Le 9 janvier 2014 Thérapie cellulaire et thérapie génique : mythes et

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 Le 9 janvier 2014 Thérapie cellulaire et thérapie génique : mythes et réalités d'après la conférence d'Olivier Boyer Directeur de l'Institut de recherche et d'innovation biomédicale de Haute-­‐Normandie (IRIB), Directeur d'unité de recherche Inserm en immunologie à Rouen -­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐ Les biothérapies sont des thérapeutiques complexes issues du vivant. Elles se distinguent donc des médecines fondées sur des médicaments produits par la chimie. Dans la thérapie cellulaire, le médicament est une cellule et dans la thérapie génique, le médicament est un gène. La thérapie cellulaire : le traitement par les cellules. Quelques rappels : Tous les êtres vivants sont faits d'une ou plusieurs cellules. Toute cellule provient d'une autre cellule par division cellulaire. Unité vivante, la cellule est une entité autonome capable d’assurer ses fonctions vitales. La cellule est individualisée grâce à la membrane plasmique. La cellule renferme l'information nécessaire à son fonctionnement et à sa reproduction. Un être humain adulte possède 1014 cellules soit 100 000 000 000 000 cellules! Ces cellules peuvent être de nature très diverse (neurone, globules blancs, ovule …). Toute cellule possède de l'information génétique sous forme d'ADN. Quand une cellule se divise, elle commence par multiplier son ADN par 2. En doublant ainsi ses gènes, elle pourra donner naissance à 2 cellules. Prenons l'exemple d'un tissu composé de nombreuses cellules. Sous l'effet de la maladie voire du vieillissement, un certain nombre de cellules vont disparaître. On peut considérer théoriquement 2 approches pour y remédier : -­‐ on remplace les cellules qui disparaissent par des cellules de même nature: on les prélève, on les développe dans un laboratoire puis on les réinjecte dans le tissu. Cette application a des limites car il s'agit de cellules matures qui ne seront pas capables à long terme de persister et de re-­‐fabriquer en permanence du tissu. Olivier Boyer -­ Thérapie cellulaire et thérapie génique : mythes et réalités Page 1 -­‐ on injecte des cellules souches capables de fabriquer localement les cellules matures qui manquent. Cette technique est plus efficace et a l'avantage qu'il persiste une cellule souche capable de régénérer l'organe en permanence. Ce concept de médecine régénératrice remonte à Hippocrate qui en avait eu l'intuition dès le IVe siècle avant Jésus-­‐Christ : « Le corps contient en lui-­‐même le pouvoir de rééquilibrer ses humeurs et de se guérir lui-­‐même ». La thérapie cellulaire consiste donc à utiliser comme médicaments les cellules adultes ou les cellules souches. Il s'agit de les greffer chez un patient dans le but de restaurer les fonctions d'un tissu ou d'un organe. Dans la nature, il existe des espèces vivantes multicellulaires, comme la salamandre, capables de régénérer un membre entier qui a été amputé totalement. Ce n'est bien entendu pas le cas de façon spontanée pour les mammifères mais cet exemple en pose la possibilité théorique. Que peut-­‐on envisager chez l’homme ? La cellule souche a des propriétés particulières : -­‐ elle s'auto-­‐renouvelle. A chaque fois qu'elle se divise pour en donner 2, il y en a toujours une qui reste souche. Il y aura donc toujours un contingent de cellules souches ; -­‐ elle est aussi capable de différenciation, c'est-­‐à-­‐dire d'acquérir des caractères particuliers pour devenir capable d'exercer ses fonctions (cellules musculaires, cardiaques, nerveuses…). Ces cellules souches permettraient donc d'assurer le renouvellement de l'organe à long terme et les fonctions dont on a besoin par cette différenciation. Il faut distinguer les cellules souches embryonnaires et les cellules souches adultes. Dans l'embryon se trouve la cellule souche par excellence : c'est la cellule souche totipotente, issue de la fécondation d'un ovocyte (ovule) avec un spermatozoïde. C'est la seule capable de donner un individu complet ainsi que les annexes embryonnaires (placenta, cordon ombilical) si elle est implantée dans un utérus. Au cours du développement embryonnaire, cette cellule se divise en cellules souches pluripotentes qui ont vocation à former tous les tissus de l'organisme, mais ne peuvent pas, seules, être à l'origine de l'être humain car elles ne peuvent pas former les annexes embryonnaires. Chez l'adulte, il existe des cellules souches multipotentes. Elles peuvent donner naissance à plusieurs types de cellules différenciées mais leurs potentialités sont plus restreintes que celles des cellules souches embryonnaires. Il s'agit, par exemple, des cellules souches hématopoïétiques qui donnent les globules rouges, les plaquettes, les lymphocytes… mais qui ne peuvent donner spontanément naissance à des cellules musculaires ou nerveuses par exemple. Enfin, les cellules souches unipotentes ne peuvent produire qu'un seul type cellulaire tout en s'auto-­‐
renouvelant (comme la peau, le muscle…). L'histoire des cellules souches humaines commencent avec les travaux de l'américain Edward Thomas puis du français Georges Mathé qui, en 1959, réalise la première greffe de cellules souches hématopoïétiques (CSH) chez l'homme. En 1998, l’américain James Thomson isole pour la première des souches embryonnaires pluripotentes chez l’homme. En 2007, le japonais Shinya Yamanaka réussit le prodige de reprogrammer une cellule adulte en cellule souche pluripotente induite (iPS) qui a les mêmes propriétés qu'une cellule souche embryonnaire. Il obtiendra le prix Nobel de médecine pour cette découverte. Cette découverte pose le principe d’une révolution médicale potentielle mais la réalité de son application n’est pas encore avérée. Les greffes de cellules souches hématopoïétiques sont, elles, une réalité. On les trouve dans la moelle osseuse, dans le sang périphérique après injection d’un facteur de croissance ou dans le sang du Olivier Boyer -­ Thérapie cellulaire et thérapie génique : mythes et réalités Page 2 cordon ombilical (la française Eliane Gluckman a réalisé la première greffe de sang de cordon en 1988). Elles permettent de soigner plus de 1700 patients par an en France pour des leucémies ou des déficits immunitaires par exemple. Il existe un fichier national et international de donneurs volontaires. En France, 3 principes régissent le don de moelle osseuse : le libre consentement, l'anonymat et la gratuité. Cette conception n'est pas partagée par tous les pays. Les cellules souches embryonnaires (CSE) sont en théorie les plus capables car elles peuvent potentiellement fabriquer pratiquement tous les tissus d'organes. Leur utilisation ne se fait pas en les injectant directement dans un tissu car il y a alors des risques de tumeurs. L'avenir des CSE est plutôt d'être différenciées en un type cellulaire plus mature. Par la suite, ce sont ces cellules différenciées qui seraient injectées pour une thérapie cellulaire. L'utilisation des CSE pose aussi de nombreuses questions. D'abord d'ordre éthique, puisqu'il y a destruction d'embryons. Ensuite, en termes d'immunogénicité, puisque implanter des CSE s'apparente à une greffe d'organes, il y a toujours un risque de rejet à surveiller. Enfin, les chercheurs n’écartent pas un risque de cancer puisque ces cellules donnent spontanément des tumeurs (même si elles sont bénignes : tératome) et qu'elles se multiplient indéfiniment. Actuellement, il y a 2 essais cliniques en cours aux USA dans des maladies de la rétine. Le clonage thérapeutique est différent, car il consiste à prendre un ovule dont on a enlevé le noyau qu'on remplace par le noyau d'une cellule d'adulte. En recevant les gènes d'un autre, cette cellule fournit une source de cellules souches embryonnaire provenant en quelque sorte d’un jumeau. Le clonage pose énormément de questions éthiques (trafic d'ovules, création d'êtres hybrides…) et permettrait potentiellement de donner un individu qui génétiquement identique à l'original qui a fourni son génome (clonage reproductif comme la brebis Dolly). La thérapie génique : le traitement par les gènes. On utilise la thérapie génique pour traiter une maladie en modifiant l'information génétique dans les cellules du patient. Elle modifie le génome humain dans certaines cellules mais de façon non transmissible à la descendance. La pratique la plus courante est la thérapie génique d'addition qui consiste à ajouter de l'ADN au génome dans le but de remplacer un gène défaillant. La thérapie génique ne sert pas qu'à soigner les maladies génétiques. Elle est aussi utilisée dans les maladies acquises et notamment pour soigner les cancers (en mettant des gènes qui détruiront les cellules cancéreuses ou des gènes qui stimuleront l'immunité). Une fois le gène sélectionné pour son potentiel thérapeutique face à une pathologie, une étape cruciale de la thérapie génique est de faire pénétrer la nouvelle information génétique dans l'organisme du patient. Pour ce faire, on utilise le plus souvent un vecteur dérivé d'un virus car ils sont particulièrement efficaces pour transférer leur propre matériel génétique dans les cellules humaines. Il s'agit bien entendu d'un virus défectif qu'on a rendu inoffensif en détruisant tout ou partie de leurs propres gènes pour les remplacer par le gène-­‐médicament. Il existe plusieurs méthodes pour administrer le vecteur : -­‐ la thérapie génique ex vivo qui consiste à prélever sur le patient les cellules cibles, à les modifier génétiquement avec le vecteur viral porteur du gène thérapeutique puis à les réintroduire chez le patient ; -­‐ la thérapie génique in vivo qui consiste à injecter le vecteur portant le gène thérapeutique directement dans la circulation sanguine ou dans un tissu; le vecteur peut ainsi atteindre spécifiquement les cellules cibles. Olivier Boyer -­ Thérapie cellulaire et thérapie génique : mythes et réalités Page 3 Les patients traités aujourd'hui le sont dans le cadre de recherche clinique. Il s'agit donc encore pour l’essentiel de protocoles de recherche mais un premier médicament a été autorisé en 2012. Le cas des enfants-­‐bulles Ces enfants sont atteints d'une maladie génétique rare caractérisée par une absence totale de lymphocytes T, des cellules indispensables à la défense de l’organisme contre les infections. Afin de combler ce manque de défenses immunitaires, les enfants touchés par cette maladie sont placés dès la naissance dans des chambres stériles. Pour ces « bébés-­‐bulles », l’espoir de bénéficier un jour de la reconstitution de leur système immunitaire passe par une greffe de moelle osseuse issue d’un donneur familial compatible (idéalement un frère ou une sœur). Toutefois, la réussite de ces greffes est conditionnée par un certain nombre de facteurs limitants (manque de donneurs, risque de complications graves). En 1999, Alain Fischer propose une nouvelle méthode de thérapie génique chez des enfants n’ayant pas de donneur compatible: elle consiste à insérer une copie normale du gène altéré dans les cellules souches hématopoïétiques des enfants malades. Pour cela, le gène-­‐médicament est inséré en dehors de l’organisme (ex vivo) dans les cellules du patient grâce à un vecteur viral de type rétrovirus. Ce vecteur permet la pénétration du gène dans la cellule, son insertion au sein du génome et la production de la protéine manquante chez les enfants. Une fois cette étape réalisée, les cellules corrigées sont réinjectées au patient et peuvent donner naissance aux lymphocytes T en levant le blocage de leur développement. Les premiers enfants ainsi traités par thérapie génique ont pu retrouver un système immunitaire fonctionnel et échapper aux infections à répétition. Quatre d’entre eux ont néanmoins développé une leucémie à la suite de la thérapie. Trois enfants en guériront mais l'un en décèdera. Malgré le prix lourd de cet effet secondaire, il convient de raisonner en termes de rapport bénéfice/risque : une efficacité aussi considérable rend acceptable un certain degré de risque chez des patients n’ayant aucune autre option de traitement. Le principe de précaution inscrit dans la Constitution incite cependant à éviter à tout prix ces risques. C’est pourquoi de nouveaux vecteurs (dits lentiviraux) plus sûrs sont en cours d’évaluation. Il devrait alors être possible de tirer bénéfice de ce nouveau traitement sans courir le risque de leucémie secondaire chez une minorité de patients. Un nouveau vecteur lentiviral de ce type a été utilisé pour la première fois chez l’homme par Nathalie Cartier et Patrick Aubourg dans un maladie neurodégénérative grave, l’adrénoleucodystrophie. La question économique se pose aussi. Quel financement pour ces nouvelles thérapeutiques ? Depuis 2012, il existe un médicament de thérapie génique sur le marché, le Glybera. On estime qu'un traitement par le Glybera revient à plus de 1 million d’euros … Des discussions entre les pouvoirs publics, les laboratoires pharmaceutiques, les associations de malades et les chercheurs sont nécessaires pour trouver le bon modèle économique. Il s'agit de choix de société. Conclusion Thérapie cellulaire, thérapie génique : mythe ou réalité ? Il ne faut pas, en tous les cas, avoir une vision naïve des ces traitements. Certains procédés sont arrivés à maturité, d'autres ne sont qu'à l'état embryonnaire : -­‐ pour les cellules souches hématopoïétiques, aujourd'hui c'est une réalité (1700 patients traités, une organisation internationale…), -­‐ pour les cellules adultes différenciées et la thérapie génique, c'est un peu moins mature mais des médicaments commencent à être approuvés par les autorités réglementaires, -­‐ pour les cellules souches embryonnaires et les iPS, on n'en est vraiment qu'au tout début avec des espoirs, des risques potentiels et des débats éthiques et/ou techniques importants. Olivier Boyer -­ Thérapie cellulaire et thérapie génique : mythes et réalités Page 4 
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