Effets secondaires au cours du traitement de la tuberculose à

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INT J TUBERC LUNG DIS 8(11): 1382–1384
© 2004 IUATLD
COURTE COMMUNICATION
Effets secondaires au cours du traitement de la tuberculose à
germes multirésistants : résultats de l'initiative DOTS-Plus
E. Nathanson,* R. Gupta,* P. Huamani, † V. Leimane,‡ A. D. Pasechnikov,§ T. E. Tupasi,¶
K. Vink,# E. Jaramillo,* M. A. Espinal*
†
‡
* Stop TB Department, World Health Organization, Geneva, Switzerland ; Socios En Salud, Lima, Peru ; State
§
Centre of Tuberculosis and Lung Diseases of Latvia, Riga, Latvia ; MDR-TB Project in Tomsk Oblast, Partners
in Health/Harvard Medical School, Tomsk, Russian Federation ; ¶ Tropical Disease Foundation, Makati Medical
#
Center, Manila, Philippines ; Lung Clinic, Tartu University Clinics, Tartu, Estonia
_______________________________________________________________________________RESUME
Des effets défavorables associés aux médicaments de deuxième ligne ont été signalés comme obstacles à la prise
en charge des tuberculoses à germes multirésistants (TB-MR). Les données concernant les effets défavorables ont
été recueillies dans cinq sites DOTS-Plus en Estonie, en Lituanie, au Pérou (Lima), aux Philippines (Manille) et
dans la Fédération Russe (Oblast de Tomsk). Les résultats montrent que parmi 818 patients enrôlés dans un
traitement TB-MR, 2% seulement ont dû arrêter le traitement, mais que chez 30%, l'existence d'effets défavorables a exigé de retirer du régime les médicaments suspectés. L'étude montre qu'il est possible de prendre en
charge les effets défavorables dans le traitement de la TB-MR dans des contextes à ressources limitées, pourvu
que l'on applique les stratégies standard de prise en charge.
MOTS CLE : TB-MR ; DOTS-Plus ; effets secondaires ; médicaments de deuxième ligne
LA TUBERCULOSE à germes multirésistants
(MDR-TB), définie comme une TB résistante au
moins à l'isoniazide et à la rifampicine, est une
menace pour le DOTS, stratégie recommandée par
l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) pour la
lutte antituberculeuse. En 1999, l'OMS et ses partenaires ont mis en route le DOTS-Plus pour la
MDR-TB ; cette initiative avait comme but de
développer une politique à l'échelle mondiale pour
la prise en charge de la MDR-TB et de permettre
l'évaluation de l'utilisation rationnelle de médicaments de seconde ligne. Faisant partie de ce processus et sous la surveillance continue du Green
Light Committee (GLC), on a développé plusieurs
projets-pilote DOTS-Plus pour évaluer la faisabilité et le rapport coût/efficacité de l'utilisation de
médicaments de deuxième ligne pour la prise en
charge de la MDR-TB.1 L'adhésion au traitement
est un facteur critique dans la prise en charge de la
MDR-TB et les effets secondaires associés aux
médicaments de deuxième ligne pourraient avoir
un impact sévère sur l'adhésion.2 On ne dispose
que de preuves limitées des effets secondaires dans
les contextes à ressources limitées.3-6 Ce rapport
présente des données sur les effets secondaires en
provenance de cinq projets-pilote DOTS-Plus dans
des contextes à ressources limitées.
POPULATION ETUDIEE ET METHODES
Les données ont été recueillies en utilisant un formulaire standard de recueil des données en provenance de sites en Estonie, en Lituanie, au Pérou
(Lima), aux Philippines (Manille) et dans la Fédération Russe (Oblast de Tomsk).On a demandé aux
différents sites de sélectionner dans une liste de 25
effets secondaires, mais on leur a aussi donné l'opportunité d'ajouter d’autres effets secondaires On a
pris en considération pour l'analyse les patients
enrôlés dans chaque site qui avaient achevé au
moins un mois de traitement entre octobre 1998 et
décembre 2002.
Les effets secondaires ont été évalués pour les
médicaments de deuxième ligne selon la Liste
Modèle OMS des Médicaments Essentiels : amikacine (AMK), capréomycine (CM), ciprofloxacine
(CFX), cyclosérine (CS), éthionamide (ETH), kanamycine (KM), ofloxacine (OFX), acide paraaminisalicylique (PAS),et prothionamide (PTH).
Les médicaments appartenant à une même classe
pharmaceutique ont été regroupés comme suit :
Auteur pour correspondance: Eva Nathanson, TB/HIV and Drug Resistance, Stop TB Department, World Health
Organization, 20, Avenue Appia, CH-1211 Geneva, Switzerland. Tel: (+41) 22 791 18 54. Fax: (+41) 22 791 42 68. email: [email protected]
[Traduction de l'article " Adverse events in the treatment of multidrug-resistant tuberculosis: results from the DOTS-Plus
initiative " Int J Tuberc Lung Dis 2004; 8(11): 1382-1384.]
2 The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
Tableau 1 Continuité du traitement chez les patients enrôlés pour un traitement MDR-TB et inclus dans cette analyse (Estonie, Lituanie, Pérou [Lima], Philippines [Manille], Russie [Oblast Tomsk])
Patients enrôlés pour traitement MDR-TB
Patients avec arrêt du traitement en raison
d'effets secondaires
Patients avec retrait de médicament(s)
suspecté(s) en raison d'effets secondaires
Estonie
n (%)
Lituanie
n (%)
Perou
(Lima)
n (%)
Philippines
(Manille)
n (%)
136 (16,6)
367 (44,9)
73 (8,9)
85 (10,4)
157 (19,2)
818 (100)
4 (2,9)
6 (1,6)
0 (0)
7 (8,2)
0 (0)
17 (2,1)
58 (42,6)
89 (24,2)
25 (34,2)
42 (49,4)
0,34-0,51*
0,20-0,29*
0,23-0,45*
0,39-0,60*
Russie
(Oblast Tomsk)
n (%)
31 (19,7)
0,14-0,26*
Total
n (%)
245 (30,0)
0,27-0,33*
*Limite de confiance 95%
MDR-TB = tuberculose à germes multirésistants (résistance à au moins isoniazide et rifampicine)
AMK et KM comme aminoglycosides, ETH et
PTH comme thioamides et CFX et OFX comme
fluoroquiolones. Les médicaments ont été administrés aux dosages quotidiens suivants : AMK (1.000
mg ou 15 mg/kg), CM (1.000 mg), CS (500-1.000
mg), CFX (750-1.500 mg), OFX (600-800 mg),
PAS (8-12 g) et PTH (500-1.000 mg).Les aminoglycosides et CM ont été administrés pendant des
périodes de 6 à 12 mois et les autres médicaments
pendant 18 à 24 mois. Les régimes thérapeutiques
ont varié en fonction des projets puisque le traitement a été façonné en fonction des types de résistance à l'égard des médicaments.
RESULTATS
On a enrôlé au total 818 patients dans l'étude, 136
en Estonie, 367 en Lituanie, 73 au Pérou (Lima),
85 aux Philippines (Manille) et 157 dans la Fédération de Russie (Oblast de Tomsk). Seuls 2,1% des
patients (17/818) ont du arrêter le traitement mais
chez 30% (245/818), l'apparition d'effets secondaires a exigé le retrait du(des) médicament(s) suspecté(s) (Tableau 1). Au Tableau 2, figurent les résultats pour les effets secondaires survenus dans au
moins deux projets et chez plus de 1% de l'échantillon de population (22 sur un total de 70 effets
secondaires). Pour garantir la cohérence dans le
rapport des médicaments suspectés, nous ne présentons que les médicaments suspectés dans au
moins deux projets en raison d'un effet secondaire
particulier. Les cinq effets secondairess les plus
fréquents ont été nausées/vomissements (32,8%),
diarrhée (21,1%), arthralgie (16,4%), étourdissements/vertiges (14,3%) et troubles de l'audition
(12%) (Tableau 2).
DISCUSSION
Ces données constituent la première preuve disponible de la prévalence des effets secondaires associés à l'emploi de médicaments de deuxième ligne
dans le cadre des projets–pilote DOTS-Plus approuvés par le GLC dans des contextes à ressour-
ces limitées et sous les auspices du programme
national de lutte antituberculeuse. Bien que la prise
en charge de la MDR-TB soit une intervention de
santé complexe exigeant une thérapie avec de
nombreux médicaments pendant 18 à 24 mois,
cette étude démontre que les réactions défavorables
ne semblent pas être un obstacle majeur à l'élaboration des projets DOTS-Plus. Des études entreprises
dans des contextes à ressources non-limitées
(Etats-Unis et Hong-Kong) montrent que respectivement 30% et 19% des patients atteints de MDRTableau 2 Fréquence des effets secondaires et agents
suspectés parmi 818 patients traités pour MDR-TB en Estonie,
en Lituanie, au Pérou (Lima), aux Philippines (Manille) et en
Fédération de Russie (Oblast Tomsk) MDR-TB
Effets défavorables*
Nausée/vomissement
Diarrhée
Arthralgie
Etourdissement/vertige
Troubles de l'audition
Maux de tête
Troubles du sommeil
Troubles ioniques
Douleurs abdominales
Anorexie
Gastrite
Neuropathie périphérique
Dépression
Tintement d'oreille
Réaction allergique
Eruption
Troubles de la vue
Attaque d'apoplexie
Hypothyroïdie
Psychose
Hépatite
Insuffisance
rénale/néphrotoxicité
Agent(s)
†
suspect(s)
PAS, TM, FQ
PAS, TM
FQ, TM, CS, AG
CS, CM, AG, FQ
CM, TM, AG
CS, FQ
CS, FQ
CM, TM
PAS, TM
PAS, TM
TM, PAS
TM, AG, CS
CS
CM, CS, AG
FQ
FQ, PAS
CS, TM
CS
TM, PAS
CS
TM
AG, CM
Atteints
n (%)
268 (32,8)
173 (21,1)
134 (16,4)
117 (14,3)
98 (12,0)
96 (11,7)
95 (11,6)
94 (11,5)
88 (10,8)
75 (9,2)
70 (8,6)
65 (7,9)
51 (6,2)
42 (5,1)
42 (5,1)
38 (4,6)
36 (4,4)
33 (4,0)
29 (3,5)
28 (3,4)
18 (2,2)
9 (1,2)
* On a repris dans la liste les événements défavorables présents dans au moins deux projets et dans plus de 1% de la
même population.
†
Pour garantir la cohérence, on a présenté seulement les
médicaments suspectés d'un effet secondaire particulier dans
au moins deux projets.
MDR-TB = tuberculose à germes multirésistants (résistance à
au moins isoniazide et rifampicine) ; PAS = acide paraaminosalicylique ; TM = thioamides ; FQ = fluoroquinolones ;
CS = cyclosérine ; AG = aminoglycosides ; CM = capréomycine
Effets secondaires au cours du traitement de la TB-MR
TB ont du arrêter le(s) médicament(s) suspect(s) à
cause d'effets défavorables.7,8 Ces observations
sont similaires aux résultats enregistrés pour notre
cohorte de patients MDR-TB et suggèrent que des
effets secondaires peuvent également être pris en
charge de manière adéquate dans des contextes à
ressources limitées. Il y plusieurs explications aux
différences du nombre de patients qui ont du arrêter la prise du(des) médicament(s) en raison d'effets défavorables en Lituanie et dans la fédération
de Russie par rapport à ceux d'Estonie et des Philippines (Tableau 1). Il existe des différences dans
la formation des travailleurs de santé et dans leur
capacité à détecter les effets secondaires ainsi que
dans l'emploi des différents régimes de traitement
et de combinaisons de médicaments. Seuls 2,1%
des patients ont du arrêter le traitement en raison
d'effets défavorables. Ceci est probablement du à
l'agressivité des stratégies de prise en charge adoptées par les projets DOTS-Plus ; ceux-ci comprennent des dosages alternatifs quand c'est approprié,
l'administration de médicaments annexes pour le
traitement des effets défavorables et l'arrêt de certains médicaments ; de plus, tous les projets ont
programmé une formation spéciale en matière d'effets secondaires suite à des médicaments de
deuxième ligne et ont élaboré des protocoles standard pour leur enregistrement. Les effets secondaires peuvent être détectés par les travailleurs de
santé de la collectivité et par les infirmières, mais
dans l'ensemble des cinq sites, les diagnostics ont
été confirmés par un médecin.
CONCLUSIONS
Cette analyse comporte des limitations. Premièrement, les projets n'utilisent pas les définitions standardisées des effets secondaires, de leur diagnostic
ni de leur degré de sévérité. Par voie de conséquence, la fréquence et la sévérité des effets rapportés peuvent avoir varié selon les projets. Ensuite, pour traiter les patients atteints de MDR-TB,
la plupart des programmes utilisent des médicaments supplémentaires de première ligne et de
seconde ligne qui sont aussi associés à des effets
défavorables. Il en résulte qu'alors que nous présentons les médicaments « suspectés » de causer
des effets défavorables, d'autres médicaments peuvent y avoir contribué. De plus, ce groupe de patients a utilisé des médicaments de deuxième ligne
(entre autres ceux de la Liste Modèle OMS des
3
Médicaments Essentiels) fournis par une même
agence d'approvisionnement pour garantir la qualité des médicaments. La qualité des médicaments
de première et de deuxième ligne n'est pas réglée
de la même façon et ceci peut être un facteur associé à des effets défavorables. Enfin, dans certains
groupes, des conditions présentes au départ peuvent avoir été signalées comme effets secondaires
entraînant une surestimation des effets dans la
population. Malgré ces limitations, chez 98% des
patients atteints de MDR-TB et traités avec des
médicaments de deuxième ligne dans cinq sites, il
a été possible d'éviter l'arrêt complet du traitement.
Néanmoins, afin de promouvoir une utilisation
efficiente et rationnelle des médicaments de
deuxième ligne dans les contextes DOTS-Plus, il
faudrait élaborer des protocoles standard pour la
prise en charge des effets secondaires en se basant
sur la validation des protocoles existants.
Remerciements
Ce travail a été soutenu financièrement en partie par les dons
faits à l'OMS par la Bill and Melinda Foundation et par l'United States Agency for International development.
Références
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transparency in partnerships for health: introducing the
Green Light Committee. Trop Med Int Health 2002; 7:
970-976.
2 World Health Organization. Guidelines for establishing
dots-plus pilot projects for the management of MDR-TB.
In: Gupta R, Arnadottir T, eds. WHO/CDS/TB/2000.279.
Geneva, Switzerland: WHO, 2000.
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2001; 345: 170-174.
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cost-effectiveness of a standardised second-line drugs
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serious adverse events in patients receiving community
based therapy for multidrug-resistant tuberculosis. Int J
Tuberc Lung Dis 2001; 5: 648-655.
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therapy for multidrug-resistant tuberculosis in Lima, Peru.
N Engl J Med 2003; 348: 119-128.
7 Goble M, Iseman M D, Madsen L A, Waite D, Ackerson
L, Horsburgh C R Jr. Treatment of 171 patients with pulmonary tuberculosis resistant to isoniazid and rifampin. N
Engl J Med 1993; 328: 527-532.
8 Yew W W, Chan C K, Chau C H, et al. Outcomes of
patients with multidrug-resistant pulmonary tuberculosis
treated with ofloxacin/levofloxacin-containing regimens.
Chest 2000; 117: 744-751.
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