DR avocate à la Cour, associée fondatrice du cabinet Féral-Schuhl/Sainte-Marie, et bâtonnier de l’Ordre des avocats de Paris Comment protéger sa base de données ? Le fait : Le 28 mars, la cour d’appel d’Aix-enProvence a refusé d’accorder la protection prévue par l’article L.341-1 du code de la propriété intellectuelle à deux bases de données, considérant qu’elles n’ont pas nécessité un investissement substantiel. Un directeur commercial quitte la société de livraison florale pour laquelle il travaillait et crée sa propre entreprise pour poursuivre la même activité. Son ancien employeur lui reproche, outre des actes de concurrence déloyale, d’avoir porté atteinte à ses droits de producteurs de deux bases de données (clients et prospects) en dupliquant celles-ci en quasi totalité. Pas d’atteinte au droit « sui generis »… Dans son arrêt du 28 mars 2012, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a refusé de considérer que le salarié avait porté atteinte au droit « sui generis » de son ancien employeur sur ces bases de données. Ce droit de propriété intellectuelle spécifique résulte de l’article L.341-1 du code de la propriété intellectuelle. Cet article prévoit que « le producteur d’une base de données, entendu comme la personne qui prend l’initiative et le risque des investissements correspondants, bénéficie d’une protection du contenu de la base lorsque la constitution, la vérification ou la présentation de celui-ci atteste d’un investissement financier, matériel ou humain substantiel ». La Cour vient préciser cette notion d’« investissement substantiel ». Selon elle, la protection du droit « sui generis » est accordée pour les investissements liés au stockage et au traitement des éléments, une fois ceux-ci réunis, mais pas pour les investissements dédiés à la création desdits éléments avant leur intégration dans une base de données. … mais une concurrence déloyale avérée L’investissement substantiel à prendre en compte doit être recherché dans la constitution de la base elle-même. Aussi, pour la Cour, la création des deux bases, à partir d’annuaires professionnelles et des pages jaunes, la vérification de l’exactitude des données, puis leur mise à jour « n’ont pas nécessité (…) un investissement financier, matériel et humain substantiel ouvrant droit à la protection ». Une décision conforme à la position de principe adoptée par la Cour de justice de l’Union européenne en 2004. La cour d’appel considère, en revanche, qu’en commettant des actes destinés à récupérer la clientèle de son ancien employeur, et notamment en copiant les bases de clients et de prospects, l’ex-salarié avait bien commis des actes de concurrence déloyale, pour lesquels il a été sanctionné. M CHRISTIANE FÉRAL-SCHUHL CE QU’IL FAUT RETENIR L’investissement substantiel, qui permet à une base de données d’accéder à la protection offerte par l’article L.3411 du code de la propriété intellectuelle, doit porter sur les moyens nécessaires à la création de la base elle-même et non des données ou œuvres qu’elle contient. Dossiers professionnels détournés Par un arrêt du 27 mars, la cour d’appel de Bordeaux a confirmé le licenciement pour faute grave d’un employé qui, à partir de sa messagerie professionnelle, avait transféré 261 dossiers professionnels vers son adresse personnelle. Le salarié soutenait que son employeur avait obtenu la preuve de ces détournements par le biais d’un procédé illicite, ce que n’a pas retenu la Cour, aucun des courriels transférés n’ayant un objet personnel. Refus du statut d’hébergeur à eBay Le 3 mai, la Cour de cassation a confirmé l’arrêt d’appel qui avait considéré qu’eBay n’exerce pas une simple activité d’hébergement. Selon la Cour, en fournissant aux vendeurs « des informations pour leur permettre d’optimiser leurs ventes et les [assister] dans la définition et la description des objets mis en vente », mais aussi en envoyant « des messages spontanés à l’attention des acheteurs pour les inciter à acquérir », eBay joue un rôle actif et ne peut donc se prévaloir du régime de responsabilité atténuée des hébergeurs prévu par la LCEN. La directive « monnaie électronique » retardée Par un avis du 26 avril relatif à l’application de la directive 2009/110/CE concernant l’accès à l’activité des établissements de monnaie électronique et son exercice, la Commission européenne a invité la France à prendre des mesures afin de mettre la législation nationale en conformité avec ce texte d’ici à deux mois. Cette directive, qui devait être transposée dans l’Hexagone au 30 avril 2011, vise à faciliter l’accès à l’activité d’émission de monnaie électronique et à établir les règles pour l’exercer. La CJUE pourrait être saisie en cas de non-respect de ce délai. Lire ce communiqué sur http://goo.gl/S1KaS. 01BUSINESS & TECHNO I 14/06/2012 I 01net-entreprises.fr Christiane Féral-Schuhl, NUL N’EST CENSÉ… JURIDIQUE 31