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grande étude évaluant l’oreillette gauche, 20% des athlètes
d’élite présentaient un diamètre auriculaire gauche M 40
mm.7 De façon intéressante, des échocardiographies répé-
tées au long cours, chez des athlètes actifs de très haut ni-
veau, ont montré que l’oreillette gauche continuait de se
dilater alors que les dimensions ventriculaires gauches
restaient stables.4 Cela pourrait être en relation avec la
survenue d’arythmies supraventriculaires, comme indiqué
plus loin.
Les athlètes présentent fréquemment des modifications
de l’ECG, qui sont essentiellement liées au remodelage
ventriculaire et à l’augmentation du tonus vagal. Récem-
ment, la Société européenne de cardiologie a publié un ar-
ticle de consensus important sur l’interprétation de l’élec-
trocardiogramme chez l’athlète,8 référence qui devrait être
connue de tout médecin du sport. Les modifications de
l’ECG ont été classées en deux groupes : 1) modifications
fréquentes (jusqu’à 80% des athlètes) et liées à l’entraîne-
ment et 2) modification rares (l 5%) et sans relation avec
l’entraînement (tableau 1). Les anomalies du groupe 1 ne
nécessitent pas d’investigation complémentaire pour au-
tant que l’anamnèse et l’examen clinique soient normaux,
alors que les anomalies du groupe 2 doivent être clarifiées.
Parmi les anomalies courantes liées à l’hypertonie vagale
figurent la bradycardie sinusale de repos, l’arythmie sinu-
sale et le bloc atrioventriculaire du 1er ou du 2e degré de
type Wenckebach. En l’absence d’une fréquence cardiaque
l 30/min ou de pauses L 3 secondes, ces anomalies sont
considérées comme physiologiques. Quant aux blocs atrio-
ventriculaires, en cas de doute, leur disparition à l’effort ou
lors d’une épreuve d’hyperventilation confirme leur nature
bénigne.
Deux types de critères électriques d’hypertrophie ventri-
culaire sont couramment utilisés : 1) les critères de Sokolow-
Lyon : S V1 + R V5 ou V6 M 3,5 mV (35 mm) ou R en aVL M 1,1
mV (11 mm) et 2) les critères de Cornell : R aVL + S V3 L 2,8
mV (28 mm) chez l’homme ou L 2,0 mV (20 mm) chez la
femme. La présence isolée de ces critères, sans trouble de
la repolarisation, est considérée comme bénigne et ne jus-
tifie pas une échocardiographie. Le bloc de branche droit
incomplet (QRS l 120 ms) est retrouvé chez 35 à 50% des
athlètes et peut aussi être considéré comme bénin.
Les anomalies de la repolarisation représentent la diffi-
culté principale dans l’évaluation des ECG d’athlètes. Pré-
sente chez plus de la moitié d’entre eux, la repolarisation
précoce est considérée comme bénigne. Elle consiste en
un sus-décalage du point J (jonction du QRS et du segment
ST) de M 0,1 mV, avec le plus souvent un segment ST con-
cave vers le haut, prédominant dans les dérivations précor-
diales. Cependant, il existe différents types de repolarisa-
tion précoce, notamment dans la population africaine ou
afro-caribéenne, qui peuvent mimer les altérations présen-
tes dans la cardiomyopathie hypertrophique ou la cardio-
myopathie arythmogène du ventricule droit et qui justifient
un avis cardiologique. Le Centre de médecine du sport
Swiss Olympic des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG)
collabore d’ailleurs étroitement et de longue date avec le
Service de cardiologie dans l’analyse des ECG d’athlètes.
Il a été démontré que l’utilisation de ces nouveaux critères
permet de réduire le nombre de faux positifs, c’est-à-dire
le nombre d’athlètes qui devaient inutilement se soumet tre
à des examens complémentaires.
Fibrillation auriculaire
La fibrillation auriculaire est l’une des arythmies rencon-
trées le plus fréquemment chez les athlètes. Une grande
étude effectuée chez de jeunes sportifs n’a pas démontré
d’augmentation de l’incidence de troubles du rythme su-
praventriculaire, quelle que soit la taille de l’oreillette
gauche.7 En revanche, il est maintenant établi que les ath-
lètes âgés de plus de 30 ans, ayant accumulé de nombreu-
ses années d’entraînement d’endurance, présentent envi-
ron cinq fois plus de risque de développer une fibrillation
auriculaire que la population normale.9 Le mécanisme
physiopathologique responsable de la fibrillation auricu-
laire est probablement en lien avec la dilatation auriculaire
gauche associée à un certain degré de fibrose qui constitue
un terrain arythmogène idéal, surtout en présence de l’hy-
peractivité vagale de base et de la stimulation sympathi-
que intermittente rencontrées chez les athlètes.9
Extrasystoles ventriculaires
La présence de très fréquentes extrasystoles ventricu-
laires chez l’athlète peut être une manifestation d’une car-
diopathie sous-jacente, qui justifie des investigations com-
plémentaires.10 De façon intéressante, les arythmies ven-
triculaires chez l’athlète proviennent souvent du ventricule
droit et ont pu être corrélées avec une diminution de la
fonction systolique du ventricule droit, comme déjà men-
tionné précédemment.11
La mort subite est définie comme une mort inattendue
de cause naturelle, survenant brutalement (l 1 heure), sans
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Tableau 1. Modifications de l’ECG chez l’athlète
(Adapté de réf.8).
Groupe 1 : modifications fréquentes et liées à l’entraînement
• Bradycardiesinusale
• Blocatrioventriculairedupremierdegré
• Blocdebranchedroitincomplet
• Repolarisationprécoce
• CritèreisolédevoltageduQRSpourunehypertrophieventriculaire
gauche
Groupe 2 : modifications rares et non liées à l’entraînement
• Inversiondel’ondeT
• Sous-décalagedusegmentST
• OndesQpathologiques
• Dilatationdel’oreillettegauche
• Déviationaxialegauche/hémiblocantérieurgauche
• Déviationaxialedroite/hémiblocpostérieurdroit
• Hypertrophieventriculairedroite
• Pré-excitationventriculaire
• Blocdebranchegaucheoudroitcomplet
• IntervalleQTlongoucourt
• DébutderepolarisationdetypeBrugada
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