Supply Chain Magazine 99

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DOSSIER
E R P
Comment tirer
le meilleur de son
projet ERP
Le déploiement d’un ERP est un projet structurant,
qui touche à tous les métiers et les processus de l’entreprise. Cette transversalité avec les collègues de la
production, des finances, de la gestion commerciale,
est déjà pratiquée au quotidien par les membres de
l’équipe logistique et Supply Chain. C’est pourquoi
ces derniers jouent souvent un rôle important dans
la mise en place d’un ERP, que ce soit en tant qu’utilisateur clé ou chef de projet.
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N°99 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - NOVEMBRE 2015
I
l est généralement de bon ton de s’en
moquer gentiment, de souligner ses défauts
ou ses limites, en particulier si sa mise en
place s’est révélée longue et douloureuse. Il
n’empêche, qu’on le veuille ou non, l’ERP
(Enterprise Resource Planning), ou Progiciel
de Gestion Intégré en français, est devenu
depuis des années un élément incontournable de
toutes les entreprises. Un socle de données communes, une « machine à processus » très structurante qui donne un cadre, des méthodes, des
outils pour que tout le monde puisse travailler de
concert, partager un même langage, les mêmes
règles de fonctionnement. « Je considère l’ERP
comme un système nerveux, qui assure la transmission des flux au sein de l’entreprise. Une
action décidée en central est diffusée vers les différents services, que l’on pourrait comparer à des
muscles, et en retour, les informations sur l’action qui a été menée remontent en central ou
déclenchent une autre action ». L’auteur de cette
comparaison presque poétique n’est autre qu’Olivier Franceschini, Directeur Supply Chain France
du laboratoire pharmaceutique Fresenius Kabi,
qui a été également « dans une autre vie » Chef de
projet ERP. La mission de l’ERP, en tant que
« colonne vertébrale », est effectivement avant
tout de nature très opérationnelle, dans la gestion
des différents processus, la traçabilité dans une
base de données unifiée de toutes les informations
nécessaires à la bonne marche de l’entreprise.
Avec un périmètre très large : la finance, les
achats, la gestion commerciale, la production, les
stocks, la logistique, le transport, etc.
Se fixer des objectifs, si possible chiffrés
La mise en place d’un nouvel ERP est rarement
une sinécure, pour au moins 2 raisons. La première, c’est que la décision de mettre en place ou
de changer d’ERP se justifie le plus souvent par la
volonté de répondre à un ou plusieurs problèmes
précis que l’entreprise n’arrive pas ou plus à
résoudre. « Il y a toujours une bonne raison à la
décision de se lancer dans un projet ERP, soit
parce que l’outil existant est devenu bloquant ou
obsolète, soit parce qu’il existe une problématique
métier à laquelle il est urgent de s’attaquer, que ce
soit par exemple la réduction des stocks ou des
en-cours, l’accélération des délais de livraison
clients, l’amélioration de la traçabilité… pour ne
citer que des objectifs en rapport avec la Supply
Chain », constate William Piedfort, Fondateur du
cabinet de conseil Productivix. Urgent ? Tout est
relatif, puisque la mise en place de l’ERP, en
comptant la durée de la phase de sélection, peut
s’étaler sur une voire plusieurs années dans le cas
de déploiements internationaux. D’où l’importance pour chaque service concerné de se fixer
des objectifs, d’identifier ce qu’il faut changer ou
faire évoluer et d’essayer de se projeter sur ses
©PRODUCTIVIX
©JAKUB JIRSAK-FOTOLIA
William
Piedfort,
Fondateur du
cabinet de conseil
Productivix
NOVEMBRE 2015 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°99
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Olivier
Franceschini,
Directeur
Supply Chain
France
de Fresenius Kabi
©VALETTE
Un chef de projet ERP
made in Supply Chain ?
A priori, l’équipe en charge du pilotage de la Supply Chain peut s’attendre à jouer un rôle non
négligeable dans le cadre d’un projet de mise en
place d’un ERP. « Cette notion de transmission de
flux que l’on trouve au cœur de l’ERP présente
Fabienne
Hurlimann,
ex- Directrice
Supply Chain
chez Valette
90
©DESIGER491-FOTOLIA
besoins futurs (voir encadré page 92). En ce qui
concerne la direction Supply Chain, les objectifs
peuvent être divers et variés : améliorer le pilotage de la chaîne d’approvisionnement, optimiser
les niveaux de stocks, mieux réagir aux aléas,
booster le taux de service, etc. Il n’est d’ailleurs
pas inutile à ce stade de se fixer des objectifs chiffrés en termes de gains. La seconde raison pour
laquelle installer un ERP est rarement un long
fleuve tranquille est qu’il va falloir se plier à
l’exercice parfois douloureux de la remise en
question de ses processus et de son savoir-faire
à des fins d’amélioration. « Quand on met en place
un ERP, c’est en général pour faire mieux
qu’avant. En tout cas pour faire d’abord aussi
bien et puis ensuite faire mieux, soit en ajoutant
des fonctionnalités, soit en s’appuyant sur de nouveaux processus », note malicieusement Fabienne
Hurlimann, ex-Directrice Supply Chain du groupe
Valette Foie Gras, qui a aussi une expérience de
chef de projet ERP dans une autre entreprise du
secteur de l’agroalimentaire.
beaucoup de points d’adhérence avec l’état d’esprit des équipes en charge de la Supply Chain qui
sont habituées à piloter des flux physiques, et à
gérer des hommes et des femmes au sein de l’entreprise », considère Olivier Franceschini. Mais
paradoxalement, les directeurs Supply Chain en
exercice désignés chefs de projet ERP sont plutôt
rares dans les entreprises. Cela semble en effet difficilement compatible, à moins d’être détaché de
certaines fonctions opérationnelles le temps de la
mise en place du projet. Cela ne veut absolument
pas dire que le chef de projet ERP ne puisse pas
être choisi parmi les membres de l’équipe de pilotage de la Supply Chain. Tout dépend de son profil, de la diversité de son expérience au sein de
l’entreprise, et de ses compétences en gestion de
projet, en planification, en arbitrage sur des problèmes difficiles. « Il n’y a pas de règle générale,
le chef de projet ERP est choisi avant tout par
rapport à sa disponibilité et à sa connaissance
étendue de l’entreprise. Il est entouré par une
équipe d’utilisateurs clés ou super utilisateurs, qui
L’ERP, le couteau suisse de la Supply Chain ?
Au quotidien, l’ERP rend de fiers services à la direction Supply Chain, ne serait-ce que
pour la gestion transactionnelle de l’activité courante de l’entreprise, depuis l’enregistrement de la commande jusqu’à la livraison au client final, en passant par le calcul des
besoins net en matières premières, la définition du plan de production ou le choix
de tel ou tel fournisseur en fonction de critères prédéfinis (délais, priorités, prix,
etc.). Sans oublier des fonctions complémentaires de type gestion d’entrepôt ou
planification avancée. L’automatisation apportée par l’ERP permet par ailleurs aux
équipes de se concentrer sur la gestion des exceptions, en s’appuyant sur des rapports, des indicateurs et des alertes en cas de rupture de stock, ou au contraire de
surstock, ou encore si un seuil est dépassé dans les encours de production ou de
préparation. A cet égard, l’ouverture des ERP à la mobilité depuis quelques années
offre de nouvelles perspectives : les alertes ou les états d’avancement peuvent
être envoyés sur un smartphone en mode push, ce qui permet au responsable Supply
Chain de piloter l’activité en temps réel, y compris lors de ses déplacements à l’extérieur. Les ERP ont également réalisé d’importants progrès en matière d’ergonomie. « Il
y a 10 ans, je me souviens qu’il était très compliqué voire impossible de pouvoir gérer
simultanément sur un même écran des informations de suivi de production, de stocks
et de commandes clients. La technologie a évolué puisqu’aujourd’hui de nombreux
ERP permettent de personnaliser son tableau de bord avec par exemple le suivi des
informations sur le carnet de commandes, des ordres de fabrication et la consultation
des stocks », observe Patrick Truye, Directeur Supply Chain et IT de Comap. Même si
ce n’est pas sa fonction principale, l’ERP peut même aller jusqu’à servir d’outil d’aide
à la décision, via des modules spécialisés, qui facilitent les simulations sur les plannings
de production en changeant 1 ou 2 paramètres. JLR
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©TRUYE COMAP
©FRESENIUS KABI
DOSSIER
E R P
Patrick
Truye,
Directeur
Supply Chain
et IT
de Comap
devront être disponibles et bien connaître les processus de leurs métiers respectifs puisqu’ils seront
en quelque sorte les représentants pour le projet
des attentes et des besoins de leur service », considère William Piedfort.
L’importance de la vision transversale
Que le chef de projet soit de la DSI, de la direction
financière ou de la Supply Chain, l’important est
de garder en tête que l’ERP n’est pas à la base un
projet informatique, mais bien un projet d’entreprise, très orienté métier, dont le succès dépend
de son appropriation par les utilisateurs. « Je
pense, pour l’avoir vécu moi-même, que la vision
transversale extrêmement concrète et pragmatique
d’un responsable de la Supply Chain, des approvisionnements jusqu’à la livraison et la facturation, le rend légitime en tant que chef de projet
fonctionnel ou en tant qu’interlocuteur privilégié
de ce dernier, souligne Fabienne Hurlimann, car il
connaît les problématiques et les équipes, il sait
leur parler et il est souvent le seul à avoir cette
vision transversale sur un site de production par
exemple, afin de vérifier la cohérence des processus pour l’ensemble de la chaîne. » Suivant la
taille du projet, il peut exister un ou plusieurs
chefs de projets fonctionnels, qui sont là pour
définir le cahier des charges de l’ERP, pour décrire
les processus cibles. « Je pense qu’il faut surtout
savoir équilibrer l’impact des équipes métier et
informatique, y compris dans la phase de sélection de l’ERP. Certes, le poids de l’informatique
dans un projet reste important. Leur avis compte,
c’est évident, mais les processus, l’ergonomie de
tel ou tel workflow sont davantage du ressort des
super utilisateurs », détaille Patrick Truye, à la fois
Directeur Supply Chain et Directeur IT chez
Comap, fabricant de matériel de plomberie et de
chauffage pour le bâtiment. « Les équipes Supply
Chain sont également fort utiles pour aider l’IT à
chiffrer les gains potentiels de la modification
d’un processus informatique, pour calculer le ROI
avec des données réelles et des niveaux de stocks
tirés de l’exploitation ». Une fois que l’ERP sera
opérationnel, les équipes Supply Chain seront par
ailleurs très demandeuses de tableaux de bord personnalisés et de remontées d’alertes en tout genre
(voir encadré page 90). Plus tôt leurs besoins spécifiques d’ergonomie et de personnalisation seront
identifiés par la DSI ou l’intégrateur informatique
et mieux le projet s’en portera ! ■
JEAN-LUC ROGNON
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DOSSIER
E R P
3 conseils pour bien vivre son projet ERP
Limiter les développements spécifiques
Lors de la phase d’analyse de
besoins, les super utilisateurs
ont plutôt tendance à « se
lâcher » sur les demandes spécifiques, ce qui est loin généralement de chagriner l’éditeur,
alors que l’équipe informatique
cherche plutôt à les limiter, en
pensant à la maintenance et
aux difficultés futures rencontrées lors des changements de
version. Attention à la dérive
des « spés », c’est un subtil
jeu d’équilibre. L’analyse des
besoins doit rester réaliste dans
le dimensionnement et le périmètre du projet tout en
essayant d’anticiper les changements à venir. Le cahier des
charges n’a d’ailleurs pas forcément besoin d’être exhaustif,
avec une foule de détails, sauf
sur les fonctionnalités jugées
incontournables, essentielles ou
différenciantes pour l’entreprise. Selon Hans Kourimsky,
Directeur des Applications
SCM chez l’intégrateur Itelligence (partenaire SAP), tout
dépend du mode d’engagement demandé par le client :
« Si le projet est au forfait, il est
très important de définir clairement ses besoins afin de minimiser les risques d’incompréhension ultérieure avec l’intégrateur ou l’éditeur pouvant
conduire à un avenant au
contrat initial. En revanche,
en mode régie, le cahier des
charges peut se contenter de
mettre en avant les fonctionnalités de l’ERP jugées essentielles
pour l’entreprise. L’étude de
cadrage s’assurera que tout le
monde est en phase sur les
besoins et les évolutions que l’on
veut apporter ».
©C.POLGE
1
Hans
Kourimsky,
Directeur des
Applications
SCM
chez Itelligence
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Un ERP structurant
mais pas paralysant
L’agilité, l’évolutivité de l’ERP est
une donnée essentielle en ce
qui concerne la Supply Chain.
Et avec des délais de réponse
compatibles, car il n’est pas
envisageable d’attendre 5 j
pour actualiser un paramètre
de délai fournisseur ou 1 mois
pour modifier un processus de
préparation de commandes
(dans le cas d’un module WMS
intégré). Dans la phase de
sélection, il faut d’abord s’assurer que le système est suffis amment paramétrable et
adaptable (même si tout est
relatif). Il peut être utile de soumettre aux candidats en lice,
une quinzaine de jours à
l’avance, un scénario d’exécution dont ils devront réaliser
une démonstration. Ce miniprojet préalable devrait donner
une bonne idée des capacités
d’adaptation des uns et des
autres. « Il est vital dès le début
du projet de clarifier les règles
de gouvernance avec la DSI, et
de négocier de sa part davantage de réactivité pour les fonctionnalités utilisées par la Supply
Chain, avec parfois des modifications plusieurs fois par
semaine, contrairement aux flux
comptables ou financiers », note
en outre Hans Kourimsky.
Au quotidien, l’équipe Supply
Chain devra aussi gagner en
autonomie pour adapter ellemême certains processus, et
lorsque ce n’est pas possible
compte-tenu des limites de ses
compétences informatique, de
trouver la manière la plus efficace et diplomate de formuler
ses demandes à la DSI…
2
Des équipes impliquées
dès le début
La conduite du changement ne
commence pas à la phase de
déploiement de l’ERP. « Il faut
inclure les utilisateurs dès le
début du projet. Après, il est trop
tard, et il ne faudra pas s’étonner si certains sont tentés de
continuer à utiliser leur tableur
Excel », prévient William Piedfort. L’équipe Supply Chain doit
être impliquée dès la cartographie des processus. C’est aussi
l’occasion de lui demander
comment elle verrait les flux
dont elle a la charge si elle avait
à disposition une baguette
magique ! De cette manière,
personne n’a le sentiment
d’être mis devant le fait accompli. « Il faut veiller à ce que les
équipes soient rassurées par le
projet et y adhèrent. Il est très
important de communiquer
avec l’ensemble des équipes sur
le pourquoi et le comment de
chaque modification des processus et sur ce que cela va
apporter à l’entreprise », insiste
Fabienne Hurlimann. Côté formation, il ne faut pas hésiter à
demander à l’éditeur de fournir
un effort particulier pour mettre à disposition non seulement
des procédures écrites, mais
également des outils vidéo
d’e-learning. Mieux les équipes
seront formées, plus elles utiliseront le système, avec une
plus grande prise d’autonomie.
Le choix des utilisateurs clés est
également crucial : ce sont eux
qui seront les référents de
toutes les fonctionnalités et
développements spécifiques,
non seulement pendant le
déploiement, mais aussi après.
Leur stabilité au sein de l’entreprise est donc déterminante
pour le succès du projet ERP
dans la durée. ■ JLR
3
4. Elle détermine le niveau d’engagement
attendu (accompagnement des équipes de
projets sur les modalités de choix de solutions)
5. Elle s’engage aux côtés de son Comité de
Direction pour cibler la « meilleure » solution
(durée de vie moyenne d’un ERP estimée à
10 ans, d’où l’importance de fiabiliser cet
investissement à long terme. 8 critères sont
déterminants dans le choix d’un ERP : couverture fonctionnelle, pérennité de l’éditeur,
roadmap de la solution, positionnement à l’international, disponibilité des ressources, références clients, évolutivité de la solution et
liberté d’adaptation, arbitrage des demandes spécifiques)
6. Elle construit un partenariat « gagnant
gagnant » avec l’intégrateur (partage de
valeurs communes entre les 2 DG, choix de
l’intégrateur selon 9 critères : l’intégration ERP
comme cœur de métier, expertise technique
et fonctionnelle reconnue pour la solution
choisie, une méthodologie éprouvée et agile,
un engagement sur les résultats, un partenriat fort avec l’éditeur de la solution retenue,
une solidité et indépendance financière, un
développement à l’international et des références clients significatives)
Pour encore trop de projets en dérive ou en
échec, la faute est attribuée à la DSI ou à la Direction de projets… alors que bien souvent, c’est la
Direction Générale qui n’a pas totalement joué
son rôle ! », insiste Guy Tubiana. ■
Guy
Tubiana,
Président de
TVH Consulting
©M INI POTTER-FOTOLIA
Pour Guy Tuniana, Président de TVH Consulting,
société internationale indépendante spécialisée
dans le conseil, la mise en œuvre, l’intégration et
l’hébergement de solutions ERP majeures, le rôle
des Directions Générales est décisif dans la réussite des projets ERP. « Selon une étude du CXP
réalisée auprès de 324 décideurs en mai 2014,
la contribution de l’ERP aux performances de
l’entreprise est jugée très forte ou forte par 54 %
des dirigeants interrogés. Par conséquent, l’ERP,
cœur du système d’information, doit être envisagé comme une composante essentielle de la
stratégie de l’entreprise, et quand il se renouvelle, il offre la formidable opportunité de se
réinventer ! L’implication de la Direction Générale est donc primordiale pour la réussite d’un
projet ERP et ce, à 6 niveaux :
1. Elle doit s’assurer que le projet ERP s’inscrit
dans l’ADN de l’entreprise (respect de la
nature profonde de l’entreprise en termes de
métiers actuels et futurs, d’histoire et de
valeurs, etc.)
2. Elle fixe le seuil de tolérance aux « mauvaises
pratiques » (qui fragilisent les données et
rendent le pilotage de l’entreprise complexe)
3. Elle définit les enjeux stratégiques et les objectifs
du projet (fixer un périmètre et un planing de
projet en phase avec les moyens humains et
financiers attribués, insuffler une dynamique et
communiquer tout au long du projet, cadrer le
projet, amortir ce projet d’investissement sur
10 ou 15 ans)
©TVH CONSULTING
Guy Tubiana,
Président de TVH Consulting
« La réussite d’un projet ERP relève de la seule responsabilité
de la Direction Générale »
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DOSSIER
E R P
ERP, une meilleure
couverture
de la Supply Chain
Les grands éditeurs d’ERP internationaux ont adressé les problématiques de Supply Chain à travers
des outils standards et limités dans un 1er temps. Depuis 10/15 ans, via des modules dédiés de
gestion d’entrepôt, du transport, de prévisions et de planification sous-contrainte… plus pointus
(acquis ou développés en propre), ils répondent aux demandes de leurs clients industriels et
distributeurs, voire prestataires logistiques. La tendance s’affirme désormais aussi chez les éditeurs
d’ERP du mid-market et de PME/TPE qui enrichissent leurs offres fonctionnelles en matière de SCM
et intègrent les 3PL dans leur cible. Quelques exemples, du point de vue des éditeurs pour illustrer
cette tendance.
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IFS
©J ÉRÔME ROMMÉ-FOTOLIA
« Beaucoup d’ERP viennent de la finance, tandis
qu’IFS vient de la maintenance, donc de l’opérationnel », souligne Jérémy Jeanjean, Consultant
avant-vente IFS. Fondé en 1983, IFS est un éditeur suédois resté indépendant. Il s’adresse principalement aux ETI et aux Grands Comptes à
l’international, soit à des sociétés ayant des processus complexes. IFS Applications intègre des
fonctionnalités de gestion des projets d’entreprise
(EPM), de gestion des actifs d’entreprise (EAM) et
de gestion des services (ESM). « La Supply Chain
est vraiment centrale », commente Jérémy Jeanjean. Il observe des remises en cause des délocalisations du sourcing et une relocalisation des
opérations de personnalisation (différenciation
retardée). La multiplication des références, pour
ne pas gonfler démesurément leur base, conduit à
recourir davantage aux configurateurs (afin de
gérer plutôt une référence avec options et
variantes). « On nous demande de plus en plus
d’intégrer CRM IFS pour remettre le client au centre du dispositif et pouvoir remonter en direct des
données clients et d’usage des produits », note-til encore. De même, les prévisions se veulent plus
collaboratives, afin d’impliquer tous les responsables. « En avant-vente, nous n’avons pas une
approche top-down mais remontons par capillarité en considérant les besoins de la production, de
la SC, des RH… et en leur prouvant que nous
répondons à leurs besoins. […] Avec la multiplication des risques et des aléas du sourcing
(conflits armés, règles de compliance pays/produits, réglementations environnementales…), les
SC Manager doivent gérer une très grande complexité, d’où la nécessité de s’appuyer sur un SI
fiable », ajoute-t-il. IFS Labs, cellule de développement long terme travaille d’ailleurs sur des
solutions auto-apprenantes basées sur de l’intelligence artificielle afin d’élaborer des solutions
automatisées de choix de fournisseurs. Les
réseaux sociaux internes (IFS Talk), qui permettent de capter des échanges autours des transactions pour en conserver le contexte, ont aussi du
succès à présent. Moins connu, IFS a aussi développé une solution de prévisions et d’optimisation
des réapprovisionnements avec des retailers scandinaves (ex: Stadium). « A l’avenir, la réalité augmentée devrait faciliter la reconnaissance de
pièces, de colis, de codes-barres. Les objets
connectés devraient bouleverser la maintenance
prédictive et l’impression 3D, la production de
pièces et leurs stocks », prévoit Jérémy Jeanjean.
Pas mal de changements à venir donc…
©IFS
Anticiper les besoins des ETI
et des Grands Comptes
Jérémy
Jeanjean,
Consultant
avant-vente
d’IFS
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DOSSIER
E R P
Infor
Intellect Technology
©TOKEMA I NTERNATIONAL
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Nathalie
Regnier,
Industry
& Solutions
Strategy Director
d’Infor
©TOKEMA I NTERNATIONAL
Selon Nathalie Regnier, Industry & Solutions
Strategy Director d’Infor, pour répondre aux
demandes des clients en matière de SCM, il faut
être prêt sur 4 points. Le 1er est d’avoir une offre
cloud. « Cela devient un sujet pour le WMS, mais
aussi pour le Forecasting et le S&OP, selon les
entreprises, soutient-elle. Les solutions en mode
cloud sont aussi une réponse pour les Logistics
Providers qui ont besoin de déployer leurs solutions rapidement chez leurs clients, mais aussi
d’harmoniser leurs systèmes hétérogènes suite à
leurs diverses acquisitions. » Infor a d’ailleurs
prévu de lancer son module IBP (Integrated Business Planning) en mode cloud d’ici 6 mois. Et
Oracle lui donne raison puisque l’éditeur américain a annoncé fin octobre la mise à disposition
d’Oracle Planning Central Cloud (« qui combine
les prévisions et la planification des stocks et des
approvisionnements dans un environnement analytique multidimensionnel capable de produire des
recommandations intelligentes en présentant les
informations complexes de la Supply Chain dans
un format simple et efficace », promet l’éditeur) et
d’Oracle Manufacturing Cloud, pour compléter
son offre Oracle Order Management Cloud. « Le
2nd point est la visibilité de bout en bout en interne
et en externe », poursuit-elle. D’où l’acquisition de
GT Nexus, afin de contrôler en permanence sur
toute la chaîne où se trouvent les marchandises.
« Nous sommes en train de travailler à intégrer
cette visibilité de A à Z dans le S&OP et la SC
Execution », dévoile la Directrice stratégique. Le
3e point porte sur l’analytics avec la possibilité
de regarder directement dans la solution tout ce
qui concerne le client et ses demandes. Enfin, il
est nécessaire d’après elle de développer des
fonctionnalités et des indicateurs spécifiques à
diverses industries pour accélérer les déploiements (ex : déclinaison alimentaire/boisson pour
le S&OP).
Un ERP pour les Freight Forwarders
et les agents maritimes
©I NFOR
Le SCM en 4 points clés
Pierre
Liguori,
Directeur
de Tokema
International
Ecran E-Freight
de Tokema
International
N’étant pas la priorité des éditeurs d’ERP, qui leurs
préféraient les industriels et les distributeurs pour
la plupart, les prestataires logistiques ont longtemps été les parents pauvres de ce marché. Ne
trouvant en général pas chaussure à leur pied en
standard en matière de logiciel intégré, ils ont
préféré le plus souvent développer leurs propres
solutions maisons, complétées parfois par des
progiciels du marché (TMS, RH, Compta…). Les
majors (SAP, Oracle…), qui se font fort de couvrir
de nombreux marchés, ont adapté leurs solutions
pour répondre à cette cible, mais peu d’éditeurs
ont fait le choix de leur dédier leur solution intégrée. C’est toutefois le cas d’Intellect Technology,
une SSII américaine de 35 personnes qui a développé 2 ERP métiers : E-Freight, destiné aux
Freight Forwarders et E-Ship, conçu pour les
compagnies et les agents maritimes. Exploités
dans une douzaine de pays en Amérique du Nord
et en Asie, ces ERP intègrent divers modules (CRM
pour la gestion des prospects et des clients, cotation, processus opérationnel, comptabilité…). Les
sociétés auxquelles ils s’adressent en priorité
comptent entre 25 et 300 utilisateurs, mais il peut
en gérer jusqu’à 500. Conscient de l’importance
du marché en Europe, Intellect Technology
compte s’y développer dès 2015. « Nous avons été
sélectionnés comme partenaire de développement
en Europe, déclare Pierre Liguori, Fondateur de
Tokema International. Intellect Technology propose un outil global et standardisé qui peut être
customisé par des développeurs en Inde et aux
Etats-Unis », complète-t-il. Si le déploiement
global des solutions est effectué en anglais, la personnalisation va jusqu’à faire des maquettes
en langage local et à adapter la comptabilité
(ex : aux diverses provinces de Chine). Déjà interfacé avec Traxxon, E-freight devrait l’être avec
AP+ au 1er semestre 2016. Ces ERP peuvent être
vendus en mode licence
ou Saas.
Basé à Londres avec un
b u r e a u à S i n g a p o u r,
Tokema International a été
créé en 2013. C’est un cabinet de conseil en SCM &
logistique qui veut se développer sur les technologies,
le secteur médical et le
développement durable.
Qualiac
moyen terme, tous les modules Qualiac par exemple les achats (la recherche de fournisseurs étant
un vrai projet) », dévoile Jonathan Fontanel. Le
but étant de lier les modules les uns aux-autres
pour mieux gérer des tâches réparties dans plusieurs actifs. « Nous investissons dans plusieurs
secteurs différents. Au niveau de la gestion d’entrepôt, nous avons aussi développé la vision graphique avec une cartographie d’accès aux
produits, la consultation des stocks via des indicateurs, etc. Nous sommes capables de suivre la
trajectoire des produits…, complète l’Analyste.
Nous nous intéressons très fortement à l’optimisation de multiples paramètres pour piloter et
gérer les flux tendus le plus finement possible.
Dans l’entrepôt, nous gérons par exemple des terminaux portables qui permettent des consultations
en temps réel. Les directions Supply Chain ont
aussi besoin de hauteur de vue et d’agréger des
charges aux niveaux stratégique, tactique et opérationnel afin d’avoir une vision claire de l’entreprise pour demain », conclut-il. Qualiac compte
s’appuyer sur son savoir-faire en matière de flux
financiers pour se créer un avantage concurrentiel en matière de Supply Chain Management.
A suivre ! ...
Jonathan
Fontanel,
Analyste Stratégie
produit
de Qualiac
Gantt
de ressources
Qualiac
©QUALIAC
« La capacité infinie, c’est fini ! », peut dorénavant se targuer Qualiac, depuis qu’il a développé
un nouveau module d’ordonnancement à capacité finie. Créé en 1979 par un informaticien et
une pharmacienne, l’éditeur s’était d’abord
concentré sur les flux financiers avant de s’attaquer aux flux physiques. En 2014, il a réalisé un
CA de 14,8 M€, emploie 150 collaborateurs sur 3
sites (20 à Paris, 50 à Chamalières et 80 à Auriac)
et consacre 25 % de son CA à la R&D. Alors pourquoi avoir attendu si longtemps pour développer
ce module ? « Qualiac réfléchissait depuis longtemps au développement de fonctions d’ordonnancement et de planification à capacité finie,
mais nous attendions de pouvoir nouer un partenariat fort avec un client volontaire, ce qui est
chose faite avec un laboratoire pharmaceutique,
révèle Jonathan Fontanel, Analyste Stratégie produit chez Qualiac. Ce dernier avait en effet besoin,
dans le cadre de la construction d’une nouvelle
usine, de planifier et ordonnancer ses ordres de
fabrication en fonction de ses ressources, puis de
déterminer les dates d’envoi des lots. » Jusque-là,
Qualiac faisait appel aux spécialistes de l’ordonnancement (Ortems ou Preactor Groupe Siemens),
ce qui supposait des interfaces entre son ERP Flux
Physiques et cette solution tierce. « Avec l’aide de
2 chercheurs experts en recherche opérationnelle
d’un laboratoire public, le Limos, nous avons
développé un module Qualiac s’appuyant sur des
algorithmes innovants de planification à capacité
finie pour ce client et au-delà. Demain, nous
devrions aussi intégrer la gestion de projet à capacité finie (projets contraints en ressources) et à
©QUALIAC
Un module en propre d’ordonnancement à capacité finie
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DOSSIER
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Wavesoft
©WAVESOFT
Un ERP ajusté pour les TPE, PME/PMI
Eric Orenes,
©B USINESS MAN EMPLOYER-FOTOLIA
Directeur
Commercial
& Marketing
de Wavesoft
Les TPE et PME/PMI n’ont pas des besoins aussi
étendus et pointus que leurs consœurs de plus
grande taille. Elles ont néanmoins besoin d’anticiper via des prévisions, de piloter leurs approvisionnements et leurs niveaux de stocks, de tracer
leurs mouvements et leurs produits, voire de gérer
le plus finement possible des produits périssables.
Wavesoft, éditeur d’ERP créé en 2003, s’adresse
en priorité aux TPE et PME/PMI de 10 à 70 personnes de l’industrie, du négoce et des services.
Mais il peut gérer jusqu’à 300 personnes comme
l’atteste son client Boule Obut. « Sur la partie
logistique, les besoins sont plus avancés. Nous
nous interfaçons avec les 2/3 SI (WMS, TMS) afin
que l’intégration soit la plus transparente possible pour l’utilisateur et que nous puissions gérer
au mieux l’entrepôt, optimiser les coûts transporteurs, etc.», indique Eric Orenes, Directeur Commercial & Marketing de Wavesoft. Au niveau des
prévisions de ventes, l’ERP gère les historiques de
ventes dans la brique BI et n’a pas de module
dédié. « L’outil permet de réaliser un approvisionnement automatique basé sur des règles assez
sommaires », décrit Eric Orenes. L’ERP optimise
néanmoins les niveaux de stocks en fonction des
taux de rotation des articles et cherche à éviter
les ruptures en tenant compte de contraintes fournisseurs simples (qualité, délais d’approvisionne-
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N°99 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - NOVEMBRE 2015
ment, tarifs). Mais ce logiciel accessible pour
quelques milliers d’euros intègre également une
gestion des produits à date (DLUO, DLC…) et des
Nos de lot (consommation, traçabilité, priorités de
sortie, etc.). Son calcul des besoins s’appuie sur
les règles classiques du MRP2. Il est capable de
gérer jusqu’à 100.000 références en travaillant par
exception. « Les clients qui viennent à nous cherchent un SI qui leur permet d’avoir des calculs de
stocks justes, ce qui suppose une traçabilité complète de tous les mouvements sur toute la vie des
matières premières et des produits finis, observe
Eric Orenes, qui poursuit : Autour de ces aspects
gestion de stocks, de valorisation et de traçabilité,
ils recherchent un modèle d’organisation. Dans
l’ERP, la brique CRM qui permet de suivre la relation avec les tiers (fournisseurs, clients…) est un
vrai plus. » Pour lui, la brique CRM et la brique
décisionnelle sont les deux éléments que s’approprient de mieux en mieux les entreprises. La
mobilité, pour s’affranchir des contraintes de
sédentarité, est aussi une demande à laquelle
Wavesoft répond (module CRM en mode asynchrone pour travailler sur une base locale). En
revanche, selon lui, ses clients préfèrent le mode
licence au cloud pour s’affranchir des problèmes
de connexion des infrastructures telecom. ■
CATHY POLGE
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