4
2015 est bien partie pour être l’année des fusions-acquisitions. Les entreprises françaises ont réduit leurs coûts
et leur endettement. Elles sont aujourd’hui en état de procéder à des acquisitions, notamment à l’international,
ne serait-ce que pour ne pas devenir des cibles. Les liquidités injectées par la BCE et les taux d’intérêt bas ne
peuvent que les encourager à réaliser des opérations de croissance externe, avec des conditions de financement
exceptionnelles qui ne dureront pas indéfiniment.
Pour autant, les risques financiers et géopolitiques sont-ils suffisamment pris en compte dans les cotations actuelles
et les primes de contrôle payées ? Attention donc, dans ce contexte de bulle financière, à l’impact d’une acquisition
sur les résultats comptables futurs : amortissement et dépréciation des actifs incorporels acquis et risque de
dépréciation (« impairment ») du goodwill constaté. D’autant que ces opérations privent l’acquéreur de l’impact
positif sur le résultat regroupé, post acquisition, des marges engrangées par l’entreprise acquise (stocks, contrats
avantageux, etc.).
Contrairement aux normes françaises de consolidation, stables depuis quinze ans, les normes comptables
internationales en matière d’acquisitions ont beaucoup bougé ces dernières années avec IAS 22, IFRS 3 et IFRS 3
Révisée (IFRS 3 R), qui vient de faire l’objet d’une consultation publique. IFRS 3 R est une norme stratégique à double
titre. D’abord parce qu’elle traite d’un sujet crucial, les regroupements d’entreprises avec prise de contrôle, ensuite
parce que c’est la première à avoir été produite conjointement par l’IASB et par le FASB, le normalisateur américain.
Selon cette norme, il convient :
• d’identifier l’acquéreur (pas de « fusion entre égaux » pour les préparateurs de comptes !), quel que soit le
montage juridico-fiscal retenu ;
• de prendre immédiatement en charges les coûts liés à l’acquisition ;
• de déterminer la date à laquelle l’acquéreur a obtenu le contrôle de la cible ;
• d’inventorier les éléments identifiables acquis, y-compris les actifs et les passifs qui ne figurent pas au bilan de
l’entreprise acquise (marques, relations clientèle, avantages du personnel, passifs éventuels, etc.) ;
• de mesurer ces actifs et ces passifs à leur « juste valeur » à la date d’acquisition, même lorsqu’il est difficile
d’observer des prix de référence ;
• de constater le goodwill résiduel, non amortissable mais soumis au moins une fois par an à un test de dépréciation.
S’agissant de ce goodwill, reflet de la valeur des immatériels ne pouvant être comptabilisés et des synergies
attendues, IFRS 3 R laisse à l’acquéreur le choix, lorsqu’il n’a pas acheté la totalité des titres de la cible, entre la
méthode du goodwill partiel et celle du goodwill complet. Avec cette dernière méthode, on ne peut plus parler de
PPA (« Purchase Price Allocation »), puisque c’est la valeur supposée de la cible à 100%, et non le prix payé pour
la part donnant le contrôle, que l’on répartit entre les actionnaires de la mère et les minoritaires. Il est donc plus
approprié, pour la constatation comptable du coût d’entrée de l’entreprise acquise, de parler « d’inventaire des actifs
et passifs acquis ».
EDITO