Séquence 9 Révolutions, libertés, nations, à l’aube de l’époque contemporaine Sommaire La Révolution française : l’affirmation d’un nouvel univers politique 1. La remise en cause de l’absolutisme 2. La France en révolution (1789-1804) Libertés et nations en France et en Europe dans la première moitié du XIXe siècle 1. Étude significative : L’abolition de la traite et de l’esclavage et son application 2. Étude significative : Les carbonari Un mouvement libéral et national en Europe dans la première moitié du XIXe siècle 3. Étude significative : Révolutions politiques, révolutions sociales en France et en Europe, en 1848 Séquence 9 – HG20 1 © Cned – Académie en ligne L a Révolution française L’affirmation d’un nouvel univers politique Introduction Ce sont deux chapitres très denses qui vous sont proposés puisqu’ils doivent expliquer la Révolution française. Le XVIIIe siècle est un temps d’ébullition en Europe et en Amérique. C’est une période de contestations, de révoltes, d’idées nouvelles (les Lumières) auxquelles on assiste sur un temps court (une quarantaine d’années). Trois questions majeures seront abordées dans cette étude : Problématique Comment naît la Révolution française ? Quels sont les grands enjeux politiques de cette période révolutionnaire ? Quelle est la profondeur de la rupture révolutionnaire dans les domaines politique, social, économique et culturel ? Plan : traitement de la problématique Notions clés Repères 1. La remise en cause de l’absolutisme A. Le modèle français confronté à de nouveaux systèmes politiques Monarchie absolue de droit divin, lois fondamentales, privilèges, Lumières, philosophes, monarchie parlementaire, Déclaration d’indépendance des États-Unis Analyse de textes Prise d’informations sur le cours B. Un modèle français en crise Société d’ordres, opinion publique, cahiers de doléances, États généraux Analyse d’un texte constitutionnel Analyse d’une caricature Analyse comparée de plusieurs textes Serment du jeu de paume, Assemblée constituante, Souveraineté de la nation, Prise de la Bastille, Nuit du 4 août, DDHC Frise chronologique Analyse de textes Analyse d’estampe Analyse d’un événement 2. La France en révolution (17891804) A. Fin de l’Ancien Régime Séquence 9 – HG20 3 © Cned – Académie en ligne B. De difficiles expériences politiques Monarchie constitutionnelle, Prise des Tuileries, République, Procès du Roi, Montagnards, Terreur, Robespierre, Directoire, plébiscite, Consulat C. Les grands bouleversements Clubs, presse, sans-culottes, en France rôle des femmes, réorganisation administrative, juridique, économique, Constitution civile du clergé, Concordat de 1801 4 Séquence 9 – HG20 © Cned – Académie en ligne Prise d’informations Analyse de gravures et de textes Comparaison entre 2 textes Analyse de textes Prise d’informations 1 Introduction La remise en cause de l’absolutisme Au XVIIIe siècle, la France est une monarchie absolue. Ce type de régime domine presque toute l’Europe, mais il est de plus en plus contesté. D’autres modèles politiques, notamment en Angleterre et surtout aux États-Unis, ont vu le jour. Ces nouveaux régimes politiques défendent des idées de liberté prônées par les philosophes des Lumières. Comment l’exemple des nouveaux modèles politiques et l’influence des philosophes favorisent-ils la critique de la monarchie absolue ? A Le modèle français confronté à de nouveaux systèmes politiques 1. La monarchie absolue de droit divin Document 1 Citation du discours de Louis XV au parlement de Paris le 3 mars 1766 « C’est en ma personne seule que réside la puissance souveraine ; c’est de moi seul que mes cours tiennent leur existence et leur autorité ; la plénitude de cette autorité, qu’elles n’exercent qu’en mon nom, demeure toujours en moi, et l’usage ne peut en être jamais tourné contre moi Définitions […]. C’est à moi seul qu’appartient le pouvoir législatif Lois fondamentales : lois que le roi sans dépendance et sans partage, que c’est par ma ne peut modifier, par exemple sur seule autorité que les officiers de mes cours procèles règles de la succession au trône dent, non à la formation, mais à l’enregistrement, à la publication, à l’exécution de la loi, que l’ordre public Privilèges : ce sont des avantages, tout entier émane de moi et que les droits et les intédes honneurs, des droits accordés rêts de la nation, dont on ose faire un corps séparé du à un individu ou à un groupe de la monarque, sont nécessairement unis avec les miens population (ville, province…) et ne reposent qu’en mes mains. » Question Quels sont les pouvoirs du roi ? Réponse Ses pouvoirs sont considérables : législatif, exécutif, judiciaire. Il détient la puissance souveraine. C’est pourquoi on parle de monarchie absolue de droit divin. Par la cérémonie du sacre, en effet, le roi tient son pouvoir de Dieu. En revanche, les pouvoirs du roi sont limités par des lois fondamentales et par les privilèges dont bénéficient de nombreux sujets. Séquence 9 – HG20 5 © Cned – Académie en ligne 2. Un mouvement de pensée nouveau contestant le pouvoir absolu : les Lumières Définitions Lumières : mouvement intellectuel qui veut libérer l’homme de tout ce qui peut l’empêcher de penser et agir selon sa raison. Ce mouvement de pensée défend la tolérance, le progrès, le bonheur, la liberté de penser et de s’exprimer. On comprend donc que ces penseurs ne peuvent que lutter contre le modèle absolutiste français. Ce mouvement se diffuse dans toute l’Europe et si ces nouvelles idées prennent le nom de Lumières, c’est parce que ces philosophes luttent contre l’obscurantisme. Ils s’opposent aux conceptions traditionnelles de l’Eglise (notamment ils refusent l’idée d’une révélation divine) mais ne sont pas forcément athées pour autant. Philosophes : nom donné à tous les savants, écrivains et hommes politiques qui réfléchissent sur la vie politique et l’organisation de la société. Leur philosophie est fondée sur la raison, l’esprit critique et le progrès. Les grands philosophes français qui incarnent ces Lumières sont : Voltaire, Montesquieu, Diderot, Rousseau. Faites des fiches biographiques de chacun de ces quatre personnages pour voir en quoi ils incarnent les Lumières. Je vous propose deux textes, l’un de Montesquieu, l’autre de Rousseau pour saisir les principaux enjeux politiques pour les Philosophes. Document 2 La séparation des Pouvoirs « Il y a, dans chaque État, trois sortes de pouvoirs : la puissance législative, la puissance exécutrice des choses qui dépendent du droit des gens, et la puissance exécutrice de celles qui dépendent du droit civil. Par la première, le prince ou le magistrat fait des lois pour un temps ou pour toujours, et corrige ou abroge celles qui sont faites. Par la seconde, il fait la paix ou la guerre, envoie ou reçoit des ambassades, établit la sûreté, prévient les invasions. Par la troisième, il punit les crimes ou juge les différends des particuliers. On appellera cette dernière la puissance de juger ; et l’autre, simplement la puissance exécutrice de l’État. La liberté politique dans un citoyen est cette tranquillité d’esprit qui provient de l’opinion que chacun a de sa sûreté ; et pour qu’on ait cette liberté, il faut que le gouvernement soit tel qu’un citoyen ne puisse pas craindre un autre citoyen. Lorsque, dans la même personne ou dans le même corps de magistrature, la puissance législative est réunie à la puissance exécutrice, il n’y a point de liberté, parce qu’on peut craindre que le même monarque ou le même sénat ne fasse des lois tyranniques pour les exécuter tyranniquement. Il n’y a point encore de liberté, si la puissance de juger n’est pas séparée de la puissance législative et de l’exécutrice. Si elle était jointe à la puissance législative, le pouvoir sur la vie et la liberté des citoyens serait arbitraire : car le juge serait législateur. Si elle était jointe à la puissance exécutrice, le juge pourrait avoir la force d’un oppresseur. 6 Séquence 9 – HG20 © Cned – Académie en ligne Tout serait perdu si le même homme, ou le même corps des principaux, ou des nobles, ou du peuple, exerçait ces trois pouvoirs : celui de faire des lois, celui d’exécuter les résolutions publiques, et celui de juger les crimes ou les différends des particuliers » Montesquieu De l’esprit des lois, 1748. Document 3 La Souveraineté du peuple Voltaire (1694-1778) met en avant le régime britannique où les habitants participent aux affaires de l’État. Dans ses réflexions philosophiques Rousseau (1712-1778) va plus loin encore en présentant dans le Contrat social de 1762 une situation idéale où le gouvernement serait issu de la volonté populaire, librement exprimée à l’intérieur d’une communauté donnée. « Le plus grand bien de tous, qui doit être la fin de tout système de législation, se réduit à ces deux objets principaux : la liberté et l’égalité […] La volonté générale peut seule diriger les forces de l’État, selon la fin de son institution qui est le bien commun […] Le peuple soumis aux lois en doit être l’auteur […] La puissance législative appartient au peuple et ne peut appartenir qu’à lui […] La loi n’étant que la déclaration de la volonté générale, les députés du peuple ne sont donc ni ne peuvent être ses représentants, ils ne sont que ses commissaires : ils ne peuvent rien conclure définitivement. Toute loi que le peuple en personne n’a pas ratifiée est nulle […] La voix du plus grand nombre oblige toujours tous les autres […] Le citoyen consent à toutes les lois, même celles qu’on passe malgré lui […] À l’instant que le gouvernement usurpe la souveraineté, le pacte social est rompu et tous les simples citoyens rentrés de droit dans leur liberté naturelle sont forcés mais n’ont pas obligés d’obéir. » Rousseau Du contrat social, 1762. Question sur les deux textes Réponse Quel est le système politique remis en cause par les deux auteurs ? Par quoi suggèrent-ils de le remplacer (doc. 2 et 3) ? Les deux philosophes critiquent fortement la monarchie absolue de droit divin. Ils insistent sur la nécessité de séparer les pouvoirs. Le roi ne peut pas concentrer tous les pouvoirs. Rousseau insiste davantage sur la participation des individus : « volonté générale… le peuple soumis aux lois en doit être l’auteur » et il parle de « citoyen », de « liberté » et « d’égalité ». On peut dire que face à la volonté du roi, ces philosophes opposent les droits naturels des hommes, comme la liberté et la résistance à l’oppression. Séquence 9 – HG20 7 © Cned – Académie en ligne Définition Droits naturels : ensemble des droits possédés par un homme dès sa naissance – comme la liberté – et qu’on ne peut pas lui enlever L’Encyclopédie dirigée par Diderot et d’Alembert entre 1751 et 1772 rassemble dans un choix d’articles toutes les idées des Lumières. La publication de cette Encyclopédie a été à plusieurs reprises interrompue, censurée par Louis XV. Mais, elle a permis de diffuser à l’ensemble du territoire français, les idées des Lumières auprès de la bourgeoisie et aussi parmi une partie de la noblesse : la noblesse éclairée. Pour autant, les philosophes des Lumières ne remettent pas en cause la monarchie. Ils s’inspirent du modèle anglais. 3. L’absolutisme face aux modèles étrangers En France, au XVIIIe siècle, le modèle anglais et la révolution américaine ont une grande influence sur tous ceux qui veulent en finir avec le modèle absolutiste. Le système anglais : une monarchie parlementaire Dans la deuxième moitié du XVIIe siècle, l’Angleterre est passée d’un régime à vocation absolutiste à un régime parlementaire qui par la suite exercera une fascination en France et dans le monde. Le processus s’est fait par étapes et on ne vous demande pas de les connaître toutes, mais juste d’en saisir les enjeux essentiels : 1679 : Habeas corpus : loi interdisant toute arrestation sans jugement, ceci pour mettre un terme à l’arbitraire du pouvoir royal. Le roi ne peut donc plus emprisonner quelqu’un sans qu’il y ait un procès. Cela réduit donc le pouvoir du roi ; 1688 : la Glorieuse Révolution aboutit à la mise en place d’une monarchie tempérée, parlementaire. Le nouveau roi, Guillaume d’Orange avait dû s’engager, par la Déclaration des droits de 1689 (Bill of Rights), à ne pas lever d’impôts sans l’accord du Parlement qui représentait les Anglais. Ainsi on voit bien que, contrairement au modèle français, les parlementaires anglais participent pleinement au gouvernement. Le roi ne gouverne donc pas seul. Cependant à l’époque, les élections au parlement ne sont absolument pas démocratiques (il faudra attendre le XIXe siècle), mais pour autant ce système est très attractif pour une partie des Français. L’influence de la révolution américaine En 1776, les 13 colonies insurgées qui forment les États-Unis d’Amérique se révoltent contre l’Angleterre pour plusieurs raisons : 8 Séquence 9 – HG20 © Cned – Académie en ligne le système de l’exclusif : les colons sont obligés d’acheter les produits de la métropole (Angleterre) et leurs productions sont réservées à l’Angleterre ; l’Angleterre veut imposer des taxes aux colons sans que leurs représentants puissent s’exprimer ; ils se révoltent contre la tyrannie du roi d’Angleterre et pour cela ils reçoivent l’appui et la sympathie des partisans des Lumières ; ils reçoivent même l’appui de Louis XVI (Lafayette s’engage aux côtés des insurgés) pour des raisons politiques (il s’agissait pour la France d’affaiblir l’Angleterre et de prendre une revanche après la guerre de sept ans gagnée par l’Angleterre en 1763). Ainsi, le 4 juillet 1776, les révoltés proclament, à Philadelphie, leurs intentions dans le texte de la Déclaration d’indépendance : Document 4 Extrait de la Déclaration d’indépendance (4 juillet 1776) « Nous tenons ces vérités pour évidentes par elles-mêmes : que tous les hommes naissent égaux, que leur créateur les a dotés de certains droits inaliénables parmi lesquels la Vie, e la Liberté et la recherche du Bonheur ; que pour garantir ces droits, les hommes instituent parmi eux des gouvernements dont le juste pouvoir émane du consentement des gouvernés, que si un gouvernement quelle qu’en soit la forme vient à méconnaître ces fins, le peuple a le droit de le modifier ou de l’abolir et d’instituer un nouveau gouvernement qu’il fondera sur tels principes et dont il organisera les pouvoirs selon telles formes qui lui paraîtront les plus propres à assurer sa Sécurité et son Bonheur… En conséquence, nous les représentants des États-Unis d’Amérique assemblés en congrès général, prenant le Souverain Juge de l’univers à témoin de la droiture de nos intentions, publions et déclarons solennellement au nom et par l’autorité de ces colonies, que ces colonies unies sont et de droit doivent être des États libres et indépendants… » Questions De quelles œuvres vous semblent inspirées les idées de la Déclaration ? D’après la deuxième partie du texte cité, quelle forme de gouvernement semble souhaitée par les Américains ? Parmi les « Droits inaliénables », lequel semble le plus important pour les rédacteurs de la Déclaration ? Réponses Les idées de la Déclaration sont inspirées des philosophes des Lumières, notamment de Rousseau, de Diderot. Les Américains souhaitent une démocratie pour garantir les droits des citoyens et éliminer toute trace de monarchie. Séquence 9 – HG20 9 © Cned – Académie en ligne Le plus important des « droits inaliénables » est la liberté pour laquelle les Américains se sont battus jusqu’à la victoire. Après 5 ans de combat, les insurgés l’emportent en 1781, et 2 années de négociations après l’Angleterre accepte, en 1783, l’indépendance des États-Unis d’Amérique. Les Américains se dotent alors d’une constitution, en 1787. Il s’agit d’une république respectant le principe de Montesquieu sur la séparation des trois pouvoirs. Cette république a toutes les apparences d’un système égalitaire et pourtant elle ne concerne que les Blancs propriétaires : l’esclavage ne disparaît pas et les Indiens ne sont pas considérés comme des Américains. Finalement, en intervenant aux États-Unis, Louis XVI a permis de mettre en place un régime politique démocratique totalement aux antipodes de l’absolutisme français. Ce faisant, il a creusé encore plus le déficit budgétaire de la France, précipitant la crise économique du Royaume. B Un modèle français en crise 1. Une société d’ordres bloquée Définition Société d’ordres : division de la société en trois groupes qui se différencient par leur fonction ou par leur naissance (noblesse, clergé et tiers état). Cette division de la société est héritée de l’organisation de la société féodale du Moyen Âge entre ceux qui prient : (le clergé), ceux qui combattent : (la noblesse) et ceux qui travaillent : (le tiers état). À la fin du XVIIIe siècle, la France compte environ 28 millions d’habitants. 98 % de la population appartient au tiers état. Les deux premiers ordres (clergé et noblesse) sont privilégiés : ces privilèges sont très variés mais surtout d’ordres juridiques et fiscaux (ils ne paient pas d’impôt direct et perçoivent des taxes et des redevances sur le monde rural). La noblesse est seule admise à la Cour, les grades de l’armée lui sont réservés. Cependant, il existe une grande hétérogénéité au sein des trois ordres. Clergé : de grandes différences apparaissent entre les membres du haut clergé (évêques, cardinaux) issus de familles nobles et très riches et les membres du bas clergé (curés, prêtres) souvent très pauvres. Noblesse : on voit une différence importante entre des membres appartenant aux grandes familles souvent très riches et certains gentilshommes campagnards souvent incapables de « tenir leur rang » faute de moyens, ce qui les rend d’autant plus attachés aux moindres privilèges (les redevances seigneuriales). Tiers état ou Tiers : les différences y sont encore plus importantes ; certains membres sont plus riches que des membres de la noblesse comme par exemple ceux de la haute bourgeoisie (financiers, armateurs, professions libérales), d’autres au contraire, les plus nombreux, sont paysans et ont du mal à subvenir à leur besoin. 10 Séquence 9 – HG20 © Cned – Académie en ligne Cette société figée dans le passé est une société bloquée. Avec la progression des idées des Lumières, la bourgeoisie entend jouer un rôle politique en raison de sa réussite économique. Dans ce système, il lui est impossible de le faire, car pour accéder au pouvoir, il faut appartenir à la noblesse. 2. La France vit trois crises majeures Au début de l’année 1789, la France est confrontée à 3 crises majeures Crise économique : depuis 1785 les conditions climatiques sont rigoureuses (sécheresse, pluies diluviennes, hiver 1788/1789 très froid), si bien que les récoltes sont insuffisantes, et celle de 1788 calamiteuse. Les petits paysans ne peuvent plus approvisionner les villes. On assiste à une flambée brutale des prix des grains plongeant le pays dans une disette. On voit à cette époque une augmentation des émeutes, des pillages devant cette crise de subsistance. L’agitation populaire est vive dans les villes et les campagnes. Crise sociale : face à la crise, les nobles ont tendance à demander encore plus de redevances à leurs paysans, ce qui engendre là aussi des émeutes. La bourgeoisie conteste de plus en plus les privilèges de la noblesse. Crise politique et budgétaire : la France connaît un grave déficit budgétaire (on vient de voir que la guerre pour aider les Américains a coûté cher). Les dépenses de la Cour sont toujours aussi importantes : soit 7 % de la richesse du Royaume. Il est nécessaire de réformer la fiscalité, mais les réformateurs se heurtent à l’opposition de la noblesse qui refuse la remise en cause de ses privilèges fiscaux. De plus, Louis XVI est considéré comme un roi faible entraînant une crise d’autorité. L’absolutisme est donc de plus en plus contesté. Touchée par les crises économiques et sociales, sensible aux idées véhiculées par les Lumières, une opinion publique est en train de se former qui va contester la monarchie. Louis XVI lui-même, et surtout sa femme, la reine Marie-Antoinette, sont souvent ridiculisés dans des pamphlets ou des caricatures. Définition Opinion publique : ensemble des idées, des opinions exprimées par ceux qui ne détiennent pas le pouvoir. Séquence 9 – HG20 11 © Cned – Académie en ligne Document 5 Caricature représentant les rapports entre les trois ordres ©RMN/Agence Bulloz. La caricature ci-dessus montre bien les oppositions entre les trois ordres et leurs rapports de plus en plus conflictuels. Description : un paysan courbé porte sur son dos un ecclésiastique (habit sombre) et un noble (épée). De petits mots (peu lisibles) indiquent ce que l’on reproche au clerc (la dîme : impôt en nature, part de récolte payable au clergé) et au seigneur (les droits seigneuriaux). Dans l’imagerie populaire, la paysannerie est écrasée sous le fardeau des impôts. Face à l’endettement du Royaume, et dans l’espoir de mettre fin aux crises, Louis XVI accepte de convoquer les États généraux pour le mois de mai 1789. Pour préparer cette consultation, il demande à ses sujets de lui faire connaître leurs revendications à travers les cahiers de doléances. 3. Les cahiers de doléances : les Français ont la parole Au printemps 1789, c’est presque 60 000 cahiers de doléances qui ont été rédigés en toute liberté, en vue de la tenue des États généraux. Dans chaque paroisse, chaque ordre recueille les principales critiques 12 Séquence 9 – HG20 © Cned – Académie en ligne de ses membres et désigne un député. C’est une formidable occasion de connaître ce que ressentent les Français, même s’ils ont tendance à exagérer la situation. Ces quatre extraits vont nous permettre de saisir les principales préoccupations des Français. Document 6 Extrait du cahier de doléances du village de Lauris, sénéchaussée d’Aix « O grand roi ! Perfectionnez votre ouvrage, soutenez le faible contre le puissant, détruisez le reste de l’esclavage féodal, affranchissez nos biens de la servitude dont vous avez affranchi depuis peu nos corps, et votre nom sera invoqué par les malheureux de toutes les nations ; achevez de nous rendre heureux : vos peuples livrés à des despotes se réfugient en foule au pied de votre trône, et viennent chercher en vous leur Dieu tutélaire, leur père et leur défenseur. » Document 7 Extrait de cahier de doléances de Lauris « Fermer l’entrée des emplois et des professions honorables à la classe la plus nombreuse et la plus utile, c’est étouffer le génie et le talent. (…) La noblesse jouit de tout, possède tout ; cependant si la noblesse commande les armées, c’est le tiers état qui les compose ; si la noblesse verse une goutte de sang, le tiers état en répand des ruisseaux. La noblesse vide le trésor royal, le tiers état le remplit ; enfin, le tiers état paie tout et ne jouit de rien. » Document 8 Extrait du cahier de doléances de la noblesse du baillage de Montargis « Nous déclarons ne jamais consentir à l’extinction des droits qui ont caractérisé jusqu’ici l’Ordre Noble et que nous tenons de nos ancêtres […]. Nous prescrivons formellement à notre député de s’opposer à tout ce qui pourrait porter atteinte aux propriétés utiles et honorifiques de nos terres. » Document 9 Extrait du cahier de doléances du village de Teillay-le-Perreux, baillage d’Orléans « Les habitants demandent la suppression des champarts, parce que ce droit est très préjudiciable […] non seulement en ce qu’il est gênant à raison de la livraison et de l’enlèvement de son propre grain que l’on ne peut faire qu’après que les gerbes ont été préalablement comptées (il en résulte souvent une perte considérable causée par la variation du temps), mais encore c’est que la sixième, neuvième ou douzième gerbe que l’on est obligé de fournir et livrer au seigneur propriétaire. » Séquence 9 – HG20 13 © Cned – Académie en ligne Questions Qu’attendent du roi les habitants de Lauris (document 6) ? Leur atti- tude est-elle révolutionnaire ? Que souhaitent les habitants de Teillay- le-Perreux (document 9) De quel ordre provient le document 7 ? Que refusent les nobles du baillage de Montargis (document 8) ? Réponses Les représentants du tiers état attendent du roi de faire respecter la justice. Ils voient en lui un protecteur et dans cet extrait lui font entièrement confiance pour les « rendre heureux ». Ce n’est donc absolument pas une attaque contre le roi et encore moins des propos révolutionnaires. Il est vrai qu’à l’époque, le personnage du roi est toujours perçu d’une manière favorable, même si son image commence à être ternie dans certains pamphlets. En revanche, c’est le système féodal, et notamment les impôts et taxes versés aux seigneurs, qui est accusé de spolier injustement le peuple. Ces habitants sont des paysans comme plus des ¾ de la population française. Ils exigent la fin de certaines redevances de la féodalité comme le champart (impôt en nature sur les récoltes, hérité du Moyen Âge et que la noblesse entend remettre au goût du jour) car cet impôt injuste les prive d’une partie de leur récolte et les fragilise encore plus. C’est l’ordre du tiers état qui a rédigé ce cahier. Mais ici, on a affaire aux revendications de la bourgeoisie. Les bourgeois entendent partager les plus hautes charges de l’État, ce qui ne peut s’effectuer qu’en supprimant les privilèges de la noblesse. Pour la noblesse de Montargis, il est hors de question de supprimer les privilèges acquis de longue date. On le voit à travers ces exemples, les revendications sont diverses en fonction des ordres, même si à l’intérieur de chaque ordre il peut y avoir des nuances. C’est dans le tiers état que la volonté de changement est la plus forte : allègement justice fin des impôts et fin de la féodalité ; plus humaine ; de certains privilèges des nobles ; volonté soins de scolarisation ; médicaux améliorés. À l’ouverture des États généraux, le 5 mai 1789, à Versailles, les attentes sont nombreuses pour résoudre les graves difficultés de la société française. 14 Séquence 9 – HG20 © Cned – Académie en ligne 2 Introduction La France en révolution (1789-1804) Durant ces quinze années, la France connaît une période de boule-versements sans précédent. L’histoire s’accélère, les régimes et les acteurs politiques se renouvellent très vite. C’est pourquoi on parle de révolution. Problématique Comment la Révolution met-elle fin à l’Ancien Régime ? Quelles transformations politiques, économiques et sociales, la France connaît-elle de 1789 à 1804 ? Frise chronologique et grandes dates de la Révolution Ire république EMPIRE 2 décembre 1804 CONSULAT 9 novembre 1799 DIRECTOIRE 1795 27 juillet 1794 CONVENTION 21 janvier 1793 1789 21 juin 1791 MONARCHIE CONSTITUTIONNELLE MONARCHIE ABSOLUE 10 août 1792 septembre 1792 Document 1 • 20 juin : serment du jeu de paume • 14 juillet : prise de la Bastille • 4 août : abolition des privilèges • 26 août : D.D.H.C. 21 janvier 1793 Exécution de Louis XVI 27 juillet 1794 Exécution de Robespierre 21 juin 1791 Fuite du roi à Varennes 9 novembre 1799 Coup d’état de Bonaparte 10 août 1792 Chute de la monarchie (prise des Tuileries) septembre 1792 • 20 septembre : victoire de Valmy • 21 septembre : proclamation de la République 2 décembre 1804 Sacre de Napoléon empereur des Français 1789 Comme les événements sont nombreux durant la période, je vous propose de ne retenir que quelques dates significatives qui ont marqué une rupture dans notre histoire. Repérez bien les différents régimes politiques qui se succèdent durant cette période : ne confondez pas Révolution avec République, la République ne commence pas en 1789 mais en 1792 ! Séquence 9 – HG20 15 © Cned – Académie en ligne Pour une meilleure compréhension de cette partie nous avons choisi de garder un plan chronologique pour le A et le B (avec l’étude de quelques journées révolutionnaires décisives) puis, pour le C, d’adopter une vision thématique qui proposera d’examiner les grands changements de ces quinze années. A Fin de l’Ancien Régime 1. Échec des États généraux L’ouverture des États généraux x a lieu officiellement le 5 mai 1789 dans la salle des Menus Plaisirs, à Versailles. Mais les États généraux démarrent mal car le tiers état réclame un vote par tête (1 député = 1 voix) qui lui donnerait la majorité et non le vote par ordre. En effet, dans le cas du maintien du vote par ordre, le tiers état sera toujours en minorité. Cette proposition est rejetée par le Roi. C’est pourquoi le 17 juin 1789, devant cette situation de blocage, les députés du tiers état rejoints par quelques députés du clergé et de la noblesse (noblesse éclairée) se proclament Assemblée nationale. C’est le premier acte révolutionnaire ! Les députés du tiers état, en effet, estiment représenter au moins 96 % des Français. C’est une attaque décisive contre la monarchie absolue car le tiers affirme le principe de la souveraineté nationale : la Nation détient l’autorité suprême, et non plus le Roi. Celui-ci réagit en faisant fermer la salle de réunion du Tiers. Le 20 juin, les députés du tiers état se réunissent dans la salle du Jeu de paume à Versailles. Document 2 Extraits du serment du Jeu de paume (20 juin 1789) « L’Assemblée nationale, considérant qu’appelée à fixer la Constitution du Royaume, opérer la régénération de l’ordre public et maintenir les vrais principes de la monarchie, rien ne peut empêcher qu’elle continue ses délibérations, dans quelque lieu qu’elle soit forcée de s’établir, et enfin, partout où ses membres sont réunis, là est l’Assemblée nationale ; arrête que tous les membres de cette assemblée prêteront à l’instant le serment de ne jamais se séparer et de se rassembler partout où les circonstances l’exigeront jusqu’à ce que la Constitution du Royaume soit établie et affermie sur des fondements solides. Tous les membres et chacun d’eux en particulier confirmeront par leur signature cette résolution inébranlable ». Questions Quel est le but proclamé par l’Assemblée nationale ? A-t-elle une volonté de rupture totale avec la situation précédente ? Comment l’Assemblée envisage-t-elle d’obtenir ce résultat ? 16 Séquence 9 – HG20 © Cned – Académie en ligne Réponses L’Assemblée énonce clairement son intention d’établir une Constitution, soit un document écrit où figure l’organisation des pouvoirs politiques. Il ne s’agit plus seulement de proposer des réformes mais d’innover dans la nature du régime politique français. Apparemment, l’Assemblée souhaite poser des bases nouvelles mais aussi « maintenir les vrais principes de la monarchie », c’est-àdire qu’elle n’envisage pas le rejet du Roi. Par contre, elle prévoit un partage des responsabilités. On retrouve ici le désir exprimé dans de nombreux cahiers de doléances : le Roi doit s’appuyer sur la Nation pour gouverner. Le moyen prévu par l’Assemblée est la participation de tous les députés, concrétisée par l’obligation de s’impliquer personnellement par « un serment et une signature ». C’est donc le deuxième acte révolutionnaire car les députés prêtent serment avec Mirabeau de ne pas se séparer avant d’avoir rédigé une constitution. Le 9 juillet 1789, l’Assemblée se proclame constituante, le Roi, malgré ses protestations, n’a pas pu faire stopper le cours des événements. Désormais, on change de régime politique pour passer de la monarchie absolue à la monarchie constitutionnelle. Définition Constituante : assemblée qui a pour rôle de rédiger une Constitution. Dans votre moteur de recherche, en mode image, vous chercherez le célèbre tableau du peintre David : le serment du Jeu de paume et vous verrez pour la première fois en France qu’un événement politique majeur a eu lieu en dehors de la présence du Roi. 2. La prise de la Bastille et ses conséquences (14 juillet 1789) La Révolution est rythmée par des journées révolutionnaires qui ont accéléré le cours des événements. Au départ, la prise de la Bastille n’est qu’un fait parmi d’autres, mais les répercussions politiques immédiates et à long terme sont énormes. C’est pourquoi c’est un bon exemple d’une journée révolutionnaire : elle est devenue le symbole de l’ensemble de la Révolution. Pour étudier cet événement, on peut s’intéresser : à ses causes ; à ses acteurs ; à leurs motivations ; à leurs moyens ; aux conséquences. Séquence 9 – HG20 17 © Cned – Académie en ligne Document 3 Extrait du Journal politique national, 28 juillet 1789 « La populace, réunie aux milices, s’était jetée sur l’Hôtel des Invalides et avait enlevé 30 000 fusils ; de là elle s’était portée à la Bastille et, après deux ou trois heures de pourparlers, le gouverneur Launay, qui avait fait la sottise de descendre dans les cours intérieures et de négliger les pontlevis, avait été attaqué et forcé avec sa petite garde. Cet infortuné gouverneur fut bien puni de son imprudence ; le peuple irrité de sa résistance et de la mort de quelques bourgeois tués dans l’attaque, le traîna jusqu’à la place de Grève et lui trancha la tête. Cette tête, promenée dans les rues au bout d’une lance, fut portée au PalaisRoyal. C’est à quoi se réduit la prise de la Bastille, tant célébrée par la populace parisienne. Peu de risques et beaucoup d’atrocités de leur part, et une lourde imprévoyance de la part de Monsieur de Launay. La populace porte sur un char de triomphe je ne sais quel déserteur des gardes français qui s’était jeté le premier sur le pont-levis. » Document 4 Estampe prise de la Bastille, Jean Le Campion (1789) © RMN/Madeleine / Coursaget. g Questions Quel regard porte l’auteur du document 3 sur l’événement ? Qu’est-ce qui l’a frappé ? Qu’est-ce qui lui a échappé sur le sens de cet événement ? Réponses L’auteur condamne l’événement et est très méprisant sur l’action de la « populace ». Pour lui, c’est le combat d’une horde barbare contre un gouverneur qui se fait massacrer : « le gouverneur Launay qui avait fait la sottise de descendre dans les cours intérieures et de négliger les ponts-levis, avait été attaqué et forcé avec sa petite garde. » 18 Séquence 9 – HG20 © Cned – Académie en ligne L’auteur est frappé par la violence populaire, qui n’est pourtant pas une nouveauté : « le peuple irrité de sa résistance et de la mort de quelques bourgeois tués dans l’attaque, le traîna jusqu’à la place de Grève et lui trancha la tête. Cette tête, promenée dans les rues au bout d’une lance, fut portée au Palais-Royal. » Les émeutes populaires sont en effet fréquentes à cette époque. Il faut dire qu’en juillet, il y a une rumeur de complot aristocratique et que le roi va faire venir des régiments étrangers pour encercler Paris et venger l’affront du serment du Jeu de paume. Alors, le peuple parisien se soulève. La foule parisienne, après avoir pillé les Invalides pour se procurer des armes, s’empare de la Bastille, une prison d’État. En fait, elle ne servait quasiment plus en 1789 (avec seulement 7 prisonniers). Mais elle représentait le symbole de l’arbitraire royal (le pouvoir d’emprisonner n’importe qui sans jugement). La prise de la Bastille concrétise donc une victoire contre ce symbole de la monarchie absolue. L’estampe du document 4 nous montre la foule (des hommes en habit et en uniforme, façon de souligner leur légitimité), au pied de la forteresse sombre et menaçante. Cette gravure nous montre cette foule qui va franchir une porte grande ouverte sur la liberté. Ses chefs sont de petits bourgeois, souvent des intellectuels comme Danton, Camille Desmoulins. Ils veulent sauver l’Assemblée nationale constituante. L’auteur ne peut méconnaître la dimension symbolique de l’événe- ment. Les conséquences sont essentielles : à court terme : le recul du Roi et la confirmation du rôle de l’Assemblée nationale constituante ; à moyen et plus long terme : dans les jours qui suivent, l’annonce de l’événement provoque des insurrections dans les campagnes. C’est la Grande Peur : les paysans armés et en groupe attaquent les châteaux et brûlent les terriers qui sont les registres où sont consignés les droits seigneuriaux. L’Assemblée décide, la nuit du 4 août 1789, de mettre fin au système seigneurial et aux privilèges, pour faire cesser ces violences. C’est essentiel car l’ordre social ancien est totalement détruit. La société d’ordres est abolie. Le 26 août 1789, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) est proclamée et garantit le principe de l’égalité des droits entre citoyens. C’est pourquoi, depuis 1880, le 14 juillet est la date de la fête nationale de notre pays. En guise d’approfondissement, lisez attentivement la déclaration ci-dessous en repérant ses principes sociaux et politiques. Séquence 9 – HG20 19 © Cned – Académie en ligne Document 5 La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen © akg-images/Erich Lessing. 20 Séquence 9 – HG20 © Cned – Académie en ligne Conclusion B En deux mois la monarchie absolue est donc renversée. La souveraineté est passée du Roi à la nation. Les sujets du Roi sont devenus citoyens. En octobre 1789, la famille royale est ramenée de Versailles à Paris au Palais des Tuileries, escortée de femmes encadrées par des révolutionnaires. Versailles, symbole de l’absolutisme, est tombée ! De difficiles expériences politiques Quand vous examinez attentivement la frise chronologique du document 1, vous vous apercevez que les régimes politiques se succèdent très rapidement. Il ne s’agit pas dans cette partie d’étudier dans leur intégralité tous les événements de cette période, mais il faut se poser la question suivante : Il faut avoir à l’esprit que : Pourquoi la France durant la Révolution n’a-t-elle pas réussi à trouver un régime politique stable ? de à 1792, c’est le temps de la monarchie constitutionnelle. de 1792 à 1804, c’est la République mais avec des constitutions différentes : 1792 à 1795, Convention girondine, montagnarde puis thermidorienne ; 1 795 à 1799, le Directoire ; 1799 à 1804, le Consulat. 1. Pourquoi l’échec de la monarchie constitutionnelle ? Un régime politique en phase avec les grands principes de 1789 Tout semblait bien commencer, notamment avec la fête de la Fédération, le 14 juillet 1790, symbolisant l’union entre le Roi et la nation. La Constitution de 1791 garantit les grands principes de 1789 : Séparation des pouvoirs (idées des Lumières reprise dans la Constitu- tion américaine) : séparation du législatif et de l’exécutif. Le roi demeure à la tête de l’exécutiff mais sous un autre nom : roi des Français. Il dispose d’un droit de veto suspensif, donc limité dans le temps : si une loi lui déplaît, il peut bloquer temporairement son adoption. Séquence 9 – HG20 21 © Cned – Académie en ligne Le pouvoir législatif est entre les mains de l’Assemblée. L’Assemblée législative de 1791 propose et vote les lois, le budget et c’est elle qui déclare la guerre. C’est le signe le plus important du transfert de la souveraineté du roi au profit de la nation. Car il s’agit bien de la souveraineté de la nation même si on ne peut pas parler de d émocratie complète. En effet, le suffrage n’est pas universel mais censitaire. Autrement dit ce système électoral n’est guère conforme aux principes énoncés dans la DDHC : l’égalité entre citoyens (face au vote) n’est pas appliquée ! Définitions Veto suspensif : droit accordé au roi d’empêcher l’application d’une loi Suffrage censitaire : système électoral qui accorde le droit de vote à ceux qui paient un impôt (le cens), autrement dit les citoyens les plus riches. La chute de la monarchie Document 6 La prise des Tuileries, le 10 août 1792 © akg-images. C’est à nouveau une journée révolutionnaire décisive dans l’histoire de la Révolution, car elle a pour conséquence de mettre un terme à la monarchie pour installer une République. 22 Séquence 9 – HG20 © Cned – Académie en ligne Questions Qui habite dans le château des Tuileries ? Quels sont les personnages que vous pouvez identifier ? Comment expliquer cette journée révolutionnaire en utilisant une encyclopédie ou Internet ? Réponses Le roi et sa famille logent aux Tuileries. La description est un peu compliquée à faire, car on aperçoit un cer- tain nombre de soldats pas toujours facilement identifiables. Le château est défendu par un régiment de gardes suisses et par des nobles. L’attaque est menée par des volontaires marseillais, bretons et des sans-culottes parisiens (ce sont essentiellement des petits artisans ; ils sont appelés ainsi parce qu’ils portent un pantalon jusqu’aux chevilles, à la différence des nobles qui portent la culotte jusqu’aux genoux). Plusieurs causes expliquent cette journée : Les hésitations royales ou la politique du pire : Louis XVI, qui pouvait sembler adhérer à la Révolution en 1790, pratique depuis 1791 la politique du pire. Il use constamment de son droit de veto pour paralyser l’action de l’Assemblée. Il cherche même à s’enfuir avec sa famille pour rejoindre les émigrés le 20 juin 1791. Mais le lendemain, à Varennes, il est reconnu et ramené à Paris. L’unanimité autour de Louis XVI est brisée. Le peuple n’a plus confiance dans un Roi qui a voulu passer à l’ennemi. La guerre est un facteur décisif de ces événements : en avril 1792 elle est déclarée à l’Autriche et à la Prusse. Pour les révolutionnaires, il s’agit d’en découdre avec les souverains étrangers qui n’apprécient pas la Révolution française, et c’est aussi un moyen de savoir en France qui est révolutionnaire et qui est contre-révolutionnaire (c’est-à-dire ceux qui ne suivent pas la Révolution). Le Roi approuve la guerre mais il espère voir la défaite des armées françaises pour rétablir son pouvoir absolu. Finalement, les armées françaises subissent des défaites importantes et, en juillet 1792, Paris est menacé d’occupation et de pillage par les troupes prussiennes. Le Roi refuse d’accorder des renforts pour protéger la capitale. C’est ainsi que l’insurrection se déclenche avec une violence des masses populaires. Le combat des Tuileries a fait plusieurs centaines de victimes. Il a provoqué la déchéance du Roi, la chute de la monarchie et l’arrestation de louis XVI dans la prison du Temple à Paris. Séquence 9 – HG20 23 © Cned – Académie en ligne 2. La République de 1792 à 1799 La République est proclamée le 21 septembre 1792, au lendemain de la victoire de Valmy. A partir de cette date, la nouvelle Assemblée, la Convention, date ses lois de l’an I de la République. On verra dans le § C, les différents personnages politiques et les différents courants politiques. Pour résumer la situation, on peut dire que de 1792 à juin 1793, la Convention est dominée par les Girondins, puis de 1793 à 1794 (27 juillet ou 9 Thermidor selon le calendrier républicain) par les Montagnards, et ensuite, jusqu’en 1799, par des hommes de la Plaine (orientés politiquement au Centre). Dès 1792, les principes de 1789 sont à nouveau respectés, et contrairement à la monarchie constitutionnelle, le principe d’égalité est mieux appliqué, grâce au suffrage universel masculin. Mais cette République se heurte à de nombreux problèmes. Le procès de Louis XVI et ses conséquences Document 7 Extrait du discours de Robespierre, décembre 1792 sur la mort du roi « Vous ne pouvez être que les représentants de la Nation. Vous n’avez point une sentence à rendre pour ou contre un homme, mais une mesure de salut public à prendre. […] Quel est le parti que la saine politique prescrit pour cimenter la République ? C’est de graver dans les cœurs le mépris de la royauté […]. Louis fut roi et la République fut fondée. Proposer de faire un procès de Louis XVI, […] c’est mettre la révolution elle-même en litige. En effet, si Louis peut être encore l’objet d’un procès, Louis peut être absous ; il peut être innocent. […] Louis doit mourir parce qu’il faut que la patrie vive. » Questions Recherchez qui était Robespierre ? À qui s’adresse Robespierre ? Pour quelles raisons Robespierre est-il opposé à un procès de l’ancien roi ? Réponses Robespierre (1758-1794) vient d’Arras, dans le Nord de la France. Avocat, il est élu député du tiers état et devient rapidement l’un des plus grands orateurs du club des Jacobins. Il s’illustre comme opposant intransigeant sous la monarchie constitutionnelle, se prononçant contre le suffrage censitaire, contre la déclaration de guerre en avril 1792. Sous la Convention, il est élu député de Paris ; il anime le courant montagnard et s’oppose aux Girondins. Dès lors, il radicalise ses positions et se fait l’apôtre de la violence politique. Robespierre s’adresse aux députés de la Convention : « Vous ne pouvez être que les représentants de la Nation ». 24 Séquence 9 – HG20 © Cned – Académie en ligne Robespierre refuse un procès à l’ancien roi car un procès requiert la présomption d’innocence (cf. Art. IX de la DDHC : « tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable » : « En effet, si Louis peut être encore l’objet d’un procès, Louis peut être absous ; il peut être innocent. » Finalement, le procès a bien eu lieu malgré l’avis des Montagnards, et le Roi est condamné à mort et exécuté le 21 janvier 1793 contre l’avis des Girondins qui ne voulaient pas la mort de Louis (387 voix pour contre 334). Document 8 Gravure anonyme, 1793, l’exécution de Louis XVI Musée Carnavalet, Paris. ©RMN/Agence Bulloz. Questions Décrivez la scène. Montrez qu’une exécution par guillotine est alors un spectacle popu- laire. Réponses Au centre, surélevée sur une estrade, on voit la guillotine. La scène a lieu immédiatement après la décapitation de Louis XVI ; l’un des bourreaux brandit la tête sanguinolente du Roi devant la foule pour lui prouver qu’il est bien mort. Pour éviter tout débordement, l’estrade est entourée d’au moins 4 rangées de gardes ; la foule se tient en retrait. On reconnaît une forêt de piques, et des bonnets phrygiens qui font penser aux sans-culottes. Cette exécution, comme toutes les autres avant elle et après, est un supplice, un spectacle qui attire et réjouit les foules : on voit, au premier plan, un homme fou de joie, qui brandit son chapeau. L’auteur Séquence 9 – HG20 25 © Cned – Académie en ligne de la gravure a placé nombre de femmes au premier plan parmi les spectateurs, pour montrer que cet événement majeur concerne tout le monde. Les conséquences de l’exécution de Louis XVI sont considérables : tous les adversaires de la Révolution se dressent contre la Convention. La Révolution est menacée par : une crise économique importante (la hausse des prix provoque la colère du peuple) ; les armées étrangères coalisées (qui ne pardonnent pas l’exécution), une série de revers militaires, d’où la décision d’une levée de 300 000 hommes, une armée de masse, populaire et révolutionnaire ; une crise politique majeure : en juin 1793 les Girondins sont renversés par un coup d’État des Montagnards appuyés par les sans-culottes, réclamant des mesures énergiques pour mettre fin aux problèmes. Les Montagnards et la Terreur Document 9 Le gouvernement révolutionnaire selon Robespierre « Le but du gouvernement constitutionnel est de conserver la République ; celui du gouvernement révolutionnaire est de la fonder. La Révolution est la guerre de la liberté contre ses ennemis ; la Constitution est le régime de la liberté victorieuse et paisible. Le gouvernement révolutionnaire a besoin d’une activité extraordinaire, précisément parce qu’il est en guerre. Il est soumis à des règles moins uniformes et moins rigoureuses, parce que les circonstances où il se trouve sont orageuses et mobiles, et surtout parce qu’il est forcé de déployer sans cesse des ressources nouvelles et rapides, pour des dangers nouveaux et pressants. Le gouvernement constitutionnel s’occupe principalement de la liberté civile, et le gouvernement révolutionnaire, de la liberté publique. Sous le régime constitutionnel, il suffit presque de protéger les individus contre les abus de la puissance publique ; sous le régime révolutionnaire, la puissance publique elle-même est obligée de se défendre contre toutes les factions qui l’attaquent. Le gouvernement révolutionnaire doit aux bons citoyens toute la protection nationale ; il ne doit aux ennemis du peuple que la mort. » Robespierre, « Discours à la Convention », le 25 décembre 1793. Questions Comment Robespierre justifie-t-il la mise en place du gouvernement révolutionnaire ? Quel est son objectif ? Quelle conception de la Révolution propose Robespierre quand il affirme : « la Révolution est la guerre de la liberté contre ses ennemis » ? Que vous suggère la dernière phrase ? 26 Séquence 9 – HG20 © Cned – Académie en ligne Réponses Robespierre justifie la mise en place du gouvernement révolutionnaire par le contexte international de guerre que connaît la France en 1793 ; le pays est assiégé : « le gouvernement révolutionnaire a besoin d’une activité extraordinaire, précisément parce qu’il est en guerre ». L’objectif est de « fonder » la République, même si cela doit se faire au prix du sang des ennemis. Robespierre, par cette affirmation, propose une lecture messianique de la Révolution ; il pense être le seul dans le vrai et entend imposer cette conception à tous, quitte à recourir à la force, ce qui par essence est antidémocratique. La dernière phrase relève d’un langage moral simpliste. Pour Robespierre, la politique est encore une affaire de morale ; pour autant, il n’hésite pas à recourir aux menaces, aux allusions expéditives : « aux ennemis du peuple que la mort ». Robespierre met donc en place un gouvernement révolutionnaire, un régime d’exception. Le cœur du pouvoir est aux mains du Comité de salut public, qui contrôle les ministres et les généraux. Robespierre est à la tête du Comité. La Terreurr est appliquée. Terreur : mesures prises par le gouvernement révolutionnaire pour imposer à tous son autorité et briser les résistances. Elle prend plusieurs formes : Terreur religieuse : déchristianisation avec une volonté de débarrasser la vie quotidienne de toute référence religieuse chrétienne. Les églises sont désaffectées comme lieu de culte et les bâtiments sont affectés à des activités utilitaires ou tombent en ruines. Terreur économique : décret du Maximum des prix (prix plafond pour les denrées de première nécessité, cela permet de satisfaire les sans-culottes, représentants du peuple de Paris) Terreur militaire : répression féroce contre les Vendéens (qui se sont soulevés contre la République) Terreur politique avec la loi des suspects : Document 10 Extrait du Moniteur Universel n° 268, 18 septembre 1793 sur la Loi des suspects « Tous les gens suspects qui se trouvent dans le territoire de la République et qui sont encore en liberté seront mis en état d’arrestation. Sont réputés suspects : - ceux qui par leur conduite, leurs relations, leurs propos, leurs écrits, se sont montrés partisans de la tyrannie, du fédéralisme et ennemis de la liberté ; - ceux à qui a été refusé un certificat de civisme ; - ceux des ci-devant nobles (mari, femme, père, mère, fils, filles, frères, sœurs) qui n’ont pas manifesté leur attachement à la Révolution ; - ceux qui ont émigré quoiqu’ils soient rentrés en France. » Séquence 9 – HG20 27 © Cned – Académie en ligne On retrouve parmi les suspects les catégories d’Ancien Régime : « émigrés », « nobles » ; mais il y a aussi les opposants politiques comme les Girondins « partisans du fédéralisme » et plus généralement toute personne sortant du lot « ceux qui par leur conduite, leurs relations, leurs propos, leurs écrits, se sont montrés partisans de la tyrannie, du fédéralisme et ennemis de la liberté ». La population française est donc sous étroite surveillance. Cette loi correspond typiquement à un État policier, à un État dictatorial. La démocratie est confisquée. La Terreurr a permis de redresser la situation : fin 1793, les armées étrangères sont repoussées, l’insurrection vendéenne et les soulèvements en province sont écrasés. Mais le bilan est accablant : 17 000 personnes condamnées à mort par les tribunaux révolutionnaires, 23 000 exécutées sans jugement, et 150 000 victimes civiles en Vendée. Finalement, Robespierre est arrêté à son tourr par des députés le 27 juillet 1794 (9 thermidor an II) puis exécuté le lendemain avec une centaine de ses partisans. La Convention continue de diriger la France jusqu’en octobre 1795. Ce sont les Républicains « modérés » de la Plaine qui dominent cette Convention thermidorienne. La dictature est abandonnée et le pouvoir revient à l’Assemblée. Une nouvelle constitution est adoptée en 1795, un nouveau gouvernement dirige le pays : le Directoire. Le Directoire (1795-1799) : un régime faible On ne rentrera pas dans les détails de ce régime politique, mais ces deux documents permettent de comprendre les enjeux du débat. Document 11 Extrait du discours de Boissy d’Anglas, à la Convention du 29 juin 1795 « Nous devons être gouvernés par les meilleurs, les meilleurs sont les plus instruit et les plus intéressés au maintien des lois. Or, à bien peu d’exceptions près, vous ne trouverez de pareils hommes que parmi ceux qui possèdent une propriété, sont attachés au pays qui la contient, aux lois qui la protègent, à la tranquillité qui la conserve, et qui doivent à cette propriété et à l’aisance qu’elle donne, l’éducation qui les a rendus propres à discuter, avec sagacité et justesse, les avantages et les inconvénients des lois qui fixent le sort de la patrie… Un pays gouverné par les propriétaires est dans l’ordre social […] » Document 12 Extrait du Manifeste des Egaux, Gracchus Babeuf, novembre 1795 « Législateurs, gouvernants, riches, propriétaires, écoutez nous : Nous prétendons désormais vivre et mourir égaux, comme nous sommes nés. Nous voulons l’égalité réelle ou la mort. La révolution française n’est 28 Séquence 9 – HG20 © Cned – Académie en ligne que l’avant-courrière d’une autre révolution, bien plus grande, bien plus solennelle, qui sera la dernière. C’est que nous ne voulons pas seulement l’égalité écrite dans les droits de l’Homme, nous la voulons au milieu de nous, sous le toit de nos maisons… Nous demandons, quelque chose de plus sublime et plus équitable le bien commun ou la communauté des biens. Plus de propriété individuelle de la terre, la terre n’est à personne, les fruits sont à tout le monde… Disparaissez, révoltantes distinctions de riches et de pauvres, de grands et de petits, de maîtres et de valets, de gouvernants et de gouvernés […] Peuple de France ouvre les yeux et le cœur à la plénitude du bonheur ; reconnais et proclame avec nous la République des Egaux. » Questions A quoi Boissy d’Anglas lie-t-il le vote ? A quel type de suffrage cela conduit-il nécessairement ? Ces propositions de Boissy d’Anglas sont-elles conformes aux grands principes révolutionnaires ? A quels grands principes se réfère le discours de Babeuf ? Réponses Boissy d’Anglas lie le droit d’expression politique, le vote, à la pro- priété : « vous ne trouverez de pareils hommes que parmi ceux qui possèdent une propriété ». Cela conduit nécessairement à trier parmi les citoyens ceux qui auront la possibilité de voter : c’est le retour du suffrage censitaire. Non, l’égalité entre citoyens face au vote n’est pas respectée. Cela exclut les sans-culottes, et c’est bien un discours qui se comprend en réaction à la période du gouvernement révolutionnaire de la Terreur. Babeuf se réfère à la DDHC : « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ». Il se réfère aussi à un système de propriété collective, un partage égalitaire des terres (un communisme agraire), idée qui sera généralisée par Marx, au XIXe siècle. Finalement le Directoire se met en place en 1795, mais c’est une république très conservatrice dominée par les plus riches. Les difficultés économiques, sociales et politiques font que le Directoire est de plus en plus contesté et discrédité. Le coup d’État des 18 et 19 Brumaire (9 et 10 novembre 1799) mené par le général Napoléon Bonaparte finit par l’emporter. C’est la fin du Directoire. 3. Le consulat : l’ordre dictatorial (1799-1804) La Constitution de l’An VIII mettant en place un Consulat donne le pouvoir pour 10 ans à un Premier consul, Bonaparte, assisté de deux autres consuls. Dans les faits, il cumule le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Séquence 9 – HG20 29 © Cned – Académie en ligne Définition Plébiscite : consultation électorale sur une question de politique déjà tranchée par le pouvoir exécutif. Il entend bien terminer la Révolution, tout en préservant des acquis révolutionnaires comme la souveraineté de la Nation. Mais elle est réduite à sa plus simple expression par le système du plébiscite. Le pouvoir est donc devenu une autocratie (le pouvoir autoritaire d’un seul), on est bien loin des débuts de la Révolution ! Il décide même de se sacrer empereur des Français en 1804. Document 13 Napoléon Ier sur le trône impérial, huile sur toile de Jean Auguste Dominique Ingres Question Décrivez le tableau et essayez de trouver les significations de ce qu’il expose. Réponse Napoléon a pris la pose dans ce tableau réaliste de style néoclassique. Le tableau d’Ingres a été peint près de deux ans après son sacre. Ici l’empereur, vêtu d’un imposant manteau de pourpre doublé d’hermine, assis sur son trône, porte les instruments symboliques du pouvoir. Aux symboles de l’An© Musée de l’Armée l Armée – cien Régime, il emprunte Paris, Dist. RMN/Pascal Ségrette. le sceptre qui rappelle son droit de commander, et la main de justice pour rappeler qu’il est suprême justicier. Ce qu’il ajoute c’est le glaive impérial doré incrusté de pierres précieuses pour rappeler le grand chef de guerre ; la couronne d’olivier remplace la couronne royale (la couronne d’olivier est empruntée à l’Antiquité), et autour du cou, un collier de grand commandeur de la Légion d’honneur. Enfin, au premier plan, le motif du tapis sur lequel est placé le trône : un aigle, emblème de l’empereur. On a donc vu une succession de régimes politiques en l’espace de quelques années. Les circonstances politiques, militaires, économiques, sociales expliquent cette instabilité politique. Pour autant, la France s’est transformée en profondeur. 30 Séquence 9 – HG20 © Cned – Académie en ligne C Les grands bouleversements en France Durant ce court laps de temps, la France a énormément changé. Il convient donc de s’interroger sur la profondeur de la rupture révolutionnaire, aussi bien dans le domaine politique que social, économique et culturel. 1. L’apprentissage de la politique On a vu, au XVIIIe siècle, la naissance d’une véritable opinion publique mais elle ne concernait souvent que l’élite. Au contraire, la Révolution marque la création d’un espace politique public. La liberté d’expression permet au peuple de s’emparer des débats politiques. Il peut ainsi discuter, en ville mais aussi dans les villages, des décrets pris par l’Assemblée. Les individus portent des insignes pour manifester leur soutien à la Révolution (cocardes ou ceintures tricolores). Les lieux des débats sont multiples : les assemblées législatives successives ; les clubs, comme le club des Jacobins dirigé par Robespierre ou le club des Cordeliers (Danton, Marat) : on discute dans ces clubs des questions qui vont être débattues à l’Assemblée. Ce sont de vrais groupes politiques qui préfigurent les partis politiques des XIXe et XXe siècles. Certains veulent le retour à l’Ancien Régime (les contre-révolutionnaires, comme les Emigrés, anciens nobles, les Vendéens), d’autres préfigurent plutôt la droite (les Girondins) et d’autres représentent la gauche (les Montagnards) ; la rue est le théâtre de l’expression politique. Des orateurs comme Camille Desmoulins y ont fait des discours remarqués ; la liberté de la presse (avant qu’elle ne soit restreinte sous la Terreur et le Consulat) a permis la diffusion des idées politiques, même sur de simples feuillets ; le peuple a joué un rôle fondamental dans les événements révolutionnaires. Les sans-culottes, organisés en sections, ont souvent été les instigateurs ou les victimes des grandes journées révolutionnaires. Document 14 Extrait du journal des sans-culottes Le père Duchesne, 1793 « (le sans-culotte) c’est un être qui va toujours à pied, qui n’a point de millions, point de châteaux, point de valets pour le servir, et qui loge tout simplement avec sa femme et ses enfants, au quatrième ou au cinquième étage. Il est utile, il sait labourer, forger, scier et verser jusqu’à la dernière goutte de son sang pour le salut de la République. Le soir, il se présente à sa section, pour appuyer de toutes ses forces les bonnes motions. Au premier bruit du tambour, on le voit partir pour la Vendée, pour l’armée des Alpes ou pour l’armée du Nord. » Séquence 9 – HG20 31 © Cned – Académie en ligne Question Qui sont-ils et que défendent-ils ? Réponse Les sans-culottes de 1791 à 1795 jouent un rôle considérable dans la Révolution. Ce sont des artisans (« forger, scier »), des boutiquiers (petits commerçants). Ils appartiennent à la petite bourgeoisie urbaine. Ils sont bien organisés et sont présents dans les assemblées et les clubs. Ils sont les farouches défenseurs de la Révolution et de la République (« verser jusqu’à la dernière goutte de son sang pour le salut de la République »). Ils sont persuadés que la Révolution est menacée par les contre-révolutionnaires et par les accapareurs. C’est pourquoi ils n’hésitent pas à recourir à la violence. Leur journal s’appelle Le Père Duchesnee et est dirigé par Hébert, chef des Enragés, courant politique réclamant plus d’arrestations à Robespierre durant la Terreur. Ils réclament également des mesures économiques au profit des plus pauvres, notamment un maximum des prix. En guise d’approfondissement, faites des petites fiches biographiques sur ces trois personnages importants de la vie politique durant ces années : Danton, Marat, Mirabeau. Insistez sur leur vie et leur engagement politique, et sur leur influence, de leur vivant et après leur mort. 2. Les femmes et la Révolution Les femmes ont participé activement aux événements notamment lors de la prise de la Bastille ou lors des journées d’octobre 1789 comme l’illustre la gravure du document 15. Document 15 Femmes sans-culottes ramenant le roi, la reine et le dauphin, de Versailles à Paris, le 6 octobre 1789 © Bridgeman-Giraudon. Bridgeman Giraudon 32 Séquence 9 – HG20 © Cned – Académie en ligne Elles partent de Paris et marchent sur Versailles pour manifester contre la hausse des prix. Elles semblent déterminées car armées de piques et de haches. Cette gravure anonyme n’est sans doute pas loin de la réalité, même si ces femmes ont dû être accompagnées par des hommes. Mais rapidement, un décalage se crée entre les aspirations féminines et les décisions politiques. Le divorce est légalisé en 1792, mais les femmes ne peuvent pas avoir le droit de vote. Les clubs politiques sont réservés aux hommes, même si des femmes fondent des clubs féminins comme le Club des citoyennes révolutionnaires. Olympe de Gouges est une figure féminine emblématique. C’est une jeune veuve qui se fait connaître par des pièces de théâtre militantes, des pamphlets politiques, dans lesquels elle aborde des sujets importants comme l’abolition de l’esclavage et le divorce. Elle est l’auteur d’une Déclaration des droits de la femme. Document 16 Extrait de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, 1791 « Préambule Les mères, les filles, les sœurs, représentantes de la nation, demandent d’être constituées en Assemblée nationale. […] En conséquence, le sexe supérieur en beauté comme en courage dans les souffrances maternelles reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l’être suprême, les droits suivants de la Femme et de la Citoyenne. Article premier La femme naît libre et demeure égale à l’homme en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune. Article IV La liberté et la justice consistent à rendre tout ce qui appartient à autrui ; ainsi l’exercice des droits naturels de la femme n’a de bornes que la tyrannie perpétuelle que l’homme lui oppose […] » Comme vous pouvez le constater, le préambule fait encore référence à l’image et au rôle traditionnel de la femme (« beauté, maternité ») mais l’article I proclame l’égalité des droits entre les deux sexes. Cette déclaration ne verra pas d’effets dans l’immédiat. Olympe sera guillotinée en 1793. Et à partir de 1795, les femmes sont complètement écartées de la vie politique, devant faire face à la misogynie de la quasitotalité des hommes révolutionnaires. Il faudra attendre le XXe siècle pour voir se réaliser l’émancipation féminine. Séquence 9 – HG20 33 © Cned – Académie en ligne 3. Une France réorganisée Administrativement : l’administration est simplifiée par rapport à l’Ancien Régime. Le territoire est divisé en 83 départements. Bonaparte nomme, à la tête de chaque département, un préfet qui a sous ses ordres des sous-préfets. C’est une marche supplémentaire vers la centralisation administrative qui perdure encore en partie de nos jours. Juridiquement : le Code civil de 1804 débuté sous la Révolution est un recueil d’articles portant sur les différents domaines de la vie sociale. Il réalise l’unification du droit français et entérine nombre d’acquis révolutionnaires comme : la liberté et l’égalité civile ; le droit de propriété, la liberté d’entreprendre ainsi que la libre concurrence chers à la bourgeoisie ; la famille est réorganisée avec un rôle accru du père de famille. La position infériorisée des femmes est codifiée dans l’article 213 : « le mari doit protection à sa femme (sous-entendu, c’est un être faible), la femme doit obéissance à son mari ». Economiquement : la liberté d’entreprise annonce le XIXe siècle et les siècles suivants pour la mise en place d’un libéralisme économique. Ce sont les débuts du triomphe et des excès du capitalisme. Par exemple, Napoléon interdit le droit de grève et d’association et impose un livret ouvrier pour une meilleure surveillance des travailleurs. L’école : le projet révolutionnaire passe par l’éducation que ce soit pour lutter contre les mauvaises mœurs ou pour établir l’égalité. L’accent est mis sur la dimension politique et nationale : vision égalitariste pour faire des jeunes de bons révolutionnaires. Bonaparte réorganise aussi l’enseignement en créant les lycées. Son objectif est d’abord politique : former des élites fidèles et les cadres de la Nation. Au final, le bilan est mitigé car l’alphabétisation est encore très modeste et reste inégalitaire entre filles et garçons. Vers un début de déchristianisation : la DDHC dans l’article 10 inscrit la liberté religieuse dans le droit. Dorénavant, le catholicisme n’est plus la religion obligatoire. C’est une profonde mutation. L’Assemblée a mis les biens de l’Eglise à la disposition de la Nation et a mis en place la Constitution civile du clergé, en 1790. Le clergé devient un corps de fonctionnaires, curés et évêques reçoivent un traitement, les prêtres doivent prêter un serment d’allégeance à la Constitution. Ces décisions ont provoqué des contestations importantes, notamment du pape qui condamne cette Constitution civile du clergé et des prêtres réfractaires (ceux qui refusent de prêter serment). Ils sont de plus en plus perçus comme des « ennemis » de la République. Cette division religieuse trouve un terme avec Bonaparte qui rétablit la paix religieuse en signant avec le pape un Concordat, en 1801. La religion catholique voit son statut de religion d’État définitivement perdu et est 34 Séquence 9 – HG20 © Cned – Académie en ligne simplement reconnue comme religion de la plus grande majorité des Français. Ce Concordat garantit la liberté de culte, mais les évêques sont nommés par l’empereur. Le Concordat de 1801 clôt ainsi les divisions religieuses nées de la Révolution. Cependant, il rétablit des liens très étroits entre Eglise et pouvoir, ce qui posera ultérieurement la question de leur séparation (1905). Conclusion Ces quinze années ont radicalement changé la France. La société d’ordres qui reposait sur les privilèges d’une minorité et l’absence de droits de l’écrasante majorité des Français, disparaît définitivement. Le XIXe siècle va voir se succéder monarchies constitutionnelles, empires, républiques qui tous seront les héritiers des deux acquis politiques de la période révolutionnaire : la liberté et l’égalité. La mise en pratique de ces deux principes constitutionnels sera longue et douloureuse. Le XIXe siècle sera émaillé de révoltes et d’autres révolutions. La Révolution de 1789 a permis à la bourgeoisie d’accéder au pouvoir, elle contrôle désormais l’économie et la sphère politique. La France trouvera progressivement un consensus politique quand la bourgeoisie acceptera le principe du partage des pouvoirs avec le peuple par le biais de l’accès au suffrage universel et de concessions dans les domaines social et économique. Les idées révolutionnaires et leur mise en pratique (DDHC, Code civil) vont se répandre en Europe via les conquêtes napoléoniennes. L’Europe va connaître une longue marche vers la démocratie tout au long du XIXe siècle. Séquence 9 – HG20 35 © Cned – Académie en ligne L ibertés et nations en France et en Europe dans la première moitié du XIXe siècle Introduction Entre le XVIe siècle et le XIXe siècle, plus de 11 millions d’Africains sont déportés et deviennent esclaves aux Amériques ou aux Antilles. Au XVIIIe siècle, la traite négrière connaît son apogée. L’Angleterre et la France dominent le commerce colonial qui repose sur l’exploitation d’une main d’œuvre servile dans le cadre d’une économie de Problématique plantation. La traite négrière et l’esclavage, aujourd’hui considérés comme des crimes contre Quelles ont été les l’humanité, choquaient rarement les contemporains. étapes du processus de l’esclavage ? Plan : traitement de la problématique Notions clés Repères 1. Étude significative : L’abolition de la traite et de l’esclavage et son application A. La traite des Noirs et l’esclavage 1. Comment les contemporains justifiaient-ils l’esclavage ? Commerce triangulaire Traite négrière Analyse de texte Analyse de cartes 2. Le Code noir de 1685 Code noir Analyse d’un édit B. Abolition de la traite et de l’esclavage Abolitionniste 1. Les premières campagnes abolitionnistes Philanthrope Analyse de texte 2. L’abolition définitive Opinion publique Associations Approfondissement avec des vidéos sur Internet 3. Une application difficile dans les faits Problèmes sociaux et économiques Prise d’informations sur le cours 2. Étude significative : Les carbonari, un mouvement libéral et national en Europe dans la première moitié du XIXe siècle A. Le nouvel ordre européen né du Congrès de Vienne de 1814-1815 Séquence 9 – HG20 37 © Cned – Académie en ligne 1. Le Congrès des vainqueurs Congrès de Vienne Légitimité dynastique Sainte Alliance Carbonaria Analyse d’une caricature Analyse de texte 2. Les conséquences pour l’Italie Principe des nationalités Repérage sur une carte 1. La carbonaria, une organisation secrète Carcere duro Libéralisme Nationalisme Analyse d’image Analyse de textes 2. L’influence des mouvements libéraux et nationaux en Europe jusqu’en 1848 Risorgimento Zollverein Pangermanisme Analyse de texte Prise d’informations sur le cours 1. Chute de la monarchie de juillet Louis-Philippe Guizot Journées révolutionnaires Analyse de textes 2. La République fraternelle République Egalité, liberté, fraternité Prise d’informations sur le cours 3. Echec de la IIe République Fermeture des Ateliers nationaux Répression- Parti de l’OrdreJeanne Deroin Approfondissement sur un personnage 1. Pourquoi des révolutions en 1848 ? Liberté des peuples Aspiration libérale et nationale Analyse de gravure Analyse de texte 2. La répression Retour des monarques au pouvoir Prise d’informations sur le cours B. Organisation et actions des mouvements nationaux comme la carbonaria 3. Étude significative : Révolutions politiques, révolutions sociales, en France et en Europe, en 1848 A. La révolution de 1848 en France : épicentre du « printemps des peuples » B. En Europe : « le printemps des peuples » 38 Séquence 9 – HG20 © Cned – Académie en ligne 1 L’abolition de la traite et de l’esclavage et son application A La traite des Noirs et l’esclavage 1. Comment les contemporains justifiaientils l’esclavage ? Document 1 Extrait d’un mémoire rédigé au XVIIIe siècle à Nantes « Les richesses de nos colonies sont aujourd’hui le principal objet de notre commerce et le commerce de Guinée (il désigne la traite négrière car c’est dans le golfe de Guinée que de nombreux Africains sont achetés et déportés) en est tellement la base que, si les négociants français abandonnaient cette branche du commerce, nos colonies seraient nécessairement approvisionnées, par les étrangers, de Noirs, et, par une suite infaillible, de toutes les denrées de l’Europe qui s’y consomment, en sorte que, non seulement l’État serait privé de l’avantage des exportations, mais aussi des denrées des colonies nécessaires à sa propre consommation ». Document 2 Le commerce triangulaire transatlantique Amsterdam Liverpool AMÉRIQUE DU NORD re, suc x : acao. u ia ,c lon ac co , tab s n t ui to od co Pr afé, Tissus, c outils, armes, ANTILLES bijoux, alcool, ustensiles divers. Nantes Bordeaux EUROPE AFRIQUE Gorée Ouidah BRÉSIL Population noire réduite en esclavage. Cabinda Séquence 9 – HG20 39 © Cned – Académie en ligne Question Quel est l’argument avancé par l’auteur de ce mémoire pour justifier l’esclavage ? Réponse C’est un argument économique qui est avancé. Le commerce des colonies est un atout formidable pour la France selon l’auteur et il est impératif de continuer la traite et l’esclavage pour concurrencer l’Angleterre dans le commerce des produits tropicaux (voir la carte du document 2). Aux Antilles françaises, en effet, Définition les plantations sont des exploitations agricoles dont la production Commerce triangulaire : circuit marchand organisé e est destinée à l’exportation. Elles par des armateurs européens au XVIII siècle pour utilisent une main-d’œuvre comapprovisionner en esclaves les plantations des Améposée d’esclaves. Les villes franriques, offrir des débouchés à l’industrie et satisfaire çaises de Nantes ou de Bordeaux les modes de vie européens. Des marchandises eurose sont particulièrement enrichies péennes sont échangées contre des esclaves. Les grâce à ce commerce triangulaire. esclaves sont ensuite échangés aux planteurs euroLe port européen ayant le plus péens vivant aux Antilles ou en Amérique contre des bénéficié de ce commerce est produits tropicaux : tabac, sucre, rhum, teintures. Liverpool. Pour aller plus loin… Évidemment, la condition des esclaves était insoutenable et je vous engage à revisiter à nouveau le site du musée de Nantes : http://www.chateau-nantes, à travers ses dossiers pédagogiques (voir la séquence 1 du cours tome 1). 2. Le Code noir de 1685 Le Code noir est un édit royal promulgué en 1685 sous le règne de Louis XIV V et destiné à organiser la société esclavagiste. Ces quelques extraits montrent le statut des esclaves et les mesures utilisées contre eux. Les esclaves appartiennent à un maître et sont considérés comme des marchandises. Leur condition est au moins aussi difficile que celle des esclaves de l’Antiquité : leur maître a même le droit, sous certaines conditions, de les condamner à mort (voir la séquence 3). Article.2 - Tous les esclaves qui seront dans nos îles seront baptisés et instruits dans la religion catholique, apostolique et romaine. (…) Article.12 - Les enfants qui naîtront de mariages entre esclaves seront esclaves et appartiendront aux maîtres des femmes esclaves. (…) Article.28 - Déclarons les esclaves ne pouvoir rien avoir qui ne soit à leurs maîtres. (…) 40 Séquence 9 – HG20 © Cned – Académie en ligne Article.33 - L’esclave qui aura frappé son maître, sa maîtresse ou le mari de sa maîtresse ou leurs enfants avec contusion ou effusion de sang, ou au visage, sera puni de mort. Article.38 - L’esclave fugitif qui aura été en fuite pendant un mois à compter du jour que son maître l’aura dénoncé en justice, aura les oreilles coupées et sera marqué d’une fleur de lys sur une épaule ; et s’il récidive une autre fois à compter pareillement du jour de la dénonciation, aura le jarret coupé et il sera marqué d’une fleur de lys sur l’autre épaule ; et la troisième fois il sera puni de mort. B L’abolition de la traite et de l’esclavage 1. Les premières campagnes abolitionnistes Définitions Abolitionniste : partisan de l’interdiction du trafic (la traite) et de l’exploitation des esclaves dans les colonies européennes. Philanthrope : personne désirant améliorer le sort matériel et moral de l’humanité Certains philosophes des Lumières ont condamné ces pratiques contraires à la dignité de l’homme. Des philanthropes comme Brissot, Condorcet ont fondé, en 1788, la Société des Amis des Noirs. Document 3 Extrait de J-P Brissot, Le Patriote Français, 24 août 1789 « Les ennemis des Noirs se plaisent à répandre sur cette Société [des Amis des Noirs] des bruits extrêmement faux et qu’il importe de dissiper. Ils insinuent que l’objet de la Société est de détruire tout d’un coup l’esclavage, ce qui ruinerait les colonies. Mais ce n’est point l’intention des Amis des Noirs. Ils ne demandent que l’abolition de la traite des Noirs parce qu’il en résulterait infailliblement que les planteurs, n’espérant plus remettre des Noirs en Afrique, traiteront mieux les leurs. Non seulement la Société ne sollicite point en ce moment l’abolition de l’esclavage, mais elle serait affligée qu’elle fût proposée. Les Noirs ne sont pas encore mûrs pour la liberté ; il faut les y préparer : telle est la doctrine de cette Société. » Question Pourquoi cette Société, en 1789, ne propose-t-elle pas l’abolition ? Séquence 9 – HG20 41 © Cned – Académie en ligne Réponse Deux arguments sont avancés : économique : c’est la ruine des colonies (car les planteurs ont besoin d’une main-d’œuvre nombreuse et gratuite) ; idéologique : ce philosophe, comme d’autres à cette époque, pense que les Noirs ne sont pas encore prêts à obtenir tout de suite la liberté (comme s’il s’agissait de « grands enfants » qu’il faudrait éduquer). En revanche, cette Société est pour l’abolition de la traite immédiatement considérant que cela devrait améliorer le sort des esclaves dans la mesure où les maîtres devront mieux les traiter. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 affirme la liberté et l’égalité des droits des individus, et elle semble remettre en cause l’esclavage. Pour autant l’Assemblée constituante se contente d’accorder le droit de vote aux hommes libres de couleur dans la mesure où les planteurs font pression sur eux pour empêcher toute abolition. C’est dans ces conditions que des révoltes d’esclaves éclatent : en 1791, Toussaint-Louverture mène une grande révolte à Saint-Domingue. Devant ce soulèvement, les députés, en 1793, décident de mettre fin au Code noir et à l’esclavage. C’est ainsi qu’en 1794, la Convention vote l’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises, sans indemnisation des propriétaires. La France est le premier pays à le faire. Cependant, en 1802, Bonaparte revient sur l’abolition et réintroduit la traite et l’esclavage. Cevla provoque la révolte à Saint-Domingue et l’île se libère. C’est la première colonie à population noire indépendante sous le nom de république d’Haïti. 2. L’abolition définitive L’Angleterre prend la tête du mouvement abolitionniste Même si la première abolition a avorté en France, le processus est maintenant bien en marche. L’Angleterre, dès 1807, abolit la traite dans ses colonies, suite au rôle joué par l’opinion publique avec des mouvements protestants, des philanthropes. Par exemple, Thomas Clarkson secrétaire de la Société pour l’abolition de la traite fondée en 1787 à Londres, a eu une influence importante. Du fait du poids déterminant du Royaume-Uni dans les relations internationales, lors du Congrès de Vienne de 1815, le gouvernement britannique a fait pression sur les autres puissances européennes pour interdire la traite. Le mouvement abolitionniste prend ainsi de plus en plus d’importance en France sous l’impulsion britannique. En 1833, l’Angleterre abolit l’esclavage définitivement. Des journaux, des associations se multiplient en France pour condamner le caractère intolérable de l’es- 42 Séquence 9 – HG20 © Cned – Académie en ligne clavage. Victor Schoelcher, député de la Martinique et de la Guadeloupe, est une figure marquante abolitionniste. C’est lui qui en effet prépare sous la II° République le décret annonçant la fin de l’esclavage en France. Document 4 1848, l’abolition de l’esclavage « Le Gouvernement provisoire, Considérant que l’esclavage est un attentat contre la dignité humaine ; qu’en détruisant le libre arbitre de l’homme, il supprime le principe naturel du droit et du devoir ; qu’il est une violation flagrante du dogme républicain : Liberté, Égalité, Fraternité. Considérant que si des mesures effectives ne suivaient pas de très près la proclamation déjà faite du principe de l’abolition, il en pourrait résulter dans les colonies les plus déplorables désordres, Décrète : Art.1err – L’esclavage sera entièrement aboli dans toutes les colonies et possessions françaises, deux mois après la promulgation du présent décret dans chacune d’elles. À partir de la promulgation du présent décret dans les colonies, tout châtiment corporel, toute vente de personnes non libres, seront absolument interdites. (…) Art.5 – L’Assemblée nationale réglera la quotité de l’indemnité qui devra être accordée aux colons. (…) Art.8 – À l’avenir, même en pays étranger, il est interdit à tout Français de posséder, d’acheter ou de vendre des esclaves, et de participer, soit directement, soit indirectement à tout trafic ou exploitation de ce genre. Toute infraction à ces dispositions entraînera la perte de la qualité de citoyen français. Décret du 27 avril 1848. C’est un décret essentiel libérant de la servitude des milliers d’hommes et de femmes et leur octroyant l’égalité civile. Pour autant, les inégalités ne vont pas disparaître dans les colonies entre Noirs (anciens esclaves) et Blancs. Pour aller plus loin… Pour approfondir sur l’abolition de 1848, vous pouvez consulter des vidéos sur les sites suivants : www.curiosphere.tv v (plusieurs vidéos proposées) www.ina.fr (des vidéos sur Victor Schoelcher et sur des émissions de télévision lors du 150e anniversaire de l’abolition en 1998) Séquence 9 – HG20 43 © Cned – Académie en ligne 3. Une application difficile dans les faits Pour les concepteurs du décret du 27 avril 1848, la sortie de l’esclavage devait s’effectuer facilement : une fois la liberté proclamée, les esclaves deviendraient des ouvriers agricoles salariés et des électeurs. Des ateliers nationaux seraient ouverts pour les travailleurs sans emploi. En réalité, la République universaliste et assimilatrice eut du mal à faire face, dans ses colonies, à l’épreuve des libertés publiques : suppression de la liberté de réunion, restriction de la presse pour empêcher des mouvements indépendantistes ; problèmes économiques et sociaux : quand les esclaves furent libérés ils ne reçurent aucune compensation financière (contrairement aux planteurs) ni aucune terre, d’où la misère pour beaucoup d’anciens esclaves. On trouve des récits montrant d’anciens esclaves errant dans la colonie « poussés par la faim et pour ainsi dire nus, ayant vendu, pour la plupart, leurs effets » ; d’où le chômage, l’exclusion pour la plupart d’entre eux. Pour conclure, la traite négrière est née de la volonté des Européens de développer une économie agricole en Amérique. Cette économie reposait sur une main-d’œuvre importante. Les habitants des Amériques, ceux que l’on va nommer les « Indiens » et aujourd’hui les « Peuples premiers » vont être décimés par les maladies épidémiques contractées au contact des Européens. L’Europe – surtout l’Angleterre et la France – va se tourner vers l’Afrique pour acheter des esclaves africains aux souverains africains vivant le long du littoral. Ce commerce des êtres humains va se développer et connaître son apogée au XVIIIe siècle. L’idée de l’abolition de l’esclavage va faire son chemin lentement, intellectuels et investisseurs pouvant être les mêmes personnages. Ceux qui veulent interdire la Traite sont des abolitionnistes, ils cherchent à sensibiliser aux horreurs de la déportation une opinion publique désormais acquise depuis la Révolution française, à l’idée de liberté. Dans un premier temps, c’est la traite qui sera interdite entre l’Afrique et l’Amérique. Les flottes anglaises pourchasseront les navires négriers clandestins. Ensuite, l’abolition s’étendra à l’esclavage. On peut dire que le XIXe siècle a été le siècle de l’abolition de l’esclavage avec les États-Unis en 1865. Le Brésil est le dernier pays d’Amérique à interdire l’esclavage en 1888. Les esclaves affranchis ne recevront pas d’aide financière et sociale, ils seront les exclus de l’éducation. En France, il faudra attendre les lois de la départementalisation dans l’Outre-Mer pour que leurs descendants accèdent enfin aux droits fondamentaux de la République. La France, le 21 mai 2001, a adopté une loi reconnaissant la traite et l’esclavage comme crimes contre l’humanité, et la journée du 10 mai en France métropolitaine est une journée de commémoration de l’abolition de l’esclavage. 44 Séquence 9 – HG20 © Cned – Académie en ligne Cependant, même si l’esclavage est reconnu comme crime dans le droit international depuis 1948, il n’a pas complètement disparu de nos jours, même s’il a pris d’autres formes. Et le trafic d’êtres humains existe toujours. Séquence 9 – HG20 45 © Cned – Académie en ligne 2 Les carbonari Un mouvement libéral et national en Europe dans la première moitié du XIXe siècle Introduction La défaite de Napoléon à Waterloo, en juin 1815, marque la fin de l’emprise de l’époque révolutionnaire et impériale sur l’Europe. Les souverains vainqueurs de la France de Napoléon décident de redessiner les frontières de l’Europe lors du Congrès de Vienne, en 1814-1815. Ils ont le désir de revenir à une « Europe des princes » et de ne pas tenir compte des désirs des peuples animés par des sentiments révolutionnaires. Pourtant, dans les années 1820, les aspirations à la liberté et les Problématique sentiments nationaux sont à l’origine de mouvements politiques qui contestent l’ordre monarComment la carbonaria chique traditionnel. C’est le cas dans la péninsule diffuse-t-elle son idéal italienne avec la carbonaria qui regroupe, dans une libéral et national ? organisation secrète, une élite nationaliste. A Le nouvel ordre européen né du Congrès de Vienne de 1814-1815 1. Le Congrès des vainqueurs Document 1 Le gâteau des rois. Caricature du Congrès de Vienne (1815) © akg-images. akg images 46 Séquence 9 – HG20 © Cned – Académie en ligne Sur ce document, on voit en effet que Napoléon est présent en essayant de sauvegarder le territoire français. Le Congrès de Vienne débute en 1814 avant la première abdication de l’empereur des Français. On voit aussi que son ministre des Affaires étrangères Talleyrand, caché sous la table, le trahit au profit du futur Louis XVIII, frère de Louis XVI représenté en effigie. Document 2 L’ordre européen selon Metternich après 1815 – extrait d’une lettre au Tsar Alexandre (1821) Klemens von Metternich, (1773-1859), ministre des Affaires étrangères de l’empire d’Autriche est le principal artisan du congrès de Vienne. « Le but précis des révolutionnaires est unique. C’est celui du ren-versement de toute chose légalement existante […]. Le principe que les rois doivent opposer à ce plan de destruction universelle, c’est celui de la conservation de toute chose légalement existante […]. La première et la plus grande des affaires, pour l’immense majorité de toute nation, c’est la fixité des lois, leur action non interrompue et nullement leur changement […]. (Que les gouvernements) étouffent les sociétés secrètes, cette gangrène de la société. Qu’enfin les grands monarques resserrent leur union et prouvent au monde que si elle existe, elle n’est que bienfaisante, car cette union assure la paix politique de l’Europe […] ; que les principes qu’ils professent sont aussi paternels […] pour les bons, que menaçants pour les perturbateurs du repos public. » Questions Que font les personnages représentés et pourquoi (doc 1) ? Expliquez la situation particulière des Français lors du Congrès de Vienne (doc 1). Quelle est, selon Metternich, la mission des monarques (doc 2) ? Comment peut-on qualifier sa vision de l’Europe (doc 2) ? Qui sont les révolutionnaires dont parle Metternich, et quel est leur nom en Italie (voir en introduction) ? Réponses Sur la caricature, on voit les souverains vainqueurs de Napoléon qui sont réunis à Vienne pour le congrès de la paix. Ils sont en train de se partager l’Europe comme on se partage un gâteau (d’où le titre). Chacun semble vouloir un morceau plus important que son voisin (chaque souverain tire sur la carte). Il y a plusieurs représentants de la France sur le dessin : à gauche de l’image, on aperçoit Napoléon, et sous la table, Talleyrand qui représente le roi Louis XVIII. On voit que Napoléon veut préserver la France du partage des territoires de son ancien Empire. En même temps, il est concurrencé par Louis XVIII, qui va monter sur le trône de France et dont les intérêts sont défendus par Talleyrand. Séquence 9 – HG20 47 © Cned – Académie en ligne Selon Metternich, la mission des monarques est de mener une poli- tique conservatrice : « la conservation de toute chose légalement existante ». Par ailleurs ceux ci doivent s’opposer à toute évolution : « ce plan de destruction universelle ». Pour cela il faut réprimer les opposants : « qu’ils étouffent les sociétés secrètes ». On peut dire qu’il a une vision dualiste de l’Europe. Elle est divisée entre « les bons », partisans des monarchies conservatrices, et les méchants qualifiés de « perturbateurs du repos public ». On est soit dans un camp, soit dans l’autre, car il y va de « la paix politique de l’Europe ». Les révolutionnaires sont ceux qui veulent contester ou renverser l’ordre établi au Congrès de Vienne. Ce sont tous ceux qui professent des idées libérales ou nationales. L’auteur de la lettre les qualifie de « gangrène de la société ». Metternich fait allusion à des « sociétés secrètes » qui portent en Italie le nom de carbonaria. Définitions Congrès de Vienne : conférence réunissant en 1814-1815 les principaux souverains d’Europe pour régler les problèmes nés de la chute de l’Empire napoléonien. Légitimité dynastique : principe selon lequel le pouvoir appartient à la dynastie royale ayant régné sur un pays et non à son peuple. Sainte Alliance : traité signé par la Prusse, l’Autriche, la Russie et la France qui affirme l’origine divine du pouvoir et prévoit des interventions mutuelles pour écraser tout mouvement révolutionnaire. Carbonaria : société secrète qui, en Italie, lutte pour appliquer les principes libéraux et nationaux. Ses membres sont appelés les carbonari (carbonaro au singulier). En France, il existe un groupe équivalent sous le nom de « charbonnerie ». Après la chute de Napoléon, les alliés se réunissent en congrès, à Vienne de septembre 1814 à juin 1815. Les quatre puissances victorieuses de la France (l’Angleterre, la Prusse, l’Autriche et la Russie) e mènent les débats. Le principal animateur du congrès est le chancelier autrichien Metternich. Les souverains réaffirment leur volonté de revenir à l’ordre ancien. C’est pourquoi ils confirment le principe de légitimité dynastique qui restaure sur leur trône les souverains renversés par la Révolution ou par Napoléon (les Bourbons en France et en Espagne). Par ailleurs, les grandes puissances redécoupent la carte de l’Europe en s’accordant des avantages territoriaux mais en veillant aussi à ce qu’aucune d’entre elles ne deviennent hégémonique. Enfin, les alliés décident de rencontres internationales régulières : c’est le concert européen qui est parachevé par la signature du pacte de la Sainte Alliance. 48 Séquence 9 – HG20 © Cned – Académie en ligne 2. Les conséquences pour l’Italie Document 3 L’Italie divisée en plusieurs États après 1815 SUISSE EMPIRE D’AUTRICHE Vénétie Lombardie FRANCE Milan Turin Venise A EMPIRE OTTOMAN B Nice C ROYAUME DE PIÉMONT-SARDAIGNE Florence D ÉTATS PONTIFICAUX ROYAUME Rome Naples DES Mer Méditerranée DEUX-SICILES Empire d’Autriche et la Lombardie-Vénétie gouvernés par les Autrichiens. États gouvernés par des princes autrichiens : A - Duché de Parme, B - Duché de Modène, C - Duché de Lucques, D - Grand duché de Toscane. Séquence 9 – HG20 49 © Cned – Académie en ligne Question De combien d’États est constituée l’Italie après 1815 ? Réponse L’Italie est formée par le Royaume de Piémont-Sardaigne, la LombardieVénétie, le Duché de Parme, le Duché de Modène, le Duché de Lucques, le Grand duché de Toscane, les États Pontificaux, et le Royaume des Deux-Siciles ; en tout huit États. Définition Le Congrès de Vienne s’est affiché clairement contre tout mouvement libéral et national. L’équilibre des Principe des nationalités : c’est grandes puissances n’est pas compatible avec le le droit des peuples à dispoprincipe des nationalités. C’est pourquoi aucune ser d’eux-mêmes et le désir de aspiration nationale n’a été prise en compte lors du chaque nation à la souveraineté. Congrès de Vienne : si la France retrouve ses frontières de 1790, la Pologne est partagée entre la Russie, l’Autriche et la Prusse, la Belgique est intégrée aux Pays-Bas, et l’Allemagne reste une confédération d’états multiples. Quant à l’Italie, elle est considérée par Metternich comme « une simple expression géographique » ; elle demeure divisée en huit États. Dès 1815, en Italie comme dans d’autres pays d’Europe, des mouvements libéraux et nationaux tentent de résister au nouvel ordre européen. Des sociétés secrètes, comme la carbonaria italienne, sont créées dans les états où le régime interdit toute expression démocratique. B Organisation et actions des mouvements nationaux comme la carbonaria 1. La carbonaria, une organisation secrète Les carbonari tirent leur nom des charbonniers dont les cabanes dans le forêts auraient abrité leurs réunions clandestines loin du regard de la police qui les pourchassait. Voir page suivante 50 Séquence 9 – HG20 © Cned – Académie en ligne Document 4 Réunion secrète des carbonari avec accueil des nouveaux membres – gravure de 1820 © Mary Evans/Rue des Archives Archives. Document 5 Le programme des carbonari – extrait de « l’Italie, l’Autriche et le Pape », revue indépendante, septembre 1845 de Giuseppe Mazzini G. Mazzini est un carbonaro, il fonde en 1831 le mouvement Jeune Italie. « Nous sommes un peuple de 21 à 22 millions d’hommes désignés […] sous un même nom (celui du peuple italien) renfermés dans les limites naturelles les plus précises que Dieu ait jamais tracées […], parlant la même langue modifiée par des patois […], ayant les mêmes croyances, les mêmes mœurs […] ; fiers du plus glorieux passé politique, scientifique, artistique qui soit connu dans l’histoire européenne […]. Nous n’avons pas de drapeau, pas de nom politique, pas de rang parmi les nations européennes. Nous n’avons pas de centre commun […] pas de marché commun. Nous sommes démembrés en huit États […] tous indépendants les uns des autres […]. Et tous ces États sont régis par des gouvernements despotiques […]. Il n’existe pas de liberté ni de presse, ni d’association, ni de parole […] ni d’éducation ; rien. Un de ces États comprenant à peu près le quart de la péninsule appartient à l’Autriche ; les autres, en subissent aveuglément l’influence […] La carte de l’Europe est à refaire. » Document 6 La répression contre les carbonari – extrait de Mes prisons de Silvio Pellico (1832) S. Pellico est un carbonaro qui fut arrêté en 1820 par les Autrichiens et emprisonné jusqu’en 1830. Son livre, Mes prisons, a été diffusé dans toute l’Europe. Séquence 9 – HG20 51 © Cned – Académie en ligne « Au milieu de la Piazzetta était l’échafaud sur lequel nous devions monter. […] Debout sur l’échafaud, nous regardâmes autour de nous et sur cette immense population nous vîmes planer la terreur […]. Le capitaine autrichien nous cria de nous tourner du coté du palais, et de lever les yeux en haut. Nous obéîmes, et ce fut pour voir, sous les arcades de la terrasse, un homme de palais qui tenait un papier à la main : c’était la sentence. Il la lut à haute voix. Il se fit un profond silence jusqu’à cette expression : condamné à mort. Alors s’éleva un murmure général de compassion. Il se fit un nouveau silence pour écouter le reste de la lecture et un murmure accueillit ces expressions : condamnés au carcere duro** : Maroncelli pour vingt ans, et Pellico pour quinze. » *Carcere duro : travaux forcés avec des chaînes aux pieds. Questions Comment devient-on carbonaro ? De quels milieux sont issus ses membres ? En quoi leur société semble-t-elle secrète ? (doc 4). Quel constat fait G. Mazzini ? Quelle est pour lui la cause de la division de l’Italie ? Que préconise-t-il ? (doc 5) Quel est le mode d’action choisi par les carbonari et pour quelles rai- sons ? (docs 4 et 6) Réponses On devient carbonaro à l’occasion d’une cérémonie d’initiation où le nouveau membre jure fidélité à la société secrète. Sur l’image, le postulant est à genoux et lève le bras en signe de promesse. On voit sur le dessin que les carbonari sont issus de la bourgeoisie car ils portent des chapeaux hauts-de-forme et des bottes. La carbonaria recrute aussi parmi les militaires (présence d’officiers en uniforme). Leur assemblée se réunit dans une sorte de grange juste éclairée par une bougie. Il s’agit de ne pas se faire remarquer par la police. G. Mazzini constate qu’il existe une nation italienne qui dispose de plusieurs atouts : un pays peuplé, une réelle unité territoriale, linguistique et culturelle, et un « glorieux passé politique scientifique, artistique ». Il constate ensuite que la nation italienne n’est pas une réalité : « Nous n’avons pas de drapeau… pas de centre commun… démembrés en huit états… tous indépendants les uns des autres ». La cause de la division est politique : l’unification de l’Italie est empêchée par l’Autriche qui, depuis le traité de 1815, maintient la division de l’Italie pour mieux y régner. De plus les régimes en place sont « despotiques » et contrôlés par l’Autriche, « les autres en subissent aveuglément l’influence ». Ils empêchent toute expression politique favorable à l’unification « il n’existe pas de liberté de presse… ni de parole ». G. Mazzini estime qu’il faut lutter contre la présence de l’Autriche et contre ses États satellites : « la carte de l’Europe est à refaire ». 52 Séquence 9 – HG20 © Cned – Académie en ligne La carbonaria a choisi l’action clandestine. Elle est organisée en société secrète. Il s’agit d’échapper ainsi à la police et à l’armée autrichienne. Dans les États italiens, toute expression ou manifestation politique favorable aux idées libérales et nationales entraine une arrestation et une condamnation : « c’était la sentence… il la lut à haute voix… condamnés au carcere duro » La publication du récit Mes prisons va sensibiliser l’opinion libérale au combat des carbonari en dénonçant la répression qu’ils subissent. Définitions Les partisans du libéralisme tentent de résister à l’ordre mis en place au Congrès de Vienne. Les libéLibéralisme : idéologie politique raux refusent la société d’ordres et ils veulent établir et économique qui favorise les le libre-échange économique mais aussi la liberté libertés individuelles. et de réunion. Le libéralisme est étroid’expression Nationalisme : idéologie qui tement lié au nationalisme. Les libéraux demandent revendique le fait qu’une nation l’application du principe de la souveraineté nationale, a des droits. et donc la reconnaissance de la nation. Pour diffuser ces idées libérales et nationales, les sociétés secrètes sont créées un peu partout en Europe et en particulier en Italie, où se développe le carbonarisme. Les carbonari s’organisent en petits groupes cloisonnés, appelés « ventes ». Ce mouvement recrute ses membres parmi les classes aisées et cultivées notamment chez les étudiants, les enseignants, et les militaires. Dans les années 1820-1830, ils revendiquent l’unité italienne et aspirent à une république démocratique. Leurs actions violentes (attentats) visent à préparer le renversement des monarques des États italiens soutenus par l’Autriche. En 1820-1821, des soulèvements de carbonari se déroulent à Naples dans le royaume des Deux-Siciles ainsi que dans le royaume du Piémont. Ils sont rapidement réprimés avec l’aide de l’armée autrichienne. Une deuxième série de soulèvements ont lieu dans les années 1830-1831 dans le duché de Modène, dans le duché de Parme et dans les États pontificaux. Ils sont également écrasés par l’intervention des forces armées autrichiennes. Avec cet échec, le carbonarisme est frappé à mort. De nombreux membres sont exécutés ou jetés en prison, comme Silvio Pellico, ou contraints à l’exil, comme Giuseppe Mazzini. En 1830, en Allemagne et en Pologne, des soulèvements équivalents subissent le même sort que ceux d’Italie. 2. L’influence des mouvements libéraux et nationaux en Europe jusqu’en 1848 Document 7 Manifeste de la Jeune Europe – extrait de G. Mazzini (1834) « Réunis en assemblée dans un but d’utilité générale, le 15 avril 1834, la main sur le cœur et nous portant garants de l’avenir, nous avons décidé ce qui suit : Séquence 9 – HG20 53 © Cned – Académie en ligne 1. La Jeune Allemagne, la Jeune Pologne et la Jeune Italie, associations républicaines, tendant à une fin identique qui embrasse l’Humanité, et sous l’empire d’une même foi de Liberté, d’Egalité et de Progrès, signent un acte de fraternité […]. 4. La ligue d’attaque et de défense solidaire des peuples qui se reconnaissent est constituée par les trois associations. Toutes les trois travailleront d’accord à s’émanciper. Chacune aura droit au secours des autres, pour toutes les manifestations solennelles et importantes qui auront lieu en sa faveur […]. 8. Tout peuple qui voudrait participer aux droits et aux devoirs de la fraternité établie entre les trois peuples fédérés par cet acte, adhèrera formellement à l’acte même […]. » Questions Quels sont les points communs entre les trois peuples signataires du projet ? Quels sont les autres peuples qui pourraient se rallier à ce manifeste ? Contre qui est dirigée cette déclaration ? Réponses Ces trois peuples ont connu des mouvements insurrectionnels dans les années 1820-1830 qui furent des échecs. Ils souhaitent donc unir leurs forces pour lutter ensemble : « la ligue d’attaque et défense solidaire des peuples ». Les représentants des trois peuples partagent les mêmes valeurs (Liberté, Egalité, Progrès de l’Humanité) et se revendiquent de l’idéal républicain (« associations républicaines »). Les peuples qui pourraient adhérer à ce manifeste sont ceux qui vivent sous la domination impériale de l’Autriche ou de la Russie. Cette déclaration s’oppose aux puissances de la Sainte Alliance : l’Autriche, qui occupe une partie de l’Italie, ainsi que de la Pologne et qui s’oppose à l’unité allemande ; la Russie, qui elle aussi occupe une partie du territoire polonais. Après l’échec de 1830, les libéraux cherchent de nouveaux moyens pour parvenir à l’unité italienne. Deux stratégies opposées divisent les patriotes italiens : d’un côté les républicains avec G. Mazzini, exilé à Marseille puis en Suisse qui souhaite rassembler tous ses compatriotes dans le mouvement « Jeune Italie » en 1831. Il envisage un soulèvement général pour faire de l’Italie une république unitaire. Il souhaite développer une solidarité entre les peuples, en lançant avec des patriotes allemands et polonais en 1834, le mouvement « Jeune Europe » qui est ouvertement hostile à la Sainte Alliance ; de l’autre coté, on trouve les monarchistes avec Camillo Cavour, un libéral piémontais qui ne croit pas, comme Mazzini, au soulèvement 54 Séquence 9 – HG20 © Cned – Académie en ligne Définitions Risorgimento : Terme signifiant « renaissance » et désignant le mouvement en faveur de l’unité et de l’indépendance de l’Italie au XIXe siècle. Zollverein : système de libreéchange instauré entre les États Allemands mais excluant l’Autriche. Pangermanisme : mouvement qui veut unifier en un seul État toutes les populations de langues et de cultures allemandes. du peuple ni à une révolution démocratique. Cavour pense qu’il faut s’appuyer sur les forces vives du pays, c’est-à dire la bourgeoisie libérale. Il considère que c’est en modernisant l’Italie et, en particulier ses communications grâce au chemin de fer, que l’on pourra l’unifier. Il veut également mettre à la tête du mouvement national un prince qui établira une monarchie constitutionnelle. Il pense au roi de Piémont-Sardaigne. Malgré leurs différences, tous les nationalistes italiens sont mobilisés autour de l’idée d’un Risorgimento, dont le symbole est la musique des opéras patriotiques de Giuseppe Verdi. Depuis le Congrès de Vienne et la mise en place d’un ordre des princes, les mouvements libéraux et nationaux ont connu des destins variés : en Italie, l’échec du carbonarisme n’empêche pas l’émergence du sentiment national, le Risorgimento. En Allemagne, la volonté d’unité s’exprime dans le pangermanisme. Après 1830, et les échecs des révolutions, ce nationalisme emprunte la voie économique avec la mise en place du Zollverein, étape indispensable avant l’unité politique Cependant, les victoires des mouvements libéraux et nationaux sont rares : seules la Grèce et la Belgique obtiennent leur indépendance. En 1821, les Grecs se soulèvent contre l’empire ottoman. Ils obtiennent leurr indépendance en 1830, grâce aux soutiens des libéraux européens mais surtout par l’intervention militaire de la France, du Royaume-Uni et de la Russie. En 1830, les Belges qui n’ont pas accepté leur rattachement forcé en 1814 aux Pays-Bas proclament à leur tour leur indépendance. Là encore, le soutien décisif de la France et du Royaume-Uni permet à la Belgique indépendante de se doter d’une constitution libérale. A la veille de 1848 et malgré l’échec de la plupart des insurrections, le sentiment national se développe partout en Europe. Séquence 9 – HG20 55 © Cned – Académie en ligne 3 Révolutions politiques, révolutions sociales en France et en Europe, en 1848 Introduction On a vu dans le chapitre précédent qu’après la défaite de Napoléon en 1815, les pays vainqueurs (surtout : Autriche, Prusse, Russie) ont restauré le principe de légitimité monarchique au congrès de Vienne et choisi ainsi une vision du monde très autoritaire. Au contraire, à la suite des Lumières et de la Révolution française, des courants libéraux se manifestent toujours, réclamant la fin des régimes autoritaires. Ce choix du retour à l’ordre va nourrir les secousses politiques et natioProblématique nales avec l’émergence politique de nationalité qui ont pris conscience d’elles-mêmes Quelles sont les origines avec l’occupation française. C’est pourquoi des révolutions de 1848 ? on se propose d’étudier une grande vague Comment et pourquoi le révolutionnaire : 1848, « le printemps des « printemps des peuples » peuples », d’abord en France puis en Europe. échoue-t-il ? A La révolution de 1848 en France : épicentre du « printemps des peuples » 1. La chute de la monarchie de Juillet Document 1 « Le respect s’en va » « Veut-on que le peuple se découvre et s’incline devant ces législateurs qui restent sourds au cri de ses misères et qui repoussent ses pétitions d’un pied insolent ? Veut-on que les salariés en guenilles jonchent de palmes la route qui mène les spéculateurs à la caisse des monopoles ? Et qui donc, grand Dieu, la France pourrait-elle honorer, en ces jours de bassesse et de cupidités immondes ? Oui, le respect s’en va ; mais la faute en est à vous qui sacrifiez les principes à vos intrigues ; la faute en est à vous qui avez laissé démanteler 56 Séquence 9 – HG20 © Cned – Académie en ligne la Révolution française et qui poussez aujourd’hui des cris impuissants ; la faute en est à vous, et non au peuple, qui depuis 17 ans assiste impassible et triste à vos querelles d’antichambre. Le respect s’en va… et le mépris arrive ! » Discours d’Odilon Barrot (1791-1873), opposant à la monarchie de juillet, un des organisateurs de la campagne des banquets, au banquet de Soissons. « La Réforme », 19 septembre 1847. Questions Que reproche l’auteur et à qui ? Que suggère Odilon Barrot à travers sa formule finale : « le respect s’en va… et le mépris arrive ! » ? Réponses L’auteur reproche au pouvoir, donc à Louis Philippe et à son ministre Guizot, son indifférence face à la question sociale : « législateurs qui restent sourds au cri de ses misères… salariés en guenille ». Il faut préciser que ce régime politique était trop proche des intérêts d’une seule catégorie sociale minoritaire : la bourgeoisie. Durant cette période d’industrialisation, les inégalités sociales vont se creuser. Les conditions de travail et de vie des ouvriers sont extrêmement inquiétantes. De plus, à partir de 1846, la conjoncture économique est difficile : crise économique entraînant faillites, chômage et misère. La formule finale rappelle que le régime a perdu sa crédibilité : « le respect s’en va » mais aussi qu’il n’a plus la moindre légitimité pour durer ; la population est en droit de le remplacer : « le mépris arrive ». C’est pourquoi les opposants au régime, dont l’auteur, mènent une violente offensive politique contre ce régime. Mais, le 22 février 1848, le gouvernement interdit un banquet (sorte de réunion politique) à Paris, ce qui provoque des manifestations. Guizot démissionne, ce qui n’empêche pas les ouvriers, les artisans, les boutiquiers, les étudiants et autres Parisiens de dresser des barricades et de s’insurger. Ce sont bien des journées révolutionnaires. Louis Philippe abdique le 24 février et la République est proclamée. 2. La République fraternelle Une République qui se veut démocratique et sociale : aussitôt la République proclamée, un gouvernement provisoire est constitué réunissant des modérés, comme le poète Lamartine, et des socialistes, comme Louis Blanc. Les valeurs sont pour cette IIe République : égalité, liberté, fraternité. Cette République se veut une République ouverte et généreuse (des arbres de la liberté sont plantés et bénis par le clergé). Séquence 9 – HG20 57 © Cned – Académie en ligne De grandes mesures sont prises : élection d’une Assemblée constituante qui sera élue au suffrage universel masculin par les hommes de plus de 21 ans ; abolition de la peine de mort mais seulement pour les délits poli- tiques ; proclamation des grandes libertés, de réunion, de presse ainsi que le droit au travail. Pour résoudre la question du chômage, le gouvernement met en place des ateliers nationauxx chargés de donner du travail aux chômeurs (près de 100 000 inscrits) ; abolition de l’esclavage dans les colonies (voir l’étude précédente). Ce bel élan fraternel ne dure pas car, dès le mois de juin 1848, la rupture entre la bourgeoisie et le monde ouvrier est consacrée. 3. L'échec de la IIe République Document 2 Les journées de juin 1848 « Les ouvriers n’avaient plus le choix (après la fermeture des ateliers nationaux) : il leur fallait ou mourir de faim ou engager la lutte. Ils répondirent, le 22 juin, par la formidable insurrection où fut livrée la première grande bataille entre les deux classes qui divisent la société moderne. C’était une lutte pour le maintien ou l’anéantissement de l’ordre bourgeois. Le voile qui cachait la République se déchirait. On sait que les ouvriers avec un courage et un génie sans exemple, sans chef, sans plan, sans ressources, pour la plupart manquant d’armes, tinrent en échec cinq jours durant l’armée, la garde mobile, la garde nationale de Paris ainsi que la garde nationale qui afflua de la province. On sait que la bourgeoisie se dédommagea de ses transes mortelles par une brutalité inouïe et massacra plus de 3 000 prisonniers. Les représentants officiels de la démocratie française étaient tellement prisonniers de l’idéologie républicaine qu’il leur fallut plusieurs semaines pour commencer à soupçonner le sens du combat de juin. » Karl Marx, Les Luttes de classes en France (1848-1850), Éditions sociales, 1946. Questions Quel événement déclenche les journées de juin ? Quelle lecture Marx fait-il de ces journées ? 58 Séquence 9 – HG20 © Cned – Académie en ligne Réponses L’Assemblée obtient la fermeture des ateliers nationaux x pour des rai- sons économiques et politiques : ils coûtent très cher d’où l’augmentation des impôts, ce qui déplaît à la bourgeoisie et au monde paysan, et en plus ce sont des foyers de subversion. Ils sont fermés le 21 juin déclenchant ainsi l’insurrection des quartiers populaires parisien. Le gouvernement charge l’armée et le général Cavaignac d’écraser cette rébellion. Les combats font 5 000 victimes et la répression est sévère (25 000 personnes sont arrêtées, 12 000 emprisonnées et 4 000 déportées en Algérie et en Guyane). C’est cet épisode sanglant qui coupe la République d’une partie du peuple. Marx (vous allez réaliser une fiche biographique du personnage) fait une lecture binaire de l’événement : pour lui, ces journées de juin 1848 sont un épisode de la lutte des classes entre prolétariat ou ouvriers d’un côté et bourgeoisie de l’autre (« engager la lutte… grande bataille entre les deux classes qui divisent la société moderne »). Finalement l’Assemblée réussit à proposer une nouvelle constitution en novembre 1848. C’est le parti de l’Ordre qui remporte les élections législatives de 1849, confirmant le virage conservateur de la IIe République, d’autant plus que Louis-Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon Ie (vous allez réaliser une fiche biographique du personnage) est élu président de la République en décembre 1848. C’est désormais un régime de plus en plus conservateur, assuré du soutien de l’Eglise, qui joue un rôle clé dans l’enseignement et contrôle les campagnes. La République impose alors la restriction du suffrage universel en fixant la condition des 3 ans de résidence, ce qui exclut beaucoup d’ouvriers obligés de se déplacer en fonction de l’offre de travail qui leur est faite. Le 2 décembre 1851, Louis-Napoléon Bonaparte dissout l’Assemblée et organise ainsi un coup d’État. Un an plus tard, le 2 décembre 1852, il se proclame empereur sous le nom de Napoléon III. La IIe République est morte. Puisqu’elle s’était retournée contre eux, les ouvriers ne l’ont pas défendue. Conclusion On voit ainsi l’échec d’une République fraternelle, mais ces journées de février 1848 ont entraîné les révoltes populaires dans le reste de l’Europe. Pour autant, cette démocratie est partielle. Elle exclut les plus pauvres et surtout les femmes, comme en témoigne la critique d’Eugénie Niboyet dans La Voix des femmes, le 20 avril 1848 : « La France est en République. La République, c’est la régénération de la société, la société ce sont les hommes et les femmes. Le plus profond principe de la régénération proclamée par la République c’est l’Egalité, l’Egalité sociale ; l’Egalité de tous les membres de la société. Dire aux femmes : vous n’êtes pas électeurs, vous n’êtes pas éligibles, c’est refuser d’établir l’Egalité tout en la proclamant… » Pour approfondir sur le combat des femmes pour obtenir le droit de vote vous allez réaliser une fiche biographique sur Jeanne Deroin (18051894) qui fut l’une des premières Françaises à militer pour la reconnaissance du droit politique des femmes. Personnage peu connu, elle est le symbole de ce socialisme utopique du milieu du XIXe siècle. Séquence 9 – HG20 59 © Cned – Académie en ligne B En Europe, « le printemps des peuples » À nouveau la France sert de modèle et, au printemps 1848, presque tous les pays d’Europe entrent tour à tour en révolution. D’immenses espoirs de liberté et d’unité nationale naissent alors. 1. Pourquoi des révolutions en 1848 ? Document 3 Gravure de Frédéric Sorrieu, Anniversaire de la République, Le Marché La République universelle, démocratique et sociale, 1848, musée Carnavalet, Paris © RMN/Agence RMN/A Bulloz. B ll 60 Question Quels messages peut-on déduire de cette gravure ? Réponse Cette gravure a été réalisée en 1848 et elle représente un paysage imaginaire (sans doute en France avec la mise en place du drapeau tricolore sur le bâtiment). C’est un port où de nombreuses personnes sont réunies venant du monde entier (voir les différents costumes). Sur les 4 colonnes symbolisant les 4 continents est gravée la devise républicaine française : liberté, égalité, fraternité. Cette gravure Séquence 9 – HG20 © Cned – Académie en ligne illustre les rêves de liberté des peuples (la France a montré l’exemple) mais aussi les rêves de richesse d’un grand nombre d’Européens. Grâce au libre-échange, les produits de toutes les régions du monde viennent satisfaire Définition les besoins des consommateurs de plus en plus nombreux. On pense à cette époque que la liberté de circulation des Utopie : c’est l’idéal politique capitaux, des biens, des marchandises va assurer la Paix uniet social vers lequel doit tendre verselle. Cette gravure est représentative de l’euphorie de toute société. Dans les faits cet 1848, mais elle n’est pourtant qu’une utopie dans une objectif est difficilement réaEurope qui ne fait qu’entamer son développement industriel lisable à l’époque où il est un et son processus démocratique. enjeu de pouvoir. Document 4 Le printemps des peuples 1848-1849 Berlin Leipzig Paris février 1948 Francfort * * Prague (Tchèques) Munich * * Pologne prussienne * Vienne mars 1948 * (Hongrois) Milan Turin * (Italiens) *Venise Ferrare *Florence * TOSCANE * *Budapest * Transylvanie (Roumains) Zagreb (Croates) 400 km Rome * Départs des mouvements révolutionnaires Royaume de Prusse Centres révolutionnaires en Italie Empire d'Autriche Centres révolutionnaires en Autriche et dans la Confédération germanique France Séquence 9 – HG20 61 © Cned – Académie en ligne Plus généralement, les causes de 1848 sont multiples : Aspirations libérales et nationales de 1830. Elles n’ont pas disparu (notamment avec un fort sentiment national en Allemagne, en Italie, et parmi des peuples de l’Empire d’Autriche comme les Tchèques, les Hongrois ; et avec le désir de constitutions pour en finir avec ces régimes autoritaires). Le sentiment des nationalités s’inspire de l’occupation de l’Europe par les forces armées napoléoniennes. Les Européens ont gardé le souvenir de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen française qui stipule que tout peuple a la liberté de disposer de lui-même. Chaque peuple de l’empire autrichien a le clair sentiment d’une singularité linguistique, culturelle et historique. Cette singularité doit, pour ces peuples, déboucher sur une autonomie politique. Contexte économique difficile : Une crise économique européenne frappe le continent ; elle est marquée par l’inflation et la montée du chômage qui touche les ouvriers. Succès, au départ, de la Révolution de février 1848 en France. Ces événements ont lieu simultanément partout en Europe, comme le montre la carte du document 4. L’empire d’Autriche est le premier touché par la vague révolutionnaire, avec des émeutes à Vienne dès mars 1848. Le chancelier Metternich, au pouvoir depuis 1815, doit fuir et l’empereur promet une Constitution. Dans cet empire multinational, les différentes nationalités se soulèvent : Tchèques, Croates, Hongrois. Les Hongrois dirigés par Kossuth obtiennent leur autonomie et réclament leur indépendance en septembre. En Allemagne, Berlin est la deuxième cible de la vague révolutionnaire. Face aux mouvements populaires et libéraux, le roi de Prusse, Frédéric Guillaume IV, promet une assemblée constituante. Les partisans de l’unité allemande profitent de la situation pour proposer l’élection d’une Assemblée nationale. Un Parlement se réunit en effet à Francfort en 1848, prépare une Constitution et choisit Frédéric-Guillaume IV comme empereur. En Italie, les troubles sont nombreux. Les différents souverains doivent accorder des Constitutions. L’unité de la nation italienne semble possible par l’affaiblissement de l’Autriche. Le roi du Piémont, Charles-Albert, prend la tête d’une armée italienne contre les Autrichiens, à Milan et à Venise. 2. La répression Mais ces reculades des souverains ne sont que tactiques. Dès juin 1848, la réaction des souverains s’organise. 62 Séquence 9 – HG20 © Cned – Académie en ligne Le retour à l’ordre antérieur est assez rapide. Les souverains font agir la Sainte-Alliance qui prévoit une entraide entre les régimes monarchiques attaqués par des mouvements révolutionnaires. La répression armée rend aux monarques le pouvoir, et les leaders du « printemps des peuples » sont souvent fusillés pour l’exemple. L’Autriche, ainsi, redevient une puissance autoritaire et empêche toute division de l’Empire (dès 1848 l’armée autrichienne reconquiert Prague). En Allemagne, le rêve unitaire des libéraux se heurte à l’opposition de l’Autriche, qui oblige le roi de Prusse à refuser la couronne impériale, et en Italie, l’armée autrichienne réoccupe toute l’Italie du Nord. On peut donc dire qu’en 1849-1850, l’ordre dynastique règne à nouveau. Cependant, « le printemps des peuples » reste fondateur en ce sens qu’il a fait prendre conscience à de nombreux peuples de leur propre puissance. Les aspirations à la liberté et à l’unification nationale ne peuvent plus être étouffées. Ces projet verront leur concrétisation dans la seconde moitié du siècle avec notamment l’unification allemande et italienne, et au début du XXe avec la disparition de l’empire russe en 1917. Séquence 9 – HG20 63 © Cned – Académie en ligne