populations et tenta de s’allier la sympathie des élites lettrées
musulmanes, notamment au sein de la Tijaniyya qui profita de la
présence française pour se développer considérablement et
supplanter les autres confréries. Depuis l’indépendance, le pays
est gouverné par des dirigeants civils et militaires musulmans qui
s’efforcent de construire un État laïc tout en prenant en compte
l’importance numérique de la population musulmane. Ainsi, la
religion est utilisée comme capital symbolique (multiplication des
pèlerinages à La Mecque les veilles d’élection) pour obtenir le
soutien des populations. Cependant, les cercles dirigeants
nigériens ont toujours pris soin d’éviter le développement d’un
État islamique. Aujourd’hui, l’islamisation du pays est presque
totale et les communautés animistes et chrétiennes sont réduites
à la portion congrue7. Cette évolution doit être prise en compte
dans un contexte de « réveil de l’islam » à travers tout le monde
musulman, y compris l’Afrique de l’Ouest et particulièrement au
Niger, où le phénomène impressionne par l’ampleur prise depuis
une génération8.
Ce renouveau islamique consiste en la diffusion de meilleures
connaissances et pratiques islamiques. Les spécialistes de l’islam
subsaharien9observent un phénomène qui touche aussi bien les
élites que les couches les plus populaires, les espaces ruraux
ou urbains. Les signes sont nombreux : multiplication du
nombre de mosquées, d’écoles coraniques, de séances
publiques de prédication ; accroissement de l’importance du
Hajj, le grand pèlerinage annuel à la Mecque. On observe la
multiplication des émissions de radios ou de télévision
consacrées aux prêches mais aussi des conseils sur tous les
aspects pratiques de la vie des fidèles (relations de couple,
relations sociales, hygiène et parfois politique). Les pratiques
vestimentaires (que ce soit le port du hijab, voile islamique ou, à
plus petit échelle, du niqab pour les femmes) évoluent aussi
fortement. L’espace politique est également touché par le
phénomène – mobilisation des associations islamiques, recours
de plus en plus fréquent à la symbolique islamique par les
dirigeants politiques. Enfin, on note un renouveau des réseaux
économiques autour des différents courants islamiques.
Les carnets du CAP
140