les derniers jours de l`ancien monde

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Ministère de la Défense
Édition
Secrétaire général pour l’administration
CGA Jean-Paul Bodin
Direction éditoriale
Benjamin Arranger
Directeur de la Mémoire,
du Patrimoine et des Archives
Philippe Navelot
Suivi éditorial
Anne-Marike Linnebank
La direction de la Mémoire, du Patrimoine
et des Archives (DMPA) est une direction
du ministère de la Défense, placée sous l’autorité
du secrétaire général de ce ministère. La DMPA
a notamment en charge la politique culturelle
du ministère au travers des collections
de ses musées, de ses services d’archives
et de ses bibliothèques. Elle détermine et finance
les actions nécessaires à la gestion et à la
valorisation de ce riche patrimoine. C’est dans
cette perspective que la DMPA développe également
une politique de publication et de soutien aux
productions audiovisuelles permettant à un large
public de découvrir l’histoire et le patrimoine
du ministère de la Défense.
Suivi commercial et administratif
Christophe Stoop
Correction
Ségolène Estrangin
Suivi iconographique
Caterina D’Agostino
Coordination reprographique
Laurianne Bossis, Frédérique Savona
Conception graphique et mise en pages
Patricia Chapuis
Bibliothèque nationale de France
Président
Bruno Racine
Directrice générale
Jacqueline Sanson
Directeur des Collections
Denis Bruckmann
Directeur de la Diffusion culturelle
Thierry Grillet
Directeur du département des Expositions
et des Manifestations
Bruno Ponsonnet
Délégué à la Communication
Marc Rassat
ÉTÉ 14
LES DERNIERS JOURS
DE L’ANCIEN MONDE
Sous la direction de Frédéric Manfrin
et Laurent Veyssière
avec la collaboration de Thomas Cazentre,
François Lagrange, Jean-Philippe Lamy,
Guillaume Lebailly et Michèle Le Pavec
Chef du service de presse
Claudine Hermabessière
Déléguée au Mécénat
Kara Lennon Casanova
© Bibliothèque nationale de France / Ministère de la Défense DMPA, 2014
ISBN : 978-2-7177-2564-3
a
SOMMAIRE
PRÉFACES
9
11
PRÉPARER LA GUERRE
Jean-Yves Le Drian
Bruno Racine
129
Des bibliothèques pour les troupes
Benjamin Gilles
INTRODUCTION
137
Les militaires et la décision politique
Gerd Krumeich
17
Un été comme les autres ?
Antoine Prost
149
Frédéric Guelton
159
L’Europe à la veille de la guerre
Serge Berstein
Les plans de guerre des armées
François Cailleteau
LE MONDE D’HIER
27
Préparer la guerre dans les états-majors
167
LES DERNIERS JOURS DE L’ANCIEN MONDE
23 juillet – 4 août 1914. Chronologie
L’EUROPE AU CŒUR DES ÉCHANGES
41
Sociétés impériales
et empires multinationaux
MOBILISATIONS
197
Christophe Charle
Les réactions des populations
à la mobilisation
Jean-Jacques Becker
LA GUERRE À L’HORIZON ?
53
Le Concert européen en 1914
63
Avant 1914 : la guerre inimaginable
Georges-Henri Soutou
John Horne
LE CHOC
211
Le basculement dans la guerre
Philippe Nivet
227
Gérer les morts
Béatrix Pau
PACIFISMES, BELLICISMES
75
Les pacifismes avant 1914
89
La IIe Internationale face à la guerre
95
De L’Appel au soldat à L’Appel des armes
237
Annette Becker
245
Histoires et politiques. Les « origines »
et les « responsabilités » de la Grande Guerre
253
Se souvenir de l’entrée en guerre
Rémi Fabre
Jean-Louis Robert
01
L’attentat de Sarajevo
Il n’y a pas d’images
d’archives de l’assassinat
de l’archiduc FrançoisFerdinand. Ainsi la presse
est-elle contrainte
de composer des
reconstitutions : celle-ci,
sans doute la plus connue,
a illustré bon nombre
de manuels d’histoire.
Assassinat de l’archiduc héritier
d’Autriche et de la duchesse
sa femme à Sarajevo Le Petit
Journal. Supplément illustré,
12 juillet 1914 In-folio
BNF, Philosophie, Histoire,
Sciences de l’homme,
Fol-Lc2-3011
Nicolas Offenstadt
Jay Winter
Vital Rambaud
103
ANNEXES
Imaginaires guerriers de l’avant-1914…
Stéphane Audoin-Rouzeau
115
Voir et faire voir 1914
264
Autres pièces exposées
271
Aperçu bibliographique
TU SERAS SOLDAT !
272
Sources des citations et notices des documents
reproduits dans la chronologie
Militaires en société
275
Les auteurs
278
Index des noms de personnes
Jean-François Chanet
Antoine Prost
UN ÉTÉ COMME LES AUTRES ?
La guerre de 1914 a saisi l’Europe par surprise. Jusqu’à la dernière semaine
de juillet, beaucoup pensaient que la crise ouverte par l’attentat de Sarajevo
se réglerait pacifiquement. L’opinion était consciente de la possibilité d’une
guerre mais elle ne s’en inquiétait guère. Cet été, commencé comme les
autres, se termine donc de façon abrupte et prématurée, par un saut dans
l’inconnu : l’entrée dans une guerre dont personne n’imagine ce qu’elle sera.
5
Page précédente
Orson Byron Lowell, Eight Belles
(illustration pour les mois de juillet
et août du Life’s Calendar, 1914)
31,7 × 39,2 cm BNF,
Estampes et Photographie,
Pa mat-4-Boîte Fol
6
Voir et complimenter
l’armée française
Il y a foule à la revue du
14 juillet 1914 et beaucoup
jouent d’ingéniosité pour
mieux voir le défilé.
Certains montent
dans les arbres ou aux
réverbères. Ce couple
a choisi d’entremêler
ses bicyclettes.
Agence Meurisse, La Revue
du 14 Juillet : en équilibre
sur deux bicyclettes, 1914 BNF,
Estampes et Photographie, Ei-13
L’entrée en guerre de 1914 est très différente de celle de 1939. En 1939, l’Europe sentait venir la guerre depuis un an au moins et le
fait de la déclarer ne marque d’ailleurs qu’une
rupture partielle : la drôle de guerre prolonge
l’avant-guerre.
Rien de tel en 1914. L’attentat de Sarajevo,
le 28 juin, a été considéré comme un fait divers
qui n’aurait guère de conséquences. Il faut
attendre l’extrême fin du mois de juillet pour
que l’opinion prenne la mesure de la crise.
Le dimanche 26, le refus par l’Autriche de la
réponse pourtant conciliante de la Serbie à l’ultimatum qu’elle lui avait adressé fait brusquement
monter les enjeux. La Grande-Bretagne propose
une conférence internationale, que l’Allemagne
rejette. Le 28, l’Autriche déclare la guerre à la
Serbie et la Russie commence sa mobilisation.
Le dimanche 2 août, la France mobilise. En une
semaine, l’Europe a basculé dans la guerre. La
rupture est soudaine autant que brutale.
L’été 1914 s’annonçait, en effet, comme un été
ordinaire, semblable à ceux qui l’avaient précédé. La vie continuait, avec ses travaux et ses
jours. Les paysans faisaient la moisson après
les foins sans se douter qu’une guerre menaçait.
Dans de nombreux villages français, quand le
tocsin sonna la mobilisation, les hommes accoururent avec des seaux pensant qu’ils étaient
appelés pour éteindre un incendie. Les usines
tournaient comme d’habitude, sans programmes
d’armement particuliers. Dans les classes
supérieures de la société, qui bénéficiaient de
vacances, les uns avaient pris leurs quartiers
d’été à la campagne, d’autres faisaient leur cure
dans une station thermale, éventuellement à
l’étranger. René Cassin revient ainsi en hâte à
Paris le 30 juillet, de Suisse, où sa compagne faisait une cure. D’autres encore étaient à la plage,
sur la Côte d’Azur, en Bretagne ou ailleurs, à
Ostende par exemple, comme Stefan Zweig, qui
nous les décrit :
Les gens heureux de leurs congés étaient
allongés sur la plage sous leurs tentes bariolées ou se baignaient ; les enfants lâchaient
des cerfs-volants; devant les cafés, les jeunes
gens dansaient sur la digue. Toutes les
nations imaginables se trouvaient rassemblées en paix, on entendait beaucoup parler
allemand 1.
Les journaux avaient bien suivi les péripéties de la crise et leurs manchettes s’étaient faites
plus menaçantes au fur et à mesure que les jours
passaient. Mais on n’y prêtait guère attention.
1. Stefan Zweig, Le Monde d’hier, Paris, Belfond, 1993 (1re éd. Stockholm, 1944), p. 260.
Antoine Prost ttt Un été comme les autres ? ttt 17
L’art au service
de la publicité
7
8
Henri Gray, Chemin de fer du Nord. Boulogne s. mer, 1905
Affiche lithographiée, 110 × 73 cm Paris, musée national
de la Marine, 2009.34.1
On voyait s’assombrir les visages des
gens qui achetaient les journaux, mais ce
n’était jamais que pour quelques minutes.
Après tout, nous connaissions depuis
des années ces conflits diplomatiques ; ils
s’étaient heureusement toujours apaisés à
temps, avant que cela ne devînt sérieux.
Pourquoi pas cette fois encore ? Une demiheure après, on voyait déjà les mêmes personnes s’ébrouer de nouveau joyeusement
et barboter dans l’eau 2.
L’opinion ne s’inquiétait guère. Les gens du
peuple lisaient peu, et moins encore en cette
période de gros travaux ; les hebdomadaires ou
2. Ibid., p. 261.
18 ttt ÉTÉ 14 ttt Introduction
Aux Dames de France, place Nationale et 2, 4, 6 rue Sabatier – Castres :
saison d’été 1914 Affiche lithographiée, 160 × 120 cm BNF, Estampes
et Photographie, Ent Do-1 (Mahn, A.)-Grand Roul
bihebdomadaires qu’ils lisaient surtout leur
apportaient les nouvelles avec un retard rassurant. Quant au public informé, pourquoi
se serait-il alarmé ? L’empereur Guillaume II
n’était-il pas parti sur son yacht pour une croisière dans la Baltique comme il avait l’habitude
de le faire chaque année ? En France s’ouvrait
une actualité autrement passionnante : le procès de Mme Caillaux, la femme du leader radical,
naguère président du Conseil et ministre des
Finances. Elle comparaissait le 20 juillet devant
la cour d’assises, pour avoir revolverisé le directeur du Figaro, qui publiait des lettres à son
La Belle Époque
constitue un véritable
âge d’or de l’affiche,
marqué par de grands
artistes comme Chéret,
Steinlen, Mucha…
Si les courbes et les
motifs végétaux du
style 1900 dominent,
les premiers traits
de l’Art déco
commencent
à apparaître.
9
10
Chemin de fer du Nord. Saison balnéaire. Service temporaire et gratuit
de prise & de remise des bagages à domicile dans Paris, 1910 Affiche
lithographiée, 105 × 73 cm BNF, Estampes et Photographie, Ent Dn-1
(Minot, J.)-Ft 6
Jules Chéret, Exposition internationale de Lyon. 1er mai – 1er novembre 1914,
1913 Affiche lithographiée, 100 × 75 cm BNF, Estampes
et Photographie, Ent Dn-1 (Chéret, Jules / 14)-Ft 6
futur mari de nature à le discréditer et à la déshonorer. Elle fut acquittée le 30, alors que la crise
diplomatique approchait de son dénouement.
Pour nous, qui connaissons la suite de la
guerre industrielle qui débute et l’hécatombe
sinistre qui ouvre le tragique xxe siècle, cette
sérénité tient de l’aveuglement. Comme cette
exposition en donne de multiples exemples,
les signes annonciateurs d’un conflit ne manquaient pas. La crise d’Agadir, ouverte en 1911
par l’Allemagne pour s’opposer au passage du
Maroc sous influence française, s’était dénouée
diplomatiquement, grâce à Caillaux précisément et au soutien du Royaume-Uni, mais il s’en
était fallu de peu que les canons n’entrent en
action. Dans les Balkans, on s’était battu pour
de bon en 1912 et 1913. Au même moment, les
Allemands avaient augmenté les effectifs de leur
armée permanente et, en réponse, la France
avait maintenu sous les drapeaux les soldats qui,
ayant achevé leurs deux ans, auraient dû être
libérés en 1913 ; puis elle avait adopté en 1913
une loi portant de deux à trois ans la durée du
service militaire. Cette loi avait été au centre
des élections législatives d’avril-mai 1914 et la
majorité semblait s’être prononcée en faveur
de son retrait. Mais le débat avait bel et bien
tourné autour de l’éventualité d’une guerre
avec l’Allemagne. Si elle n’avait pas fait partie du
champ des possibles proches, il eût été absurde
Antoine Prost ttt Un été comme les autres ? ttt 19
établirait un nouvel équilibre européen, certes
fort pénible pour les vaincus.
L’échec du Concert européen
La raison la plus couramment invoquée à
l’époque pour expliquer l’échec du Concert européen était celle de la corruption du système par
la volonté bismarckienne, après 1871, de constituer une alliance permanente dès le temps de
paix contre la France, ce qui était tout à fait
contraire à l’esprit de collaboration entre les
grandes puissances à la base du Concert européen et devait entraîner, par réactions successives, la division du continent en deux alliances
rivales. Il est vrai que l’existence de deux
alliances opposées, fondées sur des textes gardés secrets et reposant toutes deux sur des
systèmes militaires qui donnaient une prime
considérable à celui qui mobilisait le premier et
donc anticipait l’irréparable, était en soi profondément déstabilisante.
Outre cette explication relevant de la diplomatie et de la technique militaire, qui garde sa
valeur, il faut bien constater que les arrière-pensées de part et d’autre dépassaient la capacité
du Concert européen à gérer les crises. Les intérêts en cause étaient trop importants : obsession
de la survie pour l’Autriche-Hongrie, obsession
pour Berlin de perdre son dernier allié et de se
retrouver seul devant une alliance franco-russe
de plus en plus puissante ; ampleur des objectifs de la Russie, qui supposaient la défaite du
Reich, de l’Autriche-Hongrie et de l’Empire ottoman, et qui répondaient aussi aux problèmes
de politique intérieure d’un régime tsariste en
crise depuis la révolution de 1905 ; craintes de
la France devant la puissance croissante de
42
Aboiements dans le chenil européen
Cette célèbre caricature anglaise tranche avec les représentations héroïques des débuts
de la guerre, même si la vigueur du bulldog anglais et du caniche français est exaltée,
et que la responsabilité du conflit est imputée au teckel allemand.
Hark ! Hark ! The dogs do bark !, 1914
(Johnson)-Ft 6
Lithographie, 56 × 76 cm
BNF, Estampes et Photographie, Ent Do-1
de 1912 et 1913, Berlin ne conseilla pas à l’Autriche la modération mais la soutint, de peur
de voir son dernier allié gravement affaibli. La
Russie décida le 25 juillet de soutenir la Serbie,
Paris de son côté ne lui donnant pas de réels
conseils de modération, à la différence des crises
précédentes, par crainte de compromettre l’alliance franco-russe. Le 28, Vienne déclarait
la guerre à la Serbie, le 29, Saint-Pétersbourg
mobilisait contre l’Autriche et le 30, les Russes,
les premiers, décidaient une mobilisation générale. C’était très grave, car dès lors, personne
ne voulant être en retard dans sa propre mobilisation, l’engrenage de la guerre devenait
impossible à enrayer, malgré les efforts de la
58 ttt ÉTÉ 14 ttt La guerre à l’horizon ?
Grande-Bretagne pour susciter, encore le 30 juillet, une conférence européenne. Le 1er août, le
Reich mobilisait à son tour et déclarait la guerre
à la Russie, adressait un ultimatum à la Belgique
pour qu’elle laissât passer les forces allemandes
et déclarait la guerre à la France le 3 août. Le
4 août, à cause de la violation de la neutralité
belge, Londres déclarait la guerre à l’Allemagne.
Ajoutons cependant, pour mieux comprendre
l’apparence inéluctable de cet enchaînement,
que les enjeux n’avaient pas aux yeux des responsables de l’époque la tragique importance
que nous savons aujourd’hui : personne n’imaginait une guerre de cinq ans ; on pensait à
un rapide « coup de torchon », après lequel on
43
Les familles royales d’Angleterre et de Russie (Nicolas II, Édouard VII),
vers 1908 Photographie argentique, 15,32 × 21 cm BNF, Estampes et Photographie,
Ne-101 (Nicolas II)
Souverains russes et anglais en famille
Autant que la sociabilité estivale entre familles parentes
et adeptes de régates, ces photographies évoquent
le rapprochement entre l’Angleterre et la Russie au sein
de la Triple-Entente, suite à un accord signé en 1907.
44
Agence Rol, George V, roi d’Angleterre et le tsar de Russie [Nicolas II, en
pied, se tenant par le bras], 1910 BNF, Estampes et Photographie, Ei-13
Georges-Henri Soutou ttt Le Concert européen en 1914 ttt 59
Rémi Fabre
LES PACIFISMES AVANT 1914
Il est commode de rassembler sous l’étiquette de « pacifistes » tous ceux
qui défendaient la paix et affirmaient leur intention de se mobiliser en cas
de crise européenne pour empêcher que la guerre n’éclate, et nous pourrons
ainsi, en prenant le mot dans son acception la plus large, examiner
successivement les « pacifistes bourgeois » et les « pacifistes du mouvement
ouvrier », anarcho-syndicalistes et socialistes.
Les mots « pacifistes » et « pacifisme », qui commençaient à peine à être utilisés depuis le début
du XXe siècle, étaient loin en 1914 de faire l’objet d’un consensus et ne renvoyaient pas à une
attitude uniforme, à une doctrine cohérente et
unifiée.
Le pacifisme juridique et bourgeois
58
La Paix par le droit
L’affiche diffusée
le 28 juillet 1914 par
l’association de La Paix
par le droit marque l’une
des dernières tentatives
du pacifisme juridique pour
empêcher le déclenchement
de la guerre. On y prône
l’établissement d’une
commission internationale.
74 ttt ÉTÉ 14 ttt Pacifismes, bellicismes
Association La Paix par le droit,
Guerre à la guerre, 1914
Affiche, 86 μ 59 cm Nanterre,
Bibliothèque de documentation
internationale contemporaine,
AFF 14940 (2)
C’est d’abord dans le milieu assez élitiste des
ligues de paix internationale que le mot « pacifisme » a été forgé, utilisé et revendiqué. On en
attribue la paternité au juriste Émile Arnaud,
président de la Ligue de la paix et de la liberté,
qui l’aurait proposé en 1901 à ses collègues du
congrès international de la Paix de Glasgow 1.
Incontestablement, un des objectifs de cette
adoption du terme « pacifisme » par les animateurs des ligues de paix était de se distinguer
des « antimilitaristes », des « antipatriotes » et
anarchistes, avec qui la presse nationaliste les
associait ou les confondait volontiers. Ce « pacifisme » ne doit pas s’entendre dans le sens du
refus catégorique de prendre les armes quelles
que soient les circonstances. Il s’agit d’un pacifisme juridique qui accepte la légitime défense et
envisage la possibilité d’une « guerre du droit »
face à la violence injuste. Une des conséquences
en était le refus de l’objection de conscience,
écartée par exemple par l’association La Paix
par le droit dans ses statuts de 1891. L’idée d’objection de conscience est au reste peu présente
dans la France d’avant 1914. Certes, on fait
référence dans les débats de l’époque au « tolstoïsme », compris comme le refus de toute violence pour des raisons spirituelles et morales,
mais on chercherait en vain un groupe pacifiste
organisé affirmant vouloir appliquer les idées
tolstoïennes. Ce n’était le cas ni de l’association
La Paix par le droit, ni de la Société française
pour l’arbitrage entre les nations, ni de la Ligue
internationale de la paix et de la liberté. Ces
associations, qui étaient fortement imbriquées
entre elles mais regroupaient à peine quelques
milliers de membres, participaient aux congrès
de la Paix internationaux qui se tenaient régulièrement, étaient partie prenante des différents réseaux transfrontaliers comme le Bureau
international de la paix de Berne, la Fondation
Carnegie, qui, depuis 1912, assurait un soutien financier important à la cause de la paix en
Europe, et l’Union interparlementaire, installée
à Bruxelles depuis 1909. C’est le sénateur radical de la Sarthe Paul d’Estournelles de Constant
1. Verdiana Grossi, Le Pacifisme européen. 1889-1914, Bruxelles, Bruylant, 1994, p. 31.
Rémi Fabre ttt Les pacifismes avant 1914 ttt 75
Jean-Louis Robert
LA IIe INTERNATIONALE
FACE À LA GUERRE
Bâle, 24 novembre 1912. Ils sont des dizaines de milliers, venus du monde
entier, à la manifestation qui clôt le congrès de l’Internationale socialiste.
Citant le grand Schiller, Jaurès conclut 1 : « J’appelle les vivants […]
je pleure sur les morts […] je briserai les foudres de la guerre qui menacent
dans les nuées ! »
La menace de la guerre est déjà bien présente au cœur des congrès de l’Internationale.
Reconstituée en 1889, la IIe Internationale est
devenue une puissance. Ses principales forces
(le parti social-démocrate allemand atteint 35 %
des suffrages en 1912, le parti socialiste français
obtient 100 députés en 1914) paraissent aux
portes du pouvoir. Ses grands dirigeants européens, Victor Adler, Karl Kautsky, Jean Jaurès,
etc. ont une autorité morale considérable. Mais
l’Internationale commence aussi à s’implanter
dans le monde entier : des partis socialistes se
constituent en Chine, en Iran, en Turquie, en
Arménie, en Indonésie, aux Indes… À la veille de
la guerre, la IIe Internationale revendique plus
de trois millions d’adhérents dans le monde,
douze millions d’électeurs, deux cents grands
quotidiens.
Une Internationale divisée
73
La fragile puissance
de la parole
88 ttt ÉTÉ 14 ttt Pacifismes, bellicismes
« Oui, comme l’histoire
a donné le dernier mot
à la République si souvent
bafouée et piétinée, elle
donnera le dernier mot
à la paix, si souvent raillée
par les hommes et les
choses, si souvent piétinée
par la fureur des
événements et des
passions » (Discours
à la jeunesse, Albi, 1903).
[Jean Jaurès en meeting, vers
1910] Photographie argentique,
38,4 × 26,2 cm BNF, Estampes
et Photographie, N2 (Jaurès)
Tout n’est pourtant pas si simple ni si beau : des
divisions et des faiblesses demeurent, qui vont
éclater pendant le terrible été 1914.
D’abord les congrès de l’Internationale ont
fait apparaître, avant 1914, des divisions idéologiques. Une aile gauche (Édouard Vaillant,
James Keir Hardie) souhaite que l’Internationale propose une action résolue contre toute
menace de guerre, qui devrait aller jusqu’à
la grève générale. Sans approuver complètement, Jaurès fait pencher la balance dans ce
sens : il s’agira d’« empêcher la guerre par tous
les moyens qui paraissent les mieux appropriés ». Mais l’aile droite de l’Internationale
reste sceptique sur une telle action. Elle s’est
renforcée à la veille de la guerre, particulièrement en Allemagne, en développant l’idée que
les masses ouvrières sont restées imprégnées
de nationalisme. Ces divisions ne recoupent
que partiellement les divisions nationales. Et
si entre socialistes français et allemands des
incompréhensions vives se manifestent sur
nombre de questions, la confiance reste grande
entre eux.
Il y a aussi la faiblesse structurelle.
L’Internationale s’est dotée d’un organe de
coordination, le Bureau socialiste international (BSI), dont le siège est à Bruxelles et qui est
dirigé par le socialiste belge Camille Huysmans.
Mais ce bureau ne dispose que de peu de pouvoirs; c’est plus un lieu d’échanges et de confrontations que de décisions, car celles-ci doivent ressortir des seuls congrès de l’Internationale.
1. Louis Aragon, dans Les Cloches de Bâle (1934), a donné une magnifique description de la journée.
Jean-Louis Robert ttt La IIe Internationale face à la guerre ttt 89
Stéphane Audoin-Rouzeau
IMAGINAIRES GUERRIERS
DE L’AVANT-1914…
Face à l’aspect massif des mobilisations sociales et culturelles de l’été 1914,
face aux acceptations tout aussi massives de la guerre dans les différents
pays belligérants, enfin devant tant de conversions, si rapides et venues de
tant d’acteurs sociaux, à une guerre soudainement perçue comme inévitable
et nécessaire, comment ne pas poser la question de la présence d’une « guerre
avant la guerre » au sein des sociétés européennes des années 1900 ?
La guerre aurait-elle cheminé à bas bruit dans
l’espace social des différents pays européens
bien avant que n’éclate la crise de l’été 1914,
expliquant le ralliement massif de la quasi-totalité des acteurs sociaux au tout début du mois
d’août et l’absence presque complète de toute
résistance aussi bien individuelle que collective ? C’est à cette question difficile – question
qui n’est pas neuve, pourtant – que cette contribution voudrait tenter d’apporter quelques éléments de réponse.
Épanouissement du nationalisme
idéologique en Europe
87
Alsace-Lorraine,
y penser toujours ?
Le quotidien La Revanche
prétendait jouer sur
la rancœur anti-allemande
en France. Rebaptisé
Le Patriote dès 1887, il
disparut la même année.
Cet échec rapide est
symptomatique de la
relativité du sentiment
revanchard, quinze ans
à peine après 1871.
102 ttt ÉTÉ 14 ttt Pacifismes, bellicismes
Ici on lit La Revanche, [1886]
Affiche lithographiée,
55 × 43 cm BNF, Estampes
et Photographie, Ent Dn-1
(Lévy, Émile)-Ft 6
Poser cette première question revient en fait
à en poser une autre : celle de l’influence du
« nationalisme des nationalistes », ou si l’on
préfère du « nationalisme idéologique 1 », sur
les sociétés européennes d’avant 1914, en se
demandant comment ses thèmes de prédilection
y avaient pénétré, préparant les esprits à l’éventualité de la guerre et à son acceptation. Ici,
sans doute est-il prioritaire d’en passer par le
rôle décisif que jouèrent, dans les milieux nationalistes d’avant 1914, les thématiques néodarwiniennes, ce « darwinisme social » qui, à
partir des années 1880, comme l’a bien souligné Zeev Sternhell 2, a exercé en leur sein une
influence majeure. Comme on le sait, l’idée
de sélection naturelle exprimée par Charles
Darwin dans L’Origine des espèces (1859) a
été transposée à la fin du siècle sur les groupes
humains supposés être en lutte pour l’existence, puis de là sur les peuples supposés lutter eux aussi pour la vie dans le cadre de leurs
nations respectives. Des nations désormais comprises au sens ethnique, dans une conception de
la « race » mêlant une double dimension, biologique et culturelle.
Les œuvres des penseurs néodarwiniens ont
abondamment circulé dans l’aire européenne,
1. On pourrait parler aussi de « néonationalisme » ou de « nouveau nationalisme » (Jean-Jacques Becker et Stéphane Audoin-Rouzeau, La France, la nation,
la guerre, 1850-1920, Paris, Sedes, 1995). On sait que le terme « nationalisme » est ambigu et qu’en outre son sens a varié au cours du XIXe siècle. Ici, nous
adoptons la signification que lui donne Maurice Barrès dans son célèbre article du Figaro du 4 juillet 1892, « La querelle des nationalistes et des cosmopolites » :
un système de pensée et d’action politique fondé sur l’affirmation de la primauté des intérêts nationaux, et qui fait de la nation une valeur supérieure à toute autre,
et un absolu surdéterminant la solution de tous les problèmes politiques (« Le nationalisme, c’est envisager toutes les questions par rapport à la France », dit
Barrès). En ce sens, le nationalisme est bien une idéologie politique, et c’est pourquoi nous préférons pour notre part parler de « nationalisme idéologique ».
2. Zeev Sternhell, La Droite révolutionnaire. Les origines françaises du fascisme, 1885-1914, Paris, Seuil, 1978.
Stéphane Audoin-Rouzeau ttt Imaginaires guerriers de l’avant-1914 ttt 103
Benjamin Gilles
DES BIBLIOTHÈQUES
POUR LES TROUPES
« Peut-être l’armée atteindrait-elle à une beauté plus sobre et plus moderne, si
elle voulait se faire la modeste éducatrice de la nation 1. » Tenté de s’engager
comme volontaire, Maurice Vincent, le jeune protagoniste du roman d’Ernest
Psichari, est tiraillé entre deux représentations de l’armée. Instrument
traditionnel au service de la défense de la patrie, l’outil militaire se veut aussi,
à la veille de la Grande Guerre, un instrument de l’éducation des jeunes
citoyens.
110
Apprendre à encadrer
des soldats
Quelques éditeurs, parmi
lesquels Berger-Levrault
ou comme ici Lavauzelle,
se spécialisent dans
les manuels et cours
à destination de tous les
grades. Les textes mêlent
règlements, travaux
pratiques, procédures
et récits édifiants.
Anonyme, Manuel d’infanterie
à l’usage des sous-officiers et
caporaux, Paris, Lavauzelle, 1902
In-8o Vincennes, Service
historique de la Défense, R 6267
128 ttt ÉTÉ 14 ttt Préparer la guerre
Cette cohabitation entre des missions classiques et un nouveau rôle social n’est pas sans
tension. Mais elle reflète toute l’évolution de la
pensée sur le rôle de l’armée. Au moment où
Ernest Psichari publie son roman en 1913, la
guerre paraît une expérience très lointaine pour
la majorité de la société française. La défaite de
1870 est de plus en plus un souvenir même si
elle reste perçue comme un échec culturel, l’inadaptation d’un modèle de formation des officiers
et de la troupe. Acteur majeur, par la conscription, de l’éducation des jeunes hommes, l’armée
va occuper un rôle essentiel dans ce redressement. Et c’est par les bibliothèques que cet objectif va se réaliser. Il s’agit de développer la culture
des cadres et des conscrits. Aussi, dès juin 1872,
le ministère instaure les bibliothèques de garnison, reprenant ainsi un projet développé sous
le Second Empire 2. Ces lieux vont s’ouvrir sous
l’influence de deux facteurs : l’instauration du
service militaire et le développement de la lecture populaire.
Les fondements du développement
des bibliothèques militaires :
conscription et lecture populaire
La généralisation en 1875 de l’accès aux bibliothèques à l’ensemble des soldats traduit la
volonté de l’armée de participer à l’instruction
des citoyens. La politique de développement des
bibliothèques pour les troupes épouse ainsi les
progrès de l’alphabétisation masculine qui s’accélère dans les années 1880. Cet essor s’appuie
sur tout le travail mené dans le cadre de la promotion de la lecture publique, une dynamique
entamée dans les années 1860. Cette culture va
fortement marquer le développement des bibliothèques militaires françaises jusqu’en 1914.
En effet, les sociétés philanthropiques
engagées dans le développement de la lecture
vont jouer un rôle décisif dans les casernes.
Palliant les insuffisances des moyens budgétaires de l’état-major, elles équipent les espaces
de lecture et les approvisionnent en livres et
revues. L’action de la Société Franklin est ici à
1. Ernest Psichari, L’Appel des armes, Paris, G. Oudin et Cie, 1913, p. 19. 2. Agnès Boishult, Contribution à l’histoire des bibliothèques des cercles d’officiers,
mémoire d’étude, université de Lyon, Enssib, diplôme de conservateur des bibliothèques, 2011, p. 28.
Benjamin Gilles ttt Des bibliothèques pour les troupes ttt 129
Frédéric Guelton
PRÉPARER LA GUERRE
DANS LES ÉTATS-MAJORS
Quelle guerre préparer, avec quels moyens, contre qui, à quelle échéance
et en vue de quel résultat ? De ces questions, qui fondent l’activité
des états-majors, les premières sont souvent délaissées au profit
de la dernière, qui est la plus importante en soi, mais qui n’a, en fait,
aucune importance, puisque tous les états-majors ne préparent que
des guerres qu’ils ont l’intention de… gagner.
La question du travail préparatoire réalisé par
les états-majors est souvent éludée. On lui préfère
en général une réflexion rétrospective qui étudie
l’origine, la « façon dont la guerre a été préparée »,
à l’aune du résultat, « la façon dont la guerre a été
gagnée ou perdue ». En termes définitifs, le plan
Schlieffen pour Moltke comme la bataille des frontières pour Joffre ne pouvaient qu’échouer parce
qu’ils échouèrent, les batailles de Mons pour les
Anglais, de Tannenberg pour les Russes, du Tser
pour les Austro-Hongrois ne pouvaient qu’être
des défaites parce qu’elles furent des défaites.
Au-delà des jugements définitifs qu’elle assène,
cette démarche, qui relève de l’illusion rétrospective des faits chère à Raymond Aron, ne nous
informe en rien sur les états-majors qui sont
pourtant à l’origine technique de tout 1.
134
Couleurs d’uniformes
Si l’armée allemande a opté
pour le feldgrau,
les discussions sur une
nouvelle tenue sont
nombreuses au sein
de l’état-major français.
Ces hésitations traduisent
le faible intérêt pour
le camouflage dans
le contexte d’une pensée
fondée sur l’offensive.
148 ttt ÉTÉ 14 ttt Préparer la guerre
Anonyme, Les Nouveaux
Uniformes gris de l’armée
allemande, Paris, Berger-Levrault,
1911 In-12 Vincennes, Service
historique de la Défense, J 3a 73
À l’origine des états-majors
du XXe siècle
Les états-majors européens tels qu’ils existent au
début du XXe siècle se constituent par étapes au
cours de la deuxième moitié du XIXe 2. Leur organisation puis la stabilisation de celle-ci résultent
d’une double matrice articulée autour de la
Révolution française et de la révolution industrielle. La première remplace les armées professionnelles d’autrefois par des nations-en-armes,
ce qui en modifie mécaniquement la taille et
impose d’en réguler le fonctionnement. La
seconde confère aux armées une puissance de
destruction et une vitesse de déplacement inégalées grâce à l’industrialisation de l’armement,
au développement des moyens de transport et
à l’émergence des moyens de communication
radioélectriques. Elle impose de préparer les différentes formes de guerre possibles afin de ne
pas être pris de vitesse par l’adversaire. Or la
taille des armées et leur mobilité sont des données opposées. Tous les hauts commandements
le comprennent, plus ou moins rapidement. Ils
remplacent les états-majors anciens, souvent de
circonstance, par des états-majors permanents,
disposant d’un personnel spécialisé, seul capable
de mener, dans la durée, les études nécessaires
1. Pour une approche générale, voir André Corvisier et Hervé Coutau-Bégarie, La Guerre. Essais historiques, Paris, Perrin, 2005 (1 re édition 1995) ; Martin Van
Creveld, La Transformation de la guerre, traduit de l’anglais, Paris, Éditions du Rocher, 1998 ; et Archer Jones, The Art of War in the Western World, Urbana (Ill.),
University of Illinois Press, 1987. 2. Voir John Frederick Charles Fuller, La Conduite de la guerre de 1789 à nos jours, traduit de l’anglais, Paris, Payot, 1990 ; et
John Gooch, « The Origins of Contemporary Doctrine », Stratregic and Combat Studies Institute, no 30, septembre 1997.
Frédéric Guelton ttt Préparer la guerre dans les états-majors ttt 149
Uniformes de fantassin
en août 1914
LES DERNIERS JOURS
DE L’ANCIEN MONDE
23 juillet – 4 août 1914. Chronologie
147
148
149
Uniforme français
Uniforme allemand
Uniforme autrichien
Collection F. Gracient et
musée de la Grande Guerre
du pays de Meaux
Musée de la Grande Guerre
du pays de Meaux
Musée de la Grande Guerre
du pays de Meaux
150
151
152
Uniforme russe
Uniforme serbe
Uniforme anglais
Musée de la Grande Guerre
du pays de Meaux
Musée de la Grande Guerre
du pays de Meaux
Collection F. Gracient et
musée de la Grande Guerre
du pays de Meaux
166 ttt ÉTÉ 14 ttt Préparer la guerre
Cent ans après la Grande Guerre, la question de savoir pourquoi la guerre a éclaté au
milieu de l’été 1914 continue de se poser.
L’absence de réaction de l’Autriche-Hongrie après l’attentat de Sarajevo jusqu’à
la remise de l’ultimatum à la Serbie, le 23 juillet, peut faire croire à un règlement
pacifique de la crise. Les chefs d’État ne renoncent pas à leurs projets estivaux :
Guillaume II part en croisière. Raymond Poincaré et René Viviani effectuent leur
voyage officiel prévu à Saint-Pétersbourg pour réaffirmer l’alliance franco-russe.
Rares sont les dirigeants politiques à avoir pris la mesure du danger comme le
président du Conseil hongrois, le comte Tisza, qui en se ralliant finalement à l’envoi
d’un ultimatum très dur, laisse s’ouvrir un conflit que les puissances centrales
souhaitent localisé.
Les systèmes d’alliance qui permettent à l’Autriche-Hongrie et à la Russie d’adopter
des politiques intransigeantes et de prendre des initiatives risquées sans en avertir
ouvertement leurs alliés, le refus par l’Allemagne d’une conférence internationale
proposée par l’Angleterre, enclenchent un engrenage dangereux. Lorsque, sous
la pression de son entourage, le tsar décrète la mobilisation générale en Russie
le 30 juillet, il provoque l’entrée en scène des états-majors, hantés par la crainte de
prendre du retard sur l’ennemi, et la déclaration de guerre de l’Allemagne. Alors que les
pouvoirs civils semblent hésiter à s’engager dans une guerre européenne, la logique
des plans militaires s’impose à eux, interdisant le retour au jeu diplomatique normal.
Les pages suivantes présentent l’enchaînement des décisions diplomatiques,
politiques et militaires des treize jours qui précèdent l’entrée en guerre des
puissances européennes. Elles se composent des événements mais aussi de
documents et de citations des principaux protagonistes ou de témoins de ce terrible
engrenage. Les références complètes des citations sont données en fin d’ouvrage,
p. 272-273.
L. V.
INDEX DES NOMS DE PERSONNES
L’ensemble de l’ouvrage a été indexé, à l’exception des courtes légendes accompagnant les images.
Les chiffres en gras renvoient aux portraits des principaux protagonistes de l’entrée en guerre,
qui jalonnent l’ouvrage.
Acker, Paul : 99
Adler, Victor : 89, 90
Agathon, voir Tarde, Alfred de
et Massis, Henri
Albert Ier, roi des Belges : 28
Alexandre de Serbie : 170
Alexandre III de Russie : 37
Angell, Norman : 105
Apollinaire, Guillaume :
237, 238, 242
Ardant du Picq, Charles : 134
Arnaud, Émile : 75
Bailly, Louis : 176
Barnes, Harry Elmer : 246
Barrès, Maurice : 94, 95, 97,
100, 103, 104, 107, 134
Bazin, René : 97
Bebel, August : 90, 111
Becker, Jean-Jacques :
118, 211, 254
Beethoven, Ludwig von : 77, 206
Begbie, Harold : 259
Bellery-Desfontaines, Henri : 49
Benjamin, Walter : 237
Benoît XV (Giacomo della
Chiesa) : 240
Berchtold, Leopold : 66, 101,
133, 141, 172, 178
Bergson, Henri : 223
Bernhardi, Friedrich von :
20, 108, 109
Bethmann Hollweg, Theobald
von : 60, 84, 141, 182,
192, 247
Bienvenu-Martin, Jean-Baptiste :
168, 170, 171-174, 176-178,
180, 182, 185
Bismarck, Otto von : 48, 53, 247
Blanche, Jacques-Émile : 175
Blanche, Rose : 175
Bloch, Ivan ou Jean de : 64
Bloch, Jean-Richard : 181
Boland, Suzanne : 179
Bombled, Louis : 96
Bonnefous, Georges : 117
Bourgeois, Léon : 76
Buisson, Ferdinand : 76
Bunsen, Maurice de : 178
Caillaux, Henriette : 18, 20, 200
Caillaux, Joseph : 19, 76, 87,
139, 200
Callot, Jacques : 218
Calmette, Gaston : 76, 200
Cambon, Jules : 174, 176, 182
Cambon, Paul : 183, 185, 190
Campbell, Phyllis : 259
Cassin, René : 17
Chamberlain, Houston Stewart :
104
Chatrian, Alexandre : 107
Cheval, René : 77
Churchill, Winston : 28
Clark, Christopher : 248
Claudel, Paul : 193
Clausewitz, Carl von : 134, 137
Clemenceau, Georges : 116, 137,
144, 175
Cocteau, Jean : 100, 237-240
Cœurdevey, Édouard : 187
Colin, Jean : 109
Conrad von Hötzendorf, Franz :
101, 140, 161
Copeau, Jacques : 242
Corradini, Enrico : 104
Coubertin, Pierre de : 47
Curie, Irène : 187
Dagnan-Bouveret, Pascal : 122
D’Annunzio, Gabriele : 99, 104
Danilov, Yuri : 159
Darwin, Charles : 103
Daudet, Léon : 998, 115
278 ttt ÉTÉ 14 ttt Index des noms de personnes
Debussy, Claude : 241
Delcassé, Théophile : 54, 56
Denis, Ernest : 245
Déroulède, Paul : 94, 95, 97,
107, 134
Descaves, Lucien : 132, 135
Deschanel, Paul : 192
Détanger, Émile, dit Nolly : 99
Djebelia, Ahmed : 22
Doré, Gustave : 107
Doyle, Conan : 134
Driant, Émile : 95, 96
Drumont, Édouard : 104
Dubois, Marcel : 31
Dufy, Raoul : 237, 238,
240, 243
Dumaine, Alfred : 168, 173,
177, 178, 185
Dumas, Étienne : 231, 232
Durkheim, Émile : 245
Engels, Friedrich : 85
Erckmann, Émile : 107
Esparbès, Georges d’ a: 134
Estournelles de Constant,
Paul d’ : 75, 76, 78
Étard, Madeleine : 109
Faguet, Émile : 78
Falkenhayn, Erich von : 178
Fay, Sidney : 246
Fischer, Fritz : 246-248
Flaubert, Gustave : 115
Fleuriau, Aimé de : 176
France, Anatole : 121
François-Ferdinand
d’Autriche :37, 56, 61, 66,
101, 133, 203, 253
François-Joseph Ier d’Autriche :
23, 32, 33, 37, 55, 65, 66,
101, 133
Gambetta, Léon : 107
Gaulle, Charles de : 100
Gendarme de Bévotte, Abel
Camille René : 232
George V d’Angleterre :
26, 31, 59, 60
Gérin, René : 245
Gervex, Henri : 13
Gide, André : 175
Giraudoux, Jean : 179
Gobineau, Arthur de : 104
Goethe, Johann Wolfgang von :
77, 134, 206
Goltz, Colmar von der : 134
Gontcharova, Natalia : 241
Goya, Francisco de : 218
Grandmaison, voir Loyzeau de
Grandmaison
Grey, Edward : 142, 174,
176, 193
Gueldry, Ferdinand Joseph : 13
Guesde, Jules : 85, 90, 200, 211
Guillaume II d’Allemagne :
18, 20, 26, 31, 33, 54, 55,
57, 61, 83, 84, 110, 111,
167, 168, 178, 180, 181,
183, 192, 202
Haase, Hugo : 90
Hansi, voir Waltz, Jean-Jacques
Hasse, Ernst : 108
Henner, Jean-Jacques : 107
Hervé, Gustave : 78-80, 82
Hindenburg, Paul von : 216
Hitler, Adolf : 20, 247
Hjortzberg, Olle : 47
Hoppenot, Henri : 106
Huysmans, Camille : 89, 90, 93
Iribe, Paul : 237
Isaac, Jules : 247, 250
Jaurès, Jean : 11, 20, 76,
78, 82, 85, 87-91, 93, 115,
117, 118, 184, 186, 187,
192, 246, 257
Jilinski, Yakov : 216
Joffre, Joseph : 139, 144,
149, 156, 161, 167, 207,
216, 240
Jouhaux, Léon : 82, 92, 192
Kant, Emmanuel : 206
Kautsky, Karl : 89
Keir Hardie, James : 85, 89, 90
Kergomard, Joseph-Georges : 31
Kipling, Rudyard : 99, 105, 259
Kitchener, Horatio Herbert :
216, 262
Krobatin, Alexander von : 101
Larkin, Philip : 260
Laurencin, Marie : 211
Lavisse, Émile : 115
Le Bon, Gustave : 104
Legien, Karl : 92
Lemkin, Raphaël : 243
Lénine, Vladimir Ilitch : 42, 43,
90, 91, 247
Lichtenberger, André : 99
Loti, Pierre : 134
Loyzeau de Grandmaison,
François : 131
Ludendorff, Erich : 216
Luxemburg, Rosa : 90, 91
Lyautey, Hubert : 121, 132
Machen, Arthur : 259
Maïakovski, Vladimir : 241
Malevitch, Casimir : 241
Malvy, Louis : 186
Marc, Franz : 71
Margerie, Pierre de : 188
Marinetti, Filippo : 105
Martin-Froment, Clémence : 217
Martinet, Marcel : 181, 188
Marx, Karl : 85
Massis, Henri, dit Agathon avec
Alfred de Tarde : 20, 100, 106
Maurras, Charles : 97, 98,
111, 123
Mayer, Arno : 247
Mayer, Camille : 188, 234
Maxim, Hiram : 224
Mélin, Jeanne : 76
Merrheim, Alphonse : 80, 82
Moltke, Helmuth Johannes
Ludwig von (dit Moltke
le Jeune) :
111, 140, 141, 149, 154,
156, 161, 202
Moltke, Helmuth Karl Bernhard
von (dit Moltke l’Ancien) :
150, 154, 155, 161, 164
Morand, Paul : 173
Morgari, Oddino : 90
Morhardt, Mathias : 246
Mulligan, William : 248
Neiberg, Michael : 248
Nicolas II de Russie :
31, 44, 59, 64, 83, 141, 170,
178, 180-183, 203
Nicolas Nikolaïevitch de Russie :
156
Nolly, voir Détanger, Émile
Paléologue, Maurice : 170, 180,
184, 250
Pašić, Nikola : 35
Péguy, Charles : 78, 98, 99, 108
Pergaud, Louis : 188
Perrinon, Pierre : 146
Peugeot, Jules André : 188, 234
Pie X (Giuseppe Melchiorre
Sarto) : 240
Pierre Ier de Serbie : 35
Poincaré, Raymond : 21, 36, 56,
139, 153, 167-169, 180,
187, 190, 192, 248, 249
Poulbot, Francisque : 218
Pourcel, Georges : 77
Pourtalès, Frédéric de : 110
Pressensé, Francis de :
76, 78, 85
Psichari, Ernest : 95, 99,
100, 106, 129
Rémy, Caroline, dite Séverine :
23
Renault, Louis : 76
Rennenkampf, Paul von : 217
Renouvin, Pierre : 9, 197,
246, 247
Richet, Charles : 76
Rictus, Jehan : 172
Rigolot, Albert : 12
Rolland, Romain : 77, 193, 206
Romains, Jules : 115
Rupprecht de Bavière : 216
Sand, George : 115
Sazonov, Sergueï Dmitrievitch :
83, 110, 174, 182
Schiller, Friedrich von : 82, 89
Schlieffen, Alfred von : 140,
154-156, 164, 202
Schmidt, Stefan : 248
Schoen, Wilhelm von : 171, 184,
190, 191, 205, 249
Schwarzlose, Andreas Wilhelm :
225
Sembat, Marcel : 85, 123,
200, 211
Séré de Rivières, Raymond
Adolphe : 156
Séverine, voir Rémy, Caroline
Soury, Jules : 104
Steinlen, Alexandre Théophile :
221
Stolypine, Piotr : 110
Waldersee, Alfred von : 155, 161
Waltz, Jean-Jacques
(dit Hansi) : 21
Wätjen, Otto von : 211
Weber, Max : 246
Werth, Léon : 111
Wilson, Woodrow : 242
Yvetot, Georges : 80
Zola, Émile : 135
Zweig, Stefan : 11, 17, 22,
23, 77
Tagore, Rabindranath : 45
Tarde, Alfred de, dit Agathon
avec Henri Massis : 20,
100, 106
Thomas, Albert : 85
Tisza, István : 66, 101, 133, 163
Tolstoï, Léon : 134
Treitschke, Heinrich von : 108
Trotski, Léon : 204
Vacher de Lapouge, Georges :
104
Vaillant, Édouard : 85, 89, 90
Vandervelde, Émile : 90, 211
Veber, Jean : 57, 215, 218, 219
Veber, Pierre : 57
Victor-Emmanuel III d’Italie : 55
Victoria d’Angleterre : 31
Viviani, René : 21, 36, 87, 153,
167, 168, 180, 182, 184,
187, 190, 192, 223, 249,
250
Index des noms de personnes ttt ÉTÉ 14 ttt 279
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