Hémovigilance Rapport annuel 2010 Été 2011 1 Hémovigilance Rapport annuel 2010 Le présent rapport annuel a été établi par: Med. pract. Morven Rüesch et Dr. med. Markus Jutzi Clinical Reviewer Hémovigilance / Swissmedic [email protected] [email protected] Pour de plus amples informations, nous vous invitons à consulter la rubrique Hémovigilance de notre site Internet à l’adresse suivante: www.swissmedic.ch/marktueberwachung/ 00159/00160/00435/index.html?lang=fr Remarque: Par souci de lisibilité, le masculin est systématiquement utilisé pour designer des personnes. Il va sans dire que cette formulation concerne les hommes et les femmes. 2 Table des matières Editorial 3 1. 1.1 1.2 1.2.1 1.2.2 1.2.3 1.2.4 1.2.5 4 4 4 4 5 6 7 1.3 1.3.1 1.3.2 1.3.3 1.4 1.4.1 1.5. 1.5.1 1.5.2 2. 2.1 2.2 2.2.1. Annonces reçues Remarques d’ordre général Réactions transfusionnelles (RT) Fréquence Répartition par groupes d’âge Imputabilité Grade de sévérité Répartition des réactions transfusionnelles par produit sanguin La transfusion en chiffres et les taux d’annonces en Suisse en 2010 Nombre de composants sanguins utilisés Taux d’annonces Risques transfusionnels Infections transmises par transfusion Résultats des look back effectués par le CNR Annonces d’ET (erreurs transfusionnelles) et de quasi-erreurs (near-miss, NM)) ET Quasi-erreurs (NM) 8 9 9 9 10 10 11 12 12 13 2.2.4 2.3 2.4 Descriptions de cas Décès annoncés Réactions transfusionnelles de grade 3 Réactions ayant pour symptôme principal des troubles respiratoires • Insuffisance pulmonaire aiguë associée à une transfusion (Transfusion related acute lung injury, TRALI) • Surcharge volémique associée à une transfusion (Transfusion associated circulatory overload, TACO) • Dyspnée associée à une transfusion (Transfusion associated dyspnoea, TAD) • RT allergique Réaction transfusionnelle anaphylactique Réaction transfusionnelle hémolytique, RTH Contamination bactérienne ET Quasi-erreurs 17 17 18 19 3. Abréviations 21 4. Références bibliographiques 23 2.2.2 2.2.3 14 14 14 15 16 3 Editorial L’hémovigilance s’ancre de plus en plus profondément dans la pratique médicale en Suisse, comme le montrent l’augmentation constante du nombre d’annonces d’hémovigilance ainsi que le développement continu de la collaboration entre l’équipe Hémovigilance de Swissmedic et des experts et organisations externes qui s’emploient à améliorer la sécurité transfusionnelle. Il s’agit en l’occurrence, outre des responsables de l’hémovigilance dans les établissements hospitaliers, d’organisations telles que le Service de transfusion sanguine de la Croix Rouge Suisse (STS CRS), l’Association Suisse de Médecine Transfusionnelle (ASMT), la Fondation pour la Sécurité des Patients, la Fondation pour la Sécurité des Patients en Anesthésie et de représentants de diverses Autorités cantonales. Cette collaboration avec différents groupes d’intérêts, qui s’appuie sur l’analyse des annonces d’hémovigilance, a permis ces dernières années l’introduction de mesures concrètes visant à améliorer la sécurité des produits sanguins. Nous constatons en outre dans les hôpitaux une sensibilisation croissante aux risques liés à l’utilisation de produits sanguins, qui se traduit non seulement par une hausse globale du nombre des annonces en général et de celles concernant les quasi-erreurs en particulier, mais aussi par leur plus grande qualité. L’analyse des quasi-erreurs, ou Near Miss en anglais, est particulièrement intéressante, car elle permet de mettre à jour les points faibles au cours du processus transfusionnel et, partant, de renforcer la sécurité transfusionnelle. Nombreux sont les hôpitaux qui en tirent profit pour rédiger, unifier ou améliorer les directives relatives à la transfusion et les procédures de travail applicables à l’utilisation de produits sanguins, destinées en particulier au personnel soignant. Il convient d’ailleurs de souligner que l’identification des patients, indispensable pour éviter les erreurs transfusionnelles, apparaît toujours comme la mesure centrale pour assurer la sécurité du processus transfusionnel. Aussi faut-il systématiquement en rappeler l’importance dans les procédures de travail, les for- mations continues et la pratique clinique quotidienne, afin de renforcer la sécurité d’utilisation des produits sanguins. En 2010, Swissmedic a organisé au cours du premier semestre plusieurs ateliers de travail consacrés à l’hémovigilance et au mois d’août a eu lieu la troisième édition de la Journée suisse d’hémovigilance, à laquelle a assistée une centaine de personnes. Des experts suisses et étrangers ont abordé différents thèmes relatifs à la sécurité transfusionnelle dont, pour la première fois, la perspective des personnels soignants concernés. Les présentations peuvent d’ailleurs être téléchargées sur le site web de Swissmedic à l’adresse suivante: http://www.swissmedic.ch/aktuell/00051/01249/index.html?lang=fr La détection et l’annonce d’incidents transfusionnels ne sont possibles que si les utilisateurs de produits sanguins y sont attentifs et disposent des connaissances requises. Il est par ailleurs du devoir du responsable de l’hémovigilance de transmettre ces notions fondamentales au sein de son établissement. Nous lui apportons notre soutien en la matière en rendant des visites de travail aux équipes en charge de l’hémovigilance dans les hôpitaux, en répondant aux demandes de renseignements et en organisant les manifestations précitées. Nous souhaitons enfin saisir l’occasion offerte par la publication du présent rapport pour remercier chaleureusement tous ceux qui ont apporté en 2010 leur pierre à l’édifice de l’hémovigilance. Leur engagement en faveur de la sécurité transfusionnelle est d’une importance cruciale. Permettez-nous également de remercier tous ceux qui nous ont accueilli au cours de l’année 2010 pour des visites de travail. Nous accordons en effet une grande importance à l’échange d’expériences et espérons que cette collaboration de qualité se poursuivra longtemps encore. L’équipe Hémovigilance de Swissmedic 4 1. Annonces reçues 1.1 Remarques d’ordre général 1.2 En 2010, Swissmedic a reçu au total 1304 annonces, soit environ 200 de plus que l’année précédente. 926 d’entre elles concernaient des réactions transfusionnelles au sens strict du terme, 41 des erreurs transfusionnelles (ET) / transfusions d’un produit sanguin inadapté (IBCT, incorrect blood component transfused) et 337 faisaient état de quasi-erreurs (Near Miss, NM). Parmi les annonces de réactions transfusionnelles, 12 signalaient des «doubles incidents», c.-à-d. par exemple une réaction fébrile avec signes simultanés de réaction allergique. Les annonces d’ET et de quasi-erreurs sont enregistrées séparément des réactions transfusionnelles; le nombre d’annonces concernant ces deux types d’incidents a fortement augmenté, puisqu’il est passé de 34 à 41 pour les ET et de 275 à 337 pour les quasi-erreurs. Réactions transfusionnelles (RT) La répartition (en %) des réactions transfusionnelles n’a pas beaucoup changé. Par rapport à 2009, la proportion des réactions transfusionnelles fébriles non hémolytiques (RTFNH) est passée de 35% à 41% (2009: 275, 2010: 388), alors qu’en 2010, un nombre inférieur d’allo-immunisations (2009: 29%, 2010: 24%) avait été annoncé. Les catégories RTFNH, allo-immunisations et réactions transfusionnelles allergiques ont représenté environ 85% de toutes les réactions transfusionnelles annoncées. 1.2.1 Fréquence Tableau 2: Nombre de RT annoncées en 2010, classées par type et par fréquence Tableau 1: Nombre d’annonces d’hémovigilance en 2010 Catégorie Nombre Nombre d’annonces reçues concernant des effets indésirables post-transfusionnels 926 Nombre d’événements post-transfusionnels 938 Nombre d’annonces d’erreurs transfusionnelles (ET) 41 Nombre d’annonces de «Near Miss» 337 Nombre total d’annonces 1304 Graphique 1 Nombre d’annonces de 2002 à 2010 1304 1400 1200 1084 1092 950 1000 Classification Nombre Pourde cas centage RT fébrile non hémolytique,(RTFNH) 388 41,3 Allo-immunisation 222 23,6 RT allergique 205 21,9 Surcharge volémique (transfusion associated circulatory overload, TACO) 45 4,8 RT hypotensive 15 1,6 Autres 22 2,4 RT hémolytique, (RTH) 12 1,3 Infection transmis par transfusion ( ITT) 8 0,9 Dyspnée associée à la transfusion (transfusion associated dyspnoea, TAD) 13 1,4 Hyperkaliémie 3 0,3 TRALI 2 0,2 Réaction non transfusionnelle 3 0,3 938 100 790 800 579 600 400 1RPEUH G¶DQQRQFHV 613 468 271 Nombre total d’événements 200 0 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 5 Catégorie «Autres» Entrent dans la catégorie «Autres» les réactions qui sont probablement liées d’un point de vue chronologique à une transfusion, mais qui ne peuvent être rattachées avec certitude à l’une des catégories existantes. En 2010, ont été classés dans cette catégorie des symptômes non spécifiques, tels qu’une sensation de malaise général, des frissons, des nausées et des ver- tiges, des picotements dans les extrémités et, dans un cas, des crampes dans les mains. Citons également des épisodes de (tachy-) arythmie cardiaque, qui sont survenus le plus souvent chez des patients qui présentaient déjà une anomalie cardiaque (coronaropathie ou fibrillation auriculaire connues). Enfin, le lien de causalité avec la plupart des incidents classés dans cette catégorie a été jugé au mieux possible, sinon improbable. 1.2.2 Répartition par groupes d’âge Graphique 2: Nombre d’événements par âge 60 50 DQV DQV DQV DQV !DQV 40 30 20 10 & 2 7$ LP P XQ LV DW LR Q 5 7 K \S RW HQ VL YH $O OR 5 7) 1 + ( LT XH 5 7 DQ DS K\ OD FW 5 7 DQ DS K\ O 5 H qU J Op H X LT UJ H O DO 7 DF WR wG H 0 Cette année, nous avons pour la première fois réparti les incidents annoncés par groupes d’âge. Il en ressort clairement que les réactions transfusionnelles se produisent le plus souvent chez des patients âgés de 60 à 80 ans. Seules les RT hypotensives et allergiques légères surviennent plus fréquemment dans les autres groupes d’âge (chez les 16-60 ans et chez les plus de 80 ans). Dans le groupe des patients âgés de 16 à 60 ans, on observe le plus souvent des RT allergiques, des RTFNH et l’apparition d’allo-anticorps. Quant aux surcharges volémiques associées à une transfusion, elles affectent principalement les patients de plus de 60 ans. Malheureusement nous ne disposons d’aucune indication sur la fréquence des transfusions effectuées dans chaque groupe d’âge. Pour cette raison il nous est impossible de déduire de ces chiffres si les patients âgés sont exposés à un risque plus élevé de réaction transfusionnelle. Toutefois nous observons que la plupart des réactions transfusionnelles annoncées concernent les patients âgés de plus de 60 ans. Ainsi nous recommandons pour ce groupe d’âge, lors de la transfusion, d’attacher une importance particulière à une indication personnalisée et de surveiller étroitement le patient. 6 1.2.3 Imputabilité (lien de causalité avec la transfusion) Tableau 3: Nombre de réactions transfusionnelles en 2010 en fonction de leur imputabilité Imputabilité Total Exclue Improbable Possible Probable Certaine n.é RT allergique 205 1 2 36 135 30 1 RTFNH 388 7 39 186 145 10 1 Allo-immunisation 222 9 44 169 1 2 1 3 1 1 1 1 1 1 1 3 12 HTR: aiguë 7 retardée 5 Hyperkaliémie 3 RT hypotensive 15 1 Infection bactérienne 8 2 TACO 45 2 TAD 13 1 1 4 1 11 29 4 5 1 1 4 12 2 3 1 2 TRALI 2 Autres 22 2 Réaction non transfusionnelle 3 3 Nombre d’incidents 938 21 52 270 372 215 6 Pourcentage de tous les incidents 100 2,2 5,6 28,9 39,7 23,0 0,6 Par «imputabilité», on entend l’analyse du lien de causalité entre l’incident observé et la transfusion effectuée. Mais cette détermination de l’imputabilité étant dans de nombreux cas soumise à une certaine marge d’appréciation, l’évaluation clinique par le responsable de l’hémovigilance et les médecins traitants est importante. Ainsi apprécions-nous particulièrement lorsque les annonces contiennent des informations relatives à l’évaluation clinique de la situation. 2 L’évaluation de l’imputabilité est essentielle pour la détermination des risques effectifs inhérents à une transfusion. Mais seules les réactions présentant un haut degré d’imputabilité pouvant être utilisées à cette fin, nous nous concentrerons de suite sur celles-ci pour l’analyse des données d’hémovigilance 2010. En 2010, 63% de toutes les réactions transfusionnelles annoncées ont été associées à une «imputabilité» forte, c’est-à-dire que le lien entre la transfusion et l’incident a pu être considéré comme probable ou certain. 7 1.2.4 Grade de sévérité Tableau 4: Nombre de réactions transfusionnelles en 2010 par classe et grade de sévérité, uniquement avec haut degré d’imputabilité Sévérité Tous RT allergique 165 Grade 1 légère 122 122 anaphylactoïde 36 25 anaphylactique 7 RTFNH 155 Allo-immunisation 213 Grade 2 Grade 3 Grade 4 11 7 154 1 213 HTR: aiguë 4 2 retardée 2 2 Hyperkaliémie 1 1 RT hypotensive 12 11 1 1 1 Infection: bactérienne TACO 1 1 30 23 7 TAD 5 4 1 TRALI 1 Autres 2 2 591 346 215 30 59% 36% 5% Nombre d’incidents Pourcentage de tous les incidents 1 En 2010, 591 incidents avaient une origine transfusionnelle très probable ou certaine. 59% de ces annonces étaient des incidents sans caractère de gravité, 36% rapportaient des incidents graves ou ayant été à l’origine d’une «morbidité à long terme» (en part. formation d’allo-anticorps) et 5% concernaient des réactions transfusionnelles ayant mis en danger la vie du patient. Par ailleurs, après analyse des décès annoncés en 2010, le lien de causalité avec la transfusion n’a dans aucun cas été jugé probable ou certain. 2 de ces 4 cas sont détaillés dans le chapitre «Descriptions de cas». L’imputabilité transfusionnelle a été jugé pos- sible dans un cas et improbable dans l’autre. Mais leur intérêt réside précisément dans le caractère initialement jugé possible de l’imputabilité transfusionnelle. Les cas complexes ont nécessité des investigations approfondies réalisées par les responsables de l’hémovigilance et les spécialistes qui ont pris part à ces travaux. Ces incidents étant cependant rares, nous saisissons l’opportunité que nous offre la publication du présent rapport pour les présenter à l’ensemble des responsables de l’hémovigilance. 8 1.2.5 Répartition des réactions transfusionnelles par produit sanguin Graphique 3: Nombre de RT annoncées par composant sanguin 250 200 150 CE PFC 100 CP Association 50 75% des «incidents à haut degré d’imputabilité» annoncés se sont produits dans le cadre de transfusions de concentrés érythrocytaires (CE), ce qui n’a rien d’étonnant puisqu’ils représentent à eux seuls 75% des produits sanguins transfusés chaque année en Suisse. Il s’agissait en l’occurrence principalement de RTFNH et d’allo-immunisations. Il convient par ailleurs de souligner que 17% des réactions annoncées étaient liées à des transfusions de concentrés plaquettaires (CP), qui constituent seulement 7,5% (soit environ 30 000 produits) de l’ensemble des composants sanguins transfusés. $X WUH V AL I TR TA D 5 7 DO OH UJ LT XH 5 7) $O 1 OR + L 5 P 7 P Kp XQ P LV RO DW 5 \ LR WLT 7 Q Kp XH P D RO LJ \W XH LT XH UH WD UG + pH \S HU ND OLp 5 P 7 LH K\ S ,Q R IH WH FW QV LR LY Q H ED FW pU LH QQ H TA C O 0 Ce sont le plus souvent des réactions allergiques qui surviennent à la suite de transfusions de plasma et de CP. La seule transmission confirmée d’infection bactérienne était due à la contamination d’un CP préparé à partir de Buffy coat. Des réactions s’accompagnant de difficultés respiratoires, telles que TACO ou TAD, n’ont été observées que dans certains cas de transfusion de PFC ou de CP et la plupart des surcharges volémiques étaient secondaires à des transfusions de CE. Quant au seul cas de TRALI annoncé en 2010 et présentant un haut degré d’imputabilité, il s’est produit après une transfusion de PFC sécurisé par quarantaine. 9 1.3 La transfusion en chiffres et les risques transfusionnels en Suisse en 2010 1.3.1 Nombre de composants sanguins utilisés Les statistiques annuelles du STS CRS reflètent l’utilisation des produits sanguins en Suisse au cours de ces dernières années. Par rapport à l’année dernière, on note un recul modéré du nombre de produits sanguins livrés. Ce recul concerne essentiellement le PFC, dont le besoin a diminué de 70‘300 à 61‘500 unités. Tableau 5: Nombres de composants sanguins livrés en Suisse Composants sanguins 2007 2008 2009 2010 Concentrés érythrocytaires 308 470 313 587 311 521 308 670 PFC (unités thérapeutiques) 69 800 65 800 70 300 61 500 CP (produits) 22 900 27 600 29 600 29 900 Total des composants sanguins 401 229 407 079 411 528 400 070 1.3.2 Taux d’annonces Graphique 4: Nombre de réactions transfusionelles pour 1000 transfusions 2 1.8 1.6 CE 1.4 PFC 1.2 CP 1 0.8 Association 0.6 0.4 0.2 AL I TR O TA C 5 7 DO OH UJ LT XH 5 7 O DQ pJ DS qU K\ H 5 OD 7 FW DQ Rw DS GH K\ OD FW LT XH 5 7) $O 1 5 OR + 7 LP K pP XQL 5 VD 7 RO WLR K \W Q pP LT XH RO D \W LJ LT XH XH UH WD + U G \S pH HU ND 5 OLp 7 P K\ LH SR WH QV LY H H QQ ULH p FW ED Q LR W F IH ,Q TA D 0 En 2010, le taux d’annonces moyen (nombre d’annonces, y c. quasi-erreurs pour 1000 transfusions) est pour la Suisse de 3,25. Des études publiées montrent un taux pouvant monter jusqu’à 5 annonces pour 1000 transfusions. Le nombre de réactions transfusionnelles ayant un «haut degré d’imputabilité» pour 1000 transfusions et pour l’ensemble des produits sanguins est de 1,48, V WUH $X réparti de la manière suivante: 1,47 pour les CE, de 3,26 pour les CP et de 0,47 pour le plasma. Cependant, les taux d’annonces varient toujours de manière importante d’un hôpital à l’autre et cette année encore, nous mettrons à disposition des responsables de l’hémovigilance et des Autorités cantonales une liste comportant le taux d’annonces de chaque hôpital. 10 1.3.3 Risques transfusionnels Les taux d’annonces permettent de déterminer l’ordre de grandeur des risques transfusionnels globaux et de les détailler pour chaque catégorie d’incident. Ces chiffres reflètent le risque transfusionnel minimal en Suisse pendant la période sous revue. Mais en raison de la «sous-déclaration» probable, il nous faut partir du principe que le nombre d’incidents qui se produisent est supérieur à celui annoncé et donc que les risques effectifs sont plus élevés que ceux évoqués dans le présent rapport. Enfin, bien qu’approximatifs, ces chiffres relatifs aux risques transfusionnels mentionnés ci-dessous permettent d’informer les patients avant la transfusion. mesure. Parmi les infections virales transmissibles par voie transfusionnelle systématiquement dépistées, c’est l’hépatite B qui présente actuellement le risque le plus élevé, avec une incidence d’environ 1:170 000 dons de sang. Pour réduire ce taux, un dépistage supplémentaire de tous les dons à l’aide de techniques d’amplification génomique (NAT) (avec une limite de détection ≤ 25 UI/ml) a été introduit. Le procédé Intercept d’inactivation des agents pathogènes sera appliqué dès le milieu de l’année 2011 à tous les CP fabriqués en Suisse. Cette mesure permettra d’éviter de manière fiable une contamination bactérienne symptomatique de CP pour tous les groupes de patients. 1.4 Tableau 6: Risques transfusionnels en Suisse en 2010 (chiffres approximatifs) VIH 1:3 400 000 dons 1) VHC 1:3 200 000 dons 1) VHB 1:170 000 dons 1) RT due à une contaminati- 1:11 000 concentrés on bactérienne du produit plaquettaires (CP) 2) IBCT 1:20 000 transfusions 3) RT allergique sévère 1:20 000 transfusions 3) TRALI 1:140 000 (2002–2007) 4) 1:400 000 (2008–2010) 5) TACO 1:14 000 transfusions 3) RT hémolytique 1:80 000 transfusions 3) 1) 2) 3) 4) 5) Centre de Référence Nationale pour les infections transmises par le sang et les produits sanguins, 2010 Données suisses d’hémovigilance 2005 – 2010 Données suisses d’hémovigilance 2010 Données suisses d’hémovigilance 2002 – 2007 Données suisses d’hémovigilance 2008 – 2010 Les mesures suivantes qui ont pu être prises en Suisse ont contribué à réduire les risques liés aux produits sanguins: Depuis le 1er janvier 2007, le plasma destiné à la transfusion provient exclusivement de donneurs masculins (et de donneuses qui certifient ne jamais avoir été enceintes ou dont les tests de dépistage des anticorps anti-HLA et anti-HNA sont négatifs). Les cas de TRALI provoqués par ces anticorps (c.-à-d. TRALI d’origine immunologique) peuvent être évités grâce à cette Infections transmises par transfusion (contamination bactérienne de produits sanguins labiles, transmission d’infections virales par des produits sanguins) C’est dans le cadre de l’hémovigilance que Swissmedic gère le système d’annonces spontané des réactions transfusionnelles indésirables. Ainsi, les annonces de suspicion d’infections transmises par transfusion sont incluses dans les évaluations annuelles de l’ensemble des annonces d’hémovigilance. Les infections suspectes d’être en relation avec des produits sanguins contaminés par des bactéries sont analysées individuellement par les hôpitaux, en collaboration avec les services de transfusion sanguine ayant fabriqué les produits concernés et en concertation avec Swissmedic. Tous les cas pertinents sont mentionnés et discutés dans le Rapport annuel sur l’hémovigilance (cf. chapitre 3.2.4. Contamination bactérienne). Par ailleurs, le Centre national de référence (CNR) pour les infections transmises par le sang et ses dérivés étudie les infections suspectes transmises par le sang et les produits sanguins (en particulier VIH, VHC et VHB). Ces tâches sont effectuées sur mandat de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) par le Service de transfusion sanguine CRS Berne SA qui intervient en tant que Laboratoire national de référence pour les marqueurs infectieux, sur mandat du STS CRS.11) Lorsqu’une infection transmissible par le sang est constatée chez un donneur ou chez un receveur de produits sanguins, les investigations suivantes sont lancées: Un «look back donneur» (LBD) est effectué lorsqu’un test de dépistage effectué sur un donneur à l’occasion d’un don de sang révèle une infection par le VIH, une hépatite B, une hépatite C ou une syphilis. Le sang 11 de ce donneur ne peut alors en aucun cas être utilisé. Par ailleurs, des analyses sont effectuées de manière systématique sur tous les dons précédents du donneur afin de vérifier si malgré les tests de dépistage qui étaient alors négatifs, ils ont pu entraîner une infection chez les receveurs. Enfin, un «look back» est également effectué lorsqu’ un service de transfusion sanguine est informé que des signes d’une des infections précitées sont rapportés chez l’un de leurs donneurs actuels ou anciens. En cas de détection de l’une des infections précitées chez un patient qui a été précédemment transfusé, le CNR effectue un «look back patient» (LBP). En l’occurrence, les échantillons de sang de ce patient ainsi que ceux de tous les composants sanguins qu’il a reçu sont analysés afin de confirmer ou d’exclure une transmission éventuelle par voie transfusionnelle. Le CNR publie régulièrement un rapport sur ces données et sur les informations fournies par les 13 services régionaux de transfusion sanguine et le STS CRS, leur organisation faîtière, concernant les tests de dépistage des marqueurs infectieux effectués sur tous les dons de sang. Ce document contient des informations sur la fréquence des infections d’origine transfusionnelle et sur les calculs des risques résiduels d’infections par le VIH, le VHB et le VHC en Suisse. 1.4.1 Résultats des look back effectués par le CNR Outre les risques de transmission par voie transfusionnelle d’une infection par le VIH, le VHB et le VHC déjà traités dans les précédents rapports d’hémovigilance, celui-ci détaille les résultats des «look back» effectués par le CNR. Entre 2000 et 2010, 30 look back donneur ont été réalisés pour le VIH, 18 pour le VHC et 40 pour le VHB. Au cours de cette même période, 17 look back patient ont été réalisés pour le VIH, 146 pour le VHC et 62 pour le VHB. Ils ont permis de confirmer la contamination par voie transfusionnelle du VIH (1 cas), du VHC (3 cas) et du VHB (4 cas). Précisons que toutes les transmissions confirmées se sont produites avant l’introduction du dépistage chez les donneurs de la technique d’amplification des acides nucléiques. Le cas de transmission du VIH a eu lieu en 2001 et les 3 transmissions du VHC se sont produites à l’occasion de transfusions effectuées avant 1992. Mais les infections n’ont été détectées et investiguées que pendant la période susmentionnée. Les transmissions du VHB se sont quant à elles produites lors de transfusions sanguines en 2005 (1 transmission), 2008 (1 transmission) et en 2009 (2 transmissions par un même don). Il n’a par ailleurs pas été possible de démontrer l’imputabilité de la transfusion dans 3 cas de transmission du VIH, 7 du VHB et 21 du VHC. Mais elle n’a pas non plus pu être exclue de manière définitive car les look back correspondants n’ont pas pu être menés à leur terme. Les analyses a posteriori n’étaient plus possibles car les donneurs concernés étaient décédés, avaient déménagé à l’étranger ou les échantillons conservés en sérothèque n’étaient plus disponibles. Outre les investigations achevées au cours des dix années sous revue et résumées ci-dessus, 4 look back donneur pour le VHB et 3 look back patient lancés en 2010 ne sont pas encore terminés. Les risques résiduels moyens calculés pour les infections d’origine transfusionnelle en Suisse sur la période 2007 – 2009 sont pour le VIH, le VHC et le VHB de respectivement 1:3,4 mio, 1:3,2 mio et 1:170 000 dons. 12 1.5 Annonces d’ET (erreurs transfusionnelles) et de quasi-erreurs (Near Miss) Par erreur transfusionnelle (ET), on entend les transfusions lors desquelles un patient a reçu un produit sanguin qui ne lui était pas destiné ou qui n’était pas adapté à ses besoins. Elles sont dues pour la plupart à des déviations par rapport à des procédures de travail ou des directives en vigueur. Il arrive que l’analyse d’une erreur transfusionnelle montre que des procédures de travail régissent de manière incomplète ou confuse ou même ne mentionnent pas certaines étapes de la chaîne transfusionnelle. La saisie et l’analyse des ET et surtout des Near Miss ont une grande valeur pour améliorer les prescriptions relatives au déroulement d’une transfusion. Ainsi, il est dans l’intérêt de tout établissement effectuant des transfusions de saisir et d’analyser les ET et les quasi-erreurs. L’annonce finale à Swissmedic n’occasionne par ailleurs pas de surcroît de travail important, mais apporte une contribution précieuse au renforcement de la sécurité transfusionnelle au plan national. Elle rend possible à l’équipe Hémovigilance de Swissmedic de transmettre les conclusions qui en ont été tirées à tous les professionnels de santé qui interviennent dans la chaîne transfusionnelle, ce qui leur permet de prendre les mesures qui s’imposent pour améliorer la sécurité transfusionnelle dans leur établissement avant que ne survienne un incident similaire. 1.5.1 ET La plupart des erreurs transfusionnelles résultent d’une accumulation de plusieurs déviations au cours du processus transfusionnel. Il peut (mais ne doit pas obligatoirement) en résulter une réaction transfusionnelle. En 2010, 41 annonces d’ET ont été reçues, dont 39 ont été analysées et 2 annulées. Elles sont classées dans le tableau ci-dessous par localisation dans la chaîne transfusionnelle et brièvement décrites: Au final, les erreurs transfusionnelles étaient les suivantes: • 4 transfusions ABO-incompatibles: 2x CE, 1x avec RTH aiguë, 2x PFC sans RT; • 4 transfusions Rh-incompatibles: 3x changement de rhésus associé à une transfusion massive; • 3x phénotype rhésus non identique, 1x avec alloimmunisation; • 5x les allo-Ac connus n’ont pas été pris en considération: 1x Ac stimulés, 1x avec RT fébrile, 1x avec RTH aiguë; • 7x un produit inadapté a été transfusé à un patient (produit destiné à un autre patient, livraison d’un mauvais produit pour le bon patient). Dans 5 cas, le produit était fortuitement compatible et dans les 2 cas de transfusions incompatibles, aucune RT n’est survenue. Toutes les transfusions ABO-incompatibles ainsi que les 5 erreurs transfusionnelles qui étaient fortuitement compatibles auraient pu être évitées ultérieurement si une vérification complète et minutieuse de tous les paramètres pertinents (produit adéquat, identification du patient, attribution du produit au patient, comparaison entre le groupe sanguin du produit et celui du patient) avait été pratiquée. Il convient néanmoins d’expliquer certaines des annonces afin de les relativiser. Ainsi, les modifications de facteur rhésus secondaires à des transfusions massives ou dus à l’indisponibilité de produits Rh-compatibles (en part. CE 0 négatifs) doivent être formellement considérés comme des erreurs transfusionnelles (produit non optimal pour le patient), bien que ces transfusions incompatibles ne soient pas dues à une erreur de manipulation ou à une déviation. Il s’agit en fait d’une décision prise / prescription faite en conscience, en particulier dans des cas d’hémorragie grave. Certains cas pour lesquels la spécification «transfuser phénotype Rh identique» n’a pas été respectée sont survenus en raison de l’indisponibilité de produits phé- Localisation Nombre Exemples Préparation 9 Prescription d’un mauvais produit, commande d’un produit non irradié au lieu d’un produit irradié, commande pour le mauvais patient Laboratoire 13 12 x livraison (ancien groupe sanguin après TCSH, Rh-incompatible, Ac non pris en compte, 1x ABO incompatible (A au lieu de 0) Administration 15 Produit destiné à un autre patient, rhésus modifié Autres 2 13 notypés. Dans ces cas, il n’y a donc pas eu d’erreur commise au niveau des différentes étapes de travail. 1.5.2 Quasi-erreurs (NM) Par «quasi-erreur», on entend toute déviation découverte avant le début de la transfusion et qui aurait pu conduire à une erreur transfusionnelle si elle n’avait pas été décelée. Entre 2009 et 2010, le nombre d’annonces de quasierreurs est passé de 245 à 337, d’où une hausse de 27%. 329 des 337 cas ont été analysés et les 8 autres ont été annulés. Même si nous saluons cette augmentation, il nous faut garder à l’esprit qu’elles ne représentent que la pointe de «l’iceberg des Near Miss». En 2010, la grande majorité des quasi-erreurs annoncées concernaient la «phase de préparation» (287 cas, 87% de l’ensemble des annonces), et plus précisément le prélèvement sanguin en vue du T+S dans 92% des cas. Il s’agissait pour 2/3 d’entre elles d’erreurs d’étiquetage ou de transcription (échantillons non identifiés, avec identification incomplète, avec informations concernant un autre patient, informations concernant le patient non identiques à celles figurant sur le formulaire de commande, etc.). 73% des Near Miss ont été détectées au laboratoire, au moment du contrôle à réception au laboratoire, ce qui confirme l’importance capitale de cette étape dans le cadre de l’ensemble des mesures de sécurité effectuées tout au long du processus transfusionnel. Les échantillons mal identifiés ne peuvent être attribués au patient correspondant et l’échantillon ne peut donc être analysé au laboratoire. Il doit être détruit et un nouveau prélèvement sanguin demandé, d’où du travail et des coûts inutiles. 18% des erreurs (59 cas) n’étaient pas détectables lors du contrôle à réception au laboratoire et ont été dépistées en raison d’une divergence entre le groupe sanguin déterminé et celui d’une détermination antérieure. Mais en l’absence de cette dernière, ces erreurs passent dans un premier temps inaperçues. C’est pourquoi une seconde détermination du groupe sanguin, effectuée sur un échantillon de sang du patient différent prélevé séparément du premier, est nécessaire pour mettre en évidence une erreur éventuelle3). Les annonces reçues confirment un fait généralement admis: cette exigence n’est pas appréciée et parfois contournée, dans la mesure où les deux prélèvements sanguins sont effectués simultanément, même s’il est mentionné qu’ils l’ont été indépendamment l’un de l’autre, puis envoyés pour analyse au laboratoire. Or, cette manière de procéder revient à omettre un contrôle de sécurité important et constitue une négligence grossière. Dans ce contexte, on comprend facilement à quel point le responsable de l’hémovigilance a un rôle déterminant. Il lui incombe en effet de veiller à ce que de tels incidents soient détectés, analysés et annoncés dans le cadre de l’hémovigilance. Leur traitement en interne ainsi que le feed-back aux personnes concernées sont particulièrement importants. Le responsable de l’hémovigilance doit s’assurer, le cas échéant avec le concours de la direction de l’établissement, que ces feedbacks sont pris en compte et entraînent la prise de mesures de correction. Incompréhension ou désintérêt des personnes concernées ne doit en aucun cas être accepté par le responsable de l’hémovigilance. Enfin, 18 cas de quasi-erreurs ont été détectés par le personnel soignant lui-même. A six reprises, le contrôle pré-transfusionnel des produits sanguins a permis d’éviter une erreur. 14 2. Descriptions de cas 2.1 Décès annoncés Cas 1 Une intervention cardiaque (remplacement valvulaire avec myomectomie de la chambre de chasse du ventricule gauche) est pratiquée chez une patiente de 81 ans. En fin d’intervention survient un saignement diffus. Le thromboélastogramme est pathologique et un concentré plaquettaire lui est administré. Quelques minutes après le début de la transfusion, on note une chute de la pression artérielle à 40 mmHg. La patiente reçoit alors des vasopresseurs qui sont mal tolérés: apparition d’une tachycardie ventriculaire puis d’une fibrillation ventriculaire. La patiente est d’abord réanimée: massage cardiaque externe, adrénaline, calcium, Solumédrol et défibrillation. 10 minutes plus tard, la circulation sanguine est rétablie mais environ 500 ml de sang frais sont aspirés par le drain péricardique. La révision chirurgicale montre alors une rupture du ventricule gauche. La réanimation est stoppée avec décès de la patiente. Le dosage de la tryptase dans un échantillon de sang dilué est à 8,75 µg/l, correspondant à environ 50 µg/l (norme < 13,5 µg/l). Le taux d’IgA dans un échantillon sanguin pré-transfusionnel est dans les normes. Les hémocultures de la patiente et la mise en culture du plasma du même échantillon sanguin ne mettent pas de bactérie en évidence. Commentaire Les signes cliniques et les résultats biologiques vont dans le sens d’une réaction anaphylactique initiale au concentré plaquettaire. Une origine cardiovasculaire à la baisse de pression artérielle ne peut cependant être exclue. Le massage cardiaque externe effectué sur le cœur fraîchement opéré semble être la cause la plus probable de la rupture du ventricule gauche. L’incident est classé en tant que réaction anaphylactique transfusionnelle et le lien avec la transfusion est considéré comme «possible». Mais il est impossible de déterminer avec certitude dans quelle mesure la transfusion est (co)responsable du décès de la patiente. Cas 2 Un patient âgé de 63 ans présentant plusieurs affections chroniques et ayant été transfusé à plusieurs reprises (et présentant des complications après intervention cardiaque, une insuffisance rénale chronique nécessitant une hémodialyse intermittente et un diabète insulinodépendant) présente un arrêt cardiaque au cours de la transfusion d’un CE (50 min après le début, environ 1/2 CE). La réanimation mécanique et médicamenteuse est sans effet et le patient décède 40 minutes plus tard. L’hémodialyse ne s’était pas déroulée normalement ce jour-là, ce qui a entraîné une augmentation de la kaliémie (à env. 5,5 mmol/l). L’alimentation et l’apport en insuline ont été interrompus. Pendant la réanimation, on mesure une kaliémie à 8,0 mmol/l! Il n’y avait au préalable aucun signe d’hémolyse massive du CE ou d’hémolyse induite par la transfusion. La concentration en potassium dans le CE transfusé était de 30,9 mmol/l, ce qui se situe dans la fourchette normale pour un CE agé de 20 jours, correspondant à une augmentation de la kaliémie de 0,73 à 0,98 mmol/l. Commentaire L’hyperkaliémie post-transfusionnelle est un effet indésirable connu, qui s’avère grave dans de rares cas. Les données disponibles sont peu nombreuses et concernent surtout la pédiatrie, la néphrologie, les transfusions massives et l’administration de CE irradiés (4-6). Dans le cas présent, une hyperkaliémie peut être à l’origine de l’arrêt circulatoire. Les calculs effectués montrent cependant que l’élévation observée de la concentration en potassium ne peut être expliquée uniquement par la quantité de potassium contenue dans le CE. Même dans les hypothèses les plus pessimistes (volume transfusé important), le potassium apporté par le CE transfusé ne peut avoir contribué que pour un tiers à l’augmentation observée, si bien qu’il faut envisager une origine multifactorielle (insuffisance rénale, équilibre acide-base, etc.). 2.2 Réactions transfusionnelles de grade 3 Parmi les annonces reçues en 2010 et associées à un haut degré d’imputabilité, 30 avaient un caractère cliniquement grave/avec menace vitale. Ainsi, on dénombrait 18 réactions transfusionnelles allergiques graves, 7 surcharges volémiques et diverses réactions classées dans 5 autres catégories. Nous détaillerons quelques incidents relevant des deux premières catégories dans le chapitre «Réactions ayant pour symptôme principal des troubles respiratoires», de même qu’un cas de TRALI, de TAD, de RTH aiguë et de contamination bactérienne. 15 2.2.1 Réactions ayant pour symptôme principal des troubles respiratoires La plupart des réactions transfusionnelles lors desquelles des troubles respiratoires sont au premier plan sont au départ difficiles à classer. Seule l’évolution clinique ainsi que les investigations pratiquées et/ou d’autres symptômes permettent de différencier les cas de TRALI, de TACO, de TAD et de RT allergique, comme l’illustrent les cas suivants. Cas 1: Suspicion de TRALI " TAD Deux CE sont transfusés entre 22h00 et 0h00 à un patient âgé de 83 ans et souffrant d’une maladie de Hodgkin. Une grave quinte de toux se déclenche subitement, sa température corporelle augmente à 38,3°C (préalablement afébrile) et une dyspnée apparaît progressivement. Le patient est alors transféré en unité de soins intensifs pour insuffisance respiratoire aiguë. Au cours de la nuit et de la journée suivante, la situation est maîtrisée à l’aide d’une ventilation non invasive. Le besoin en oxygène diminue et l’état du patient s’améliore. Mais dans la soirée, une nouvelle aggravation conduit à l’intubation. Au départ, un diagnostic différentiel de pneumonie bilatérale (éventuellement atypique) ou de syndrome de détresse respiratoire aigu post transfusionnel (TRALI) est envisagé. Mais en raison des signes d’infection de plus en plus patents, une antibiothérapie par Céfépime et Klacid est initialisée. Les échanges gazeux ainsi que d’autres atteintes d’organes (insuffisance circulatoire nécessitant l’administration de catécholamines et insuffisance rénale progressive) se détériorent et le patient décède 8 jours après la transfusion en raison d’une défaillance multiviscérale. L’incident a été annoncé comme cas probable de TRALI. Lors du diagnostic différentiel, une RTFNH, un TACO, une contamination bactérienne ou un autre événement pulmonaire (pneumonie) ont été envisagés. Il n’y avait pas de signes immuno-hématologiques d’hémolyse post-transfusionnelle. Et en l’absence de mise en culture du produit, les hémocultures négatives du patient après la réaction excluaient toute contamination bactérienne du produit. Les signes cliniques, les clichés radiologiques et les résultats biologiques n’ont pas permis de mettre en évidence une origine cardiaque à l’insuffisance respiratoire (TACO). Commentaire Du fait de l’évolution en W (après amélioration de l’état du patient, nouvelle aggravation > 24 heures après la transfusion) et de l’évolution prolongée, un TRALI semble peu probable. Nous avons finalement considéré ce cas comme TAD possible. Cas 2: Suspicion de TRALI Une patiente de 71 ans reçoit un PFC avant une intervention chirurgicale afin de corriger son bilan de coagulation. Pendant la transfusion, elle ressent une sensation de chaleur sans élévation manifeste de sa température, et la transfusion est immédiatement interrompue. Environ 30 min plus tard, elle présente une dyspnée aiguë, sur laquelle ni l’O2, ni les diurétiques ni les antihistaminiques n’ont d’effet. La patiente est transférée en unité de soins intensifs, où elle est placée sous respiration artificielle non invasive. Après quelques heures son état s’est considérablement amélioré, ce qui lui permet de quitter les soins intensifs après 24 heures. La radiographie thoracique fait apparaître un œdème pulmonaire modéré sans cardiomégalie, mais le bilan hydrique des derniers jours ne confirme pas la surcharge volémique. Le taux de tryptase, qui se situe dans la norme, a une faible valeur informative car le prélèvement de l’échantillon sanguin est effectué environ 24 heures après l’incident. D’un point de vue clinique, rien ne plaide en faveur d’une réaction allergique. Les recherches d’anticorps anti-HLA et anti-HPA dans le plasma du donneur sont négatives et le crossmatch avec les leucocytes du patient est également négatif. Commentaire La dyspnée aiguë apparue après la transfusion de plasma et sur laquelle l’oxygène, les diurétiques et les antihistaminiques ont été inefficaces suggèrent plutôt un TRALI. En l’absence de signes cliniques, radiologiques et biologiques laissant penser à une autre cause il était pertinent de rechercher des anticorps anti-HLA et de réaliser un crossmatch. Mais la recherche d’anticorps étant négative, un TRALI (nonimmunologique) s’impose comme l’explication la plus probable de la réaction. A l’avenir, il faudra poser de manière très stricte l’indication transfusionnelle chez cette patiente, en particulier pour les produits sanguins contenant du plasma. Cas 3: TACO Un patient âgé de 80 ans est hospitalisé en raison d’une pneumonie et reçoit un CE pour une anémie symptomatique. L’anamnèse révèle une cardiopathie valvulaire, hypertensive et une maladie coronarienne, 16 un cancer de la prostate métastatique et une maladie thrombo-embolique. La transfusion dure moins de 3 heures. 9 heures plus tard apparaissent des douleurs thoraciques, une dyspnée, une hypoxie (SpO2 minimale de 69% à 4 l. d’O2), une tachycardie et un œdème pulmonaire cliniquement évident avec râles dans les 2 champs pulmonaires, des ronchi et une tachypnée. La radiographie met en évidence des infiltrats bilatéraux. La situation est jugée potentiellement mortelle. Le contrôle des documents et les analyses immunohématologiques ne présentent aucune anomalie. Aucune analyse bactériologique n’a été effectuée. L’existence d’un lien avec la transfusion est d’ailleurs considérée comme douteuse. Commentaire Finalement, dans son évaluation globale du cas, le responsable local de l’hémovigilance a estimé qu’un lien avec la transfusion est certain. Nous sommes également d’avis qu’un TACO est probable. Chez ce patient souffrant de troubles cardiaques et présentant une pneumonie, une tolérance volémique moindre était prévisible et il était nécessaire d’adapter la vitesse de la transfusion. Une poche de CE (environ 300 ml) transfusée en 3 h correspond à une vitesse de perfusion d’environ 1,7 ml/min, ce qui est supérieur à la vitesse recommandée chez les patients à risque (max. 1 ml/min). Cas 4 Une patiente âgée, souffrant d’une coronaropathie et d’une décompensation ventriculaire bilatérale et dont le taux d’Hb est de 6,2 g/dl reçoit 200 ml de CE en 25 minutes. On constate alors que sa pression artérielle augmente de 167/87 à 190/83 mm Hg. Eu égard à la vitesse de transfusion de 8 ml/min (!) et aux analyses immuno-hématologiques et microbiologiques normales, il s’agit très vraisemblablement d’une surcharge volémique. Cas 5 Un patient de 80 ans présentant une anémie symptomatique (angor, claudication, fatigue, dyspnée) reçoit 2 CE. Après la transfusion de la première poche, on observe un angor intermittent et une pression artérielle normale. 20 mg de Lasix lui sont administrés afin de prévenir un œdème pulmonaire. Néanmoins, peu après le début de la transfusion du deuxième CE, la dyspnée s’accentue et on constate une augmentation de la fréquence cardiaque de 104 à 120, et de la pression artérielle (de 120/73 à 165/76 mm Hg). Un œdème pulmonaire débutant (et cliniquement constaté) a pu être traité avec Lasix et mise sous respiration artificiel- le non invasive. Le tableau clinique et l’évolution sont typiques d’une surcharge volémique due à une transfusion. Commentaire La première poche a été transfusée en deux heures, d’où une vitesse d’environ 2,5 ml/min. L’administration de Lasix qui a suivi était certainement indiquée et appropriée pour limiter la surcharge circulatoire. On peut supposer qu’un laps de temps plus long entre l’administration de Lasix et le début de la deuxième transfusion aurait permis d’éviter la surcharge volémique. Cas 6: RT allergique 15 minutes après le début de la transfusion d’un CE apparaissent chez une patiente de 96 ans (status post résection iléo-caecale deux jours auparavant) des difficultés respiratoires se manifestant par une spasticité bronchique avec baisse de la saturation périphérique à 70% et chute de la pression artérielle systolique de 120 à 80 mm Hg. Les symptômes s’améliorent dès l’inhalation de broncho-dilatateurs et un apport d’oxygène. La patiente avait déjà reçu 2 PFC auparavant. De plus, en raison des signes radiologiques d’œdème, du Lasix est administré par voie intraveineuse. La réaction est considérée comme potentiellement mortelle et a est d’abord annoncée comme une suspicion de TRALI. Commentaire L’apparition des symptômes peu après le début de la transfusion, la spasticité bronchique et l’amélioration immédiate qui a suivi l’administration de bronchodilatateurs et d’oxygène suggèrent plutôt une réaction allergique. De plus, la radiographie thoracique et l’amélioration qui a suivi l’administration de Lasix évoquent plutôt une hyperhydratation préexistante/ concomitante. Au final, nous avons classé ce cas comme probable RT anaphylactoïde. 2.2.2 RT anaphylactique Une patiente de 83 ans est transfusée pendant une anesthésie avec du PFC en raison d’une importante hémorragie gastro-intestinale. Dès le début de la transfusion du deuxième PFC apparaissent une urticaire, un prurit, un exanthème, un choc et une hypoxie. La pression artérielle tombe de 110/82 à 85/48 mm Hg et le pouls diminue de 114 à 80 pulsations par minute. La réaction potentiellement mortelle est trai- 17 tée au vu des symptômes par Tavegyl, Solumedrol i.v, adrénaline en perfusion et bolus de catécholamines en fonction des besoins. Une imputabilité médicamenteuse a été exclue. L’anamnèse a quant à elle révélé une allergie connue à certaines baies. Quant à la vérification des documents, elle n’a mis à jour aucune anomalie, aucun signe d’hémolyse n’a été dépisté et un déficit en IgA a pu être exclu grâce à un prélèvement sanguin prétransfusionnel. Il s’agit donc probablement d’une RT anaphylactique. Commentaire Les réactions transfusionnelles allergiques aiguës surviennent typiquement et de manière très brutale peu après le début de la transfusion du produit déclencheur. On observe souvent, comme dans le cas présent, une instabilité circulatoire massive et une hypoxie, qui déterminent le traitement à administrer. Des manifestations allergiques cutanées peuvent également orienter le diagnostic. Les patients dont l’anamnèse révèle l’existence d’une allergie sont plus souvent sujets aux RT allergiques. Par ailleurs, les patients ayant déjà développé des RT allergiques risquent d’en présenter à nouveau, avec un degré de gravité généralement plus élevé. Des RT allergiques ou anaphylactiques aiguës peuvent survenir chez des patients présentant un déficit en IgA et des anticorps anti-IgA (les anticorps anti-IgA du patient réagissent avec les IgA du produit transfusé). C’est pourquoi nous recommandons de mesurer la concentration en IgA et dépister les anticorps anti-IgA après toute RT allergique sévère (dans un échantillon sanguin pré-transfusionnel ou au plus tôt 7 jours après la dernière transfusion). 2.2.3 d’hémolyse se révèle positif: LDH à 1010 U/l (norme: 100-190 U/l) et Hb plasmatique libre à 210 mg/l (norme <100 mg/l). Le test de Coombs direct reste négatif, ce qui n’exclut toutefois pas la réaction hémolytique. Il est possible que les érythrocytes transfusés (Ag-positifs), portants les allo anticorps de la patiente, aient déjà été totalement lysés au moment de l’analyse. Commentaire Lors de la transfusion de CE non testés (par rapport à la compatibilité des allo-anticorps), le risque de réaction transfusionnelle hémolytique déclenchée par les allo-anticorps est réel. Si le patient présente des alloanticorps, une hémolyse aiguë ou retardée peut survenir selon la spécificité de l’allo-anticorps lorsque les produits transfusés contiennent l’antigène correspondant. Le risque de RTH aiguë existe principalement en cas de transfusion incompatible dans le système ABO, tandis que les RTH déclenchées par les allo-anticorps sont retardées dans la majorité des cas. Peu d’allo-anticorps hors du système ABO sont susceptibles de déclencher une RTH aiguë, mais les anticorps du système Kidd décrits dans le présent exemple en font partie. Dans les situations où la transfusion est vitale, il n’y a souvent pas d’autre choix acceptable que d’entreprendre une transfusion de produit «non testé» et de prendre le risque qui lui est inhérent. C’est le médecin traitant qui assume la responsabilité de cette décision. En pareil cas, il est absolument indispensable de prélever un échantillon de sang avant la transfusion, afin de pouvoir effectuer immédiatement les analyses qui normalement doivent être faites avant le début de la transfusion (Type and Screen) et de pouvoir mettre à disposition dès que possible des produits sanguins dont on est certain de la compatibilité. RT hémolytique RTH aiguë Des CE non testés ont dû être transfusés d’urgence à une patiente présentant un taux d’Hb à 5,0 g/l en raison d’une hémorragie gastro-intestinale importante. Lors des analyses pré-transfusionnelles, le dépistage des anticorps s’est révélé positif et en raison de la menace vitale, il a été décidé d’administrer des CE avec test de compatibilité négatif jusqu’au moment où la spécification de l’anticorps pourrait être déterminée. Deux poches non testées sont transfusées. La patiente réagit avec frissons et fièvre. Des allo-anticorps anti-Jka (Kidd a) sont ultérieurement mis en évidence dans le sérum de la patiente et l’analyse effectuée montre que les deux poches déjà transfusées étaient Jka+. Le lendemain, un bilan 2.2.4 Contamination bactérienne Cas 1 Un patient né en 1974, atteint d’une maladie de Hodgkin et placé sous chimiothérapie, développe après transfusion d’un CP de la fièvre, des frissons, une hypotension et une tachycardie. Sa température monte de 36,7 à 39,5°C et sa pression artérielle chute de 110/60 à 80/40 mm Hg. L’antibiothérapie (Vancomycine) administrée sans délai permet une amélioration des symptômes en 20 heures. La vérification des documents ne fait apparaître aucune irrégularité. Mais la mise en culture du produit et celle du sang du patient révèle la présence de Bacillus cereus. Le CP a été fabriqué à partir de sang total. L’analyse de tous les CE issus des dons de sang concer- 18 nés ainsi que les investigations auprès des donneurs et des collaborateurs impliqués n’ont pas permis de trouver l’origine de la contamination. Commentaire L’infection transmise par la transfusion d’un CP contaminé par une bactérie est avérée. 2.3 ET Cas 1: RTH aiguë due à une erreur transfusionnelle (incompatibilité ABO) Une patiente doit être transfusée après la pose d’une prothèse totale de hanche, en raison d’un taux d’Hb postopératoire de 76 g/l. La patiente est de groupe sanguin 0 positif et 2 CE avaient déjà été commandés avant l’intervention. Mais lors de la commande, le laboratoire livre par erreur à la place de deux poches de groupe 0 pos, une poche de groupe 0 pos et une autre de groupe A pos, toutes deux portant des étiquettes de transport dûment renseignées, à savoir 0 pos. Les produits sanguins sont transportés par un membre de l’équipe soignante et l’enlèvement visé sur le procès-verbal de transport. Mais à ce stade, la non-concordance entre une des poches et l’étiquette de transport passe inaperçue et n’est pas remarquée non plus au moment du contrôle pré-transfusionnel dans le service. Le premier CE administré (0 pos) est bien supporté , mais peu après le début de la transfusion du deuxième CE (A pos, env. 20-50 ml), la patiente présente de la fièvre, des frissons, des douleurs sous-costales et une hématurie soit un tableau clinique complet de RT hémolytique aiguë. La patiente est transférée en Soins intensifs et mise sous hyperhydratation avec diurèse forcée prudente. Une hémolyse modérée se traduit au niveau des paramètres de laboratoire sous forme d’une élévation transitoire du taux de LDH à 315 U/l max. et de bilirubine à 25 µmol/l max.; ces valeurs se normalisent au cours de la journée suivante. Dans le cadre des investigations menées à la suite de l’incident transfusionnel, un allo-anticorps anti-C faiblement réactif est dépisté dans l’échantillon sanguin pré-transfusionnel. Or, celui-ci n’avait pas été pris en considération lors de la transfusion, ce qui aurait pu conduire par ailleurs à une hémolyse retardée. Commentaire Une fois encore, c’est l’accumulation de plusieurs déviations (choix du produit, transcription erronée, contrôles incomplets lors de la transmission et immédiatement avant le début de la transfusion) qui a rendu possible la transfusion d’un produit incompatible avec le groupe sanguin de la patiente. Swissmedic a été immédiatement (en quelques heures) informé de l’incident et les mesures d’hémovigilance à mettre en place ont été définies d’entente avec l’établissement. Les responsables de l’hôpital ont demandé si, outre l’annonce d’hémovigilance, il y avait une obligation légale à annoncer ce type d’erreur médicale à d’autres autorités. Eléments de réponse: La loi exige que les incidents d’hémovigilance soient annoncés à Swissmedic. Les informations fournies dans les annonces d’hémovigilance n’entraînent pas de sanction contre ceux qui les envoient et elles ne sont pas utilisées en principe à d’autres fins que l’hémovigilance (par exemple enquêtes pénales). Les obligations de déclaration en rapport avec des erreurs médicales sont réglées différemment selon les cantons. En cas de décès suspect l’autorité cantonale compétente (p.ex. autorité de poursuite pénale, médecin cantonal) doit être immédiatement informé par l’hôpital ou le médecin traitant. De même, dans le cas d’erreurs médicales en l’absence d’issue fatale, la loi cantonale sur la santé et le cas échéant un médecin légiste ou le médecin cantonal doivent être consultés. Pour de plus amples informations sur ce thème se reporter aux publications correspondantes (7–9). Cas 2 Le service A commande une copie de la carte de groupe sanguin de la patiente A.R., qui est dûment envoyée dans le service par le centre de transfusion sanguine. Peu après, un autre service (B) demande un CE pour Madame A.S. La laborantine livre le bon CE, mais ne vérifie pas l’adresse programmé pour le transport du CE par tube pneumatique au moment de l’expédition, si bien que le CE est envoyé par erreur dans le service A. (la dernière adresse choisie /utilisée reste inscrite sur l’écran du tube…) Dans le service A, on pense que le CE est destiné à la patiente A.R., dont on vient de demander la carte de groupe sanguin. La transfusion commence sans double-contrôle et l’identité de la patiente n’est vérifiée qu’ensuite. Il apparaît alors que le nom inscrit sur la poche (A.S.) ne correspond pas à celui de la patiente (A.R.). La transfusion est interrompue après seulement quelques minutes. La patiente ne présente aucune réaction, car le CE était par chance compatible (groupe sanguin de la patiente: A pos; groupe sanguin du CE: 0 pos.). 19 Commentaire Comme dans la plupart des cas, cette erreur transfusionnelle est due à une accumulation de déviations. D’abord, le CE a été livré à un service erroné, où la vérification de l’identité de la patiente n’a pas été faite ou trop tardivement. La surcharge de travail a été la raison avancée par la soignante pour expliquer le fait qu’elle a oublié d’effectuer ce contrôle. Suite à cet incident, une formation a été dispensée dans le service sur le thème récurrent de l’identification des patients. Par ailleurs, le centre de transfusion sanguine s’est interrogé sur la possibilité de modifier la programmation du transport des tubes, de manière à ce qu’il soit nécessaire d’indiquer l’adresse lors de chaque envoi. Cas 3 Une prothèse totale de hanche est posée à une patiente de 67 ans souffrant de pancytopénie due à un hypersplénisme associé à une cirrhose hépatique. Lors de cette intervention, un CP contenant 5 unités thérapeutiques lui est transfusé. Son temps de Quick est de 85 %. Le lendemain soir, lors de la relève, il est décidé de lui transfuser un autre CP contenant 5 unités thérapeutiques. Or, le médecin de garde dans le service cette nuit-là comprend que la patiente doit recevoir 5 PFC. Il transmet la prescription par téléphone à l’infirmière de nuit, qui commande les PFC et les transfuse. L’erreur est découverte au moment de la relève du lendemain matin. La patiente n’a apparemment souffert d’aucune surcharge volémique. Un CP lui est ensuite transfusé et du Lasix lui est administré simultanément. Dans ce cas d’ET, un produit inadapté a été transfusé. Plusieurs erreurs ont été mises à jour par l’analyse de l’incident effectuée au sein de l’hôpital: • Mauvaise transmission des informations au médecin de garde lors de la relève du soir (Malentendu? Communication d’une information erronée?); • Le médecin de garde (qui ne connaissait pas la patiente) ne s’interroge pas sur la prescription de PFC (pas de remise par écrit? mauvaise communication d’informations essentielles sur le cahier de transmission?); • Pas de prescription écrite (datée et signée) pour la transfusion; • La transfusion a eu lieu de nuit, moment où le risque d’erreur est plus élevé (moins de personnel, prise en charge de patients inconnus). L’indication de la transfusion du CP a été posée au vu de la formule sanguine du matin. • Le soignant ne s’est pas interrogé sur la prescription. (ne connaissait-il pas le cas de la patiente? Connaissances insuffisantes des indications transfusionnelles?). Commentaire Outre le malentendu initial, c’est le manque de connaissance des propriétés et de l’indication des produits sanguins qui a causé cette ET. Une remise en question de cette prescription tant par le médecin de garde que par le soignant aurait certainement été opportune. Mesures Suite à cet incident, il a été décidé que les prescriptions de transfusion soient à l’avenir toujours faites par écrit. De plus, une formation a été organisée pour le personnel soignant au sujet des indications transfusionnelles. Une vérification de la transmission des informations (par écrit ?) aux médecins de garde dans le cahier de transmission a également été recommandée. 2.4 Quasi-erreurs (Near Miss) Cas 1 Un prélèvement de sang du patient S.P. est envoyé au laboratoire en vue d’un T+S. Le groupe sanguin ainsi déterminé ne correspond pas au résultat d’une détermination antérieure effectuée quelques jours plus tôt. Il s’avère que cette dernière avait été faite sur un échantillon de sang d’un autre patient (qu’il a été impossible de retrouver). Les deux patients se sont trouvés en même temps au service des urgences et les indications relatives au patient S.P. ont par erreur été transcrites sur le prélèvement de l’autre patient. Commentaire La confusion n’a apparemment pas été remarquée lors de la première détermination du groupe sanguin. Cet incident illustre une nouvelle fois la nécessité d’une identification correcte du patient avant le prélèvement de sang en vue d’un T+S ainsi que l’importance d’une deuxième détermination du groupe sanguin sur des échantillons sanguins prélevés indépendamment l’un de l’autre (pour révéler une possible confusion, comme dans cet exemple). Cas 2 Un soignant du service de dialyse appelle le laboratoire et demande les 2 CE commandés pour le patient A.B., né le 24.07.1944. La laborantine répond qu’ils n’ont reçu aucune demande ni aucune commande pour ce patient. Mais le soignant réaffirme que 2 CE ont bien été commandés pour lui. La laborantine trouve sur le poste de travail de l’une de ses collègues une demande au nom de A.B. (patient ayant le même patronyme et la même initiale 20 pour le prénom) et demande au soignant (sans mentionner la date de naissance) s’il s’agit bien de ce patient. On ne sait pas précisément si le soignant a confirmé. Mais la laborantine ajoute que la demande provient du service d’oncologie et le soignant répète que le patient se trouve en dialyse, dans son service… 2 CE sont ensuite envoyés pour le patient A.B., né le 28.09.1948. Mais la livraison au service de dialyse par tube pneumatique n’est pas effectuée en raison d’un problème technique. Une stagiaire du service va alors chercher elle-même les CE au laboratoire. Mais lors du contrôle pré-transfusionnel effectué dans le service, la non-concordance entre le patient en dialyse et les indications figurant sur les CE est remarquée et les produits sont renvoyés au laboratoire. Commentaire Contrairement à la procédure obligatoire, au moment de la commande/recherche du patient dans le système informatique, la laborantine du service n’a pas utilisé le nom, le prénom et la date de naissance complète. Pour le patient en dialyse, il n’y avait plus de T+S valide. Or, cela n’a apparemment pas été clairement indiqué. Les affirmations divergentes du soignant et de la laborantine concernant les services ayant passé commande (oncologie vs. dialyse) auraient dû les alerter tous deux et les inciter à procéder à une vérification détaillée. Une autre opportunité de déceler l’erreur a été manquée lorsque la stagiaire est allée personnellement chercher les produits. Les prescriptions en vigueur n’ont été respectées qu’à moitié et la communication était inadaptée. Toute incertitude devrait systématiquement être formulée et levée par des investigations appropriées. Mesures A l’avenir, lors de toute commande de CE, il conviendra de demander les données complètes du patient et de les vérifier dans le système informatique de l’hôpital. Par chance, le contrôle dûment effectué avant la transfusion a permis de déceler l’erreur et d’éviter une ET au tout dernier moment. Cas 3 Mme M doit subir un prélèvement sanguin en vue d’un T+S. Lorsque la soignante entre dans la chambre, la voisine de chambre est à table et Mme M est allongée dans le lit. Lorsqu’elle demande qui est Mme M, la patiente attablée répond que c’est elle. Or, elle est démente. Le nom des patients n’étant pas inscrit sur les lits, le prélèvement de sang est effectué sur la mauvaise patiente. L’erreur est constatée rapidement par la soignante elle-même et signalée au laboratoire. Commentaire Ce cas souligne l’importance de la vérification complète et correcte de l’identité du patient (demander au patient de dire lui-même ses nom, prénom et date de naissance). L’autre facteur ayant favorisé l’erreur était le fait que les noms des patients n’étaient pas inscrits sur les lits, même si l’on ne peut se fier uniquement à cette inscription pour identifier un patient. Dans l’établissement où est survenu cet incident, l’identité des patients déments sera à l’avenir vérifiée par deux soignants. Le responsable de l’hémovigilance a quant à lui observé qu’il s’agit d’une erreur potentiellement mortelle typique et que la prise de conscience de l’importance de l’identité du patient était encore et toujours insuffisante. Il est par ailleurs absolument indispensable que cet incident soit signalé aux personnes concernées et à la direction des soins, après anonymisation des données, et de veiller à ce qu’ils en tirent les conclusions qui s’imposent. Cas 4 Le service A envoie au laboratoire en l’espace d’une demi-heure deux demandes de T+S pour le même patient (XY). Mais étant donné que le matin même, une demande de T+S pour ce patient avait déjà été reçue d’un autre service, il a été demandé au service A s’il n’y aurait pas une erreur. Le service A a répondu que ce patient ne s’y trouvait pas actuellement, mais qu’il attendait le résultat d’un T+S d’une autre patiente… Commentaire Il s’agit dans le cas présent de deux quasi-erreurs liées, survenues en peu de temps, et qui sont d’autant plus étonnantes que le patient dont le nom était inscrit sur les échantillons ne se trouvait pas du tout dans le service. Les échantillons de sang concernés ont été prélevés par un intérimaire qui n’a pas su expliquer comment cette erreur a pu se produire. Il est probable que le prélèvement n’a pas été effectué sur le bon patient ou que les tubes de sang ont été étiquetés de façon erronée. Mesures Cet exemple met en lumière la nécessité d’être particulièrement attentif au respect des directives par les intérimaires qui interviennent dans les services. A titre de mesure corrective, les habilitations et directives exactes relatives au travail des intérimaires ont été révisées. 21 3. Abréviations AABB ADN Ag Ac ALI American Association of Blood Banks Acide désoxyribonucléique Antigène Anticorps Acute Lung Injury; insuffisance pulmonaire aiguë Acute Myeloblastic Leukemia; leucémie aiguë myéloblastique Artériopathie oblitérante des membres inférieurs Assurance-qualité Acute Respiratory Distress Syndrome; syndrome de détresse respiratoire aiguë Association Suisse de Médecine Transfusionnelle Bêta-lactamase à spectre étendu Concentré érythrocytaire Critical Incident Reporting System; système d’annonce des incidents critiques Centre national de référence Concentré plaquettaire (CPa: Concentré plaquettaire d’aphérèse) Centre de transfusion sanguine Cathéter veineux central Test direct à l’antiglobuline, aussi appelé test direct de Coombs Diagnostic différentiel Deutsches Rotes Kreuz; Croix Rouge Allemande Escherichia coli Erythrocytes Electrocardiogramme Erreur transfusionnelle Fibrillation auriculaire Fraction inspirée en oxygène de l’air respiré Gastro-intestinal Groupe sanguin Hémoglobine Human Leucocyte Antigen Human Neutrophil Antigen Human Platelet Antigen Incorrect Blood Component Transfused Identification Immunoglobuline de type A Immunoglobuline de type E Immunoglobuline de type G Immuno-hématologie (p. ex. laboratoire d’immuno-hématologie) International Society of Blood Transfusion Intraveineux Kilogramme AML AOMI AQ ARDS ASMT BLSE CE CIRS CNR CP CTS CVC DAT DD DRK E.coli Ec ECG ET FA FiO2 GI GS Hb HLA HNA HPA IBCT ID IgA IgE IgG IH ISBT iv Kg LBD LBP LDH LPTh MC mm Hg n.é. NM NN O2 OMéd OMS P PA PAM PaO2 pC02 PFC q PFC (SD) pH PPT PT PVC Rh RH RT RTFNH RTH SHOT T+S TACO TAD Tc TCSH TMO Détermination look-back donneur Détermination look-back patient Lactate déshydrogénase (ici dans le sens d’un paramètre d’hémolyse) Loi sur les produits thérapeutiques, Loi fédérale du 15 décembre 2000 sur les médicaments et les dispositifs médicaux Masse corporelle Millimètres de mercure, unité de mesure de pression (sanguine) Non-évaluable Near Miss Nouveau-né Oxygène Ordonnance sur les médicaments, Ordonnance du 17 octobre 2001 sur les médicaments Organisation Mondiale de la Santé Pouls Pression artérielle Pression artérielle moyenne (Mean arterial pressure) Pression partielle en oxygène dans le sang artériel Pression partielle de gaz carbonique Plasma frais congelé sécurisé (quarantaine) Plasma frais congelé, Solvent Detergent inactivé Mesure de la réaction acide ou basique d’une solution aqueuse Purpura post-transfusionnel Prothèse totale Pression veineuse centrale Rhésus Responsable de l’hémovigilance Réaction transfusionnelle Réaction transfusionnelle fébrile non hémolytique Réaction transfusionnelle hémolytique Serious Hazards of Transfusion, (Service d’hémovigilance en Grande-Bretagne) Type and Screen, analyse prétransfusionnelle d’un échantillon de sang Transfusion Associated Circulatory Overload; Hypervolémie associée à une transfusion Dyspnée associée à une transfusion Thrombocyte Transplantation de cellules souches humaines Transplantation de moelle osseuse 22 TRALI TTI UVA VHB VHC VIH Transfusion Related Acute Lung Injury, Insuffisance pulmonaire aiguë associée à une transfusion Transfusion Transmitted Infection, Infection transmise par une transfusion Rayonnement UVA (longueur d’onde de 315 à 380 nm) Virus de l’hépatite B Virus de l’hépatite C Virus de l’immunodéficience humaine 23 4. Références bibliographiques 1) Michlig C., Vu D.-H., Wasserfallen J.-B., Spahn D.R., Schneider P, Tissot J.-D: Three years of hemovigilance in a general university hospital. Transfusion Medicine 2003;13:63–73 2) Niederhauser C. 11 Jahre nationales Referenzzentrum für Infektionen durch Blut und Blutprodukte. BAG Bulletin 10; 8. März 2010: 336–344 3) Kapitel 6.2 EMPFEHLUNGEN der SVTM und des BSD SRK für Fachpersonen, Laboratorien und medizinische Institutionen «IMMUNHÄMATOLOGISCHE UND PRÄTRANSFUSIONELLE UNTERSUCHUNGEN AN PATIENTENPROBEN» Ausgabe 15.8.2009 4) Intraoperative alertness of a rise in serum potassium by double counting of the heart rate during blood transfusion in an infant. Paediatr Anaesth, 2008. 18(8): p. 798–800. 5) Chen, C.H., et al., Fatal hyperkalemia during rapid end massive blood transfusion in a child undergoing hip surgery--a case report. Acta Anaesthesiol Sin, 1999. 37(3): p. 163–6. 6) Parshuram, C.S. and A.R. Joffe, Prospective study of potassium-associated acute transfusion events in pediatric intensive care. Pediatr Crit Care Med, 2003. 4(1): p. 65–8. 7) Zollinger U.: «Offene Kommunikation, auch in den heikelsten Situationen». 2007 Präsentation an der Tagung der Stiftung für Patientensicherheit 8) Zollinger U., Hartmann K.: Ärztliches Melderecht und Meldepflichten gegenüber Justiz und Polizei. Schweizerische Ärztezeitung 2001; 82: Nr 26: 1384–1388 9) U. Zollinger, T. Plattner: Sicherer oder möglicher letaler Behandlungsfehler: Was ist danach zu tun? Praxis 2005; 94: 1023–1029