Taux de marché et coût du crédit dans une économie partiellement

Monsieur Jean-Baptiste
Desquilbet
Monsieur Jean-Paul Pollin
Taux de marché et coût du crédit dans une économie
partiellement désintermédiée
In: Revue économique. Volume 46, n°2, 1995. pp. 283-300.
Résumé
Taux de marché et coût du crédit dans une économie partiellement désintermédiée
Cet article étudie la relation entre les taux de marché et le coût des crédits dans une économie les entreprises ont la
possibilité d'arbitrer entre financements bancaires et financements de marchés. Lorsque le coût d'accès au marché est
suffisamment faible, l'économie à l'équilibre est «partiellement désintermédiée » : tes emprunteurs de meilleure qualité se
financent directement sur le marché, les autres ont recours au crédit bancaire. Compte tenu des asymétries d'information, de la
concurrence dans le système financier et du coût de l'activité bancaire, on montre que le taux débiteur augmente si le coût
d'accès au marché baisse, et si le risque de défaillance s'accroît. On montre également qu'une baisse du taux de marché peut
entraîner une hausse du taux débiteur, si le coût moyen d'activité des banques est supérieur, et faiblement sensible, au taux de
marché.
Abstract
Market and credit interest rates in a partially disintermediated economy
We analyse the relationship between market and credit interest rates in an economy where borrowing firms can arbitrate between
banks and financial markets. Whenever the cost of accessing to the market is sufficiently low, the economy is partially disinter-
mediated in equilibrium : high quality borrowers borrow directly on financial markets, the others resort to bank credit. Considering
information asymmetries, competition in the financial system and banking activity costs, we show that the credit interest rate
increases whenever the cost of accessing to the market is decreased or the risk of failure increases. We also show that a
decrease in the market rate may lead to an increase in the credit rate, if the mean banking activity cost is higher than, and not too
sensitive to, the market rate.
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Desquilbet Jean-Baptiste, Pollin Jean-Paul. Taux de marché et coût du crédit dans une économie partiellement désintermédiée.
In: Revue économique. Volume 46, n°2, 1995. pp. 283-300.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reco_0035-2764_1995_num_46_2_409644
Taux
de
marché
et
coût
du
crédit
dans
une
économie
partiellement
désintermédiée
Jean-Baptiste
Desquilbet
Jean-Paul
Pollin
*
Cet
article
étudie
la
relation
entre
les
taux
de
marché
et
le
coût
des
crédits
dans
une
économie
les
entreprises
ont
la
possibilité
d'arbitrer
entre
finance
ments
bancaires
et
financements
de
marchés.
Lorsque
le
coût
d'accès
au
marché
est
suffisamment
faible,
l'économie
à
l'équilibre
est
«partiellement
désinte
rmédiée
»
:
les
emprunteurs
de
meilleure
qualité
se
financent
directement
sur
le
marché,
les
autres
ont
recours
au
crédit
bancaire.
Compte
tenu
des
asymétries
d'information,
de
la
concurrence
dans
le
système
financier
et
du
coût
de
l'activité
bancaire,
on
montre
que
le
taux
débiteur
augmente
si
le
coût
d'accès
au
marché
baisse,
et
si
le
risque
de
défaillance
s'accroît.
On
montre
également
qu'une
baisse
du
taux
de
marché
peut
entraîner
une
hausse
du
taux
débiteur,
si
le
coût
moyen
d'activité
des
banques
est
supérieur,
et
faiblement
sensible,
au
taux
de
marché.
Classification
JEL
:
E4,
E5
.
INTRODUCTION
Cet
article
se
propose
d'étudier
la
relation
entre
les
taux
de
marché
et
le
coût
des
crédits
dans
une
économie
partiellement
désintermédiée,
c'est-à-dire
dans
une
situation
certaines
entreprises
ont
la
possibilité
d'arbitrer
entre
finance
ments
bancaires
et
financements
de
marchés.
Deux
précisions
doivent
d'emblée
être
apportées,
quant
à
la
définition
de
l'
intermédiation
du
point
de
vue
théori
que
et
du
point
de
vue
empirique.
Sur
le
plan
théorique,
dans
les
approches
récentes
de
l'
intermédiation
finan
cière1
,
les
relations
entre
prêteurs
et
emprunteurs
se
nouent
dans
un
environne
ment
avec
information
asymétrique,
les
intermédiaires
financiers
servent
à
*
Institut
Orléanais
de
Finance
-
Université
d'Orléans,
rue
de
Blois,
BP6739,
45067
Orléans
Cedex
2.
Nous
remercions
Raphaëlle
Bellando,
Anne
Lavigne,
Eric
Langlais,
Patrick
Villieu
pour
leurs
commentaires.
Nous
restons
seuls
reponsables
pour
les
opinions
émises
et
d'éventuelles
erreurs
ou
imprécisions.
1.
Voir
Diamond
[1984],
Williamson
[1986],
Williamson
[1987].
283
Revue
économique
vol.
46,
2,
mars
1995,
p.
283-300.
Revue
économique
économiser
les
coûts
d'acquisition
et
de
contrôle
de
l'information.
Il
s'agit
d'intermédiaires
au
sens
large,
comme
l'indique
Williamson
[1987]
:
«
In
a
second
group
of
models,
. . .
financial
intermediation
serves
to
economize
on
the
costs
of
acquiring
information....
[These]
models
focus
on
more
general
kinds
of
intermediary
structures,
rather
than
on
banking
in
particular
»
(p.
20).
Ainsi,
cette
littérature
oppose
les
banques
et
les
marchés
«
organisés
»
d'une
part,
aux
marchés
«
non
organisés
»
d'autre
part,
les
prêteurs
et
les
emprunteurs
se
rencontrent
individuellement
et
subissent
individuellement
les
problèmes
liés
aux
asymétries
d'information.
Dans
le
présent
article,
nous
distinguons
explic
itement
les
banques
des
marchés
«
organisés
»*.
Sur
le
plan
empirique,
nous
mesurons
l'
intermédiation
du
point
de
vue
de
la
demande
de
financement
.
Ainsi,
une
émission
de
titres
(obligations,
billets
de
trésorerie,
etc)
par
une
entreprise
non
financière
est
considérée
comme
une
modalité
de
financement
direct,
quelle
que
soit
la
nature
de
l'acquéreur
des
titres,
établissement
de
crédit,
OPCVM,
entreprise
d'assurances
ou
autre.
Ajuste
titre,
on
fait
aujourd'hui
grand
cas
du
mécanisme
de
transmission
de
la
politique
monétaire
par
le
«
canal
du
crédit
»,
par
opposition
à
l'effet
de
liqui
dité
traditionnel3.
Pourtant,
cette
opposition,
même
si
elle
peut
avoir
des
impli
cations
empiriques
sérieuses
(la
monnaie
ou
les
crédits
comme
facteurs
explicatifs
de
l'activité
économique),
se
réduit
en
fait
au
problème
de
savoir
si
les
crédits
bancaires
et
les
financements
de
marchés
sont
suffisamment
substi-
tuables
pour
pouvoir
être
agrégés.
Les
développements
récents
de
la
théorie
de
1'
intermediation
fournissent
à
cette
question
une
réponse
originale
et
convaincante
:
en
présence
d'asymétries
d'information,
les
crédits
distribués
par
les
institutions
financières
possèdent
un
caractère
spécifique.
La
tâche
d'évaluation
et
de
surveillance
accomplie
par
les
banques
ouvre
des
possibilités
de
financement
à
des
entreprises
qui
ne
peuvent
accéder
directement
aux
marchés
financiers.
Or
cette
offre
de
crédits
bancaires
exerce
une
influence
d'autant
plus
forte
sur
les
décisions
des
entreprises
concer
nées
(notamment
sur
leurs
choix
d'investissement),
que
celles-ci
sont
général
ement
contraintes
par
leur
environnement
et
disposent
de
peu
de
degrés
de
liberté.
De
ce
fait,
les
financements
intermédiés
jouent
un
rôle
particulier
sur
l'équilibre économique.
Et
il
est
donc
essentiel
de
comprendre
la
façon
dont
les
impulsions
de
politique
monétaire
se
traduisent
sur
le
coût
et
le
montant
(lor
sque
existent
des
phénomènes
de
rationnement)
des
crédits
bancaires.
Ce
qui
revient
à
étudier
le
rapport
entre
les
taux
de
marchés,
supposés
dictés
par
la
Banque
centrale,
et
le
coût
du
crédit.
Empiriquement,
on
observe
que
la
relation
entre
ces
deux
types
de
taux
est
relativement
lâche
et
variable
dans
le
temps.
À
titre
d'exemple,
le
graphique
1
représente,
pour
la
France,
l'évolution
récente
du
taux
d'escompte
moyen
et
du
1.
Dans
la
littérature
récente
sur
les
liens
entre
croissance
(endogène)
et
intermédia
tion
financière,
dont
Pagano
[1993]
fournit
un
panorama
récent,
l'ambiguïté
sur
la
nature
des
intermédiaires
demeure.
2.
Pour
les
mesures
possibles
de
l'
intermédiation,
voir
par
exemple
le
rapport
du
Conseil
national
du
crédit
[1993]
p.
191
et
suiv.
3.
Deux
articles
importants
sur
cette
question
sont
ceux
de
Bernanke
et
Blinder
[1988]
et
Kashyap,
Stein
etWilcox
[1993].
284
Jean-Baptiste
Desquilbet,
Jean-Paul Pollin
Graphique
1
.
Taux
d'escompte
moyen
et
taux
au
jour
le
jour
I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I
M
«S
■*
«M
•**
«S
Source
:
Banque
de
France.
taux
au
jour
le
jour.
Une
régression
simple,
sur
la
période
1986.3-1994.2,
mont
re
que
le
taux
d'escompte
suit,
avec
retard
et
d'assez
loin,
le
taux
au
jour
le
jour
:
Aesc(t)
=
0,372
Atjj(t-l)
R2
=
0,318
(4,05)
DW
=
2,427
Aux
États-Unis,
l'observation
de
la
situation
récente
montre
que
la
baisse
des
taux
de
marché
n'a
été
répercutée
que
très
partiellement
dans
le
coût
du
crédit
;
elle
a
donc
permis
ainsi
une
reconstitution
des
marges
bancaires1.
Au
niveau
théorique,
la
question
a
été
assez
peu
étudiée2.
Les
modélisations
du
«
canal
du
crédit
»
supposent
simplement
que
les
banques
arbitrent
entre
titres
et
crédits
en
fonction
de
leur
rentabilité
relative,
tandis
que
les
entreprises
choisissent
entre
les
deux
types
de
financements
(directs
ou
intermédiés)
en
fonction
de
leurs
coûts
respectifs
et
d'une
préférence
de
structure.
La
confrontat
ion
de
ces
choix
détermine
le
rapport
entre
les
deux
taux.
Cette
formulation
est
insuffisante,
notamment
parce
qu'elle
néglige
des
déterminants
de
l'offre
bancaire.
De
ce
point
de
vue,
trois
types
d'effets
méri
tent
d'être
pris
en
compte.
1.
J.
Le
Cacheux
[1994].
2.
Certaines
recherches
récentes
ont
cependant
cherché
à
analyser
l'incidence
d'une
hypothèse
de
concurrence
imparfaite
sur
l'offre
bancaire.
Cf.,
par
exemple,
Bensaïd
et
de
Palma
[1994].
285
Revue
économique
-
D'abord,
l'inertie
du
coût
de
production
du
crédit
bancaire
par
rapport
aux
taux
de
marché.
Au-delà
du
prix
de
la
ressource,
le
coût
du
crédit
incorpore
des
frais
de
gestion
en
tous
genres
qui
ont
la
nature
de
coûts
fixes,
de
sorte
que
le
taux
des
crédits
bancaires
ne
répercute
que
de
façon
lointaine,
et
en
les
lissant,
les
évolutions
des
taux
de
marché.
-
Ensuite
l'incidence
des
phénomènes
d'
antisélection.
L'augmentation
des
taux
d'intérêt
suscite
une
dégradation
de
la
qualité
moyenne
du
portefeuille
de
prêts.
Les
meilleurs
emprunteurs
renoncent
à
leurs
projets,
tandis
que
les
mauv
ais
risques
les
maintiennent.
Cela
rend
plus
nécessaire
une
sélection
des
crédits
accordés
et
accentue
la
hausse
de
leur
coût.
-
Enfin,
l'intensité
de
la
concurrence
dans
le
système
financier.
La
structure
de
l'offre
de
crédit
conditionne
la
façon
dont
les
banques
répercutent
les
varia
tions
du
coût
de
leurs
ressources.
Il
faut,
en
particulier,
tenir
compte
de
l'arbi
trage
que
les
entreprises
(du
moins
certaines
d'entre
elles)
sont
susceptibles
d'effectuer
entre
financements
de
marchés
et
financements
intermédiés.
Ce
phé
nomène
constitue
un
facteur
de
concurrence
mais
il
joue
également
sur
la
qual
ité
des
actifs
bancaires
:
ce
sont,
a
priori,
les
meilleurs
risques
qui
ont
recours
aux
financements
directs
lorsqu'ils
y
trouvent
intérêt.
Par
ailleurs,
toute
réduc
tion
des
prêts
distribués
par
les
institutions
financières
oblige
à
étaler
les
coûts
fixes
sur
une
base
plus
étroite,
ce
qui
tend
à
augmenter
le
taux
des
prêts.
Ces
trois
mécanismes
sont
interdépendants
et
définissent
un
jeu
complexe
entre
les
taux
de
marché
et
le
coût
du
crédit.
Et
notre
projet
consiste
à
analyser
l'interaction
de
ces
effets
dans
un
modèle
aussi
simple
que possible
pour
appré
cier
leur
incidence
sur
le
processus
de
transmission
de
la
politique
monétaire.
Nous
cherchons
plus
particulièrement
à
étudier
la
façon
dont
ce
processus
peut
être
affecté
par
la
désintermédiation
ou,
ce
qui
revient
au
même,
par
une
réduc
tion
du
coût
d'accès
au
marché.
Nous
précisons,
dans
un
premier
temps,
les
hypothèses
de
comportement
des
entreprises
et
des
banques,
dont
nous
déduisons
l'équilibre
du
marché
du
crédit.
Nous
analysons
ensuite
l'incidence
d'une
variation
du
taux
d'intérêt
de
marché
sur
les
taux
et
les
volumes
de
crédit
en
fonction
des
conditions
de
concurrence
entre
banques.
Enfin,
nous
étudions
les
effets
d'une
variation
du
coût
d'accès
au
marché
et
d'une
variation
du
risque.
LES
CHOIX
FINANCIERS
DES
ENTREPRISES
On
suppose
qu'il
existe
N
banques
identiques
et
M =
mN
entreprises
identi
ques.
Toutes
sont
neutres
au
risque.
Les
entreprises
financent
de
façon
externe
leur
activité
et
leurs
projets.
On
normalise
à
1
la
demande
de
financement
de
chaque
entreprise.
Toutes
génèrent
un
même
revenu
moyen
d'exploitation,
R.
Elles
se
caractérisent
individuellement
par
leur
probabilité
de
remboursement,
qui
est
une
information
privée.
La
distribution
F()
et
la
densité
J{)
des
probabili
tés
de
remboursement
sont
une
information
publique1.
On
supposera,
pour
sim-
1.
Notre
formulation
des
caractéristiques
des
entreprises
s'inspire
de
Mankiw
[1986].
286
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