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KESHARIM
םירשק LIENS La lettre d’information du Fonds Social Juif Unifié
Kesharim - Février 2016 4
période très particulière dans l’histoire juive et dans
l’histoire d’Israël. Depuis entre 1000 et 2000 Français
émigrent vers Israël chaque année. Depuis le début des
années 2000 un véritable changement, un frémissement,
s’est fait sentir avec la deuxième intifada, la résurgence
de l’antisémitisme en France, un contexte économique
défavorable en France et favorable en Israël. Plusieurs
facteurs sont entrés en jeu. Avec l’aggravation de
l’antisémitisme on a vu les chiffres de l’Alyah passer de
2000 à 4000 et de 4000 à 6000. L’an dernier avec 7000
olim, l’Alyah de France a marqué un tournant historique
puisque pour la première fois elle a constitué la première
Alyah d’Israel. Plus d’un immigrant sur quatre en Israël
vient de France. L’Alyah de France est donc passé dans
une autre phase. Plusieurs caps ont été franchis et
pourtant il existe toujours des zones à risque dans le
monde. Il y a une forte immigration ukrainienne, une
immigration russe qui n’est pas achevée, un potentiel de
5 millions de juifs américains à qui l’organisme Nefesh
Be Nefesh avait promis monts et merveilles en
immigration. Malgré cela l’Alyah de France n’a cessé
d’augmenter. Les Pouvoirs publics non pas de suite pris
la mesure du phénomène. Pour la première fois les
immigrants venaient d’un pays nanti et non d’un pays en
détresse.
Qui sont ces immigrants ?
L’image du français en Israël est totalement déformée.
Elle est caricaturale, le français est trop souvent perçu
comme un touriste bronzé et bruyant sur la plage de Tel
Aviv ou un Juif d’Afrique du Nord qui a fait un passage en
France. Il est donc considéré comme l’étaient les
immigrants d’Afrique du Nord. De plus contrairement à
ce que peuvent penser les Israéliens, les Français qui
arrivent ne sont pas riches ou pauvres, ashkénazes ou
séfarades, religieux ou laïcs, ils sont une catégorie
intermédiaire. La population est mal comprise des
pouvoirs publics israéliens. L’État ne sait pas trop la
traiter car il ne la comprend pas. D’habitude il applique
des modes d’intégration de masse classique.
La révolution numérique a changé également
complètement les règles du jeu, les liens entre la France
et Israël sont beaucoup plus marqués. Un certain
nombre de Français vivent en Israël tout en étant
français. Cela ajoute une nouvelle difficulté, un nouveau
paramètre. La nouvelle communauté garde ses
marques par rapport à sa communauté d’origine. Elle
s’organise avec sa communauté francophone, va à la
synagogue francophone, maintient des relations
familiales et professionnelles très fortes avec son pays
d’origine. L’État d’Israël ne connaît pas de précédent et
ce mode d’intégration fonctionne ainsi depuis une
dizaine d’années. Mais les Français viennent pourtant
avec le même sionisme et le même judaïsme.
Jusqu’en 2013/2014 la plupart de ces immigrants étaient
issus du noyau dur de la communauté et avaient suivi le
«parcours classique» : école juive, mouvement de
jeunesse, proximité avec la famille en Israël.
Une population aisée s’est installée à Tel-Aviv ainsi
qu’une population laïque. Tel-Aviv est aujourd’hui la
deuxième ville d’intégration des francophones en Israël
après Netanya, viennent ensuite Jérusalem et Ashdod. A
Tel-Aviv certaines écoles ont presque une majorité
d’enfants français.
Cette vague d’Alyah qui touche de nouveaux publics est
encore en mouvement, elle va donc se poursuivre. La clé
de voûte de cette Alyah est l’intégration de ceux qui sont
déjà en Israël.
Le taux de chômage est particulièrement bas en Israël
mais les immigrants ne cherchent pas forcement une
carrière similaire à celle qu’ils avaient en France, ils
cherchent dans de nombreux cas à changer de vie. Les
choses bougent en Israël au niveau de l’équivalence de
diplômes, des pressions se font. Le député francophone
Elie Elalouf s’est notamment emparé du sujet. Mais il n’y
a pas de représentation française à la Knesset
contrairement aux autres pays d’immigration. Nous
avons besoin d’une influence et d’un lobbying plus fort de
la part de la communauté francophone au niveau
politique. Israël commence à comprendre tout ce que les
Français peuvent apporter.
Il faudrait organiser des campagnes pour expliquer
l’apport des Juifs de France en Israël. Les retraités par
exemple apportent beaucoup au PIB et les jeunes
diplômés constituent une valeur ajoutée réelle pour le
pays. L’État a compris cette problématique dorénavant
mais ne peut donner qu’un soutien égal à tous, il ne peut
fournir un soutien préférentiel.
Une intégration complexe
L’intégration des adolescents français est un réel défi
aujourd’hui. En effet la plupart d’entre eux n’a pas eu le
choix de l’immigration. Ils ont suivi leurs parents et ont
quitté une vie sociale organisée en France. Ils connais-
sent des difficultés d’intégration en milieu scolaire à
cause de la langue et se retrouvent à 18 ans confrontés
au choix de leur unité miliaire. Les retraités constituent
également une réelle préoccupation. Ils arrivent en
Israël de plus en plus jeunes, à 60 ans. Il faut leur assu-
rer une qualité de vie, du service, du loisir, de l’accompa-
gnement. Ce n’est plus une communauté passive mais
qui consomme beaucoup. Les enfants souffrent parfois
du manque d’intégration de leurs parents. Ils intègrent
des programmes en français à l’école, vont à la synago-
gue et suivent les dvah Torah en français.
Cela constitue un véritable défi pour AMI car proposer
des services en français ne doit pas ralentir le phéno-
mène d’intégration. Nous mettons donc en place des
programmes d’intégration spécifiques ; par exemple de
préparation au service militaire. Le français doit servir
de transition. Pour les jeunes la transition vers la société
israélienne doit se faire le plus rapidement possible.
C’est un problème complexe.
Le taux de retour serait de 10 %. Ces chiffres sont empi-
riques puisque les données officielles n’existent pas.
Dans la plupart des cas, ces familles n’avaient pas bien
préparé leur Alyah ou ont quitté la France trop précipi-
tamment. Ce chiffre nous paraît proche de la réalité. Il y
a 35 ans l’intégration était plus difficile et le chiffre était
plus élevé. En six mois il fallait s’intégrer. Aujourd’hui la
société israélienne admet l’étranger, la différence du
nouvel arrivant. L’immigration russe a légitimé un autre
mode de vie. La vague française a épousé cette tendance
et préserve sa particularité et cela est admis.