° 2, mars 1995, p. 283-300.
Revue économique
économiser les coûts d'acquisition et de contrôle de l'information. Il s'agit
d'intermédiaires au sens large, comme l'indique Williamson [1987] : « In a
second group of models, . . . financial intermediation serves to economize on the
costs of acquiring information.... [These] models focus on more general kinds
of intermediary structures, rather than on banking in particular » (p. 20). Ainsi,
cette littérature oppose les banques et les marchés « organisés » d'une part, aux
marchés « non organisés » d'autre part, où les prêteurs et les emprunteurs se
rencontrent individuellement et subissent individuellement les problèmes liés
aux asymétries d'information. Dans le présent article, nous distinguons explic
itement les banques des marchés « organisés »*.
Sur le plan empirique, nous mesurons l' intermédiation du point de vue de la
demande de financement . Ainsi, une émission de titres (obligations, billets de
trésorerie, etc) par une entreprise non financière est considérée comme une
modalité de financement direct, quelle que soit la nature de l'acquéreur des
titres, établissement de crédit, OPCVM, entreprise d'assurances ou autre.
Ajuste titre, on fait aujourd'hui grand cas du mécanisme de transmission de
la politique monétaire par le « canal du crédit », par opposition à l'effet de liqui
dité traditionnel3. Pourtant, cette opposition, même si elle peut avoir des impli
cations
empiriques sérieuses (la monnaie ou les crédits comme facteurs
explicatifs de l'activité économique), se réduit en fait au problème de savoir si
les crédits bancaires et les financements de marchés sont suffisamment substituables pour pouvoir être agrégés.
Les développements récents de la théorie de 1' intermediation fournissent à
cette question une réponse originale et convaincante : en présence d'asymétries
d'information, les crédits distribués par les institutions financières possèdent un
caractère spécifique. La tâche d'évaluation et de surveillance accomplie par les
banques ouvre des possibilités de financement à des entreprises qui ne peuvent
accéder directement aux marchés financiers. Or cette offre de crédits bancaires
exerce une influence d'autant plus forte sur les décisions des entreprises concer
nées(notamment sur leurs choix d'investissement), que celles-ci sont général
ement
contraintes par leur environnement et disposent de peu de degrés de
liberté. De ce fait, les financements intermédiés jouent un rôle particulier sur
l'équilibre économique. Et il est donc essentiel de comprendre la façon dont les
impulsions de politique monétaire se traduisent sur le coût et le montant (lor
sque existent des phénomènes de rationnement) des crédits bancaires. Ce qui
revient à étudier le rapport entre les taux de marchés, supposés dictés par la
Banque centrale, et le coût du crédit.
Empiriquement, on observe que la relation entre ces deux types de taux est
relativement lâche et variable dans le temps. À titre d'exemple, le graphique 1
représente, pour la France, l'évolution récente du taux d'escompte moyen et du
1. Dans la littérature récente sur les liens entre croissance (endogène) et intermédia
tion
financière, dont Pagano [1993] fournit un panorama récent, l'ambiguïté sur la nature
des intermédiaires demeure.
2. Pour les mesures possibles de l' intermédiation, voir par exemple le rapport du
Conseil national du crédit [1993] p. 191 et suiv.
3. Deux articles importants sur cette question sont ceux de Bernanke et Blinder
[1988] et Kashyap, Stein etWilcox [1993].
284
Jean-Baptiste Desquilbet, Jean-Paul Pollin
Graphique 1 . Taux d'escompte moyen et taux au jour le jour
I I
I I I I I I I
I I I I I I I I I
«SI I ■*I I «MI I •**I I «SI I
I M
Source : Banque de France.
taux au jour le jour. Une régression simple, sur la période 1986.3-1994.2, mont
reque le taux d'escompte suit, avec retard et d'assez loin, le taux au jour le
jour :
R2 = 0,318
Aesc(t) = 0,372 Atjj(t-l)
(4,05)
DW = 2,427
Aux États-Unis, l'observation de la situation récente montre que la baisse des
taux de marché n'a été répercutée que très partiellement dans le coût du crédit ;
elle a donc permis ainsi une reconstitution des marges bancaires1.
Au niveau théorique, la question a été assez peu étudiée2. Les modélisations
du « canal du crédit » supposent simplement que les banques arbitrent entre
titres et crédits en fonction de leur rentabilité relative, tandis que les entreprises
choisissent entre les deux types de financements (directs ou intermédiés) en
fonction de leurs coûts respectifs et d'une préférence de structure. La confrontat
ion
de ces choix détermine le rapport entre les deux taux.
Cette formulation est insuffisante, notamment parce qu'elle néglige des
déterminants de l'offre bancaire. De ce point de vue, trois types d'effets méri
tentd'être pris en compte.
1. J. Le Cacheux [1994].
2. Certaines recherches récentes ont cependant cherché à analyser l'incidence d'une
hypothèse de concurrence imparfaite sur l'offre bancaire. Cf., par exemple, Bensaïd et de
Palma [1994].
285
Revue économique
- D'abord, l'inertie du coût de production du crédit bancaire par rapport aux
taux de marché. Au-delà du prix de la ressource, le coût du crédit incorpore des
frais de gestion en tous genres qui ont la nature de coûts fixes, de sorte que le
taux des crédits bancaires ne répercute que de façon lointaine, et en les lissant,
les évolutions des taux de marché.
- Ensuite l'incidence des phénomènes d' antisélection. L'augmentation des
taux d'intérêt suscite une dégradation de la qualité moyenne du portefeuille de
prêts. Les meilleurs emprunteurs renoncent à leurs projets, tandis que les mauv
ais risques les maintiennent. Cela rend plus nécessaire une sélection des crédits
accordés et accentue la hausse de leur coût.
- Enfin, l'intensité de la concurrence dans le système financier. La structure
de l'offre de crédit conditionne la façon dont les banques répercutent les varia
tions du coût de leurs ressources. Il faut, en particulier, tenir compte de l'arbi
trage que les entreprises (du moins certaines d'entre elles) sont susceptibles
d'effectuer entre financements de marchés et financements intermédiés. Ce phé
nomène
constitue un facteur de concurrence mais il joue également sur la qual
ité des actifs bancaires : ce sont, a priori, les meilleurs risques qui ont recours
aux financements directs lorsqu'ils y trouvent intérêt. Par ailleurs, toute réduc
tiondes prêts distribués par les institutions financières oblige à étaler les coûts
fixes sur une base plus étroite, ce qui tend à augmenter le taux des prêts.
Ces trois mécanismes sont interdépendants et définissent un jeu complexe
entre les taux de marché et le coût du crédit. Et notre projet consiste à analyser
l'interaction de ces effets dans un modèle aussi simple que possible pour appré
cierleur incidence sur le processus de transmission de la politique monétaire.
Nous cherchons plus particulièrement à étudier la façon dont ce processus peut
être affecté par la désintermédiation ou, ce qui revient au même, par une réduc
tiondu coût d'accès au marché.
Nous précisons, dans un premier temps, les hypothèses de comportement des
entreprises et des banques, dont nous déduisons l'équilibre du marché du crédit.
Nous analysons ensuite l'incidence d'une variation du taux d'intérêt de marché
sur les taux et les volumes de crédit en fonction des conditions de concurrence
entre banques. Enfin, nous étudions les effets d'une variation du coût d'accès au
marché et d'une variation du risque.
LES CHOIX FINANCIERS DES ENTREPRISES
On suppose qu'il existe N banques identiques et M = mN entreprises identi
ques. Toutes sont neutres au risque. Les entreprises financent de façon externe
leur activité et leurs projets. On normalise à 1 la demande de financement de
chaque entreprise. Toutes génèrent un même revenu moyen d'exploitation, R.
Elles se caractérisent individuellement par leur probabilité de remboursement,
qui est une information privée. La distribution F() et la densité J{) des probabili
tés
de remboursement sont une information publique1. On supposera, pour sim-
1. Notre formulation des caractéristiques des entreprises s'inspire de Mankiw [1986].
286
Jean-Baptiste Desquilbet, Jean-Paul Pollin
plifier, qu'il s'agit d'une distribution uniforme sur l'intervalle [A; B], avec
l^B>A>0. Il existe donc une asymétrie d'information entre prêteurs et
emprunteurs. Une hausse du taux d'intérêt sur les crédits provoque un effet
d' antisélection (Jaffee et Stiglitz [1990]).
Les deux sources de financement sont les banques (financement intermédié)
et le marché financier (financement direct). Les entreprises font faillite avec res
ponsabilité
limitée : chacune rembourse toute sa dette avec une probabilité P, et
ne rembourse rien avec une probabilité 1-P.
Les banques facturent les crédits à un taux r. Le coût moyen du crédit pour
l'entreprise est Pr.
Le marché financier est « organisé », au sens où, par exemple, il existe une
autorité de tutelle qui en contrôle l'accès et contraint les émetteurs de titres à
publier l'information les concernant. On représente cette contrainte de publication
d'information par un coût d'accès, noté c, qu'une entreprise doit préalablement
payer pour emprunter sur le marché1. Cette dernière révèle alors sa probabilité de
remboursement P, et emprunte au taux parfaitement discriminant égal à p/P où p
désigne le taux sans risque . Le coût financier pour l'entreprise est alors p/P + c
avec une probabilité P, et c avec une probabilité 1-P, soit en moyenne p + c.
En d'autres termes, une entreprise ne peut se financer en recourant au marché
que si elle accepte de lever complètement l'asymétrie d'information relative à
sa capacité de remboursement et d'en payer le prix. Sinon, elle peut s'adresser à
un établissement de crédit qui facture le risque en le mutualisant, c'est-à-dire en
tenant compte d'une probabilité moyenne de défaillance calculée sur l'ensemb
le
des firmes sollicitant un crédit bancaire (cf. infra). Selon les cas, l'une ou
l'autre solution peut s'avérer moins coûteuse.
Dès lors, les entreprises demandent un prêt si leur coût de financement
moyen est inférieur à leur revenu d'exploitation moyen. Elles s'adressent alors
au marché ou à une banque selon l'ordre des coûts (p + c supérieur ou inférieur
à Pr). Les configurations possibles sont indiquées dans le tableau 1.
Tableau 1 . Comportement des entreprises
Configurations
®
©
(D
<D
©
©
des revenus et des coûts
p + c>Pr>R
Pr>p + c>R
p + c> R > Pr
R> p + c >Pr
Pr > R > p + c
R>Pr>p + c
Décisions des firmes
renoncer
demander un crédit bancaire
emprunter sur le marché
1. L'information à publier peut comporter par exemple des comptes certifiés, une
« notation » par une agence spécialisée, etc. Le marché « organisé » joue ainsi un rôle
d' intermédiation, et permet aux prêteurs individuels d'économiser les coûts de recherche
et de contrôle de l'information. L'existence du coût d'accès au marché garantit que les
entreprises ne se financent pas toutes directement, et que les banques accordent des cré
dits (voir p. , note 1).
2. Les prêteurs sont neutres au risque.
287
Revue économique
Si p + c> R, alors les entreprises se caractérisent par un revenu moyen
d'exploitation tel qu'il n'est jamais rentable pour elles de recourir au marché
(configurations ® à ® du tableau). Les financements sont totalement intermédiés.
On supposera que : R > p + c. Les entreprises peuvent donc se trouver dans
les configurations ®, ® ou © du tableau. Le coût d'accès au marché et le taux
sans risque sont suffisamment faibles pour que les financements soient a priori
partiellement désintermédiés. On observe alors le phénomène d' antisélection lié
à la hausse du taux d'intérêt sur les crédits :
- si r<(p + c)/B, alors toutes les entreprises souhaitent se financer auprès
des banques (elles sont toutes dans la configuration ® du tableau 1) ;
- si r < (p + c)/A, alors toutes les entreprises se financent directement sur le
marché (elles sont toutes dans la configuration © ou © du tableau 1) ;
- lorsque r augmente de (p + c)/B à (p + c)/A, les entreprises se tournent les
unes après les autres vers le marché, en commençant par les « meilleures », cel
les dont la probabilité de remboursement est la plus élevée, comprise entre
(p + c)/retB.
Ainsi, seules les entreprises ayant une probabilité de remboursement comp
rise entre A et Q = max { min { B, (p + c) /r} , A} sont candidates à un crédit
bancaire, où Q désigne la probabilité de remboursement maximale des demand
eursde crédit. La demande effective de crédit est donnée par T| • M , où :
|f^
(1)
La distribution O des demandeurs de crédit est construite à partir de la distr
ibution des entreprises, F, de la façon suivante :
O(P) =0
O(P) = Tl"1 •F(P)
<D(P) =1
SlP^S A;
siPe [A; Q];
siP=s Q
(2)
LE COMPORTEMENT DES BANQUES
Chaque banque dispose de ressources d'un montant exogène 0 à placer pour
un montant x en crédits au taux r, et pour un montant T = 6 - x en bons du Trésor
sans risque au taux p. On note s9 le coût total de l'activité bancaire, qui
comprend le coût des ressources et les coûts de gestion. Par symétrie, toutes les
banques étant identiques, chacune fait face à mF(Q) entreprises, qui représen
tent
une demande potentielle de crédit de mF(Q).
On suppose, en outre, que m «s 6 : la banque dispose de ressources, 6, suff
isantes pour satisfaire entièrement la demande potentielle de crédit correspon
dant
à sa part de marché, m. On évite ainsi la question du refinancement
bancaire (au cas où x*, le montant optimal des crédits, dépasserait le montant
des ressources), pour se concentrer sur la gestion de l'actif de la banque.
288
Jean-Baptiste Desquilbet, Jean-Paul Pollin
On suppose que chaque banque maximise son profit espéré en choisissant le
montant des crédits qu'elle accorde, à taux donné. La concurrence entre ban
ques pousse le taux sur les crédits à baisser jusqu'à annuler le profit espéré.
Détermination du profit espéré en fonction du taux sur les crédits
Le problème de chaque banque s'écrit :
_
s.c.
ß\
0 «s jc ^6
où II dénote le profit espéré de la banque, et P désigne la probabilité moyenne
de remboursement des entreprises obtenant un crédit. P est donnée par :
Q
v d& (p) = 2
- (A + Q)
(4)
A
Le profit espéré de la banque peut se réécrire :
n= (Pr-p)x+ (p-s)Q
Le second terme représente le profit réalisé en plaçant au taux sans risque, le
premier terme représente le profit supplémentaire réalisé en prêtant aux entre
prises. Il est clair que la banque accorde des crédits si et seulement si c'est une
activité plus rentable que le placement en bons du Trésor. L'offre de crédit est
déterminée comme suit :
Pr>p=>xs = G
(5a)
Pr = p=*xse [O;0]
(5b)
Pr<p=$xs = 0
(5c)
La probabilité moyenne de remboursement P dépend donc de Q, qui est
déterminé par les comportements de demande. Ainsi, l'offre de crédit en fonc
tion du taux débiteur ne peut être déterminée indépendamment de la demande.
Pour un taux débiteur donné, la quantité de crédits accordés, x*, est égale au
minimum de la quantité offerte (équations [5]) et de la quantité demandée
(équation [1]). Elle est déterminée en raisonnant comme suit.
(i) Tant que r est inférieur à (p + c)/B, toutes les entreprises demandent un
crédit bancaire (Q = B). La demande de crédit qui s'adresse à chaque banque est
donc m.
La banque accorde des crédits si, et seulement si, Pr> p, soit r > 2p (A + B).
Pour déterminer l'offre de crédit, il faut donc classer 2p/(À + B) et (p + c)/B.
On a (p + c)/B > 2p/(A + B) si, et seulement si, c > —
B—
—A
- p. On interprète
£j i ix
cette condition en affirmant qu'elle est vraie si le coût d'accès au marché c est
« suffisamment grand ». Dans ce cas, l'offre de crédit Xs vaut 0 pour
r<2p/(A + B) et 0 pour r>2p/(A + B). Ainsi, lorsque r dépasse le seuil
2p/(A + B), x* passe de 0 à m.
289
Revue économique
Au contraire, si c est « petit », on a (p + c)/B < 2p/(A + B). Tant que r est
inférieur à (p + c)/B, l'activité de crédit n'est pas rentable (Xs = 0), toutes les res
sources
bancaires sont placées en bons. Le volume de crédit jc* vaut 0.
(ii) Lorsque r est supérieur à (p + c)/A, plus aucune entreprise ne demande de
crédit bancaire (Q = A) alors que l'offre de crédit est de 0, la condition (5c) étant
vérifiée. Ainsi, x* vaut 0. Toutes les ressources bancaires sont placées en bons.
(iii) Lorsque r est compris entre (p + c)/B et (p + c)/A, les entreprises les
moins risquées renoncent progressivement à demander des crédits : Q vaut
(p + c)lr. La banque accorde des crédits si, et seulement si, Pr> p, soit mainte
nant
r > (p - c)/A.
Si le coût d'accès au marché c est « grand », la banque poursuit son activité
de crédit, qui est rentable puisque : r > (p + c)/B > (p - c)/A. Elle offre un mont
ant de crédit égal à 0. La quantité de crédit est déterminée par la demande, et
vaut mF((p + c)/r).
Si c est « petit », on a (p + c)/B < (p - c)/A. La banque offre des crédits
quand r devient supérieur à (p - c)/A. Le montant des crédits accordés est
donné par la demande , et vaut mF((p + c)/r).
Le profit espéré de la banque vaut II = (P r - p)jc* + (p - s)Q. Il est donné, en
fonction du taux sur les crédits dans le tableau 2.
La probabilité de remboursement des demandeurs de crédit, Q, le volume des
crédits accordés, jc, et le profit espéré, H sont représentés en fonction du taux
sur les crédits sur le graphique 2.
Détermination du taux d'intérêt sur les crédits
Le taux débiteur des banques est déterminé à la suite d'un processus concurr
entiel « à la Bertrand ». Les banques choisissent le taux débiteur le plus faible
possible, garantissant un profit moyen positif ou nul. Le modèle étant symétri
que,
toutes les banques fixent leur taux débiteur au même niveau, r*, et se par
tagent
alors le marché en parts égales.
(i) Lorsque le taux sans risque est supérieur ou égal au coût moyen de l'acti
vitébancaire (p 3= s), le profit de la banque est toujours positif. Le taux débiteur
est alors fixé au niveau minimal, pour lequel la banque est indifférente entre
l'activité de crédit et le placement en bons : r* = p/P .
Ainsi, quand c est « grand », r* égale 2p/(A + B) et x* vaut 0 ou m (financ
ementsaucunement ou entièrement intermédiés) ; quand c est « petit », r* égale
2Ac
(p - c)/A et x* vaut 0 ou
— ——rrfn < m (financements aucunement ou
—
c)
(*> — A)
(P
partiellement intermédiés).
1. L'importance du coût d'accès au marché, c, que doivent payer les emprunteurs
pour se financer directement, apparaît clairement. En l'absence de coût d'accès, ou
encore pour c = 0, le raisonnement précédent montre que l'offre de crédit vaut 0 pour
r < p/A et 6 pour r > p/A, tandis que la demande de crédit vaut mF(p/r) pour r < p/A et 0
pour r > p/A. Les banques n'accordent jamais de crédit. Si p < s, leur profit est négatif :
elles n'ont aucune raison d'être.
290
r< B+A
_2
+c
B
p + c <r< p+c
B
A
r> p + c
\ (A + B)
r
m
0
VB-A
2p
P+c
B
p-c
1
-(
Tableau 2. Profit espéré de la banque en fonction du taux sur le
B
\ (A + B)
V
c « grandj » : si• c> -B-A
—A'
- p, alors
.
p-c < 2p
——
B +
B +A
B
p +c
r
A
X*
+c
c « petit »: si c<|^p, alors p ß
P
0
aÏ m
AJb-A
n
Q
J
0
r
fp+C
I r
\ (A + B)
2lAl
A
B
p+c
r
p+c
r
P-c .r<P + c
AÀ ^ r ^ A
A
A
r^P + c
r^
B
p + c^^.p — c
B
A
r>P±£
A
Revue économique
Graphique 2. Probabilité de remboursement des demandeurs de crédit,
volume des crédits accordés et profit espéré en fonction du taux sur les crédits 1
c « grand » : c> B-A
— —— p
(p-s)B
B-A
c « petit » : c < g-^ p
(p-s)B
Q = probabilité de remboursement maximale des demandeurs de crédits ; x = volume des crédits
accordés ; n = profit espéré d'une banque ; p = taux sans risque ; c = coût d'accès au marché f
inancier
; s = coût moyen de l'activité bancaire (coût des ressources + coût de gestion) ; r = taux
d'intérêt sur les crédits.
1. L'étude des fonctions données dans le tableau 2 ne pose pas de problème
particulier. Pour le graphique proposé, nous avons arbitrairement supposé que le coût
moyen de l'activité bancaire, s, est supérieur au taux sans risque, p, de sorte que (p - s)6
est négatif.
De plus, dans le cas où c est « grand », nous avons supposé que c est inférieur à
[(B2-A2)/(B2 + A2)]p, de sorte que le profit espéré H(r) atteint un maximum sur
[(p + c)/B ; (p + c)/A]. Lorsque c est supérieur à [(B2 - A2)/(B2 + A2)]p, U(r) est stri
ctement décroissant sur [(p + c)/B ; (p + c)/A].
292
Jean-Baptiste Desquilbet, Jean-Paul Pollin
(ii) Lorsque le taux sans risque est inférieur au coût moyen de l'activité
bancaire (p < s), la seule activité de placement ne garantit plus à la banque un
profit toujours positif. Le profit moyen de la banque atteint un maximum pour r
compris entre (p + c)/B et (p + c)/A lorsque c est «grand»1, pour
I 2
2
r = vp - c /A compris entre (p - c)IA et (p + c)/A lorsque c est « petit ». Si
ce profit moyen maximal est négatif, les banques n'ont pas de raison d'être.
Nous supposerons qu'il est positif. Alors, le profit moyen de la banque s'annule
en r* compris entre 2p/(B + A) et (p + c)/B lorsque c est « grand », en r* comp
ris entre (p — c)IA et (p + c)/A lorsque c est « petit » (cf. graphique 2).
Quand c est « grand », on constate qu'à l'équilibre toutes les entreprises
obtiennent un crédit bancaire : x(r*) = m pour r* compris entre 2p/(B + A) et
(p + c)/B (cf. tableau 2). Les financements sont totalement intermédiés. En
revanche, quand c est « petit », les financements sont partiellement désintermé2Ac
diés : x(r*) =£
— —— — m < m pour r* compris entre (p - c)/A et
(P ~ c) (B —A)
(p + c)/A (cf. tableau 2).
La détermination du taux débiteur est résumée dans le tableau 3.
Lorsque p 5s s, la banque est indifférente entre placement en crédit et place
ment sur le marché. Ces deux actifs de la banque ont le même rendement
moyen : P r* = p. Lorsque p < s, il est facile de montrer que P r* > p : le rende
ment moyen des crédits est supérieur au rendement des titres sur le marché.
C'est ce qui permet à la banque de couvrir ses coûts d'activité.
Tableau 3. Détermination du taux débiteur
c est « petit »
r* = (p - c)/A
c est « grand »
r* = 2p/(B + A)
P&z S
p <s r* =
A + B((5-p)m
+
P)
r* vérifie : r* < Jp2-c2 /A
et
i(Ar-p + c)(P-±^-A)f^+ (p-*)e = O
LE COUT DU CRÉDIT DANS UNE ECONOMIE
PARTIELLEMENT DÉSINTERMÉDIÉE
Nous avons vu, au paragraphe précédent, que l'économie est « partiellement
désintermédiée » si le coût d'accès au marché financier est suffisamment faible.
Dans ce cas, le taux sur les crédits n'est pas assez bas pour induire, de la part des
« meilleurs emprunteurs », le choix d'un financement bancaire.
1. Voir graphique 2 et la note correspondante.
293
Revue économique
Quand on compare les situations « c grand » et « c petit » (cf. graphique 2),
on constate que, ceteris paribus, une baisse du coût d'accès au marché provo
que
une baisse du taux d' intermédiation (x/m) et une baisse du profit moyen des
banques pour tout niveau de taux débiteur. En particulier, le profit espéré maxi
maldiminue, et rien ne garantit qu'il reste positif pour c « petit » s'il l'était pour
c « grand ». La libéralisation financière (ouverture des marchés financiers, suite
à une baisse de c) peut donc inciter les banques à « rationaliser » leurs activités
de façon à en diminuer le coût moyen, s.
Nous allons nous situer dans le cadre d'une économie partiellement désintermédiée, c'est-à-dire telle que :
- c est « petit » : c < —
B-A
—— p ;
- si p < s, alors max {Il(r)} > 0.
Nous analysons les effets d'une baisse du taux sans risque, les effets d'une
baisse de c, qui s'interprète comme une « poursuite » de la libéralisation finan
cière, et les effets d'une variation du « risque ».
Effets d'une variation du taux sans risque
Nous analysons les effets d'une baisse du taux sans risque en considérant que
le coût moyen des ressources des banques, s, est une fonction croissante du taux
sans risque, qui, lui-même, constitue le coût d'une fraction des ressources.
Nous supposerons que : s = s(p) et s' = —
ds e [0 ; 1] .
Cette hypothèse est vérifiée pour les banques françaises, en évaluant le coût
moyen de leurs ressources par le point mort bancaire, tel qu'il est calculé par la
Commission bancaire. Le graphique 3 représente l'évolution du point mort ban
caire et du taux du marché monétaire entre 1978 et 1993. On peut estimer gros
sièrement
que la sensibilité du coût moyen des ressources au taux du marché
monétaire est de l'ordre de 63,7 % :
APMB = 0,637 • ATMM
R2 = 0,857
(9,15)
DW = 2,27
Proposition. Dans une économie partiellement désintermédiée, une baisse
du taux sans risque n'entraîne pas nécessairement une baisse du taux débi
teur des banques.
Démonstration
Lorsque c est « petit », on a (cf. tableau 2) :
-Pour p s* s : r* = (p - c)/A. D'où : dr*/dp = A~l > 1. Dans ce cas, une
baisse du taux sans risque entraîne une baisse du taux débiteur des banques.
- Pour p < s :
r* vérifie r* < Jp2 — c2/A et
x+(p-5)e = 0
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Jean-Baptiste Desquilbet, Jean-Paul Pollin
Graphique 3. Point mort des ban
ques françaises et taux du marché
monétaire entre 1978 et 1993
APMB
Sources : Commission
bancaire
(Rapport
annuel) et FMI (Statist
iques
financières inter
nationales).
„
,
dr
dr*
On a donc : —r- - - dli/dr*
_„ _ v.
dp
II est clair que dYl/dr* est positif. Dès lors, dr*/dp est de signe opposé à
quivaut(A-^BA
+ (l-5')9.Le premier terme en est négatif
car r* < Jp2-c2/A , mais le second terme est positif car 5' < 1.
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Revue économique
est négatif si et seulement si : s' 2s 1 — —
ö *-=
B—
—A
-— ,
jyi
où —
b
Q / Y* A
^ 1 et *-—— — =ss 1 car c est « petit », donc r* > (p - c)/A > p/B.
d —A
Dans ce cas, une baisse du taux sans risque entraîne une baisse du taux débi
teur des banques si le coût moyen de l'activité bancaire, s, est « suffisamment »
sensible au taux sans risque CQFD.
Corollaire. Dans une économie partiellement désintermédiée, lorsque le
coût moyen de l'activité bancaire est « faiblement » sensible et supérieur
au taux sans risque, une baisse du taux sans risque, entraîne une hausse du
taux débiteur des banques.
« Faiblement sensible » signifie : — *£ 1 - — *-=- — :— .
dp
6 B-A
On peut expliquer ces résultats de la façon suivante.
Quand p 5* s, les banques réalisent toujours un profit positif et le taux débi
teur s'établit au niveau où elles sont indifférentes entre l'activité de crédit et le
placement en bons. Une baisse du taux sans risque pousse les banques à dimi
nuer le taux débiteur. En outre, le taux débiteur baisse plus que le taux de mar
ché (dr*/dp > 1), et le taux d' intermédiation augmente.
Quand p < s, les banques ne peuvent couvrir l'ensemble de leurs coûts par la
seule activité de placement : elles doivent recourir à l'activité de crédit. Lorsque
le taux sans risque baisse, les « meilleurs » débiteurs des banques vont se finan
cer
sur le marché. Celles-ci subissent, à taux débiteur donné, une diminution de
la probabilité moyenne de remboursement, en même temps qu'une baisse du
montant des crédits distribués, x(r*). Pour compenser la hausse du risque
moyen de défaut, et le rétrécissement de la base de couverture des coûts d'acti
vité,elles augmentent le taux débiteur.
Effets d'une variation du coût d'accès au marché
Proposition. Dans une économie partiellement désintermédiée, une baisse
du coût d'accès au marché entraîne, ceteris paribus, une hausse du taux
débiteur des banques et une baisse du taux d'intermédiation.
Démonstration.
On procède comme pour la démonstration précédente.
-Pour p 2* s : r* = (p -c)/A. D'où : %- =-PCl < 0.
de
,
- Pour p < s : D'après le tableau 3, on obtient :
de
r*l2\-l
r
L'expression entre parenthèses est négative car r* < Vp2 - c2/A .
296
Jean-Baptiste Desquilbet, Jean-Paul Pollin
En ce qui concerne le taux d'intermédiation, on a (cf. tableau 2) :
x(r*)
/ *\ = (I —
P +; c A
K\I——
m - . Lorsque
T
c diminue,
...
r** augmente,
^ et*ile premier
V r
ya— A
facteur diminue CQFD.
L'explication est la suivante. Une baisse du coût d'accès au marché incite les
meilleurs emprunteurs à se financer directement sur le marché et entraîne une
baisse de la probabilité moyenne de remboursement des demandeurs de crédit.
Les banques réagissent par une hausse du taux débiteur. On constate effectiv
ement
une baisse du taux d'intermédiation.
Effets d'une variation du « risque »
La variation du « risque » consiste en une modification de la distribution des
probabilités de remboursement des entreprises. On peut considérer un étalement
de la distribution à moyenne constante ou un décalage de la distribution. Le pre
mier cas correspond à un accroissement du risque « intrinsèque » du métier de
banquier : chaque banque fait face à une plus grande disparité des probabilités
de remboursement1. Le second cas correspond à une détérioration généralisée
de la qualité des emprunteurs2. Les modifications de distribution sont représen
tées
sur le graphique 4.
Proposition. Dans une économie partiellement désintermédiée, un accroi
ssement du risque, par étalement ou par décalage de la distribution des pro
babilités
de remboursement des emprunteurs, entraîne une augmentation
du taux débiteur et une baisse du taux d'intermédiation.
Démonstration.
Comme pour les démonstrations précédentes, on montre que -7-— < 0 et
I y- * v
—
< 0 , en utilisant les hypothèses suivantes : d(B - A) > 0 et d(B + A) = 0
ûA
pour l'étalement de la distribution à moyenne constante ; d(B - A) = 0 et
d(B + A) < 0 pour le décalage de la distribution CQFD.
Un accroissement du risque, par étalement ou par décalage de la distribution
des probabilités de remboursement des entreprises, se traduit, à taux débiteur
donné, par une diminution de la probabilité minimale de remboursement, A, et
de la probabilité moyenne de remboursement des demandeurs de crédit, P
(cf. tableau 2). Ainsi, dans les deux cas de déformation de la distribution des
probabilités de remboursement des entreprises, la distribution des probabilités
de remboursement des demandeurs de crédit se déforme sans préserver la
moyenne : P diminue à taux débiteur donné. Dès lors, si le taux sans risque est
supérieur au coût moyen de l'activité bancaire (p =s s), le taux débiteur est fixé
par une relation arbitrage (r* = p/ P ) : il augmente. Si le taux sans risque est
1. Il s'agit d'un accroissement du risque au sens de Rothschild-Stiglitz.
2. On considère pour simplifier un décalage « symétrique » (dB = dA), ce qui laisse la
densité inchangée et correspond ici à un accroissement du risque au sens de la domi
nance stochastique d'ordre 1.
297
Revue économique
Graphique 4. Accroissement du « risque ».
Deux représentations
»•••ftp •••••«••4
dA
dA
<B
B
B
Étalement de la distribution
à moyenne constante
dB = - dA > 0
soit</(B-A) > 0
B
Décalage « symétrique » de
la distribution
dB = dA < 0
soit d(B - A) = 0 et d(B + A) < 0
inférieur au coût moyen de l'activité bancaire (p < s), à l'effet de la baisse de la
probabilité moyenne de remboursement s'ajoute celui du rétrécissement du
volume de crédits accordés, par lequel sont couverts les coûts d'activité : les
banques, là encore, réagissent en augmentant le taux débiteur.
CONCLUSION
Nous avons présenté un modèle original du financement de l'activité des
entreprises, qui permet d'analyser la relation entre le taux d'intérêt de marché et
le taux débiteur des banques. Les entreprises arbitrent entre le crédit bancaire et
le financement direct. Lorsque le coût d'accès au marché est suffisamment fai
ble, l'économie à l'équilibre est « partiellement désintermédiée » : les emprunt
eurs
de meilleure qualité se financent directement sur le marché, les autres ont
recours au crédit bancaire. Le taux d' intermédiation est endogène. Nous mont
rons alors les résultats suivants.
- Une baisse du coût d'accès au marché, qui représente par exemple une
poursuite de la libéralisation financière, entraîne une hausse du taux débiteur, et
une baisse du taux d'intermédiation. Les entreprises utilisent davantage les mar
chés, mais cette concurrence des marchés n'entraîne pas de baisse du taux sur
les crédits.
- Une baisse du taux de marché entraîne une baisse plus importante du taux
débiteur et une augmentation du taux d'intermédiation, si le coût moyen d'acti
vitédes banques est inférieur au taux de marché.
298
Jean-Baptiste Desquilbet, Jean-Paul Pollin
- Une baisse du taux de marché entraîne une hausse du taux débiteur et une
baisse du taux d' intermédiation si le coût moyen d'activité des banques est
supérieur, et faiblement sensible, au taux de marché.
- Un accroissement du risque entraîne une hausse du taux débiteur et une
baisse du taux d'intermédiation.
Dans notre modèle, une baisse du taux d'intermédiation signifie que les ban
ques concourent moins au financement « direct » des entreprises, et qu'elles
consacrent en contrepartie davantage de ressources à une activité de placement
sur les marchés. Elles peuvent ainsi financer « indirectement » l'activité des
entreprises. Ce faisant, elles ne supportent plus les coûts de la mutualisation des
risques, ce qui est une fonction habituellement attribuée aux intermédiaires. Au
contraire, les banques font supporter ce coût aux emprunteurs eux-mêmes, dans
la mesure où le modèle suppose que ces derniers doivent révéler leur probabilité
de remboursement, donc « payer », afin d'avoir accès au marché. Par ailleurs,
dans notre modèle, cette « désintermédiation » n'affecte pas le volume de finan
cement.
Un prolongement de ce modèle consisterait à introduire une procédure de
sélection des risques par les banques. En acceptant d'investir en information, les
établissements de crédit ont la capacité d'améliorer la rentabilité de leur actif :
cet arbitrage mériterait d'être intégré dans notre analyse. Les résultats s'en trou
veraient
enrichis mais les conclusions que nous venons de rappeler n'en seraient
probablement pas affectées.
Une autre extension naturelle de notre modèle consisterait à distinguer les
entreprises selon leur possibilité d'accès au marché financier. On mettrait ainsi
en évidence les effets différenciés d'une variation du taux de marché sur le coût
et sur le volume du financement des entreprises, selon qu'elles ont ou n'ont pas
accès au financement direct. Ces éléments compléteraient l'éclairage des
canaux de transmission de la politique monétaire, par le biais des variations de
taux d'intérêt de marché, qu'apporte notre présent article. Ils permettraient aussi
d'analyser le problème plus général de l'incidence de la désintermédiation sur
l'inégalité des conditions de financement. Dans une économie fortement désintermédiée, les établissements de crédit réalisent une certaine péréquation entre
les taux des crédits consentis aux différentes entreprises : ces subventions croi
sées présentent sans doute quelque mérite dès lors qu'existent des externalités
entre les investissements des firmes de caractéristiques différentes (grandes et
petites entreprises par exemple). La baisse du coût d'accès ou celle du taux de
marché remet en cause ces phénomènes et accroît par conséquent l'inégalité de
financement entre firmes . Sous certaines conditions, il peut en résulter des
effets dommageables sur la croissance. C'est là aussi une piste de réflexion pour
une recherche ultérieure.
1. Notons que, dans notre modèle, c'est le taux nominal qui importe. De sorte que
l'inflation n'est pas neutre dans cette affaire : la désinflation, parce qu'elle implique une
baisse des taux et donc une désintermédiation, provoque un accroissement des inégalités
de financement. Les enquêtes sur le coût des crédits aux entreprises permettent d'ailleurs
de vérifier empiriquement ce raisonnement.
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Revue économique
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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