tes de diabète entrent dans cette catégorie
puisque leur condition est un trouble méta-
bolique chronique qui peut les exposer à un
risque élede développer plusieurs compli-
cations si le rythme et le volume des repas et
des boissons sont fortement altérés.
Pourtant, de nombreuses personnes at-
teintes de diabète insistent pour jeûner
pendant le Ramadan. La décision du jeûne
est généralement prise par trois personnes :
la personne atteinte de diabète, son presta-
taire de soins et un conseiller religieux. Il est
extrêmement important que les personnes
atteintes de diabète et leurs prestataires
de soins soient conscients des risques po-
tentiels associés au jeûne.
Complications
Il faut souligner que le jeûne chez les per-
sonnes atteintes de diabète de type 1,
et chez les personnes atteintes de diabète
de type 2 dont les taux de glycémie sont mal
gérés, est associé à de multiples risques. Le
jeûne pendant le Ramadan a été unanime-
ment découragé par le milieu médical pour
les personnes atteintes de diabète. Parmi les
principales complications potentielles liées
au diabète provoquées par le jeûne, citons
l’hypoglycémie, l’hyperglycémie, l’acidocé-
tose diabétique et la thrombose.
Pendant le Ramadan, lun des cinq piliers de l’Islam, le jeûne
est un devoir pour tous les musulmans adultes et sains. Le
Ramadan, qui correspond à un mois lunaire, peut durer 29 ou
30 jours et, en fonction du lieu ographique et de la saison,
le jeûne quotidien peut durer quelques heures ou atteindre
près de 20 heures. Les musulmans qui jeûnent pendant le
Ramadan doivent sabstenir de manger, de boire, de prendre
des dicaments oraux et de fumer de laube au coucher du
soleil. Il ny a aucune limite à la consommation daliments et
de boissons entre le coucher du soleil et laube. Mahmoud
Ashraf Ibrahim décrit les défis liés au jeûne pour les person-
nes atteintes de diabète et leurs prestataires de soins et nous
fournit quelques pistes importantes pour garantir la san et
le bien-être des personnes pendant le Ramadan.
D’après les estimations, il y aurait quelque
1,5 milliard de musulmans dans le monde,
soit près de 25 % de la population mon-
diale. L’étude EPIDIAR (Epidemiology of
Diabetes and Ramadan), réalisée sur la
population générale (impliquant 12 243
personnes atteintes de diabète vivant dans
13 pays islamiques), a révélé qu’environ
43 % des personnes atteintes de diabète
de type 1 et 79 % des personnes atteintes
de diabète de type 2 jeûnaient pendant le
Ramadan.1 Sur la base d’une prévalence
mondiale de 4,6 %, nous pouvons estimer
que près de 50 millions de musulmans
atteints de diabète dans le monde jeûnent
un mois par an.
Le Coran (le livre sacré de la religion musul-
mane) dispense spécifiquement les personnes
atteintes d’une condition médicale du devoir
de jeûne, en particulier si il peut avoir des
conséquences néfastes. Les personnes attein-
Gérer
le diabète
pendant le Ramadan
Mahmoud Ashraf Ibrahim
Pratique clinique 19
Juin 2007 | Volume 52 | Numéro 2
Hypoglycémie
La réduction de l’apport en aliments est un
facteur de risque bien connu de l’hypogly-
cémie. On estime que l’hypoglycémie est la
cause de 4 % des décès chez les personnes
atteintes de diabète de type 1. Il n’existe
pas d’estimation fiable sur la contribution
de l’hypoglycémie à la mortalité chez les
personnes atteintes de diabète de type 2
mais elle serait une cause de décès occa-
sionnelle.
Hyperglycémie
Les effets du jeûne observés chez les per-
sonnes atteintes de diabète sont variés :
soit il aggrave la situation, soit il l’amé-
liore, soit il n’entraîne aucune modification.
L’étude EPIDIAR a révélé une multiplication
Une préparation sérieuse est nécessaire avant le Ramadan pour
aborder le jeûne dans les meilleures conditions possibles.
Pratique clinique
20
par cinq de l’incidence de l’hyperglycé-
mie grave (nécessitant une hospitalisation)
pendant le Ramadan chez les personnes
atteintes de diabète de type 21 sans
doute due à la réduction excessive de la
prise d’hypoglycémiants.
Acidocétose diabétique
Les personnes atteintes de diabète qui
jeûnent pendant le Ramadan sont expo-
sées à un risque accru de développer une
acidocétose diabétique, en particulier lors-
que le taux de glycémie est élevé avant le
début de la période de jeûne. En outre, le
risque d’acidocétose diabétique peut être
exacerbé par une trop forte réduction de
l’insuline – liée à la réduction de l’apport
en aliments pendant un mois.
Déshydratation et thrombose
La déshydratation due à la limitation de
la consommation de fluides peut avoir
de graves conséquences dans les climats
chauds et humides et chez les person-
nes qui effectuent des travaux physiques
lourds. En outre, l’hyperglycémie peut
entraîner la perte de fluides corporels en
raison d’une miction excessive et contri-
buer à la déplétion d’électrolytes dans
l’organisme. Les personnes atteintes de
dégâts nerveux préexistants peuvent dé-
velopper les symptômes d’une pression
artérielle trop basse (vertiges ou faiblesse
générale) ; ceux-ci peuvent entraîner une
perte de connaissance, des chutes et des
blessures, comme par exemple des frac-
tures osseuses.
Juin 2007 | Volume 52 | Numéro 2
Une préparation sérieuse est nécessaire avant le Ramadan pour
aborder le jeûne dans les meilleures conditions possibles.
Pratique clinique 21
Interruption du jeûne
Il est essentiel que les personnes atteintes
de diabète comprennent qu’elles doivent
immédiatement interrompre le jeûne dans
les cas suivants :
si la glycémie chute fortement, inférieure
ou égale à 3,3 mmol/l (60 mg/dl)
si la glycémie atteint 3,9 mmol/l (70 mg/
dl) pendant les premières heures suivant
le début du jeûne, en particulier lors de
la prise d’insuline, de sulfonylurées ou de
méglitinides lors du repas du matin
si la glycémie augmente de façon excessive,
au-delà de 16,5 mmol/l (300 mg/dl).
Evaluation et conseil
Toutes les personnes atteintes de diabète qui
souhaitent participer au jeûne du Ramadan
doivent se préparer de façon adéquate afin
de suivre le jeûne en toute sécurité. Cela
implique une évaluation médicale et des
conseils éducatifs.
Evaluation médicale
Celle-ci doit avoir lieu un à deux mois
avant le Ramadan. Le bien-être général
des personnes et le contrôle de leurs taux
de glycémie, de pression artérielle et de
lipides sanguins doivent faire l’objet d’une
attention particulière. Des tests sanguins
appropriés doivent être prescrits et évalués.
Les personnes atteintes de diabète doivent
recevoir des conseils médicaux spécifiques
sur les risques potentiels du jeûne.
Conseils éducatifs
Il est essentiel que les personnes atteintes
de diabète et leur famille reçoivent une
formation adéquate et appropriée aux
soins autonomes, qui aborde les signes
et symptômes de l’hyperglycémie et de
l’hypoglycémie, le contrôle glycémique,
la planification des repas, l’activité phy-
sique, les médicaments et la gestion des
complications graves.
Le diabète de type 1
De façon générale, les personnes atteintes
de diabète de type 1 sont très exposées
au risque de développer des complica-
tions graves et doivent être vivement en-
couragées à ne pas participer au jeûne
du Ramadan.
Habituellement, si elles insistent à jeûner,
elles auront besoin de deux injections quoti-
diennes d’insuline d’action semi-retard NPH,
administrées avant les repas qui précèdent
l’aube et qui suivent la tombée du jour, com-
binées à une insuline d’action rapide pour
couvrir l’apport en aliments lors des repas.
Toutefois, le risque d’hypoglycémie augmente
vers midi en raison du pic d’action de la dose
d’insuline administrée avant l’aube.
L’utilisation d’une insuline d’action prolongée
ultralente constitue une option, à raison de
deux injections quotidiennes à 12 heures
d’intervalle pour imiter l’insuline basale, com-
binée à une insuline d’action rapide avant
les deux repas. L’insuline ultralente ne peut
pas vraiment être considérée comme une
insuline basale en raison de son pic d’action
large qui oscille entre 8 et 14 heures. Par
conséquent, une hypoglycémie prolongée
peut se produire, en particulier parce que
la durée d’action de l’insuline ultralente est
très variable – entre 18 et 30 heures.
Une autre option serait d’utiliser une injection
quotidienne de l’analogue de l’insuline d’ac-
tion prolongée glargine ou deux injections
quotidiennes de l’analogue de l’insuline
detemir, combinées à des analogues de
l’insuline d’action rapide avant les repas.
Le diabète de type 2
Style de vie et nutrition
Chez les personnes atteintes de diabète de
type 2 qui gèrent leur diabète par le biais
de l’alimentation et de l’activité physique,
Les personnes atteintes de diabète ont des
taux d’anticoagulants endogènes plus fai-
bles et sont plus exposées à la formation de
caillots sanguins, qui peuvent entraîner une
attaque cardiaque ou un accident cérébro-
vasculaire. L’augmentation de la viscosité
sanguine provoquée par la déshydratation
peut accentuer le risque de thrombose.
Observations générales
Plusieurs points importants méritent une
attention particulière.2
Contrôles fréquents
Il est essentiel que les personnes atteintes
de diabète aient les moyens de contrôler
leur glycémie à plusieurs reprises tout au
long de la journée. Ce point est particu-
lièrement critique pour les personnes insu-
linodépendantes.
Nutrition
Les personnes atteintes de diabète doivent
maintenir une alimentation saine et équili-
brée pendant le Ramadan. La coutume qui
demande de manger de grandes quantités
d’aliments riches en graisses et en hydrates
de carbone, en particulier lors du repas du
soir, doit être évitée. Il est recommandé
d’augmenter l’apport en boissons non ca-
loriques en dehors des heures de jeûne.
Le repas pris avant l’aube doit être pris le
plus tard possible avant le début du jeûne
quotidien.
Activité physique
Des niveaux d’activité physique normaux
doivent être maintenus. Toutefois, une ac-
tivité physique excessive peut accentuer le
risque d’hypoglycémie et doit être évitée. Si
les prières du Tarawih (ensemble de prières
après le repas du soir) sont récitées, elles
doivent être considérées comme faisant
partie intégrante du programme d’activité
physique quotidien.
Juin 2007 | Volume 52 | Numéro 2
Mahmoud Ashraf Ibrahim
Mahmoud Ashraf Ibrahim est
Diabétologue consultant et Directeur
du Centre égyptien du diabète, Le
Caire, Egypte, et Rédacteur en chef
de
Clinical Diabetes
and
Diabetes
Care
, Edition Moyen Orient.
Références
1 Salti I, Benard E, Detournay B, et al; the
EPIDIAR Study Group. A population-based
study of diabetes and its characteristics
during the fasting month of Ramadan in
13 countries: results of the Epidemiology of
Diabetes and Ramadan 1422/2001 (EPIDIAR)
study. Diabetes Care 2004; 27: 2306-11.
2 Al-Arouj M, Bouguerra R, Buse J, et al.
Recommendations for management of
diabetes during Ramadan. Diabetes
Care 2005; 28: 2305-11.
Pratique clinique
22
Insuline
Les problèmes auxquels sont confrontées les
personnes atteintes de diabète de type 2
sous insuline sont similaires aux problèmes
liés au diabète de type 1, bien que l’inci-
dence de l’hypoglycémie soit plus faible. De
nouveau, l’objectif doit être de maintenir les
taux d’insuline basale adéquats. Un objectif
clé est de garder la production de glucose
par le foie à des niveaux proches de la
normale pendant le jeûne. Une stratégie
efficace consiste à combiner une utilisation
prudente des insulines intermédiaires ou
d’action prolongée à une insuline d’action
rapide administrée avant les repas.
Grossesse et jeûne
La grossesse implique un état de plus
grande insensibilité à l’insuline et de sé-
crétion d’insuline. Pendant le jeûne, les
taux de glycémie sont plus faibles, mais
les taux de glycémie après les repas et les
taux d’insuline restent considérablement
plus élevés chez les femmes enceintes en
bonne santé que chez les femmes qui ne
sont pas enceintes. Les femmes doivent
être conscientes que des taux élevés de
glycémie pendant la grossesse sont asso-
ciés à un risque accru de malformations
congénitales graves.
Bien que ce sujet fasse l’objet d’une certaine
controverse, le jeûne pendant la grossesse
serait associé à un risque élevé de décès
et d’infirmité tant pour le fœtus que pour
la mère. Bien que les femmes musulma-
nes enceintes soient dispensées du jeûne
pendant le Ramadan, certaines femmes
atteintes de diabète déclaré (y compris de
diabète gestationnel) insistent pour jeûner ;
elles constituent un groupe à haut risque
nécessitant une prise en charge intensive.
Les questions abordées ci-dessus concernant
la gestion du diabète de type 1 et du diabète
les risques associés au jeûne sont assez
faibles. Toutefois, si elles mangent trop, le
risque d’hyperglycémie après les repas qui
précèdent l’aube et qui suivent la tombée du
jour est réel. Répartir l’apport énergétique
sur deux ou trois repas plus légers pendant
la période le jeûne est suspendu peut
contribuer à prévenir l’hyperglycémie après
les repas. Le programme d’activité physi-
que quotidien habituel doit être adapté en
termes d’intensité et de durée afin d’éviter
les crises d’hypoglycémie.
Médicaments oraux
En général, les médicaments dont l’action
consiste à augmenter la sensibilité à l’insu-
line sont associés à un risque nettement plus
faible d’hypoglycémie que les composés
qui agissent en augmentant la sécrétion
d’insuline. Les personnes sous metformine
peuvent jeûner sans risque car la possibili
d’hypoglycémie est minime. Toutefois, la
répartition des doses doit être modifiée :
les deux tiers de la dose quotidienne totale
doivent être pris immédiatement avant le
repas du soir et le dernier tiers avant le
repas du matin.
Les personnes qui prennent des insulino-
sensibilisants (rosiglitazone et pioglitazo-
ne) ont un risque d’hypoglycémie faible.
Généralement la dose ne doit pas être
modifiée.
On estime que les sulfonylurées ne sont
pas adaptés aux périodes de jeûne en
raison du risque inhérent d’hypoglycémie ;
ils doivent être utilisés avec précaution. Le
chlorpropamide est totalement contre-indi-
qué pendant le Ramadan en raison de la
forte possibilité d’hypoglycémie prolongée
et imprévisible. Les nouveaux sulfonylurées
(gliclazide MR, glimepiride) se sont avé-
rés efficaces et sont associés à un risque
d’hypoglycémie plus faible.
de type 2 s’appliquent également aux femmes
enceintes, parallèlement à des contrôles plus
fréquents et une adaptation des doses d’in-
suline. Les femmes enceintes devraient être
vivement encouragées à ne pas jeûner.
Conclusions
Il est crucial que la décision de jeûner soit
prise après une discussion approfondie
avec son médecin sur les risques qu’elle im-
plique. Les personnes atteintes de diabète
doivent suivre un programme de gestion
hautement personnalisé et une surveillance
étroite est essentielle pour réduire le risque
de développement de complications.
Des recherches supplémentaires sont néces-
saires pour élargir nos connaissances sur
les risques et les problèmes de gestion as-
sociés au jeûne chez les personnes atteintes
de diabète. Des études interventionnelles
peuvent contribuer à définir de nouvelles
approches minimisant les complications
associées au jeûne.
Juin 2007 | Volume 52 | Numéro 2
1 / 4 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !