Le droit à la protection de la sphère privée Le secret médical et quelques notions d’éthique Serment d'Hippocrate • • • • • • Jacques Gasser Département de psychiatrie du CHUV Le Le Le Le secret de fonction secret professionnel devoir de discrétion dossier médical • • • Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 Art. 320 CPS Violation du secret de fonction • 1. Celui qui aura révélé un secret à lui confié en sa qualité de membre d’une autorité ou de fonctionnaire, ou dont il avait eu connaissance à raison de sa charge ou de son emploi, sera puni de l’emprisonnement ou de l’amende. • La révélation demeure punissable alors même que la charge ou l’emploi a pris fin. • 2. La révélation ne sera pas punissable si elle a été faite avec le consentement écrit de l’autorité supérieure. Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 Le devoir de discrétion • De façon générale la relation soignantpatient peut être vue comme un contrat de mandat au sens du code des obligations (art. 394 ss CO) • Ceci impose aux soignants un devoir de fidélité (art.398 al. 2 CO) dont découle un devoir de discrétion Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 Art. 321 CPS Violation du secret professionnel 1. Les ecclésiastiques, avocats, défenseurs en justice, notaires, contrôleurs astreints au secret professionnel en vertu du code des obligations, médecins, dentistes, pharmaciens, sages-femmes, ainsi que leurs auxiliaires, qui auront révélé un secret à eux confié en vertu de leur profession ou dont ils avaient eu connaissance dans l’exercice de celleci, seront, sur plainte, punis de l’emprisonnement ou de l’amende. Seront punis de la même peine les étudiants qui auront révélé un secret dont ils avaient eu connaissance à l’occasion de leurs études. La révélation demeure punissable alors même que le détenteur du secret n’exerce plus sa profession ou qu’il a achevé ses études. Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 Devoirs et droits de signalement de situations cliniques • Différencier le cas des adultes de celui des enfants • Notion du devoir d’ingérence dans le domaine psychiatrique Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 “Je jure par Apollon médecin, par Esculape, Hygie et Panacée, par tous les dieux et toutes les déesses, et je les prends à témoin que, dans la mesure de mes forces et de mes connaissances, je respecterai le serment et l'engagement écrit suivant : Mon Maître en médecine, je le mettrai au même rang que mes parents. Je partagerai mon avoir avec lui, et s'il le faut je pourvoirai à ses besoins. Je considérerai ses enfants comme mes frères et s'ils veulent étudier la médecine, je la leur enseignerai sans salaire ni engagement. Je transmettrai les préceptes, les explications et les autre parties de l'enseignement à mes enfants, à ceux de mon Maître, aux élèves inscrits et ayant prêtés serment suivant la loi médicale, mais à nul autre. Dans toute la mesure de mes forces et de mes connaissances, je conseillerai aux malades le régime de vie capable de les soulager et j'écarterai d'eux tout ce qui peut leur être contraire ou nuisible. Jamais je ne remettrai du poison, même si on me le demande, et je ne conseillerai pas d'y recourir. Je ne remettrai pas d'ovules abortifs aux femmes. Je passerai ma vie et j'exercerai mon art dans la pureté et le respect des lois. Je ne taillerai pas les calculeux, mais laisserai cette opération aux praticiens qui s'en occupent. Dans toute maison où je serai appelé, je n'entrerai que pour le bien des malades. Je m'interdirai d'être volontairement une cause de tort ou de corruption, ainsi que tout entreprise voluptueuse à l'égard des femmes ou des hommes, libres ou esclaves. T out ce que je verrai ou entendrai autour de moi, dans l'exercice de mon art ou hors de mon ministère, et qui ne devra pas être divulgué, je le tairai et le considérerai comme un secret. Si je respecte mon serment sans jamais l'enfreindre, puissè- je jouir de la vie et de ma profession, et être honoré à jamais parmi les hommes. Mais si je viole et deviens parjure, qu'un sort contraire m'arrive! ” • Traduction de Littré. Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 2. La révélation ne sera pas punissable si elle a été faite avec le consentement de l’intéressé ou si, sur la proposition du détenteur du secret, l’autorité supérieure ou l’autorité de surveillance l’a autorisée par écrit. 3. Demeurent réservées les dispositions de la législation fédérale et cantonale statuant une obligation de renseigner une autorité ou de témoigner en justice. Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 Le devoir d’ingérence • Cas d’une personne qui refuse des soins et pour laquelle des soins sont néanmoins nécessaires d’un point de vue médical. • Il s’agit de protéger la personne contre sa propre maladie • Il faut analyser sa capacité de reconnaître la nature de sa pathologie Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 1 Comment analyser la capacité d’une personne à comprendre la nécessité ou le refus d’un traitement • Capacité de reconnaître – la nature de sa pathologie – le but du traitement – les effets secondaires du traitement – les conséquences d’un refus Loi sur la protection de la jeunesse (Art. 4, al. 2) Code pénal suisse art. 1281 • Ont le devoir de signaler les cas parvenus à leur connaissance les membres des autorités judiciaires, les préfets, les municipalités, les autorités scolaires et ecclésiastiques, les membres du corps enseignant, les personnes qui exercent l'aide sociale, les travailleurs sociaux et les délégués auprès des mineurs placés. Les membres du corps médical ont le même devoir, notamment dans les cas de mauvais traitement de mineurs; ils signalent ces cas au médecin cantonal, qui transmet au département les renseignements nécessaires à la protection des mineurs en danger. • Celui qui n’aura pas prêté secours à une personne qu’il a blessée ou à une personne en danger de mort imminent, alors que l’on pouvait raisonnablement l’exiger de lui, étant donné les circonstances, • celui qui aura empêché un tiers de prêter secours ou l’aura entravé dans l’accomplissement de ce devoir, • sera puni de l’emprisonnement ou de l’amende. Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 Code pénal suisse art. 358bis • Obligation d’aviser • Lorsque, au cours d’une poursuite pour infraction commise à l’encontre de mineurs, l’autorité compétente constate que d’autres mesures s’imposent, elle en avise immédiatement l’autorité tutélaire. Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 Code pénal suisse art. 358ter • Droit d’aviser • Lorsqu’il y va de l’intérêt des mineurs, les personnes astreintes au secret professionnel ou au secret de fonction (art. 320 et 321) peuvent aviser l’autorité tutélaire des infractions commises à l’encontre de ceux-ci. Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 Définitions Notions d’éthiques Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 Les grands principes • Morale – Ensemble des valeurs individuelles provenant de la culture, de l’éducation, de la religion • Déontologie – Ensemble des devoirs qu’impose à des professionnels l’exercice de leur métier • Éthique – Discussion sur les systèmes de valeurs; réflexion critique sur les valeurs morales Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 • • • • L’autonomie La bienveillance (non malveillance) La justice La dignité humaine Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 Réflexions sur l’assistance au suicide Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 2 • L’euthanasie active directe • L’euthanasie active indirecte • L’euthanasie passive • Le suicide assisté Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 Euthanasie active indirecte Pour soulager des souffrances, des substances (par ex. de la morphine) sont administrées dont les effets secondaires sont susceptibles de réduire la durée de la survie. Le fait que le décès puisse ainsi survenir prématurément est accepté. Cette forme d’euthanasie n’est pas expressément réglée dans le CP, mais elle est considérée comme admise. Les directives en matière d’euthanasie de l’Académie suisse des sciences médicales (directives ASSM) considèrent également qu’elle est admissible. Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 Euthanasie active directe Code pénal suisse • Homicide intentionnel dans le but d’abréger les souffrances d’une personne. Le médecin ou un tiers fait intentionnellement au patient une injection qui entraîne directement la mort de ce dernier. • Art. 114 • Meurtre sur la demande de la victime • Celui qui, cédant à un mobile honorable, notamment à la pitié, aura donné la mort à une personne sur la demande sérieuse et instante de celle-ci sera puni de l’emprisonnement. • Cette forme d’euthanasie est aujourd’hui punissable selon les articles 111 (meurtre), 114 (meurtre sur la demande de la victime) ou 113 (meurtre passionnel) du code pénal (CP). Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 Euthanasie passive • Renonciation à la mise en œuvre de mesures de maintien de la vie ou interruption de celles-ci. (Exemple: débranchement d’un appareil à oxygène) Cette forme d’euthanasie n’est pas non plus réglée expressément par la loi, mais elle est considérée comme permise; les directives ASSM en donnent une définition semblable. Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 Assistance au suicide Seul celui qui, « poussé par un mobile égoïste », prête assistance au suicide de quelqu’un (par ex. en lui procurant une substance mortelle) est punissable, selon l’art. 115 CP, de la réclusion pour cinq ans au plus ou de l’emprisonnement. L’assistance au suicide consiste à fournir au patient la substance mortelle qu’il ingérera alors lui-même, sans intervention extérieure, pour mettre fin à ses jours. Des organisations telles que EXIT fournissent une assistance au suicide dans le cadre de la loi. Elles ne sont pas punissables tant qu’aucun motif égoïste ne peut leur être reproché. Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 Code pénal suisse Principe moral et constitutionnel Mais! • Art. 115 • Incitation et assistance au suicide • Celui qui, poussé par un mobile égoïste, aura incité une personne au suicide, ou lui aura prêté assistance en vue du suicide, sera, si le suicide a été consommé ou tenté, puni de la réclusion pour cinq ans au plus ou de l’emprisonnement. Toute personne responsable a le droit de prendre des décisions capitales qui mettent en jeux des convictions religieuses et philosophiques fondamentales concernant la valeur de la vie à ses yeux • Les décisions capitales que l’on vient de définir peuvent être prises de manière impulsive ou en état de dépression de telle façon que ces décisions peuvent ne pas refléter les convictions profondes de la personne concernée • Ces personnes doivent être protégées Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 3 Quelques critères pour prendre en considération une demande de suicide assisté dans un milieu de soins • Seule les demandes de personnes disposant de leur discernement peuvent être prise en compte • S’assurer qu’une prise en charge de soins palliatifs optimale a été effectuée (avec le consentement de la personne) • Pas de discrimination dans les demandes Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 Bibliographie sur le suicide assisté • Avis de la Commission nationale d’éthique pour la médecine humaine : – http://www.nek-cne.ch/fr/ Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 • Il fait la demande d’un suicide assisté, organisé par une organisation du type d’EXIT qui, après avoir évalué la situation donne son accord pour organiser un suicide assisté en dehors de l’hôpital • Les motifs du patient sont – l’absence de projet crédible autre que d’attendre son décès – un refus de la dégradation de son corps – une forte angoisse que des métastases cérébrales puissent modifier sa personnalité Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 • Seules les demandes de personnes déjà hospitalisées pour des raisons médicales devraient être prises en compte • La demande doit être soutenue et répétée dans le temps • Les soignants ne doivent pas se substituer au patient qui demanderait de l’aide à se suicider, alors qu’il serait en mesure de le faire seul Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 Cas clinique • Colombien de 52 ans, résidant en Suisse depuis longtemps, célibataire sans enfant • Adénocarcinome gastrique stade IV • Pas de ressources thérapeutiques curatives • Chirurgie est effectuée, chimiothérapie refusée • Vu par un psychiatre : risque suicidaire élevé avec une anxiété importante et un trouble spécifique de la personnalité Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 Comment traiter les cas d’affection psychiatrique ? • Il est très difficile de prévoir l’effet d’un traitement psychiatrique chez un individu particulier • Il est très difficile actuellement de pouvoir assurer qu’une affection psychiatrique donnée soit incurable (exception faite des symptômes psychiatriques qui accompagnent des lésions cérébrales avérées) Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 Clause de conscience • Il se peut qu’un soignant s’oppose absolument et par principe au suicide pour des raisons philosophiques ou religieuses. En aucun cas cette personne pourra être obligée de participer directement ou indirectement à la mise en œuvre d’un suicide Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 • Traitement anxiolytique et neuroleptique durant trois semaines avec succès mitigé • Par la suite le patient refusera de voir un psychiatre • Après une période de légère amélioration, le patient est réhospitalisé avec de fortes douleurs, des vomissements. Le traitement antalgique est bénéfique • Dès lors, le patient tient un discours invariable : Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 Rôle spécifique du psychiatre • Identifier et traiter une maladie psychiatrique • Analyser la capacité de la personne à prendre une décision (capacité de discernement) • Évaluer la demande suicidaire elle-même • Soutenir l’équipe de soins (rôle de médiateur entre le patient, la famille et l’équipe thérapeutique) Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 4 BIBLIOGRAPHIE SUR ETHIQUE ET PSYCHIATRIE •Hoerni B., Ethique et déontologie médicale, Paris : Masson, 1996 •Hoerni B., L’autonomie en médecine, Nouvelles relations entre les personnes malades et les personnes soignantes, Paris : Payot, 1991 •Rameix S., Fondements philosophiques de l’éthique médicale, Paris : Ellipses, 1996 •Sprumont D., Les droits des patients dans la législation cantonale romande : l’exemple de la règle du consentement, Médecine et Hygiène, octobre 2000, p. 2016-2018 •Tramoni A.-V., Ethique médicale et psychiatrie, Paris, Masson, 1997 Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 5