réalités en nutrition et en diabétologie # 36_Octobre 2011 Le dossier Chirurgie bariatrique Quelle diététique postopératoire ? Résumé : Le suivi diététique est nécessaire après toute chirurgie bariatrique pour accompagner le patient, lui permettre de s’adapter aux changements de ses habitudes alimentaires, répondre à ses interrogations, le rassurer et l’aider à reconnaître les signes d’alerte impliquant une prise en charge médicale et chirurgicale rapide. Il s’agit également de dépister précocement les situations à risque de carence vitaminique ou protidique. L e suivi diététique après chirurgie bariatrique est indispensable. En effet, quel que soit le type de chirurgie bariatrique, les habitudes alimentaires du patient sont profondément modifiées, et il va être soumis à de nouvelles contraintes (tableau I). Une information préopé- Dans la pratique, on observe : ➞s. gougis Diététicienne, Service de Nutrition, CHU Pitié-Salpêtrière, PARIS. Intolérances digestives Les plus fréquentes : viande rouge, viande trop cuite, poissons à chair ferme (thon, saumon), pain, lait, aliments fibreux (asperges, vert de poireaux, ananas…), aliments de texture sèche. Blocages alimentaires Favorisés par un repas consommé trop vite, dans le bruit, dans le stress ; aliments insuffisamment mastiqués ; ingestion de liquide au cours du repas ; aliments mal tolérés. Vomissements Faisant suite à une intolérance digestive, à un blocage alimentaire, ou à un volume alimentaire ingéré plus important que la capacité gastrique. Modification des signaux physiologiques BPG (By-Pass Gastrique) et Sleeve : inhibition de la faim et de l’envie de manger ; diminution de la soif. Satiété très vite perçue. Gastroplastie : aucune modification. Modification du comportement alimentaire BPG et Sleeve : nette diminution, voire disparition, de l’impulsivité alimentaire au cours des premiers mois. Restriction alimentaire persistante avec crainte de regrossir. Eventuelle anorexie. Gastroplastie : généralement peu ou aucune modification (avec persistance éventuelle des troubles du comportement alimentaire déjà existants avant l'intervention). Modification du goût Dégoût alimentaire BPG et Sleeve : éventuelle exacerbation des goûts, des odeurs. Les plus fréquents : viande rouge, aliments gras, laitages, eau plate, café… Gastroplastie : aucune modification. Satiété très vite perçue (selon le serrage de l’anneau). Aucun Diminution des apports nutri- Insuffisance de l’apport protidique [2, 3] tionnels, des apports hydriques Insuffisance de l’apport calcique [4] Insuffisance des apports hydriques avec difficultés à boire Dumping syndrome Uniquement pour BPG : favorisé par la consommation d’aliments à forte densité osmotique : boissons sucrées, pâtisseries, crèmes desserts, aliments gras… Tableau I : Symptômes digestifs après chirurgie bariatrique. 31 réalités en nutrition et en diabétologie # 36_Octobre 2011 Le dossier Chirurgie bariatrique BPG et Sleeve : De retour à la maison, pendant 2 semaines encore, continuer à consommer une alimentation mixée, afin de permettre une bonne cicatrisation du montage. Puis reprendre une alimentation de texture normale. Gastroplastie : Reprendre une alimentation de texture normale, équilibrée et diversifiée. Prendre si possible les 3 repas principaux et au moins 1 à 2 collations afin de fractionner les apports alimentaires. Ne pas manger au-delà de la satiété. Manger lentement, dans le calme, en mastiquant bien de petites bouchées. Boire à distance des repas. Penser à boire de petites gorgées tout au long de la journée. N’exclure a priori aucun aliment, tester sa tolérance personnelle. Varier l’alimentation. Ne pas supprimer définitivement les aliments mal tolérés, les tester à nouveau en petites quantités. Eviter de consommer dans un premier temps : les viandes fibreuses, trop sèches, trop cuites, les poissons à chair ferme (thon, saumon), les pâtes et riz cuits “al dente”, les légumes et fruits fibreux (asperge, ananas, carottes râpées…), à peau et à pépins (tomate, aubergine, courgette, raisin, orange…). Préférer des cuissons au four avec jus de cuisson, en papillote, à la poêle avec coulis de tomates, jus de citron, en mijoté… Consommer des légumes et fruits cuits dans un premier temps, puis crus épluchés et épépinés. Privilégier l’apport de protéines afin de prévenir une éventuelle dénutrition : – commencer le repas par la consommation de viande ou de poisson ou d’œuf, – enrichir les repas en protéines sous un faible volume : lait en poudre dans les laitages, jaune d’œuf dans une purée, gruyère râpé dans un potage…, – consommer des collations à base de produits laitiers, Prescription éventuelle de compléments hyperprotidiques. BPG : Afin de prévenir un dumping syndrome : – tester très progressivement les aliments à forte densité osmotique : aliments ou boissons sucrés, aliments gras, riches en sel, – éviter de consommer des aliments ou boissons soit glacés, soit très chauds. Tableau II : Point clés du conseil diététique après chirurgie bariatrique. ratoire est nécessaire pour préparer le patient à ces changements avec des messages clés : manger moins vite et prendre le temps de mâcher, structurer les repas avec une alimentation équilibrée, réintroduire ou augmenter la portion de protéines si besoin… Mais elle s’avère en pratique insuffisante, car ce n’est qu’après la chirurgie que le patient est réellement confronté à une 32 “nouvelle réalité”, avec des situations diététiques qu’il n’avait pas forcément prévues mais qui dès lors font partie de son quotidien. Le conseil nutritionnel doit s’adapter à chaque étape de la prise en charge postopératoire en fonction de la situation particulière du patient, afin de lui permettre de faire face, et se doit de le rassurer face à de nombreuses interrogations (tableau II). Il est primordial, quel que soit le type de l’intervention, d’informer le patient des conduites à tenir en cas de signes d’alerte : l’incapacité totale d’absorber aliments et boissons, des vomissements fréquents et de vives douleurs abdominales sont des situations d’urgence qui doivent amener le patient à contacter immédiatement le médecin ou le chirurgien, voire consulter immédiatement aux urgences [1]. Un suivi diététique rapproché sera essentiel et permettra d’ajuster les conseils sur le long terme. En effet, il sera important non seulement de dépister une éventuelle dénutrition ainsi que des carences nutritionnelles [5], mais encore d’identifier la réapparition possible de troubles du comportement alimentaire, pouvant être observée aussi bien chez les patients opérés d’un by-pass gastrique ou d’une sleeve, que chez ceux opérés d’une gastroplastie. Bibliographie 01. Guy-Grand B, Gougis S. Conseil diététique et chirurgie digestive de l’obésité. Med Nut, 2004. 02. Avinoah E, Ovnat A, Charuzi I. Nutritional status seven years after Roux-en-Y gastric bypass surgery. Surgery, 1992 ; 111 : 137-142. 03. Kriwanek S, Blauensteiner W, Lebisch E et al. Dietary changes after vertical banded gastroplasty. Obes Surg, 2000 ; 10 : 37-40. 04. Poitou C, Ciangura C, Czernichow S et al. Carences nutritionnelles après by-pass gastrique : diagnostic, prévention et traitements. Cah Nutr Diet, 2007 ; 42 : 153-163. 05. Bouillot JL, Prat-Larquemin L, Coupaye M. Chirurgie de l’obésité. In : Médecine de l’obésité, Flammarion Med Sci, 2004 : 262-271. L'auteur a déclaré ne pas avoir de conflits d'intérêts concernant les données publiées dans cet article.