Actualités sciences A ctualités sciences > Proceedings of the Royal Society of London (Biological Sciences) > J Neurosciences > Proceedings of the National Academy of Sciences USA > News Cornell > Physical Reviews > Biological psychiatry > Science > Nature > Current Opinion in Neurobiology > Nature Neuroscience > Journal of Clinical Investigations Troubles de la personnalité #Coordonnée par E. Bacon, Inserm et clinique psychiatrique, Strasbourg REVUE de presse Les troubles de la personnalité sont des troubles chroniques et habituellement sévères qui donnent souvent lieu à de graves perturbations de la vie et à de grandes souffrances. Ils sont relativement communs, puisqu’ils touchent près d’une personne sur dix et approximativement la moitié des patients présente au moins un diagnostic d’axe II selon le DSM-IV. On ne s’étonnera pas, dès lors, que ces pathologies fassent l’objet de nombreuses recherches et publications récentes. 42 PSY mars 07.indd 42 Mémoire émotionnelle dans le trouble de dépersonnalisation : une étude en IRM fonctionnelle O Londres (Grande-Bretagne) L e trouble de dépersonnalisation est défini dans le DSM-IV comme une “altération de la perception de l’expérience de soi telle que l’on se sent détaché de soi comme si l’on était un observateur extérieur de ses propres processus mentaux ou de son corps”. C’est une situation relativement courante, dont la prévalence varierait de 2,4 à 20 % dans la population générale. Il arrive souvent comme un phénomène transitoire chez des individus sains dans certaines conditions, comme la privation de sommeil ou sous l’influence de l’alcool ou de drogues. Mais il peut aussi survenir dans un certain nombre de contextes psychiatriques tels que les attaques de panique ou la dépression sévère, ou neuropsychiatriques tels que l’épilepsie du lobe temporal. Nombreux sont les patients à se plaindre d’avoir l’impression que leurs réponses émotionnelles sont engourdies ou même inexistantes. En effet, certaines études ont montré que les patients souffrant d’un trouble de dépersonnalisation ne présentent pas d’activation dans les régions cérébrales impliquées dans le traitement normal des émotions. Dix patients ont été inclus dans une étude d’IRM fonctionnelle. Leurs activations cérébrales lors d’un test d’encodage et de reconnaissance de matériel émotionnel verbal ont été comparées à celles de témoins appariés sains. Le test comprenait une session d’apprentissage et deux sessions de reconnaissance. La performance de La Lettre du Psychiatre - Vol. III - n° 3-4 - mars-avril 2007 18/04/07 16:24:46 reconnaissance des mots clairement émotionnels était significativement meilleure chez les patients, cependant que leur performance de reconnaissance de mots neutres encodés dans un contexte émotionnel ne différait pas de celle des sujets contrôles. En outre, les patients ne présentaient pas d’activation des zones du traitement des émotions pendant l’encodage, et leurs réponses neuronales étaient identiques pour les deux catégories d’items. L’IRM fonctionnelle confirme donc les dires des patients, à savoir qu’ils ne traitent pas de la même manière que les sujets sains un matériel émotionnellement pertinent. EB > Medford N, Brierley B, Brammer M et al. Emo- tional memory in depersonalization disorder: a functional MRI study. Psychiatry Research: Neuroimaging 2006;148:93-102. Recommandations internationales pour la gestion des troubles de la personnalité O qu’il n’est pas possible de modifier le type de personnalité du patient, mais que l’inadaptation du comportement peut être tempérée par l’usage à long terme de stabilisateurs d’humeur. > Morana HC, Camara FP. International guideli- nes for the management of personality disorders. Current Opinions in Psychiatry 2006;19:539-43. Toxicomanie et troubles de la personnalité O L es études menées dans la population générale et celles se focalisant sur les admissions hospitalières révèlent l’existence d’une prévalence plus élevée de troubles de la personnalité chez les toxicomanes que dans la population générale, avec une prééminence nette de troubles borderline et antisociaux. > Welch S. Substance use and personality disorders. Psychiatry 2007 (sous presse). Démêler le trouble dépressif des troubles d’évitement, borderline et obsessionnel-compulsif São Paulo (Brésil) L e département de psychiatrie de l’hôpital universitaire de São Paulo a présenté l’expérience acquise par la section des soins ambulatoires des troubles de la personnalité. Ils concluent par le fait que la cible qui doit être contrôlée chez les patients atteints de ces troubles est la condition biologique sous-jacente qui les amène à rechercher des situations excitantes. Les chercheurs considèrent O Ypsilanti et Providence (États-Unis) O n observe fréquemment une comorbidité dans les troubles de la personnalité. Plusieurs études ont montré notamment que trois types de trouble de la personnalité, en l’occurrence les troubles d’évite- La Lettre du Psychiatre - Vol. III - n° 3-4 - mars-avril 2007 PSY mars 07.indd 43 Londres (Grande-Bretagne) Actualités sciences A ctualités sciences ment, borderline, et obsessionnelcompulsif, ont tendance à partager des taux modérés de comorbidité avec les troubles dépressifs. Des chercheurs américains ont analysé l’organisation des critères de diagnostic de chacun de ces quatre troubles, et ils ont étudié comment cette organisation est susceptible d’avoir des répercussions sur les recouvrements partiels des diagnostics. Mille deux cents patients ambulatoires ont été interviewés à l’aide de l’entretien structuré des troubles de la personnalité du DSM-IV. Le taux le plus élevé de comorbidité était observé entre le trouble d’évitement et le trouble dépressif. Des analyses de régression ont indiqué que deux critères, le critère d’évitement 5 et le critère dépressif 2, peuvent être retirés des ensembles de critères de diagnostic avec, pour bénéfice, une diminution des taux de chevauchement de 15 %. L’analyse factorielle des quatre troubles indiquait un regroupement commun de nombreux symptômes des troubles du comportement d’évitement, borderline et dépressif, dans des organisations qui semblent refléter l’existence de problèmes dans l’initiation de relations avec autrui, ce qui révèle un conflit entre l’approche et l’évitement. Les symptômes dépressifs des troubles de la personnalité se regroupaient d’une manière qui évoque l’existence de problèmes de colère et d’irritation, qui seraient dirigées à la fois contre soi et contre les autres. Les résultats de l’analyse factorielle laissent ainsi suggérer qu’une organisation des symptômes 43 18/04/07 16:24:47 Actualités sciences A ctualités sciences > Proceedings of the Royal Society of London (Biological Sciences) > J Neurosciences > Proceedings of the National Academy of Sciences USA > News Cornell > Physical Reviews > Biological psychiatry > Science > Nature > Current Opinion in Neurobiology > Nature Neuroscience > Journal of Clinical Investigations autour des thèmes du conflit pourrait fournir des moyens utiles pour la compréhension des profils de personnalité de ces quatre troubles. > Huprich S, Zimmerman M, Chelminski I. Disentangling depressive personality disorder from avoidant, borderline, and obsessive-compulsive personality disorders. Comprehensive Psychiatry 2006;47:298-306. Comportements parentaux associés à un risque de troubles de la personnalité chez les descendants à l’âge adulte O REVUE de presse I 44 PSY mars 07.indd 44 New York (États-Unis) l est important pour les chercheurs de mieux connaître les éventuelles origines développementales des troubles de la personnalité qui se manifestent à l’adolescence ou au début de l’âge adulte. De telles études impliquent qu’une recherche assidue soit menée pendant plusieurs dizaines d’années. À ce jour, il existe peu d’études prospectives longitudinales qui aient étudié les précurseurs développementaux potentiels des troubles de la personnalité, et on dispose de peu d’observations empiriques sur le sujet. Une équipe américaine vient de publier les résultats d’une étude longitudinale contrôlée, commencée en 1975 et close en 2004. Les observations sont fondées sur le suivi de 593 familles. Plusieurs entretiens ont été menés au cours de cet intervalle : pendant l’enfance (âge moyen : 6 ans), l’adolescence (âge moyen : 14 et 16 ans), le début de l’âge adulte (22 ans) et la vie adulte (âge moyen : 33 ans) de la progéniture. Les chercheurs ont utilisé l’entretien clinique structuré pour les troubles de la personnalité du DSM-IV. Ils ont pu mettre en évidence dix types de comportements parentaux qui étaient patents pendant la croissance des enfants et associés à un risque élevé de troubles du comportement à l’âge adulte dans la descendance, après que les problèmes émotionnels ou comportementaux des enfants et des parents eurent été contrôlés statistiquement. La façon dont ces parents se comportaient à la maison était associée à un risque élevé de troubles de la personnalité observés chez les enfants lorsqu’ils avaient atteint un âge situé entre 22 et 33 ans. Les risques pour les enfants augmentaient avec le nombre de comportements problématiques mis en évidence chez les adultes. Le manque d’affection de la part des parents et une négligence quant à l’éducation de leurs enfants étaient associés à des risques élevés de comportement antisocial, d’évitement, de comportement borderline, dépressif, paranoïde, schizoïde et schizotypique pour la progéniture. Un comportement parental aversif (par exemple, la punition sévère) était associé à des risques élevés de comportement borderline, paranoïde, passif-agressif et schizotypique chez leurs enfants. Le comportement parental pendant les années d’enfance pourrait donc être associé à un risque élevé de troubles de la personnalité chez les enfants une fois devenus adultes. Ce risque ne peut pas être attribué aux problèmes émotionnels et comportementaux des enfants ni à un trouble psychiatrique chez les parents, et il ne paraît pas diminuer avec le temps. Le comportement des deux parents semble jouer un rôle. Toutefois, les limitations de l’étude tiennent au fait que les pères n’ont pas été interviewés directement, puisque c’est à partir des dires des mères et des enfants que le comportement et les symptômes psychiatriques des pères ont été évalués. EB > Johnson J, Cohen P, Chen H et al. Parenting behaviors associated with risk for offspring personality disorders during adulthood. Arch Gen Psychiatr 2006;63:579-87. Admissions pour troubles de la personnalité dans les hôpitaux italiens de 1988 à 1998 O Vérone (Italie) G râce à l’existence des données de l’Institut central des statistiques italien, les chercheurs ont pu constater que le nombre absolu d’admissions hospitalières pour troubles de la personnalité a quasiment triplé de 1988 à 1998. Ce résultat est surtout dû à l’augmentation des premières admissions. > Guaiana G, Barbui C. Admission for person ality disorders in Italy from 1988 to 1998. Clinical Practice and epidemiology in mental health 2006, 2. www.cpementalhealth.com/content/2/1/20 La Lettre du Psychiatre - Vol. III - n° 3-4 - mars-avril 2007 18/04/07 16:24:49 Mise au point par l’APA et le NASRP de principes pour le traitement psychosocial des troubles de la personnalité Salt Lake City et New York (États-Unis) O L es troubles de la personnalité sont difficiles à traiter et posent un défi à la capacité du thérapeute à intervenir efficacement, en partie parce que les traits de mauvaise adaptation interfèrent avec la relation thérapeutique elle-même. La section 12 de l’APA et la Société nord-américaine de recherche psychothérapeutique (NASRP) ont mis en place un groupe de travail, qui a passé en revue le petit nombre de travaux menés à ce jour sur cette famille de troubles et a rendu ses conclusions dans un rapport qui a fait l’objet d’un ouvrage. En outre, les principes énoncés sont résumés dans un article récent du Journal of Clinical Psychology. Le rapport décrit les caractéristiques des clients et des thérapeutes, leurs relations et les éléments essentiels de technique. Il met l’accent sur l’importance d’une relation collaborative, ainsi que sur le fait que le traitement doit être compréhensible, empathique, patiemment mis en œuvre et ajusté de manière flexible pour pouvoir s’adapter aux problèmes au fur et à mesure qu’ils se présentent. Ce groupe de travail a donc fait le constat que la recherche de psychothérapies pour le traitement des troubles de la personnalité est encore balbutiante. Toutefois, les chercheurs considèrent qu’au moins certains patients sont susceptibles de suivre une forme de traitement psychosocial, et que du bon travail est en cours. Cependant, un énorme travail reste encore à faire, et consistera à essayer de se focaliser sur chacun des troubles de la personnalité et sur leurs caractéristiques communes telles que l’impulsivité, l’agressivité et les tendances suicidaires. > Critchfield K, Smith Benjamin L. Principles for psychosocial treatment of personality disorder: summary of the APA division 12 task force/NASPR review. J Clin Psychology 2006;62:661-74. > Castongay LG, Beutler LE. Principles of therapeutic changes that work. New York: Oxford University Press, 2006. Dysfonctionnements émotionnels minimaux dans les troubles de la personnalité Berlin (Allemagne) O L es troubles de la personnalité, malgré leur fréquence élevée et leurs conséquences non négligeables pour la société et pour le patient, conservent un statut un peu particulier. Ils stimulent rarement la compassion et le soutien comme d’autres maladies, mais suscitent plutôt le rejet. Même dans les classifications modernes comme le ICD-10 ou le DSM-IV, ils sont considérés comme un peu spéciaux, dans la mesure où ils sont repertoriés sur un axe II distinct, et non pas classés avec toutes les autres affections psychologiques sur l’axe I. Toutefois, on observe actuellement La Lettre du Psychiatre - Vol. III - n° 3-4 - mars-avril 2007 PSY mars 07.indd 45 Actualités sciences A ctualités sciences une recrudescence des recherches destinées à améliorer le diagnostic et à développer de nouveaux médicaments et psychothérapies pour ces troubles. Dans ce contexte, le Dr M. Linden discute le rôle des dysfonctionnements émotionnels minimaux (minimal emotional dysfunctions [MED]) dans les troubles de la personnalité, dans l’espoir que ce concept théorique et clinique puisse offrir de nouvelles voies pour la recherche, la compréhension et le traitement de ces affections. Le concept de MED se réfère à la psychopathologie traditionnelle et est utilisé pour décrire, classifier et comprendre les troubles de la personnalité. Le modèle MED des troubles de la personnalité correspond aux conceptions de Linehan des troubles de la personnalité borderline, mais prend en compte un plus grand nombre de dysfonctionnements émotionnels. Les MED englobent la prédominance des troubles de l’affectivité, la production, l’expression, l’expérience, la modulation et la régulation. Ce concept est en mesure d’expliquer la nature dimensionnelle des troubles de la personnalité, de prendre en compte leurs dimensions multiples, et les problèmes de classifications catégorielles qui se posent. Selon l’auteur, il pourrait fournir un nouveau cadre systématique à un mode de compréhension traditionnel des troubles de la personnalité. Il rend un point de vue strictement psychopathologique et peut aider à clarifier les problèmes cliniques et théoriques non résolus relatifs aux différents types de trouble de la personnalité, à la distinction entre les diagnostics 45 18/04/07 16:24:51 Actualités sciences A ctualités sciences > Proceedings of the Royal Society of London (Biological Sciences) > J Neurosciences > Proceedings of the National Academy of Sciences USA > News Cornell > Physical Reviews > Biological psychiatry > Science > Nature > Current Opinion in Neurobiology > Nature Neuroscience > Journal of Clinical Investigations dimensionnels et catégoriels, entre les diagnostics de l’axe I et les troubles de la personnalité. > Linden M. Minimal emotional dysfunction (MED) in personality disorders. Eur Psychiatr 2006;21:325-32. Impulsivité, agressivité, et les troubles de la personnalité selon le DSM-IV O Milan (Italie) et Galveston (États-Unis) REVUE de presse L 46 PSY mars 07.indd 46 a dernière décennie a vu se développer un intérêt croissant vis-à-vis du rôle de l’impulsivité et de l’agressivité dans les troubles psychiatriques, et en particulier dans les troubles de la personnalité. Quoique la plupart des recherches considèrent que l’impulsivité et l’agressivité sont des composantes distinctes des personnalités borderline et antisociales, des études récentes ont rapporté que l’impulsivité et l’agressivité sont également susceptibles de caractériser d’autres troubles de la personnalité du cluster B. Dès lors, on peut se demander si les traits agressifs et impulsifs peuvent représenter des caractéristiques qui sous-tendent tous les troubles de la personnalité du cluster B et expliquer leur covariation. Des chercheurs italiens et américains se sont associés pour mettre en œuvre une étude destinée à vérifier si les comportements agressifs et impulsifs peuvent être placés sur un continuum avec les troubles de la personnalité du cluster B du DSM-IV. Il s’agissait aussi de déterminer si différents aspects de ces traits de personnalité sont spécifiquement associés aux troubles individuels de la personnalité du cluster B. Le groupe à l’étude était constitué de 461 patients ambulatoires admis d’octobre 2001 à septembre 2004 dans l’unité de psychologie clinique et de psychothérapie d’un institut de Milan spécialisé dans le diagnostic et le traitement psychothérapique des troubles de la personnalité. Les analyses ont clairement révélé l’existence d’une structure à cinq facteurs, pertinente à la fois pour les traits de personnalités normales et pathologiques. Une observation importante de cette étude était que les mesures d’impulsivité, d’agressivité et de recherche de la nouveauté constituaient une partie de la composante principale qui regroupait tous les clusters B des troubles de la personnalité. Les analyses de régression ont révélé que les traits impulsifs étaient sélectivement associés aux troubles de la personnalité borderline, cependant que divers aspects de l’agressivité se sont révélés utiles pour discriminer les troubles narcissiques des troubles antisociaux. Les traits de recherche de sensations, quant à eux, constituaient une partie des personnalités histrioniques. Ces résultats indiquent que les traits d’impulsivité et d’agressivité peuvent permettre d’expliquer pourquoi les troubles de la personnalité du cluster B ont tendance à covarier, et pourquoi ils diffèrent fréquemment dans les profils cliniques, ainsi que leur évolution. > Fossati A, Barratt E, Borroni S et al. Impulsivity, aggressiveness, and DSM-IV personality disorders. Psychiatry Res 2007;149;157-67. La Lettre du Psychiatre - Vol. III - n° 3-4 - mars-avril 2007 18/04/07 16:24:53