cas clinique Mots-clés Spasme coronaire - Transplantation cardiaque Keywords Coronary spasm - Heart transplantation Spasme coronaire récidivant après transplantation cardiaque Recurrent coronary spasm after heart transplantation F. Blackwell, S. Varnous, J.P. Batisse, C. Le Feuvre* Observation Sarah Z. est une jeune étudiante de 19 ans hospitalisée en cardiologie pour une insuffisance cardiaque gauche sur altération de la fonction ventriculaire gauche. Cette patiente présente pour principal antécédent une triple transplantation cardiaque : la première en 1991, à l’âge de 2 ans, pour une cardiomyopathie dilatée non familiale ; les deux suivantes en 2003 et en mai 2006, en raison d’une maladie sévère des coronaires du greffon avec multiples angioplasties. Lors de la coronarographie de février 2006 réalisée sur le deuxième greffon, avec angioplastie de la circonflexe et de la bifurcation interventriculaire postérieurerétroventriculaire postérieure, la patiente avait présenté un spasme coronaire important au niveau de la rétroventriculaire postérieure et de la circonflexe, résolu sous dérivés nitrés. Ses autres antécédents sont un pacemaker posé en 2007 à cause d’un bloc auriculo-ventriculaire complet paroxystique syncopal, un diabète cortico-induit, un hyperaldostéronisme secondaire à un hyperrénisme sur rein ischémique, une insuffisance rénale chronique et de multiples complications infectieuses (abcès axillaires, arthrite de cheville, œsophagite à CMV). L’examen clinique d’entrée retrouve une patiente consciente, avec orthopnée sans signe de gravité, des bruits du cœur réguliers, des crépitants pulmonaires bilatéraux au tiers des champs pulmonaires, le reste de l’examen ne faisant apparaître rien d’anormal. L’électrocardiogramme retrouve un rythme électro-entraîné. L’échocardiographie, normale 4 mois auparavant, retrouve une hypokinésie globale avec FEVG autour de 30 % et élévation des pressions de remplissage. Le traitement médical d’entrée comporte du Certican®, Neoral®, Cortancyl®, Bactrim®, Elisor®, Zeffix®, Aldactone®, Renitec®, Lasilix® et Amlor®. Figure 1. Spasme sévère de l’IVA moyenne (flèches). * Institut de cardiologie, la Pitié-Salpêtrière, Paris. 28 | La Lettre du Cardiologue • n° 418 - octobre 2008 Figure 2. Levée du spasme de l’IVA sous Risordan® intracoronaire (flèches). cas clinique Les deux principales causes possibles de la dysfonction cardiaque chez cette jeune patiente greffée sont un rejet de greffe et une nouvelle maladie coronaire du greffon. La patiente est immédiatement traitée par trois bolus de Solumedrol® en réponse au risque de rejet de greffe. Lors de la coronarographie, qui se révèle normale, la patiente présente un spasme très important sur l’IVA, sans symptomatologie fonctionnelle ni électrique, résolutif après traitement par dérivés nitrés (figures 1 et 2). La biopsie cardiaque réalisée par voie transjugulaire montre des signes de rejet. Le traitement par immunosuppresseurs est majoré. Associé à des diurétiques, il permet rapidement une évolution favorable avec disparition des signes de congestion pulmonaire et amélioration de la fonction ventriculaire gauche. Discussion Notre patiente a donc présenté deux épisodes de spasmes coronariens à l’occasion de coronarographies sur des greffons différents. Le spasme coronaire est une complication de la coronarographie qui disparaît le plus souvent avec des dérivés nitrés. Ses mécanismes exacts restent encore à ce jour peu clairs. Une dysfonction endothéliale avec altération de la sécrétion de monoxyde d’azote (NO), puissant agent vasodilatateur, est évoquée, ainsi que des anomalies du système neuro-végétatif innervant les cellules musculaires lisses (1). Ces anomalies peuvent être favorisées par le cathétérisme. Chez les patients greffés, sans réinnervation, les spasmes ne peuvent être expliqués par les anomalies du système nerveux (2). Chez les patients non transplantés, une mauvaise innervation myocardique a été évoquée pour expliquer les spasmes coronaires secondaires à une réponse vasculaire anormale (3). Une réinnervation myocardique anarchique, présente chez environ 10 % des patients greffés, pourrait favoriser les spasmes coronaires (4). La fréquence de ces événements est difficile à estimer, car ils sont rares. Une étude menée sur 247 patients greffés (808 coronarographies) retrouve 12 patients ayant présenté un spasme coronaire, dont 6 liés au cathéter et 6 spontanés, soit moins de 1 % de spasme coronaire sur les 808 examens réalisés. Dans cette étude, le suivi de ces patients suggère que la présence de plusieurs spasmes coronaires est associée à un risque accru de décès (5). Les patients greffés cardiaques ne ressentant habituellement aucune douleur, la survenue de spasmes itératifs pourrait être une des causes de dysfonction ventriculaire gauche. Dans ce cas clinique, la patiente a présenté deux épisodes de spasmes authentifiés sur deux greffons différents, ce qui suggère une prédisposition individuelle à la survenue de spasmes. Une réactivité vasculaire particulière a été évoquée (6) comme cause des spasmes coronaires, mais la probabilité d’une vasoréactivité importante sur deux greffons est très faible : ce sont donc sans doute plutôt les hormones endogènes catécholamines lors du stress. La dobutamine, notamment, peut être impliquée dans la survenue de spasmes coronaires (7). Les causes de la dysfonction ventriculaire gauche chez les greffés sont le rejet et une coronaropathie retrouvée chaque année chez 10 % des patients greffés (8). La coronaropathie est d’origine thrombotique mais elle peut aussi être liée à la survenue de spasmes itératifs passant inaperçus et de mauvais pronostic (5). ■ Références bibliographiques 1. Yasue H, Nakagawa H, Itoh T, Harada E, Mizuno Y. Coronary artery spasm–clinical features, diagnosis, pathogenesis, and treatment. J Cardiol 2008;51(1):2-17. 2. Boffa GM, Faggian G, Buja G et al. Coronary artery spasm in heart transplant recipients. J Heart Transplant 1989;8(2):154-8. 3. Takano H, Nakamura T, Satou T et al. Regional myocardial sympathetic dysinnervation in patients with coronary vasospasm. Am J Cardiol 1995;75(5):324-9. 4. Bengel FM, Ueberfuhr P, Ziegler SI, Nekolla S, Reichart B, Schwaiger M. Serial assessment of sympathetic reinnervation after orthotopic heart transplantation. A longitudinal study using PET and C-11 hydroxyephedrine. Circulation 1999;99(14):1866-71. 5. Boffa GM, Livi U, Grassi G et al. Angiographic presentation of coronary artery spasm in heart transplant recipients. Int J Cardiol 2000;73(1):67-74. 6. Pistono M., Brentana L, Gnemmi M et al. Early right coronary vasospasm presenting with malignant arrhythmias in a heart transplantation recipient without allograft vasculopathy. Int J Cardiol 2007 (Epub ahead of print). 7. Roffi M, Meier B, Allemann Y. Angiographic documented coronary arterial spasm in absence of critical coronary artery stenoses in a patient with variant angina episodes during exercise and dobutamine stress echocardiography. Heart 2000;83(4):E4. 8. Colombo P, Bruschi G, Agozzino M et al. Thromboaspiration during acute myocardial infarction in a heart transplant patient. J Cardiovasc Med (Hagerstown) 2008;9(3):293-5. La Lettre du Cardiologue • n° 418 - octobre 2008 | 29