DOSSIER
N°99 SUPPLY CHAIN MAGAZINE - NOVEMBRE 2015
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Comment tirer
le meilleur de son
projet ERP
I
l est généralement de bon ton de s’en
moquer gentiment, de souligner ses défauts
ou ses limites, en particulier si sa mise en
place s’est révélée longue et douloureuse. Il
n’empêche, qu’on le veuille ou non, l’ERP
(Enterprise Resource Planning), ou Progiciel
de Gestion Intégré en français, est devenu
depuis des années un élément incontournable de
toutes les entreprises. Un socle de données com-
munes, une « machine à processus » très structu-
rante qui donne un cadre, des méthodes, des
outils pour que tout le monde puisse travailler de
concert, partager un même langage, les mêmes
règles de fonctionnement. « Je considère l’ERP
comme un système nerveux, qui assure la trans-
mission des flux au sein de l’entreprise. Une
action décidée en central est diffusée vers les dif-
férents services, que l’on pourrait comparer à des
muscles, et en retour, les informations sur l’ac-
tion qui a été menée remontent en central ou
Le déploiement d’un ERP est un projet structurant,
qui touche à tous les métiers et les processus de l’en-
treprise. Cette transversalité avec les collègues de la
production, des finances, de la gestion commerciale,
est déjà pratiquée au quotidien par les membres de
l’équipe logistique et Supply Chain. C’est pourquoi
ces derniers jouent souvent un rôle important dans
la mise en place d’un ERP, que ce soit en tant qu’uti-
lisateur clé ou chef de projet.
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déclenchent une autre action ». L’auteur de cette
comparaison presque poétique n’est autre qu’Oli-
vier Franceschini, Directeur Supply Chain France
du laboratoire pharmaceutique Fresenius Kabi,
qui a été également « dans une autre vie » Chef de
projet ERP. La mission de l’ERP, en tant que
« colonne vertébrale », est effectivement avant
tout de nature très opérationnelle, dans la gestion
des différents processus, la traçabilité dans une
base de données unifiée de toutes les informations
nécessaires à la bonne marche de l’entreprise.
Avec un périmètre très large : la finance, les
achats, la gestion commerciale, la production, les
stocks, la logistique, le transport, etc.
Se fixer des objectifs, si possible chiffrés
La mise en place d’un nouvel ERP est rarement
une sinécure, pour au moins 2 raisons. La pre-
mière, c’est que la décision de mettre en place ou
de changer d’ERP se justifie le plus souvent par la
volonté de répondre à un ou plusieurs problèmes
précis que l’entreprise n’arrive pas ou plus à
résoudre. « Il y a toujours une bonne raison à la
décision de se lancer dans un projet ERP, soit
parce que l’outil existant est devenu bloquant ou
obsolète, soit parce qu’il existe une problématique
métier à laquelle il est urgent de s’attaquer, que ce
soit par exemple la réduction des stocks ou des
en-cours, l’accélération des délais de livraison
clients, l’amélioration de la traçabilité… pour ne
citer que des objectifs en rapport avec la Supply
Chain », constate William Piedfort, Fondateur du
cabinet de conseil Productivix. Urgent ? Tout est
relatif, puisque la mise en place de l’ERP, en
comptant la durée de la phase de sélection, peut
s’étaler sur une voire plusieurs années dans le cas
de déploiements internationaux. D’où l’impor-
tance pour chaque service concerné de se fixer
des objectifs, d’identifier ce qu’il faut changer ou
faire évoluer et d’essayer de se projeter sur ses
William
Piedfort,
Fondateur du
cabinet de conseil
Productivix
©PRODUCTIVIX
©JAKUB JIRSAK-FOTOLIA
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besoins futurs (voir encadré page 92). En ce qui
concerne la direction Supply Chain, les objectifs
peuvent être divers et variés : améliorer le pilo-
tage de la chaîne d’approvisionnement, optimiser
les niveaux de stocks, mieux réagir aux aléas,
booster le taux de service, etc. Il n’est d’ailleurs
pas inutile à ce stade de se fixer des objectifs chif-
frés en termes de gains. La seconde raison pour
laquelle installer un ERP est rarement un long
fleuve tranquille est qu’il va falloir se plier à
l’exercice parfois douloureux de la remise en
question de ses processus et de son savoir-faire
à des fins d’amélioration. « Quand on met en place
un ERP, c’est en général pour faire mieux
qu’avant. En tout cas pour faire d’abord aussi
bien et puis ensuite faire mieux, soit en ajoutant
des fonctionnalités, soit en s’appuyant sur de nou-
veaux processus », note malicieusement Fabienne
Hurlimann, ex-Directrice Supply Chain du groupe
Valette Foie Gras, qui a aussi une expérience de
chef de projet ERP dans une autre entreprise du
secteur de l’agroalimentaire.
Un chef de projet ERP
made in Supply Chain ?
A priori, l’équipe en charge du pilotage de la Sup-
ply Chain peut s’attendre à jouer un rôle non
négligeable dans le cadre d’un projet de mise en
place d’un ERP. « Cette notion de transmission de
flux que l’on trouve au cœur de l’ERP présente
beaucoup de points d’adhérence avec l’état d’es-
prit des équipes en charge de la Supply Chain qui
sont habituées à piloter des flux physiques, et à
gérer des hommes et des femmes au sein de l’en-
treprise », considère Olivier Franceschini. Mais
paradoxalement, les directeurs Supply Chain en
exercice désignés chefs de projet ERP sont plutôt
rares dans les entreprises. Cela semble en effet dif-
ficilement compatible, à moins d’être détaché de
certaines fonctions opérationnelles le temps de la
mise en place du projet. Cela ne veut absolument
pas dire que le chef de projet ERP ne puisse pas
être choisi parmi les membres de l’équipe de pilo-
tage de la Supply Chain. Tout dépend de son pro-
fil, de la diversité de son expérience au sein de
l’entreprise, et de ses compétences en gestion de
projet, en planification, en arbitrage sur des pro-
blèmes difficiles. « Il n’y a pas de règle générale,
le chef de projet ERP est choisi avant tout par
rapport à sa disponibilité et à sa connaissance
étendue de l’entreprise. Il est entouré par une
équipe d’utilisateurs clés ou super utilisateurs, qui
L’ERP, le couteau suisse de la Supply Chain ?
Au quotidien, l’ERP rend de fiers services à la direction Supply Chain, ne serait-ce que
pour la gestion transactionnelle de l’activité courante de l’entreprise, depuis l’enregis-
trement de la commande jusqu’à la livraison au client final, en passant par le calcul des
besoins net en matières premières, la définition du plan de production ou le choix
de tel ou tel fournisseur en fonction de critères prédéfinis (délais, priorités, prix,
etc.). Sans oublier des fonctions complémentaires de type gestion d’entrepôt ou
planification avancée. L’automatisation apportée par l’ERP permet par ailleurs aux
équipes de se concentrer sur la gestion des exceptions, en s’appuyant sur des rap-
ports, des indicateurs et des alertes en cas de rupture de stock, ou au contraire de
surstock, ou encore si un seuil est dépassé dans les encours de production ou de
préparation. A cet égard, l’ouverture des ERP à la mobilité depuis quelques années
offre de nouvelles perspectives : les alertes ou les états d’avancement peuvent
être envoyés sur un smartphone en mode push, ce qui permet au responsable Supply
Chain de piloter l’activité en temps réel, y compris lors de ses déplacements à l’exté-
rieur. Les ERP ont également réalisé d’importants progrès en matière d’ergonomie. « Il
y a 10 ans, je me souviens qu’il était très compliqué voire impossible de pouvoir gérer
simultanément sur un même écran des informations de suivi de production, de stocks
et de commandes clients. La technologie a évolué puisqu’aujourd’hui de nombreux
ERP permettent de personnaliser son tableau de bord avec par exemple le suivi des
informations sur le carnet de commandes, des ordres de fabrication et la consultation
des stocks », observe Patrick Truye, Directeur Supply Chain et IT de Comap. Même si
ce n’est pas sa fonction principale, l’ERP peut même aller jusqu’à servir d’outil d’aide
à la décision, via des modules spécialisés, qui facilitent les simulations sur les plannings
de production en changeant 1 ou 2 paramètres. JLR
Olivier
Franceschini,
Directeur
Supply Chain
France
de Fresenius Kabi
©FRESENIUS KABI
Patrick
Truye,
Directeur
Supply Chain
et IT
de Comap
©TRUYE COMAP
Fabienne
Hurlimann,
ex- Directrice
Supply Chain
chez Valette
©DESIGER491-FOTOLIA
©VALETTE
NOVEMBRE 2015 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE N°99 91
devront être disponibles et bien connaître les pro-
cessus de leurs métiers respectifs puisqu’ils seront
en quelque sorte les représentants pour le projet
des attentes et des besoins de leur service », consi-
dère William Piedfort.
L’importance de la vision transversale
Que le chef de projet soit de la DSI, de la direction
financière ou de la Supply Chain, l’important est
de garder en tête que l’ERP n’est pas à la base un
projet informatique, mais bien un projet d’entre-
prise, très orienté métier, dont le succès dépend
de son appropriation par les utilisateurs. « Je
pense, pour l’avoir vécu moi-même, que la vision
transversale extrêmement concrète et pragmatique
d’un responsable de la Supply Chain, des appro-
visionnements jusqu’à la livraison et la factura-
tion, le rend légitime en tant que chef de projet
fonctionnel ou en tant qu’interlocuteur privilégié
de ce dernier, souligne Fabienne Hurlimann, car il
connaît les problématiques et les équipes, il sait
leur parler et il est souvent le seul à avoir cette
vision transversale sur un site de production par
exemple, afin de vérifier la cohérence des proces-
sus pour l’ensemble de la chaîne. » Suivant la
taille du projet, il peut exister un ou plusieurs
chefs de projets fonctionnels, qui sont là pour
définir le cahier des charges de l’ERP, pour décrire
les processus cibles. « Je pense qu’il faut surtout
savoir équilibrer l’impact des équipes métier et
informatique, y compris dans la phase de sélec-
tion de l’ERP. Certes, le poids de l’informatique
dans un projet reste important. Leur avis compte,
c’est évident, mais les processus, l’ergonomie de
tel ou tel workflow sont davantage du ressort des
super utilisateurs », détaille Patrick Truye, à la fois
Directeur Supply Chain et Directeur IT chez
Comap, fabricant de matériel de plomberie et de
chauffage pour le bâtiment. « Les équipes Supply
Chain sont également fort utiles pour aider l’IT à
chiffrer les gains potentiels de la modification
d’un processus informatique, pour calculer le ROI
avec des données réelles et des niveaux de stocks
tirés de l’exploitation ». Une fois que l’ERP sera
opérationnel, les équipes Supply Chain seront par
ailleurs très demandeuses de tableaux de bord per-
sonnalisés et de remontées d’alertes en tout genre
(voir encadré page 90). Plus tôt leurs besoins spé-
cifiques d’ergonomie et de personnalisation seront
identifiés par la DSI ou l’intégrateur informatique
et mieux le projet s’en portera !
JEAN-LUC ROGNON
DOSSIER
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3 conseils pour bien vivre son projet ERP
1Limiter les développe-
ments spécifiques
Lors de la phase d’analyse de
besoins, les super utilisateurs
ont plutôt tendance à « se
lâcher » sur les demandes spé-
cifiques, ce qui est loin généra-
lement de chagriner l’éditeur,
alors que l’équipe informatique
cherche plutôt à les limiter, en
pensant à la maintenance et
aux difficultés futures rencon-
trées lors des changements de
version. Attention à la dérive
des « spés », c’est un subtil
jeu d’équilibre. L’analyse des
besoins doit rester réaliste dans
le dimensionnement et le péri-
mètre du projet tout en
essayant d’anticiper les change-
ments à venir. Le cahier des
charges n’a d’ailleurs pas forcé-
ment besoin d’être exhaustif,
avec une foule de détails, sauf
sur les fonctionnalités jugées
incontournables, essentielles ou
différenciantes pour l’entre-
prise. Selon Hans Kourimsky,
Directeur des Applications
SCM chez l’intégrateur Itelli-
gence (partenaire SAP), tout
dépend du mode d’engage-
ment demandé par le client :
« Si le projet est au forfait, il est
très important de définir claire-
ment ses besoins afin de mini-
miser les risques d’incompré-
hension ultérieure avec l’inté-
grateur ou l’éditeur pouvant
conduire à un avenant au
contrat initial. En revanche,
en mode régie, le cahier des
charges peut se contenter de
mettre en avant les fonctionna-
lités de l’ERP jugées essentielles
pour l’entreprise. L’étude de
cadrage s’assurera que tout le
monde est en phase sur les
besoins et les évolutions que l’on
veut apporter ».
2Un ERP structurant
mais pas paralysant
L’agilité, l’évolutivité de l’ERP est
une donnée essentielle en ce
qui concerne la Supply Chain.
Et avec des délais de réponse
compatibles, car il n’est pas
envisageable d’attendre 5 j
pour actualiser un paramètre
de délai fournisseur ou 1 mois
pour modifier un processus de
préparation de commandes
(dans le cas d’un module WMS
intégré). Dans la phase de
sélection, il faut d’abord s’assu-
rer que le système est suffi-
samment paramétrable et
adaptable (même si tout est
relatif). Il peut être utile de sou-
mettre aux candidats en lice,
une quinzaine de jours à
l’avance, un scénario d’exécu-
tion dont ils devront réaliser
une démonstration. Ce mini-
projet préalable devrait donner
une bonne idée des capacités
d’adaptation des uns et des
autres. « Il est vital dès le début
du projet de clarifier les règles
de gouvernance avec la DSI, et
de négocier de sa part davan-
tage de réactivité pour les fonc-
tionnalités utilisées par la Supply
Chain, avec parfois des modi-
fications plusieurs fois par
semaine, contrairement aux flux
comptables ou financiers », note
en outre Hans Kourimsky.
Au quotidien, l’équipe Supply
Chain devra aussi gagner en
autonomie pour adapter elle-
même certains processus, et
lorsque ce n’est pas possible
compte-tenu des limites de ses
compétences informatique, de
trouver la manière la plus effi-
cace et diplomate de formuler
ses demandes à la DSI…
3Des équipes impliquées
dès le début
La conduite du changement ne
commence pas à la phase de
déploiement de l’ERP. « Il faut
inclure les utilisateurs dès le
début du projet. Après, il est trop
tard, et il ne faudra pas s’éton-
ner si certains sont tentés de
continuer à utiliser leur tableur
Excel », prévient William Pied-
fort. L’équipe Supply Chain doit
être impliquée dès la cartogra-
phie des processus. C’est aussi
loccasion de lui demander
comment elle verrait les flux
dont elle a la charge si elle avait
à disposition une baguette
magique ! De cette manière,
personne n’a le sentiment
d’être mis devant le fait accom-
pli. « Il faut veiller à ce que les
équipes soient rassurées par le
projet et y adhèrent. Il est très
important de communiquer
avec l’ensemble des équipes sur
le pourquoi et le comment de
chaque modification des pro-
cessus et sur ce que cela va
apporter à l’entreprise », insiste
Fabienne Hurlimann. Côté for-
mation, il ne faut pas hésiter à
demander à l’éditeur de fournir
un effort particulier pour met-
tre à disposition non seulement
des procédures écrites, mais
également des outils vidéo
d’e-learning. Mieux les équipes
seront formées, plus elles utili-
seront le système, avec une
plus grande prise d’autonomie.
Le choix des utilisateurs clés est
également crucial : ce sont eux
qui seront les référents de
toutes les fonctionnalités et
développements spécifiques,
non seulement pendant le
déploiement, mais aussi après.
Leur stabilité au sein de l’entre-
prise est donc déterminante
pour le succès du projet ERP
dans la durée. JLR
Hans
Kourimsky,
Directeur des
Applications
SCM
chez Itelligence
©C.POLGE
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