Le 11 novembre 1918, au son des clairons sur la ligne de front, s’achevait le plus terrible conflit que le monde ait connu. Dans une immense ferveur patriotique, la France célébrait la victoire. Ce jour-là, nul ne pouvait imaginer que, moins de 2 décennies plus tard, l’Europe serait à nouveau frappée par la terreur et la barbarie. Notre commémoration revêt une dimension toute particulière. Nous rendons hommage à tous les combattants tombés au champ d’Honneur. Nous pensons à ces soldats, français et allemands, morts pour leur pays. Dix cellois sont morts sur le front en 1916. Ils avaient de 20 à 30 ans. Ils étaient menuisier, épicier, maçon, plombier, journalier. Leurs noms sont gravés à jamais sur notre Monument du Souvenir : Paul GODARD, 22 ans, mitrailleur au 28ème R.I. ; Henri DAVEAU, soldat au 153ème R.I. ; Marcel LE CERF, soldat au 76ème R.I. ; Georges MORGUENTHALER, garde des voies de communication, puis sapeur au 233ème Territorial, 45 ans, le plus âgé ; Lucien CHARUE, 25 ans, sergent au 74ème R.I. ; Paul CHANGEUX, 26 ans, caporal au 4ème régiment de Zouaves ; Aron SENDER, 28 ans, caporal au 54ème Colonial ; Georges ESTIVAL, chasseur au 17ème BCP, 18 ans, le plus jeune ; Alfred PECCATE, 29 ans, chasseur au 17ème bataillon d’infanterie ; et Georges GOUGET, 36 ans, soldat au 350ème R.I. 1916, ce fut la bataille de Verdun, et ce fut aussi la bataille de la Somme. Mais Verdun reste à jamais ancrée dans notre mémoire collective. De février à décembre, dans un quadrilatère de moins de 30 km2, les combats firent 700 000 victimes, dont 300 000 tués et disparus, enterrées dans les bois, les landes, les labours, qui s’étendent de Verdun et Malancourt à l’ouest, au fort de Tavannes à l’est. Verdun, ce fut une bataille de sens et de symboles, exceptionnelle tant par sa durée interminable que par la violence des combats. Verdun fut une bataille d’anéantissement, décidée et menée sans autre but que l’épuisement complet des combattants. Après 16 mois de guerre, fin 1915, les ressources allemandes en hommes et matériel commençaient à manquer, le doute s’installait chez les combattants comme dans la population. Le Kayser voulait obtenir une victoire militaire marquante. Lors d’une entrevue avec Guillaume II, le 3 décembre 1915, le général Von Falkenhayn, chef de l’état-major allemand, proposa à l’empereur d’engager, sur le front occidental, une offensive de rupture et d’infliger à la France une défaite écrasante qui aurait mis fin à l’alliance franco-anglaise. Falkenhayn décida de frapper un coup décisif, préparé par un feu roulant d’artillerie, dans un secteur étroit, celui de Verdun, qui constituait un saillant dans le dispositif allemand. L’objectif territorial était finalement secondaire, l’action avait une évidente portée symbolique. Verdun était un symbole. La place avait appartenu au Saint Empire romain germanique jusqu’au 16ème siècle, puis elle avait été rattachée à la couronne de France, lors du traité de Chambord en 1553. Sous la révolution et sous le 2nd empire, en 1793 puis en 1870, la place avait été le théâtre d’âpres combats, mais elle était toujours demeurée française. La conquête d’une place-forte, aussi prestigieuse, ne pouvait que porter un coup fatal au moral de ses défenseurs. Verdun représentait aussi un avant-poste français face à la forteresse de Metz tenue par l’Allemagne depuis 1870. Enfin la topographie des lieux, avec ses nombreuses collines, dominant la ville, permettait le bombardement et le contrôle militaire de la ville et des forts environnants. Au matin du 21 février 1916, un déluge de fer et de feu, nourri par le tir de 1200 canons, s’abattit sur les positions françaises qui résistèrent héroïquement. En une seule journée, des dizaines de milliers d’obus pilonnèrent les 12 kilomètres de front. Après 6 heures de bombardement, les troupes allemandes avancèrent sur les positions françaises. Ce matin-là, le 21 février, dans le bois des Caures, sortant hagards des trous où ils s’étaient enterrés pendant le terrible bombardement, quelques poignées d’hommes s’opposèrent à la progression adverse, manifestant une résistance inattendue et une bravoure exceptionnelle. Après les succès initiaux des troupes allemandes, la défense s’organisa sous la direction du général Pétain. Au cours des mois de février à juillet, près de 30 millions d’obus, furent tirés de part et d’autre. Des combats farouches eurent lieu à Douaumont, au Mort-Homme, à Froideterre et à Vaux. Les positions perdues furent à chaque fois reconquises au prix de très lourdes pertes. Des villages, comme celui de Fleury furent pris et repris, changeant de main jusqu’à 16 fois entre février et juin 1916. Après 10 mois de combats, le 16 décembre 1916, l’état-major impérial constata l’échec de l’offensive, décidant ainsi de la fin de la bataille de Verdun. Soulagée sur ce flan, l’état-major français lança alors, conformément aux plans de Foch, une vaste offensive sur la Somme. Le bilan de la bataille de Verdun fut considérable, mais moins par ses conséquences militaires que par sa portée symbolique. Le front avait tenu ! Après la guerre, Verdun devint ville de la victoire. Puis, le temps apaisant les esprits, Verdun devint ville de la paix, emblème de la réconciliation franco-allemande. Le 22 septembre 1984, devant l’ossuaire de Douaumont, le président François Mitterrand et le chancelier Helmut Kohl célébraient ensemble la paix revenue. Ces 4 années de guerre ont transformé l’histoire du monde ; l’Europe sortit épuisée de la guerre, sa position internationale durablement affaiblie. Malgré la signature du traité de Versailles en 1919 et la création d’institutions destinées à garantir la paix, la guerre reprit ses droits, 20 ans plus tard, sur le continent européen. Ce n’est qu’après la fin de la 2ème guerre mondiale, que furent fondées, par des hommes d’exception, les bases d’une Europe réunie. La réconciliation de la France et de l’Allemagne constitue l’acte fondateur de l’Europe moderne, le pilier essentiel de l’union européenne. Aujourd’hui où la guerre fait rage dans différentes parties du monde, de la Syrie à l’Irak, en Afghanistan, en Somalie, où de nouvelles menaces se font jour, jusque sur le continent européen, qui peut contester la nécessité de l’union de l’Europe ? Alors que l’axe géopolitique du monde s’est déplacé vers le Pacifique, et que le contrat américain de « réassurance » est de plus en plus affaibli, qui peut affirmer que la défense de l’Europe n’est pas d’abord l’affaire des européens ? Comme nous le rappellent, à nouveau, les élections présidentielles américaines, les Etats-Unis ne porteront plus longtemps l’essentiel de la charge de la défense de l’Europe. Face au désordre mondial, il nous faut construire une Europe forte, une Europe politique, dotée de capacités de défense, et cela dépend de nous français, allemands, européens. La refondation d’une Europe des peuples et des nations sera la grande affaire des prochaines années. Il nous faut ouvrir le chantier de cette Europe politique. Elle est une condition, non pas de la dépossession des souverainetés nationales, mais de l’intégrité de nos vieilles nations dans un monde dangereux. Le combat pour la paix n’est pas un combat d’arrière-garde, c’est le combat d’aujourd’hui. La cérémonie du 11 novembre nous invite à honorer la patrie, à témoigner notre gratitude à l’égard de nos glorieux combattants qui qui ont fait le sacrifice de leur vie ! Elle nous exhorte à prendre conscience de notre dette vis-à-vis de l’Europe réconciliée et unie et du poids de notre responsabilité. Commémorer l’armistice du 11 novembre, c’est promouvoir notre volonté d’un monde de paix, de liberté et de justice. C’est réaffirmer notre confiance inébranlable dans les principes républicains de liberté, d’égalité et de fraternité, et proclamer notre foi en la France.