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Transversal n° 40 janvier-février repères
et l’évolution de l’infection semble s’accélérer. « Parmi ceux
que j’ai rencontrés, beaucoup étaient en réanimation »,
précise Sylvie Cheneau, qui note un autre point commun
entre ses patients : « Une sexualité vécue comme margi-
nale, honteuse, parce qu’il s’agissait de pratiques homo-
sexuelles extraconjugales, de rapports avec un partenaire
beaucoup plus jeune ou initiés sur des lieux de drague. »
Ce qui relève d’un préjugé plus large de nos sociétés :
«Même lorsqu’il s’agit de rapports hétérosexuels entre
deux personnes de plus de 60 ans, la sexualité est sou-
vent vécue dans la culpabilité. » Jean-Pascal Iorio, psy-
chologue au Kiosque, confirme : « Les personnes que j’ai
reçues en consultation avaient été contaminées par voie
sexuelle, mais vivaient leur sexualité avec une telle cul-
pabilité que la prévention n’était pas systématique. » Une
situation qui complique également la révélation de la séro-
positivité à l’entourage. Denis Méchali, dont les patients
sont souvent d’origine étrangère, souligne notamment :
«Il n’est pas usuel que les enfants, quel que soit leur âge,
aient un regard sur la sexualité de leurs parents. » S’il
faut en plus annoncer une relation extraconjugale, des
rapports homosexuels ou bisexuels alors que l’on est père
de famille… « Pour ceux qui ont transmis à leurs enfants
une idée très conformiste de la sexualité, il sera d’autant
plus difficile de parler de leur “déviance” présumée »,
résume Jean-Pascal Iorio.
Prévention inadaptée. Pourtant, selon une récente étude
de la société Senior Strategic, 26 % des 50-65 ans décla-
rent « vouloir mettre du piment dans leur vie sexuelle »
en y ajoutant une tierce personne. « La sexualité se modi-
fie avec l’âge, mais compte tenu des dysfonctions érec-
tiles qui apparaissent chez les hommes, le préservatif est
très peu utilisé, poursuit Sylvie Cheneau. Il y a donc un
risque réel sur lequel les pouvoirs publics devraient se
mobiliser en adaptant les messages de prévention. » Une
évolution que Michel Ohayon, de Sida Info Service,
confirme aussi chez les hommes gays : « Avec les années,
il y a une exploration différente de la sexualité, éven-
tuellement sans pénétration, mais par exemple avec par-
tage d’un même lubrifiant, ce qui n’est pas sans risque. »
Pour Sylvie Cheneau, les moyens de prévention sont en
fait peu adaptés au corps des personnes âgées : fragilité
de l’érection, diminution de la lubrification vaginale, voire
descente d’organes, etc. « Même difficilement vécue, cette
sexualité des personnes âgées existe, renchérit Michel
Ohayon. Il faudrait commencer par la réhabiliter afin que
les personnes s’autorisent pleinement à la vivre et puis-
sent se protéger. »
Carine Favier, médecin du Mouvement français pour le
planning familial, souligne le manque d’information des
femmes qui changent de vie après un divorce et une
longue vie commune. « La prévention actuelle étant sur-
tout ciblée sur les jeunes ou les populations à risque, les
femmes ne se sentent pas concernées tant qu’elles sont
en couple stable. » Médecins traitants et gynécologues
n’abordent que rarement la question avec leurs patientes,
même lors de consultations de contraception. « Or, si tout
au long de la vie, on commençait par poser la question
du risque au lieu de partir des moyens quand on parle
contraception, il serait possible de maintenir un certain
niveau d’information et une familiarité avec le préserva-
tif. Il faut à chaque fois repartir du mode de vie et non
d’un type de population prédéterminé », insiste-t-elle. Et
ne jamais négliger d’évoquer la vie sexuelle d’un patient
quel que soit son âge. « Le regard du soignant est capital,
conclut Denis Méchali. Il faut être toujours à l’écoute,
sans jugement, afin de permettre à tout patient qui nous
consulte d’aborder sa vie sexuelle. »
Davantage de risques
pour les femmes
Les femmes ménopausées sont davantage exposées au
VIH, en raison de la diminution de la lubrification vagi-
nale et de l’amincissement des parois vaginales causé par
les modifications hormonales. La muqueuse est donc
plus sujette aux microtraumatismes qui peuvent interve-
nir durant le rapport sexuel, ce qui accroît le risque de
contamination. Associant par ailleurs plus généralement
le préservatif à un moyen de contraception, les femmes
de plus de 50 ans l’utilisent moins souvent comme moyen
de prévention.
À lire : « HIV/aids in older adults. A case report
and literature review», Inelmen E.M., Gasparini G., Enzi G.,
Geriatrics, vol. 60 – n° 9 – 2 005.
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