Bases moléculaires du polymorphisme de compatibilité dans l’interaction
Schistosoma mansoni / Biomphalaria glabrata
Résumé
La dynamique co-évolutive qui joue dans les systèmes hôte-parasite conduit à une véritable course aux armements entre les
deux protagonistes qui se traduit, dans certaines interactions comme celle qui est traitée dans cette thèse, par un
polymorphisme de compatibilité dont les bases moléculaires sont méconnues. L’objectif de cette thèse était de progresser dans
la connaissance des mécanismes moléculaires sous-jacents à ce polymorphisme de compatibilité dans l’interaction
Biomphalaria glabrata/Schistosoma mansoni. Une approche protéomique comparative entre des souches de parasites
compatibles et incompatibles nous a permis d’identifier des déterminants moléculaires clés de l’interaction exprimés par le
parasite. Il s’agit d’une part de mucines hautement polymorphes potentiellement antigéniques, les « Schistosoma mansoni
Polymorphic Mucin » (SmPoMucs), et d’autre part de molécules anti-oxydantes (« ROS scavengers »). Afin d’aborder la
question de la course aux armements de manière complète, nous avons également recherché la « contre-partie moléculaire »
exprimée par le mollusque et susceptible d’expliquer ce polymorphisme de compatibilité. Dans ce but, des approches de co-
précipitation ont été menées. Elles ont permis de montrer que les SmPoMucs interagissaient avec des récepteurs immunitaires
diversifiés du mollusque, les Fibrinogen-related Proteins (FREPs). Nous montrons ainsi pour la première fois dans une
interaction parasite/hôte invertébré l’intervention d’un « système de type antigène-anticorps » impliquant un répertoire
individuel polymorphe d’antigènes potentiels du parasite (les SmPoMucs) et un répertoire individuel diversifié de récepteurs
immunitaires de son hôte (les FREPs). Nous avons également montré que le complexe immun formé par les deux dernières
molécules citées incluait un troisième partenaire, une thioester-containing protein (TEP) qui appartient à une classe de
molécules connue pour son rôle dans la phagocytose ou l’encapsulation. La présence de ce troisième partenaire au sein d’un
même complexe renforce le rôle potentiellement immunitaire de ce complexe dans la reconnaissance et l’élimination du
parasite. Au travers de cette thèse, nous nous sommes également intéressés à la course aux armements jouant sur les
mécanismes effecteurs de l’immunité du mollusque. Dans notre modèle, les effecteurs responsables de la destruction du
parasite sont principalement des espèces réactives de l’oxygène (ROS). Dans ce cas aussi, nous avons montré qu’il existe une
concordance phénotypique entre la production de ROS par l’hôte et le niveau de « ROS scavengers » produits par le parasite
pour contrecarrer la réaction de l’hôte. Ainsi, les mécanismes moléculaires responsables du polymorphisme de compatibilité
dans l’interaction B. glabrata/S. mansoni s’appuieraient au moins sur deux facteurs d’une part sur la confrontation de
répertoires de molécules polymorphes et/ou diversifiées en ce qui concerne les mécanismes de reconnaissance immunitaire, et
d’autre part sur une adaptation réciproque quantitative en ce qui concerne certains mécanismes effecteurs de l’immunité.
Mots-clés : Schistosoma mansoni, Biomphalaria glabrata, interaction hôte-parasite, co-évolution, polymorphisme de
compatibilité, S. mansoni Polymorphic Mucin (SmPoMuc), Fibrinogen-related Proteins (FREPs), Thioester-containing protein
(TEP), espèces réactives de l’oxygène (ROS), molécules anti-oxydantes (ROS scavengers).
Molecular bases of compatibility polymorphism
in the Schistosoma mansoni / Biomphalaria glabrata model
Abstract
The coevolutionary dynamic playing in the host-parasite interaction leads to an arms race between host and parasite. In certain
models, this arms race results in a compatibility polymorphism for which the molecular bases remain largely unknown. The
aim of this PhD thesis was to identify the molecular determinants of the compatibility polymorphism that exists in the
Biomphalaria glabrata/Schistosoma mansoni interaction. First, we developed a comparative proteomics approach between
compatible and incompatible strains of the parasite. This approach allows us to identify molecules that could play a key role in
this interaction. They consist in highly polymorphic mucin-like proteins, the « Schistosoma mansoni Polymorphic Mucin »
(SmPoMucs), and scavengers of reactive oxygen species (ROS scavengers). In order to study more completely the arms race
that takes place in the B. glabrata/S. mansoni interaction, we investigate the molluscan counterparts of these molecules. Co-
precipitation approaches allow us to show that SmPoMucs interact with diversified immune receptors from the mollusk, the
Fibrinogen-related Proteins (FREPs). This is the first evidence of the interaction between an individual repertoire of
polymorphic potential parasite antigens (SmPoMucs) and an individual repertoire of diversified potential immune receptors
(FREPs) from an invertebrate host. We found a third partner associated with FREPs and SmPoMucs, a thioester-containing
Protein (TEP). TEP belongs to a class of molecules involved in the phagocytosis or in encapsulation. The presence of TEP in
this immune complex argues in favor of the involvement of the formed complex in parasite immune recognition and
elimination. We are also interested in the effector mechanisms responsible for the destruction of the parasite, in B. glabrata
they rely essentially on the production of Reactive Oxygen Species (ROS). We show that a phenotypic concordance exists
between the levels of host ROS production and parasite ROS scavengers’ production. The compatibility polymorphism in the
B. glabrata/S. mansoni interaction seems to be based on the confrontation of polymorphic and/or diversified molecules
concerning immune recognition mechanisms and on quantitative reciprocal adaptations concerning immune effector
mechanisms.
Keywords : Schistosoma mansoni, Biomphalaria glabrata, host-parasite interaction, co-evolution, compatibility
polymorphism, S. mansoni Polymorphic Mucin (SmPoMuc), Fibrinogen-related Proteins (FREPs), Thioester-containing
protein (TEP), Reactive Oxygen Species (ROS), ROS scavengers.