Discours d`Olivier Delaporte - Mairie de La Celle Saint

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Le 11 novembre 1918, au son des clairons sur la ligne de front, s’achevait le plus terrible
conflit que le monde ait connu. Dans une immense ferveur patriotique, la France célébrait la
victoire. Ce jour-là, nul ne pouvait imaginer que, moins de 2 décennies plus tard, l’Europe
serait à nouveau frappée par la terreur et la barbarie. Notre commémoration revêt une
dimension toute particulière. Nous rendons hommage à tous les combattants tombés au champ
d’Honneur. Nous pensons à ces soldats, français et allemands, morts pour leur pays.
Dix cellois sont morts sur le front en 1916. Ils avaient de 20 à 30 ans. Ils étaient menuisier,
épicier, maçon, plombier, journalier. Leurs noms sont gravés à jamais sur notre Monument du
Souvenir : Paul GODARD, 22 ans, mitrailleur au 28ème R.I. ; Henri DAVEAU, soldat au
153ème R.I. ; Marcel LE CERF, soldat au 76ème R.I. ; Georges MORGUENTHALER, garde
des voies de communication, puis sapeur au 233ème Territorial, 45 ans, le plus âgé ; Lucien
CHARUE, 25 ans, sergent au 74ème R.I. ; Paul CHANGEUX, 26 ans, caporal au 4ème
régiment de Zouaves ; Aron SENDER, 28 ans, caporal au 54ème Colonial ; Georges
ESTIVAL, chasseur au 17ème BCP, 18 ans, le plus jeune ; Alfred PECCATE, 29 ans, chasseur
au 17ème bataillon d’infanterie ; et Georges GOUGET, 36 ans, soldat au 350ème R.I.
1916, ce fut la bataille de Verdun, et ce fut aussi la bataille de la Somme. Mais Verdun reste à
jamais ancrée dans notre mémoire collective. De février à décembre, dans un quadrilatère de
moins de 30 km2, les combats firent 700 000 victimes, dont 300 000 tués et disparus, enterrées
dans les bois, les landes, les labours, qui s’étendent de Verdun et Malancourt à l’ouest, au fort
de Tavannes à l’est. Verdun, ce fut une bataille de sens et de symboles, exceptionnelle tant par
sa durée interminable que par la violence des combats. Verdun fut une bataille
d’anéantissement, décidée et menée sans autre but que l’épuisement complet des combattants.
Après 16 mois de guerre, fin 1915, les ressources allemandes en hommes et matériel
commençaient à manquer, le doute s’installait chez les combattants comme dans la
population. Le Kayser voulait obtenir une victoire militaire marquante.
Lors d’une entrevue avec Guillaume II, le 3 décembre 1915, le général Von Falkenhayn, chef
de l’état-major allemand, proposa à l’empereur d’engager, sur le front occidental, une
offensive de rupture et d’infliger à la France une défaite écrasante qui aurait mis fin à
l’alliance franco-anglaise. Falkenhayn décida de frapper un coup décisif, préparé par un feu
roulant d’artillerie, dans un secteur étroit, celui de Verdun, qui constituait un saillant dans le
dispositif allemand. L’objectif territorial était finalement secondaire, l’action avait une
évidente portée symbolique.
Verdun était un symbole. La place avait appartenu au Saint Empire romain germanique
jusqu’au 16ème siècle, puis elle avait été rattachée à la couronne de France, lors du traité de
Chambord en 1553. Sous la révolution et sous le 2nd empire, en 1793 puis en 1870, la place
avait été le théâtre d’âpres combats, mais elle était toujours demeurée française. La conquête
d’une place-forte, aussi prestigieuse, ne pouvait que porter un coup fatal au moral de ses
défenseurs. Verdun représentait aussi un avant-poste français face à la forteresse de Metz
tenue par l’Allemagne depuis 1870. Enfin la topographie des lieux, avec ses nombreuses
collines, dominant la ville, permettait le bombardement et le contrôle militaire de la ville et
des forts environnants.
Au matin du 21 février 1916, un déluge de fer et de feu, nourri par le tir de 1200 canons,
s’abattit sur les positions françaises qui résistèrent héroïquement. En une seule journée, des
dizaines de milliers d’obus pilonnèrent les 12 kilomètres de front. Après 6 heures de
bombardement, les troupes allemandes avancèrent sur les positions françaises. Ce matin-là, le
21 février, dans le bois des Caures, sortant hagards des trous où ils s’étaient enterrés pendant
le terrible bombardement, quelques poignées d’hommes s’opposèrent à la progression
adverse, manifestant une résistance inattendue et une bravoure exceptionnelle. Après les
succès initiaux des troupes allemandes, la défense s’organisa sous la direction du général
Pétain.
Au cours des mois de février à juillet, près de 30 millions d’obus, furent tirés de part et
d’autre. Des combats farouches eurent lieu à Douaumont, au Mort-Homme, à Froideterre et à
Vaux. Les positions perdues furent à chaque fois reconquises au prix de très lourdes pertes.
Des villages, comme celui de Fleury furent pris et repris, changeant de main jusqu’à 16 fois
entre février et juin 1916. Après 10 mois de combats, le 16 décembre 1916, l’état-major
impérial constata l’échec de l’offensive, décidant ainsi de la fin de la bataille de Verdun.
Soulagée sur ce flan, l’état-major français lança alors, conformément aux plans de Foch, une
vaste offensive sur la Somme. Le bilan de la bataille de Verdun fut considérable, mais moins
par ses conséquences militaires que par sa portée symbolique. Le front avait tenu !
Après la guerre, Verdun devint ville de la victoire. Puis, le temps apaisant les esprits, Verdun
devint ville de la paix, emblème de la réconciliation franco-allemande. Le 22 septembre 1984,
devant l’ossuaire de Douaumont, le président François Mitterrand et le chancelier Helmut
Kohl célébraient ensemble la paix revenue. Ces 4 années de guerre ont transformé l’histoire
du monde ; l’Europe sortit épuisée de la guerre, sa position internationale durablement
affaiblie. Malgré la signature du traité de Versailles en 1919 et la création d’institutions
destinées à garantir la paix, la guerre reprit ses droits, 20 ans plus tard, sur le continent
européen. Ce n’est qu’après la fin de la 2ème guerre mondiale, que furent fondées, par des
hommes d’exception, les bases d’une Europe réunie.
La réconciliation de la France et de l’Allemagne constitue l’acte fondateur de l’Europe
moderne, le pilier essentiel de l’union européenne. Aujourd’hui où la guerre fait rage dans
différentes parties du monde, de la Syrie à l’Irak, en Afghanistan, en Somalie, où de
nouvelles menaces se font jour, jusque sur le continent européen, qui peut contester la
nécessité de l’union de l’Europe ? Alors que l’axe géopolitique du monde s’est déplacé vers le
Pacifique, et que le contrat américain de « réassurance » est de plus en plus affaibli, qui peut
affirmer que la défense de l’Europe n’est pas d’abord l’affaire des européens ? Comme nous
le rappellent, à nouveau, les élections présidentielles américaines, les Etats-Unis ne porteront
plus longtemps l’essentiel de la charge de la défense de l’Europe.
Face au désordre mondial, il nous faut construire une Europe forte, une Europe politique,
dotée de capacités de défense, et cela dépend de nous français, allemands, européens. La
refondation d’une Europe des peuples et des nations sera la grande affaire des prochaines
années. Il nous faut ouvrir le chantier de cette Europe politique. Elle est une condition, non
pas de la dépossession des souverainetés nationales, mais de l’intégrité de nos vieilles nations
dans un monde dangereux. Le combat pour la paix n’est pas un combat d’arrière-garde, c’est
le combat d’aujourd’hui.
La cérémonie du 11 novembre nous invite à honorer la patrie, à témoigner notre gratitude à
l’égard de nos glorieux combattants qui qui ont fait le sacrifice de leur vie ! Elle nous exhorte
à prendre conscience de notre dette vis-à-vis de l’Europe réconciliée et unie et du poids de
notre responsabilité. Commémorer l’armistice du 11 novembre, c’est promouvoir notre
volonté d’un monde de paix, de liberté et de justice. C’est réaffirmer notre confiance
inébranlable dans les principes républicains de liberté, d’égalité et de fraternité, et proclamer
notre foi en la France.
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