Ecotoxicologie

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L’immunotoxicité des
pesticides
MERLET-BILLON Maryvonne
MIREUR Alexandra
MORIN Lauren
GB4 - 2011/2012
SOMMAIRE
ABRÉVIATIONS ...................................................................................................................... 3
INTRODUCTION ...................................................................................................................... 4
EFFETS DES PESTICIDES SUR L’IMMUNOTOXICITÉ DIRECTE ............................ 5
I.
1.
Définitions de l’immunosuppression et de l’immunostimulation ................................... 5
2.
Études épidémiologiques portant sur l’immunosuppression par les pesticides .............. 5
3.
Études réalisées en laboratoire pour vérifier l’impact des pesticides sur
l’immunosuppression.............................................................................................................. 6
II. EFFETS DES PESTICIDES SUR L’HYPERSENSIBILITÉ ............................................ 7
1.
Définition de l’hypersensibilité ....................................................................................... 7
2.
Études épidémiologiques évaluant l’effet des pesticides sur l’hypersensibilité.............. 7
3.
Études réalisées en laboratoire pour vérifier l’impact des pesticides sur
l’hypersensibilité .................................................................................................................... 8
III.
EFFETS DES PESTICIDES SUR L’AUTO-IMMUNITÉ ............................................. 9
1.
Définition de l’auto-immunité ......................................................................................... 9
2.
Études épidémiologiques de l’activation de l’auto-immunité par les pesticides............. 9
3.
Études en laboratoire vérifiant l’effet des pesticides sur l’auto-immunité.................... 10
CONCLUSION ........................................................................................................................ 11
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................... 12
RÉSUMÉ .................................................................................................................................. 14
ABSTRACT ............................................................................................................................. 15
2
ABRÉVIATIONS
ANSES: Agence Nationale de SEcurité Sanitaire
BSA : Bovin Serum Albumin
DDE : DichloroDiphenyldichloroEthylène
DDT : DichloroDiphenylTrichloroethane
DEET: N,N-DiEthyl-mEta-Toluamide
Ig : Immunoglobuline
LED : Lupus Érythémateux Disséminé
NHANES : National Health and Nutrition Examination Survey
NK: Natural Killer
NZB : New Zealand Black
NZW : New Zealand White
OC : OrganoChlorés
OMS : Organisation Mondiale de la Santé
ORP : Observatoire des Résidus de Pesticides
PCB : PolyChloroBiphényls
PIC : Prio Informed Consent
RA : Rhinite Allergique
SRBC : Sheep Red Blood Cells
T3 : Tri-iodothyronine
T4 : Tétra-iodothyronine
TPO: ThyroPerOxydase
TSH : Thryroid Stimulating Hormon
WAO : World Allergy Organization
3
INTRODUCTION
Dans un contexte mondial d'augmentation de la demande alimentaire, la culture
intensive est pratiquée dans de nombreux pays du Nord pour assurer les rendements
permettant de répondre à cette demande. Ce mode d'agriculture a massivement recours aux
substances chimiques comme les pesticides, puisque d’après l’Organisation des Nations Unies
pour l’alimentation et l’agriculture, il s'agit de « substances ou associations de substances qui
sont destinées à repousser, détruire ou combattre les ravageurs et les espèces indésirables de
plantes ou d’animaux ». Il en existe différentes catégories selon les espèces ciblées
(herbicides, insecticides, fongicides) ou selon leur nature chimique (organochlorés,
organophosphorés, carbamates,...). Or d'après l'observatoire des résidus de pesticides (ORP),
la France est le premier pays utilisateur de phytosanitaires en Europe et le quatrième dans le
monde avec plus de 78 000 tonnes de matières actives cultivées en 2008 pour un chiffre
d'affaire de plus de 2 milliards d'euros. Cependant, leur usage est très réglementé (autorisation
de mise sur le marché et évaluation des produits par la Commission Européenne) et des
politiques de réduction de l'utilisation de ces produits sont mises en place aux vues des
conséquences néfastes sur la santé humaine et animale. En effet, des études ont montré que
l'exposition aux pesticides a de nombreux impacts sur les organismes, tels que la
neurotoxicité, la reprotoxicité, ou encore l'immunotoxicité à laquelle nous allons
particulièrement nous intéresser. D'après l'organisation mondiale de la santé (OMS),
l'alimentation est la principale source d'exposition aux pesticides (ingestion). Cependant,
l'agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) souligne également d'autres voies
d'exposition, notamment par la contamination de l'air intérieur ou extérieur (inhalation), ou
encore par l'utilisation de pesticides dans les jardins ou sur les animaux domestiques (contact
cutané).
L'immunotoxicité est l'ensemble des conséquences subies par le système immunitaire
suite à l'exposition à un facteur environnemental. Il en existe trois manifestations majeures :
l'immunotoxicité
directe
regroupant
l'immunosupression
et
l'immunostimulation,
l'hypersensibilité ou allergie et enfin l'auto-immunité. Ces trois phénomènes peuvent conduire
à des maladies plus ou moins graves et étendues, d'où la nécessité urgente de trouver des
alternatives à l'utilisation abusive des pesticides, incontestablement connus comme produits
toxiques de nos jours.
Nous exposerons successivement des exemples d'études épidémiologiques et de
laboratoire de l'impact des pesticides pour chacune de ces trois catégories d'immunotoxicité.
4
I.
EFFETS DES PESTICIDES SUR L’IMMUNOTOXICITÉ
DIRECTE
1. Définitions de l’immunosuppression et de l’immunostimulation
L’immunotoxicité directe comprend l’immunosuppression et l’immunostimulation.
« L’immunosuppression est une altération du système immunitaire conduisant à une
diminution de la réponse immune. Elle est souvent dose-dépendante, les variations entre
individus sont faibles, mais peuvent être importantes entre espèces différentes.
L’immunostimulation est une altération du système immunitaire conduisant à une
augmentation ou un dérèglement de la réponse immune. Elle n’est pas dose-dépendante et les
variations entre individus et entre espèces sont fortes ». (Guerre)
En règle générale l’immunosuppression est provoquée de manière artificielle notamment lors
du traitement de maladies auto-immunes. Cependant de plus en plus de contaminations
chimiques ou de mutations génétiques sont à l’origine de ce phénomène, et notamment les
pesticides. Très peu d’études sont menées sur l’immunostimulation elle-même et elles
concernent plutôt les allergies ou les maladies auto-immunes.
2. Études épidémiologiques portant sur l’immunosuppression par les
pesticides
En 1996, Grasman et al. (Grasman, 1996) ont étudié l’impact de différents organochlorés,
et en particulier les polychlorobiphényls (PCBs) et le dichlorodiphényldichloroéthylène
(DDE, métabolite du dichlorodiphényltrichloroéthane (DDT), utilisé comme insecticide dans
les cultures) chez deux espèces d’oiseaux, les goélands argentés et les sternes caspiennes,
dans la région des Grands Lacs aux États-Unis. Ils ont pu mettre en évidence qu’une forte
concentration en ces contaminants était associée à une forte diminution de la réponse au test
de phytohemagglutinine, qui permet de mesurer la réponse immunitaire générale. Ils ont
également montré une diminution importante de la concentration en rétinol, favorisant le
fonctionnement du système immunitaire, et de la production d’anticorps spécifiques (test
SRBC, Sheep Red Blood Cells). D’autre part, en 2003, Bilrha et al. (Bilrha, 2003) ont étudié
l’impact des organochlorés (notamment DDE et DDT) et des dérivés mercuriels sur une
population vivant au niveau de la rive basse de la rivière St Laurent au Québec et fortement
exposée aux PCBs et au mercure. Ils ont pris comme groupe de référence une population se
nourrissant beaucoup de poisson (comme la population test) et vivant dans une zone très peu
contaminée. Ils ont ainsi montré que chez les nourrissons de la population contaminée
(exposition prénatale) il y avait une diminution de la libération du TNF-α, par les cellules
5
mononucléaires du sang de cordon. Cette diminution est corrélée à une augmentation de la
concentration en PCBs au niveau du sang du cordon. Le TNF-α est une cytokine proinflammatoire qui contribue fortement à l’activation de l’immunité et qui possède des
propriétés antivirales. Une diminution importante de cette cytokine peut notamment conduire
à une augmentation des maladies auto-immunes.
3. Études réalisées en laboratoire pour vérifier l’impact des pesticides sur
l’immunosuppression
En 2009, Keil et al. (Keil, 2009) ont étudié l’effet du N,N-diéthyl-m-Toluamide (DEET),
qui est un répulsif utilisé contre les insectes, testé pour la première fois lors de la guerre du
Vietnam et qui permet d’aveugler les insectes. Ils ont exposé des souris B6C3F1 à quatre
doses de DEET pendant 14 jours. Ils ont ensuite analysé la prolifération lymphocytaire,
l’activité des cellules natural killer (NK), la masse de la rate et du thymus, le ratio
lymphocytes CD4/CD8 dans la rate et la production d’anticorps. Ils ont mis en évidence une
diminution dose-dépendante de la production d’anticorps dès 15,5 mg/jour/kg de DEET (qui
ne serait pas due à une diminution des cellules B). Ils ont également observé une altération du
ratio CD4/CD8 pour 7,7 et 15 mg/jour/kg de DEET, mais qui n’est pas dose-dépendante. Les
auteurs ont également transposé leurs données à l’homme et ont conclu que la dose de DEET
immunotoxique chez la souris, une fois transposée à l’homme, correspondrait aux niveaux
d’exposition retrouvés dans les milieux professionnels et militaires : ils suggèrent un lien
possible entre l’exposition au DEET et les maladies retrouvées chez les vétérans de la guerre
du Golf. Dans une étude de 2010, Anderson et al. (Anderson, 2010), ont étudié l’effet du 1Bromopropane sur des souris femelles B6C3F1 et des rats Fisher 344/N. Ce solvant organique
est souvent utilisé comme intermédiaire réactionnel dans la production des pesticides. Les rats
et les souris ont inhalé du 1-Bromopropane (0,125 ppm pour les souris et de 250 à 1 000 ppm
pour les rats) 6 heures par jour, 5 jours par semaine pendant 4 à 10 semaines. Les auteurs ont
ensuite regardé la réponse immunitaire en utilisant un test SRBC, les proportions de cellules
dans la rate et l’activité des cellules NK. Ils ont ainsi mis en évidence une diminution de la
production d’immunoglobulines M (IgM) ainsi qu’une diminution du nombre total de cellules
dans la rate et notamment des cellules T CD3+ au bout de quatre semaines d’exposition chez
les rats et les souris. Cependant ils n’ont vu aucune altération du nombre de macrophages, de
cellules B et d’autres cellules T CD3- chez les souris. En revanche chez les rats ils ont observé
une diminution du nombre de cellules T CD4 à partir de 500 ppm de 1-Bromopropane. Dans
les deux cas ils n’ont vu aucune modification de l’activité des cellules NK.
6
De nombreux pesticides provoquent donc chez l'homme ou chez différentes espèces des
réactions d'immunosuppression.
II.
EFFETS DES PESTICIDES SUR L’HYPERSENSIBILITÉ
1. Définition de l’hypersensibilité
D'après l'Organisation Mondiale d'Allergologie (WAO), l'hypersensibilité est un
phénomène entrainant des symptômes ou signes reproductibles suite à une exposition à un
certain stimulus qui est toléré chez des individus normaux. Si le système immunitaire est
impliqué, il s'agit d'une allergie, mobilisant anticorps ou cellules immunitaires. Les anticorps
les plus impliqués sont les immunoglobulines E (IgE), mais les IgG peuvent également
participer à la réaction allergique (WAO). Le terme général d'allergie regroupe plusieurs
pathologies dont voici quelques exemples rencontrés dans les articles ci-dessous. La rhinite
allergique (RA) est une inflammation de la muqueuse nasale suite à l'exposition à l'allergène,
impliquant une réponse IgE-dépendante du système immunitaire. Les symptômes majeurs
sont : démangeaisons nasales, nez qui coule, nez bouché et éternuements. Elle peut être
persistante ou intermittente comme dans le cas du rhume des foins. La dermatite est une
inflammation locale de la peau suite à une exposition à des substances environnementales.
Elle se caractérise par des rougeurs, des démangeaisons, l'apparition d'ampoules et, dans le
cas d'une dermatite chronique, le sujet peut également peler. La dermatite allergique est
causée par des lymphocytes T spécifiques de l'allergène et une sensibilisation (pré-exposition
à l'allergène) est nécessaire. Enfin, l'atopie est une prédisposition, héréditaire ou non, à
l'allergie et à la capacité de production d'IgE spécifiques en réponse à une exposition naturelle
à des allergènes se manifestant le plus souvent durant l'enfance ou l'adolescence (WAO).
2. Études épidémiologiques évaluant l’effet des pesticides sur
l’hypersensibilité
D'après la WAO, la prévalence de l'allergie est en augmentation dans le monde entier, en
particulier chez les enfants. Aussi, l'implication de facteurs environnementaux a été
démontrée par de nombreuses études. Notamment, l'utilisation des pesticides n'est pas sans
impact sur la santé des professionnels qui y sont exposés. Par exemple, une étude en Crète a
montré une corrélation entre rhinite allergique (RA) et utilisation de pesticides chez les
viticulteurs. La prévalence des RA est de 51% chez les individus déclarant utiliser des
pesticides, contre seulement 36% chez les viticulteurs affirmant ne pas y avoir recours et 27%
7
chez des individus non exposés. Il semblerait que les herbicides bipyridyl, les fongicides
dithiocarbamates et les insecticides carbamates soient les plus fortement associés à la RA
(Chatzi, 2007). Les travailleurs utilisant les pesticides ne sont pas les seuls exposés, mais
également la population vivant en zone contaminée. Notamment, l'exposition in utero peut
avoir une influence sur le développement d'allergies chez les enfants. En effet, une étude sur
des nouveau-nés en Slovaquie a mis en évidence un lien entre exposition aux organochlorés et
taux élevé d'IgE dans le sérum de cordon. L'étude a été réalisée sur deux sites, l'un en zone
industrielle exposée aux organochlorés, l'autre en zone rurale. Les concentrations en
organochlorés dans le placenta sont plus élevées chez les femmes vivant en zone industrielle.
De plus, les nouveau-nés présentant des taux importants d'IgE sont plus nombreux en zone
industrielle. Enfin, il existe une corrélation positive entre concentration en organochlorés et
taux d'IgE dans le sang de cordon. Ceci suggère une augmentation du risque de
développement d'allergies suite à une exposition in utero à des pesticides (Reichrtova, 1999).
3. Études réalisées en laboratoire pour vérifier l’impact des pesticides sur
l’hypersensibilité
Des études en laboratoires viennent confirmer et étayer les constats épidémiologiques. Par
exemple, une équipe japonaise utilise un modèle murin de la dermatite atopique pour étudier
les effets de l'exposition au parathion (insecticide organophosphoré) et au méthoxychlore
(insecticide organochloré) antérieure ou simultanée à la sensibilisation à l'allergène. Pour cela,
de nombreux paramètres du système immunitaire ainsi que les symptômes cliniques sont
mesurés. L'équipe a constaté une augmentation dose-dépendante des symptômes de la
dermatite avec le traitement aux deux pesticides antérieur à la sensibilisation, ainsi qu'une
surproduction d'anticorps totaux et spécifiques à l'allergène, de cytokines par les Th1 et Th2 et
également un plus grand nombre de lymphocytes Th et B IgE-positifs. Cependant, l'exposition
simultanée aux pesticides et à l'allergène n'entraine pas de variation voire une légère
diminution des paramètres mesurés et aucun symptôme clinique n’est observé. Les deux
pesticides semblent donc clairement aggraver la dermatite allergique chez les souris
prédisposées lorsqu'elles y sont exposées antérieurement à l'allergène (Fukuyama, 2011). Les
bio-pesticides et leur impact sur le système immunitaire sont également à prendre en compte.
Par exemple, un champignon, Metarhizium anisopliae, est utilisé pour repousser les insectes
tels que les blattes dans les foyers. Or, il a été montré que des composants de ce champignon,
probablement contenus dans le mycélium, seraient capables d'augmenter la réponse allergique
à l'ovalbumine chez les souris BALB/c. La réponse systémique à l'exposition à l'allergène est
8
plus importante (augmentation du taux d'IgE et d'IgG dans le sang), ainsi que la réponse
locale (gonflement des ganglions plus important). Ces effets sont observables dès l'exposition
primaire à l'allergène, et amplifiés lors de l'exposition secondaire (Instanes, 2006).
Les pesticides sont clairement impliqués dans l'augmentation des cas d'hypersensibilité
observée dans le monde, seulement des études supplémentaires sont encore nécessaires pour
identifier les mécanismes.
III.
EFFETS DES PESTICIDES SUR L’AUTO-IMMUNITÉ
1. Définition de l’auto-immunité
D’après l’OMS, l’auto-immunité est une réaction inappropriée du système immunitaire
qui produit alors des lymphocytes T autoréactifs ou des auto-anticorps dirigés contre les
antigènes du soi. 3 à 5 % de la population mondiale sont atteints d’une maladie auto-immune,
avec une prédisposition chez les femmes. Ces maladies dépendent avant tout de facteurs
génétiques mais aussi de facteurs environnementaux. Elles peuvent être systémiques, ou
spécifiques d’un organe. Le lupus érythémateux disséminé (LED) est une maladie autoimmune systémique qui touche 0,05% de la population et provoque glomérulonéphrites,
dermatites, thromboses, vascularites, crises d’épilepsie ou encore arthrite. Les souris issues du
croisement New Zealand Black (NZB) et New Zealand White (NZW) ou les souris MRL-lpr
en sont des modèles d’étude. La maladie d’Hashimoto est une hypothyroïdie auto-immune qui
touche 0,5 à 1% de la population. Elle se caractérise par une faible concentration en hormone
thyroïdienne tetra-iodothyronine (T4) libre, une forte concentration en hormone hypophysaire
TSH (thyroid stimulating hormon), une destruction de la thyroïde par des anticorps antithyroperoxydase (TPO) ou anti-thyroglobuline et par l’infiltration de cellules plasmatiques ou
lymphocytaires. L’arthrite rhumatoïde affecte environ 1% de la population et provoque une
inflammation chronique de la membrane synoviale des articulations, des déformations
articulaires, de la fièvre et des malaises. (WHO, 2006)
2. Études épidémiologiques de l’activation de l’auto-immunité par les
pesticides
Les pesticides ont longtemps été utilisés à grande échelle sans qu’aucune étude sur leur
dangerosité ne soit faite. Aujourd’hui, certaines populations exposées aux pesticides ont
développé des maladies auto-immunes. L’équipe du Dr Lee a réalisé en 2007 une étude sur le
développement de l’arthrite rhumatoïde chez des sujets exposés aux PCBs et aux
organochlorés (OCs). 1721 adultes ayant participé à l’étude NHANES entre 1999 et 2002 aux
9
États-Unis ont répondu à un questionnaire et la présence de pesticides a été dosée à partir d’un
échantillon de sang. Ainsi, les femmes chez lesquelles on retrouve des PCBs ou des OCs
développent plus souvent de l’arthrite rhumatoïde, comme l’atteste la corrélation positive
entre ces deux paramètres. (Lee, 2007) Toujours en 2007, le Dr Langer et son équipe ont
voulu montrer l’impact des PCBs et des pesticides produits par l’usine Chemko, en Slovaquie,
sur l’état thyroïdien des travailleurs et de la population environnante, soit 2046 adultes âgés
de 20 à 75 ans. Les travailleurs sont les plus touchés avec des taux de PCBs records de 7300
ng/g, un volume thyroïdien fortement augmenté, tout comme le titre en anticorps anti-TPO,
signe de l’auto-immunité induite par les PCBs, et des phénomènes d’hypoechogénicité c'est-àdire de répartition inhomogène de l’echogénicité, signe de la dégradation du tissu thyroïdien
par les anticorps et d’hypothyroïdie. De manière générale, au-delà de 1000 ng/g de PCBs, des
effets néfastes pour la thyroïde apparaissent. (Langer, 2007)
3. Études en laboratoire vérifiant l’effet des pesticides sur l’auto-immunité
Pour confirmer les observations épidémiologiques, des études ont été menées en
laboratoire sur des modèles de souris ou de rats. L’équipe du Dr Rodgers a mis en évidence en
1997 sur des souris MRL-lpr prédisposées pour le LED, que l’exposition au malathion, un
pesticide organophosphoré, induisait un développement accéléré de la réponse auto-immune.
A partir de 100 mg/kg, différents symptômes du LED sont augmentés tels que la quantité de
protéines dans les urines, la taille des ganglions, la production d’auto-anticorps anti-IgG et
anti-ADN, et l’état inflammatoire des glomérules. Mais chez les souris sauvages MRL, aucun
symptôme n’est observé, d’où l’importance des facteurs génétiques. (Rodgers, 1997) Puis en
2005, l’équipe du Dr Sobel a montré chez des souris (NZB×NZW)F1 prédisposées pour le
LED, que les pesticides organochlorés tels que le chlordécone induisaient une accélération du
développement de la maladie. A partir de 0,2 mg/kg/j, le chlordécone induit des
glomérulonéphrites, avec dépôt de complexes immuns, ou encore la prolifération d’autoanticorps anti-ADN. (Sobel, 2005) En 2009, le Dr Gu et son équipe ont montré que les PCBs
pouvaient favoriser l’hypothyroïdie auto-immune chez des rats Sprague-Dawley. Ainsi,
l’Aroclor 1254 conduit à une diminution de T3 libre, T4 libre et T4 globale, à une
augmentation en TSH, à une augmentation du titre anticorps anti-TPO et à une infiltration par
des lymphocytes et des cellules plasmatiques. (Gu, 2009)
Aujourd’hui, l’étude des maladies auto-immunes est en plein essor et l’implication de
certains pesticides dans le déclenchement de ces maladies ne fait plus de doute.
10
CONCLUSION
De nombreux pesticides sont connus pour avoir des effets immunotoxiques et en
particulier les organochlorés. Parmi les exemples cités nous pouvons retenir les cas dus aux
PCBs, qui font partie de la famille des organochlorés. Ces pesticides ont été montrés comme
étant impliqués dans les trois types d’immunotoxicité, que ce soit au niveau épidémiologique
(en Slovaquie en 1999 et en 2007, au Canada en 2003) ou au niveau d’études en laboratoire
(en 2009 sur des rats Sprague-Dawley). Mais d’autres pesticides sont également récurrents
dans ces phénomènes, comme le DEET, le parathion et le methoxychlore.
Cependant, en plus des études indépendantes publiées régulièrement, les
gouvernements mettent en place des réformes visant à mieux contrôler la production et la
distribution de pesticides. Par exemple la directive 91/414/CEE a été révisée le 14 juin 2001
(1107/2009) et définit des critères notamment pour l’acceptation de substances comme
pouvant être utilisées (à partir de leur efficacité mais aussi de leur toxicité sur l’homme et
l’environnement). Parmi ces critères sont mentionnés la réalisation de tests sur des organismes
officiellement reconnus et agréés. La validité de ces substances est effective pour dix ans.
Ainsi, de nouveaux pesticides sont chaque année mis au point afin de mieux
correspondre aux exigences sanitaires, et d’autre part chaque année de nouveaux pesticides
sont retirés du marché ou mis sur liste de veille (e-phy). C’est le cas par exemple de
l’alachlore, un herbicide de la famille des chloroacétamides, qui en juillet 2011 a été placé sur
cette liste de veille de la « Procédure de consentement préalable en connaissance de cause »
ou PIC (Prio Informed Consent), mise en place par la Convention de Rotterdam en 1998. Les
pays signataires de cette convention s’engagent à bien avoir les connaissances nécessaires
avant d’utiliser, d’importer ou d’exporter le produit en question.
D’autre part de plus en plus de mesure sont prises pour trouver des alternatives
« propres » aux pesticides, comme le préconise le plan Ecophyto 2018 mis en place par le
Ministère de l’Agriculture en 2008.
De plus en plus de soins sont également apportés à la protection et la prévention des
travailleurs, par exemple en les informant des risques, en essayant de remplacer le maximum
de produits dangereux, mais aussi par la reconnaissance des maladies dues à l’exposition aux
pesticides.
Actuellement les pesticides font partie intégrante de notre gestion et de notre
production alimentaire. Cependant de plus en plus de lois, décrets et procédures sont mis en
place à des niveaux nationaux ou mondiaux afin de mieux contrôler, non seulement leur
impact sur l’environnement, mais aussi leur impact sur la santé humaine et animale.
11
BIBLIOGRAPHIE
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13
RÉSUMÉ
Les pesticides sont utilisés de façon massive dans nos sociétés, notamment pour
améliorer les rendements agronomiques. Mais outre les produits phytosanitaires, les pesticides
regroupent aussi les biocides et les antiparasitaires, et sont aussi utilisés dans la vie
quotidienne. Mais les pesticides ne représentent-ils pas un danger pour l’homme et les espèces
non nuisibles? Des études ont montré que les pesticides avaient des effets néfastes pour
l’organisme,
qu’ils
soient
neurotoxiques,
cancérigènes,
reprotoxiques
ou
encore
immunotoxiques. L’immunotoxicité d’une substance est sa capacité à causer des effets
délétères sur le système immunitaire, qu’il s’agisse d’immunosuppression, d’hypersensibilité
ou d’auto-immunité. L’immunosuppression est une altération du système immunitaire
conduisant à une diminution de la réponse immune, l’hypersensibilité est un phénomène
entrainant des symptômes ou signes reproductibles suite à une exposition à un certain
stimulus qui est toléré chez des individus normaux, et l’auto-immunité est une réaction
inappropriée du système immunitaire qui produit alors des lymphocytes T autoréactifs ou des
auto-anticorps dirigés contre les antigènes du soi. L’utilisation des pesticides peut conduire à
la contamination des travailleurs ou des populations exposées à des doses plus ou moins fortes
et pendant une durée plus ou moins longue. Ce fut le cas des travailleurs de l’usine Chemko
en Slovaquie, qui ont été exposés à des polychlorobiphényls et ont développé une
hypothyroïdie auto-immune, avec destruction de la thyroïde par des anticorps antithyroperoxydase. Toutes ces constatations sont confirmées en laboratoire. Par exemple, il a
été montré chez des souris B6C3F1 qu’une exposition de 14 jours au N,N-diéthyl-mToluamide inhibe leur système immunitaire avec une baisse de la production anticorps et une
altération du ratio de cellules CD4/CD8 dans la rate. Enfin, des souris NC/Nga exposées au
parathion, pesticide organophosphoré, ou au méthoxychlore, pesticide organochloré, avant
d’être sensibilisées à l’allergène, développent une dermatite atopique avec augmentation des
symptômes, surproduction d’anticorps, de cellules immunes et de cytokines.
Face à ce problème de santé publique, les gouvernements encadrent fermement la
distribution et l’utilisation de pesticides, et doivent prendre en charge la décontamination de
certaines zones. La tendance est à la diminution de l’utilisation des pesticides et à la mise en
place d’alternatives, comme le préconise le plan Ecophyto 2018. Mais les pesticides
actuellement sur le marché ne représentent-ils pas tout de même un risque pour le système
immunitaire ?
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ABSTRACT
Pesticides are used heavily in our societies, such as improving crop yields or for
everyday life. In addition to phytosanitary products, pesticides include biocides and
antiparasitics. Are pesticides dangerous for human and other species? Several studies have
shown that pesticides can have adverse effects on organisms, such as neurotoxic, reprotoxic,
carcinogenic or immunotoxic effects. Immunotoxicity of a substance is its capacity to have
deleterious effects on the immune system. Immunotoxicity include immunosuppression, an
alteration of immune system inducing a decline in immune response, hypersensitivity,
phenomenon that induces symptoms after an exposure to a stimulus tolerated in healthy
individuals, and autoimmunity, reaction of auto-reactive T lymphocytes or autoantibodies of
the immune system against the organism’s own antigens. Pesticides use may induce
contamination of workers or populations exposed to varying doses and varying periods. For
instance, in Slovakia, Chemko factory’s workers were exposed to polychlorobiphenyls and
developed autoimmune hypothyroidism, with several symptoms such as thyroid destruction
by anti-thyroid autoantibodies. All these observations have been confirmed by laboratory
studies. For example, B6C3F1 mice exposed to N,N-diethyl-m-Toluamide during 14 days
developed inhibition of immune system, with a decrease in antibodies production and an
alteration of CD4/CD8 ratio in the spleen. Moreover, NC/Nga mice exposed to parathion, an
organonophosphorus pesticide, or to methoxychlore, an organochlorine pesticide, then to an
allergen, developed an atopic dermatitis, with increased symptoms and antibodies, immune
cells and cytokines overproductions.
Against this public health problem, governments firmly restrict pesticides distribution and
use. Furthermore, they have to decontaminate polluted areas. Currently, pesticides use
decreases and alternatives are being considered. For example, Ecophyto plan offers solutions
to reduce pesticides use. The question remains open: are current pesticides dangerous for the
immune system?
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