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C’est donc cet aspect de la réalisation sur le terrain qui a retenu notre attention, dans un temps et
un lieu où les actions individuelles et collectives prenaient un relief particulier du fait de la guerre : il
s’agit de Lyon et de ses alentours (qui débordent parfois assez largement le département du Rhône) et la
période 1940-1945 et parfois bien au-delà pour des missions directement liées au conflit (recherches et
identifications de victimes). La Croix-Rouge a certes joué un rôle important dans toute la France occupée
et non occupée -la zone dite « libre » ne le sera plus dès novembre 1942- elle sera de tous les
bombardements, de tous les débarquements, de toutes les libérations, pour ne citer que les actions les plus
évidentes, mais à « Lyon capitale » (sous-entendu de la Résistance
2
) ces actions ont pris un éclat
particulier.
Certes la Croix-Rouge a eu aussi ses carences, les critiques n’ont pas manqué… notamment sur
son action ou absence d’action à l’égard des Israélites et autres persécutés raciaux et politiques (N.N.),
mais faut-il, dès le départ rappeler avec JC Favez, les termes de la Convention, dite de Genève, qui ne
protège -jusqu’en 1949- que les combattants de guerre entre Etats mais non les civils ? L’action de la
Croix-Rouge internationale ne pouvait se faire que dans un cadre juridique encore très limité, et c’est
précisément l’ampleur des horreurs de la guerre qui a permis l’évolution en faveur des victimes civiles et
non plus militaires. Faut-il aussi rappeler que les Croix-Rouges nationales, organismes privés, étaient
cependant tributaires des cadres institutionnels de leur Etat, qui étaient eux-même…sous la botte de
l’occupant. Dans la réalité ces cadres ont été, d’ailleurs, allègrement transgressé quand c’était possible,
comme en témoignent certains exemples qui constituent notre recherche… En toute rigueur historique il
faut se garder de jugements péremptoires qui ne sont pas à l’abri d’anachronismes. Que savait-on ? Que
pouvait-on faire ? Si cette étude modestement permet de mesurer avec plus de rigueur l’ampleur des
actions et permet de les confronter sans « à priori » au champ des possibles, alors nous aurons réussi notre
propos….
Une histoire de la Croix-Rouge française pendant la 2
ème
Guerre mondiale reste à faire. Notre
recherche , elle, se consacre à un espace limité, même s’il s’agit d’un espace « charnière », cela en
fonction d’une documentation tout d’abord personnelle, disons familiale et amicale, conservée
soigneusement par les quelques participants encore vivants, aux actions de cette Croix-Rouge, actions
commencées pendant la guerre et poursuivies au-delà. C’est cette documentation qu’il s’agit de mettre à
la disposition des chercheurs et que l’on a essayé de rassembler, parfois de compléter mais avec quelles
difficultés ! Car la réalité est là, les documents d’origine qui nous auraient été si précieux, en particulier
ceux concernant l’organisation de la Croix-Rouge lyonnaise ont disparu, l’organisation centrale
(parisienne) ou a fortiori les organisations locales n’ayant pris que très tardivement conscience de
l’intérêt de conserver les témoignages du cadre des actions sur le terrain. Un service d’Archives de la
CRF : Direction de la Communication et du Développement des ressources, depuis peu dans les locaux
de l’Hôpital Broussais
3
a été créé en 2000, il a été bien sûr consulté, mais la récolte ne concernait que les
aspects très juridiques et administratifs de la CRF avec d’ailleurs de nombreuses lacunes pour la période
1940-45. Les Archives départementales : Archives du Rhône, Section Moderne
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recèle une
documentation riche, mais les actions de la Croix-Rouge n’apparaissent qu’au travers de certains épisodes
particulièrement dramatiques comme le massacre à St Genis-Laval ou la fusillade de la rue Tronchet…
Episodes dont le « Mémorial de l’Oppression » du Commissariat de la République (Région Rhône-
Alpes) sous la direction du Professeur Mazel, paru en avril 1945, rend compte avec une remarquable
précision et rigueur scientifique en s’appuyant notamment sur les témoignages des équipes de la Croix-
Rouge, souvent aux premières loges. Il existe bien aux Archives du Rhône des rapports concernant les
bombardements de 1944 et l’aide fournie aux populations sinistrées, aide à laquelle les secouristes Croix-
Rouge ont -avec beaucoup de dévouement- participé, mais dans la documentation cette action se distingue
rarement de celle de la Défense Passive, ainsi en est-il dans l’ouvrage essentiel de Georges Gilonne
« Lyon de guerre : sous les bombes, pendant la Libération »
5
ou DP et CRF sont réunis en un seul et
même « hommage à ceux de la Défense Passive et de la Croix-Rouge française ».
2
« Lyon capitale » titre d’un ouvrage d’Henri Amoretti éditions France Empire (1964)
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98 rue Didot Paris (14
ème
)
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57 rue Servient Lyon (3
ème
)
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Bacon Frères Imprimeurs (1945)