Rééducation après chirurgie fonctionnelle multi

Introduction
Ce travail expose :
le protocole de rééducation postopératoire appliqué depuis 1999 au Centre Médico-
Chirurgical de Réadaptation des Massues en service de rééducation pédiatrique dans
la prise en charge de 51 enfants et adolescents Infirmes Moteurs Cérébraux après une
chirurgie de lutte contre la triple flexion (1) ;
une étude statistique sur les résultats d’un certain nombre de paramètres mesurés en
préopératoire et en fin de séjour, à partir des 30 premiers dossiers d’enfants opérés
reçus de 1999 à 2003.
Ces patients ont tous été opérés par la même équipe chirurgicale, du service de
chirurgie orthopédique infantile du Professeur J. Bérard et du Docteur F. Chotel, de l’hô-
pital Debrousse du CHU de Lyon.
Avant d’être opérés, tous les patients font l’objet d’un bilan par la même équipe,
coordonnée par le Docteur C. Bérard, au centre de jour de rééducation pédiatrique de
l’Escale, à l’hôpital Lyon Sud. Les enfants sont recrutés par les services de l’Escale et de
l’hôpital Debrousse.
L’unité de lieu de ces bilans assure une cohésion dans les informations recueillies,
indispensable pour cibler le plus justement possible les gestes chirurgicaux.
Les bilans sont discutés en consultation multidisciplinaire à l’Escale, en présence de
l’équipe de l’hôpital Debrousse qui va prendre en charge l’acte chirurgical retenu, ainsi
que le suivi postopératoire immédiat. Ces bilans font l’objet d’une observation écrite
codifiée, de séquences vidéographiques, et sont parfois complétés par une Analyse
Quantifiée de la Marche (AQM). Ils sont transmis aux médecins qui vont être amenés à
suivre le patient en rééducation postopératoire.
Les objectifs thérapeutiques sont les suivants (2) :
– prévention des dégradations qui vont apparaître au cours de la croissance staturale et
pondérale de l’enfant (aggravation de la triple flexion pouvant aboutir à une perte de
la marche ou de l’autonomie de déplacement, troubles rotationnels osseux, douleur
Rééducation après chirurgie fonctionnelle multi-
sites de lutte contre la triple flexion chez des
enfants IMC marchant ou déambulant. Analyse
statistique des résultats à court et moyen terme
J.-C. Bernard, É. Morel, É. Loustalet, R. Bard, A. Pujol, P. Adelen et A. Milioni.
Avec la participation de : E. Chaléat-Valayer, M. Schneider et M. Bagnol
des genoux par conflit fémoro-patellaire, déformation progressive et douleur des pieds,
accentuation de l’hyperlordose lombaire avec lombalgies) ;
amélioration de la fonction de déambulation (afin d’arriver à faire progresser ou à
supprimer les aides techniques, à augmenter le périmètre de marche et à diminuer le
coût énergétique de la marche, ou simplement à retrouver une marche d’intérieur
perdue ou en voie de l’être) ;
– amélioration de la qualité (esthétique) de la marche.
Environ une semaine à dix jours après la chirurgie, l’enfant est admis en service de
rééducation pédiatrique où la prise en charge spécifique et intensive va se dérouler
conjointement à la poursuite de la scolarité.
Principes de la chirurgie multisites en un seul temps
opératoire et du transfert distal du droit antérieur
Sutherland (3) réalise la ténotomie proximale du rectus femoris,mais c’est Gage (4, 5)
qui propose le transfert distal du rectus femoris pour faciliter la flexion du genou lors de
la phase oscillante de la marche et pour diminuer la spasticité du système extenseur.
L’indication de transfert est retenue quand le test Duncan-Ely à l’examen clinique est
positif, que l’électromyogramme dynamique démontre une activité continue du rectus
femoris durant la phase oscillante et une diminution d’au moins 15° de la flexion du
genou en phase oscillante, à condition qu’il n’y ait pas d’activité spastique associée des
chefs monoarticulaires du quadriceps.
Il est important de réaliser cette intervention de transfert, associée à un allongement
des fléchisseurs de hanches et de genoux (multisites) en un seul temps opératoire plutôt
qu’à des temps successifs, de façon à normaliser les paramètres de marche à tous les
niveaux et dans tous les plans , car ils sont interdépendants.
Pour Gage (6), les prérequis d’une marche normale sont :
– stabilité en phase d’appui ;
– liberté du passage du pas lors de la phase oscillante ;
– prépositionnement correct du pied en fin de phase oscillante ;
– longueur du pas suffisante ;
conservation d’énergie afin que la marche soit la plus économique et la moins fatigante
possible.
En phase d’appui, le genou assure l’absorption du choc dû à la réaction au sol, la
conservation d’énergie (amortisseur), et la stabilité. En phase oscillante, le genou parti-
cipe à l’absence d’accrochage du pied. Pour accomplir ces fonctions, le genou doit
s’étendre presque complètement en phase d’appui et se fléchir approximativement à 60°
lors du pas oscillant.
94 La marche de l’infirme moteur cérébral enfant et adulte
Dans la marche en triple flexion de l’IMC spastique, l’allongement isolé des ischio-
jambiers transforme souvent une démarche genoux fléchis, en genoux tendus raides avec
une flexion de genoux insuffisante en phase oscillante. Ce changement indésirable est dû
aux co-contractions spastiques du quadriceps alors que les ischio-jambiers sont affaiblis
par la chirurgie.
On observe une amélioration de la fonction du genou chez les patients IMC spas-
tiques quand l’allongement partiel des ischio-jambiers est associé à un transfert du
tendon distal du droit antérieur, soit sur la bandelette ilio-tibiale, soit sur le tendon distal
du demi-tendineux, à condition que les chefs mono-articulaires du quadriceps ne soient
pas spastiques (7, 8, 9).
Öunpuu (10) a montré que le tranfert du rectus femoris pouvait se faire soit sur la
partie interne du genou en s’insérant sur le sartorius,sur le semi-tendinosus ou sur le
gracilis,soit sur la partie externe du genou en s’insérant sur la bandelette ilio-tibiale.
L’Analyse Quantifiée de la Marche réalisée avant puis un an après l’opération montre
une augmentation de la mobilité du genou avec une augmentation de l’extension au
contact initial et au milieu de la phase d’appui ainsi que le maintien de la flexion en
phase oscillante.
Il n’y a pas de différence significative entre les quatre sites de transfert et cette inter-
vention n’a pas d’incidence sur l’angle du pas.
La comparaison (11) des patients opérés par transfert du droit antérieur et des
patients opérés par ténotomie distale du droit antérieur à une population d’enfants IMC
non opérée montre que le transfert du droit antérieur doit être proposé dès que la mobi-
lité du genou en flexion est inférieure à 80 % de la normale en préopératoire.
L’importance de l’analyse tridimensionnelle de la marche avant décision chirurgicale
a bien été démontrée par DeLuca (12) qui compare, pour une même population de
patients IMC, les conclusions faites après examens clinique et vidéographique puis après
Analyse Quantifiée de la Marche (AQM). L’AQM a modifié les indications chirurgicales
pour 52 % des patients avec une augmentation des indications pour les jumeaux (59 %),
les droits antérieurs (65 %) et une diminution pour les autres sites habituels y compris
les gestes osseux.
L’effet de l’aponévrotomie des jumeaux sur la cinématique et la cinétique de l’arti-
culation de la cheville lors de la marche a été évalué chez 20 patients (24 côtés) IMC
déambulants (13). L’AQM a montré à un an postopératoire :
l’absence d’effondrement en « crouch gait » (principal risque de l’allongement trop
important du tendon d’Achille) ;
une amélioration du prépositionnement du pied au contact initial par une meilleure
extension de genou alors que la dorsiflexion du pied ne change pas ;
une augmentation de la dorsiflexion en phase d’appui et en phase oscillante, associée
à une diminution de l’énergie anormale produite au niveau de la cheville en milieu de
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phase d’appui et à une augmentation de l’énergie générée en fin de phase d’appui pour
la propulsion (14, 15).
L’électromyographie dynamique pré- et postopératoire utilisée chez des enfants IMC
a permis de montrer (16) que lorsque l’activité des muscles responsables de la déforma-
tion s’exerçait exclusivement sur une partie du cycle de marche, les transferts appropriés
étaient réalisés, alors que si l’on observait une activité musculaire anormale continue, on
réalisait un allongement tendineux. La fonction désirée a été obtenue chez tous les
patients six mois après la chirurgie.
Techniques chirurgicales employées dans le service
du Professeur Bérard et du Docteur Chotel
à l’hôpital Debrousse
(17)
Tous les gestes cités ne sont pas systématiquement réalisés, mais l’idée d’une chirurgie en
un seul temps opératoire est habituelle, orientée par l’analyse préopératoire de la hanche,
du genou et du pied lors de la marche.
Gestes sur les tendons et muscles
Hanches
Ténotomie du psoas majeur à l’arcade.
Ténotomie des fibres les plus antérieures du tenseur du fascia-lata au niveau de l’EIAS.
Ténotomie percutanée des adducteurs ou allongement modéré selon la technique de
Green.
– Ténotomie du droit interne au niveau de l’ischion ou dans sa partie distale si le droit
antérieur est transféré sur le droit interne.
Genoux
Allongement des ischio-jambiers internes : le demi-tendineux, par deux ou trois
sections étagées de l’aponévrose en zone musculaire ou allongement tendineux en Z ;
le demi-membraneux est allongé par fenestration aponévrotique selon la technique de
Green.
Transfert du droit antérieur à la face interne du vaste interne en direction des ischio-
jambiers où il est suturé au droit interne, genou à 30° de flexion.
– Abaissement de rotule au moyen d’une cordelette PDS, de façon à ce que le pôle infé-
rieur de la rotule soit au niveau de l’interligne articulaire ; libération des bords laté-
raux du tendon rotulien : la moitié interne du tendon rotulien (désinsérée du pôle
inférieur de la rotule) est suturée sur la rotule sous tension, la moitié externe du tendon
est suturée sur elle-même en paletot.
96 La marche de l’infirme moteur cérébral enfant et adulte
Pieds
Strayer (désinsertion basse des muscles gastrocnémiens : l’aponévrose des gastrocné-
miens est sectionnée transversalement juste en dessous de la masse charnue des corps
musculaires) plutôt qu’allongement d’Achille.
Transfert d’un hémi-jambier antérieur sur le cuboïde ou transfert du jambier antérieur
sur le 3ecunéiforme.
– Transfert d’un péronier antérieur sur le scaphoïde.
– Mac Bride pour correction d’hallux valgus.
Gestes osseux
Dérotation fémorale : dérotation de la partie distale du membre en rotation externe.
Ostéosynthèse par plaque à compression 6 trous adaptée à la taille de l’enfant.
– Dérotation interne tibiale, ostéosynthèse par plaque.
Dwyer calcanéen : en cas de varus fixé non réductible de l’arrière-pied on réalise une
ostéotomie de fermeture externe du calcaneum.
– Evans : intervention destinée à allonger l’arche externe du pied pour corriger l’abduc-
tion de l’avant-pied et le varus calcanéen.
– Mosca, variante de l’Evans : ostéotomie d’allongement du calcanéum pour correction
d’abduction d’avant-pied.
– SAMT : arthrodèse sous-astragalienne et médio-tarsienne.
Gestes associés
Abaissement de rotule par plicature simple du tendon rotulien.
– Ténotomie distale du biceps fémoral ou allongement du biceps fémoral.
Hémi-transfert du jambier postérieur sur la base du 5emétatarsien ou allongement
transmusculaire du jambier postérieur.
– Désinsertion proximale du droit antérieur ou désinsertion basse du droit antérieur.
– Ténotomie du court péronier latéral.
– Aponévrotomie plantaire.
– Capsulotomie au niveau de la hanche.
Aponévrotomie du soléaire selon la technique de Vulpius.
Aponévrotomie des muscles péroniers.
Allongement percutané modéré du tendon d’Achille ou allongement par plastie en Z.
Protocoles postopératoires
Le protocole rééducatif postopératoire s’inspire très largement de celui préconisé par
Gage (18) : la verticalisation et la marche sont réalisées dès que possible ; seuls les temps
de consolidation osseuse et de transferts tendineux diffèrent la mise en charge et la
reprise de la marche.
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