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Hôpital de La Chaux-de-Fonds Service des Urgences
N°49 , Mai 08 Auteurs : Dresse A. Charmoy Responsable :
Dr C.Sénéchaud
Phénomène de
Lazare : mythe ou
réalité niée ?
Cas 1 : Samedi 5 février 06, 08 :32, La Chaux de Fonds
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suspectées (colonne/crâne)
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Homme de 66 ans admis au bloc pour une rupture d’anévrisme
de l’aorte abdominale en état de choc
Remplissage rapide avec des liquides chauds permettant une
augmentation TAS jusqu'à 120mmHg
05 :33 : Incision chirurgicale
05 :59 : TV progressant rapidement en FV -> RCP d’une durée de
17min -> présence d’une asystolie et mydriase bilatérale
06 :17 : constat de décès, arrêt des moniteurs de surveillance et
déconnexion du ventilateur, tube laissé en place.
06 :27 … le chirurgien, profitant de l’opportunité pour faire de
l’enseignement à son assistant perçoit un pouls au niveau de
l’aorte proximale au dessus du clamp….
Reprise du monitorage et d’une ventilation, rythme sinusal à
90/min, TAs 90mmHg, poursuite de l’opération
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Homme de 47 ans retrouvé inconscient dans des toilettes
publiques chauffées
A l’arrivée des secours (délai total estimé à 15min) : Rythme
initial : PEA -> début de la RCP avec ALS -> conversion PEA en
FV -> retour à circulation spontanée pendant quelques secondes à
13 min de réanimation
En accord avec médecin, par téléphone, arrêt de la Réa après 26
min. décès prononcé
Déconnexion monitoring, tube laissé en place, patient placé dans
un sac mortuaire
15min plus tard… un policier ouvre le sac pour l’examen du
cadavre et trouve un patient respirant spontanément -> reprise
monitorage : rythme sinusal 57/min, normotendu
Aux urgences : hypotension, hypothermie, pas de signes
d’ischémie cardiaque, OH 3.1
Hospitalisation aux soins intensifs : traitement d’une pneumonie
d’aspiration
Cas 4 :
Homme de 27ans, toxicomane, retrouvé inconscient après une
injection iv de drogues (opioïdes, cocaïne)
A l’arrivée des secours : GCS 3/15, FR 4/min, traces d’injection
reçoit de la naloxone -> réveil du patient qui marche jusqu’à
l’ambulance
Pendant le trajet : ACR -> début réanimation
A l’hôpital : asystolie -> poursuite de la RCP avec ALS -> décision
de stopper la réanimation après 25min, toujours asystolie,
déclaration du décès
Après 1min… réapparition d’un rythme organisé sur le
monitoring et d’un pouls radial palpable, TAs 140mmHg.
soins intensifs : pneumonie d’aspiration, septicémie, ARDS
Définition :
Phénomène de Lazare : Retour spontané d’une circulation après
arrêt/abstention des mesures de réanimation (record : >75min de
réanimation).
La première description médicale de ce phénomène remonte à
1982 dans un article de Linko parut dans le Lancet * :
Femme de 68 ans présentant un infarctus aigu du myocarde.
Réanimation pour une FV sans succès. Décès prononcé et
patiente placée dans une chambre à part. Après 20min, respiration
spontanée, TAs normale, rythme sinusal à ECG. Retour à
domicile après 2 semaines sans déficit neurologique ! Décès
après 3 mois dans son sommeil.
Par la suite, le terme de « phénomène de Lazare » est introduit en
1993 par Bray en référence au personnage biblique.
A distinguer du syndrome de Lazare :
Ensemble des difficultés psychologiques que
rencontrent les sujets qui ont pu être confrontés à la
certitude de leur propre mort mais qui ont finalement survécu. Se
manifeste chez les survivants
et/ou leurs proches.
Historique :
Selon l’Evangile de Jean, Lazare
était un ami de Jésus, frère de
Marthe et Marie de Béthanie.
C'est lui que le Christ aurait
ressuscité, le faisant sortir de son
tombeau 4 jours après son
décès :
« Il cria d’une voix forte : Lazare,
Retour à domicile à J13 et reprise d’une activité
normale sans aucun déficit neurologique
retour à domicile à J18 sans séquelles neurologiques
après 10 jours : patient éveillé avec réponse
oculaire spontanée -> décès du patient 3 mois plus
tard
Décès à 11 :45
2 / 2
sors ! Et le mort sortit, les pieds et les mains liés de bandes, et le
visage enveloppé d’un linge. Jésus leur dit : Déliez-le, et laissez-le
aller. »
Hypothèses physiopathologiques du phénomène de Lazare:
Lors de la ventilation
mécanique, le temps pour
l’expiration est trop court et il
existe un risque d’engendrer une
hyperinflation dynamique créant
un air trapping menant à une
pression augmentée en fin
d’expiration (auto-PEEP). Cette
auto-PEEP gène le retour veineux
ce qui diminue le débit cardiaque.
C’est une des causes possibles
lors d’une PEA ou d’une asystolie,
surtout chez un patient BPCO. En cas d’hypovolémie, le retour
veineux est encore plus faible. Ainsi, dès l’arrêt de la ventilation, le
retour veineux s’effectue à nouveau correctement. Ceci qui
pourrait expliquer, en partie, le phénomène décrit.
Délai d’action des médicaments administrés par un abord
périphérique. Circulation correcte des médicaments lors de
l’amélioration du retour veineux après l’arrêt de la ventilation
mécanique (cf point 1).
Hyperkaliémie peut rendre le myocarde réfractaire pendant
une longue période. La correction de l’hyperkaliémie peut prendre
un certain temps au-delà duquel une reprise circulatoire peut se
faire. Un cas unique est décrit dans la littérature.
Dislocation spontanée d’un embole au niveau des coronaires
permettant une revascularisation du myocarde. La présence de
collatérales au niveau des coronaires lors d’une cardiopathie
ischémique chronique préexistante favorise également la
revascularisation du myocarde.
Présence fréquente d’une asystolie ou d’une PEA dans les
suites d’une défibrillation pour une FV. Ce pourrait être un rythme
intermédiaire avant une reprise d’un rythme efficace d’un point de
vue hémodynamique.
Présence d’une hypothermie modérée.
Le plus probable est qu’il s’agisse d’une combinaison de plusieurs
hypothèses. Cependant certains cas décrits ne sont explicables
par aucune de ces suppositions… Evidemment aucune étude n’est
réalisable permettant d’investiguer ces hypothèses.
Conditions pré-existantes pouvant favoriser un phénomène
de Lazare :
1. Infarctus aigu du myocarde chez un patient âgé (>60ans),
déshydraté +/- présence d’une circulation collatérale due à une
cardiopathie ischémique chronique (cf ci-dessus).
2. PEA chez un patient BPCO ou asthmatique (cf ci-dessus).
3. Hyperkaliémie
4. Hypovolémie
Quelques recommandations afin d’éviter les mauvaises
surprises… :
Faire une tentative de déconnexion du tube avant de décider
d’arrêter une réanimation pour permettre la décompression d’un
éventuel air trapping.
En cas d’arrêt de la réanimation, maintenir le monitorage
(électrodes à ECG, >1 dérivation, amplitude de gain maximale) et
rester auprès du patient pendant 10-15min avant de prononcer le
décès en expliquant à la famille les raisons de cette observation.
Monitorer le CO2 expiré et objectiver l’épuisement des
mesures de réanimation par une baisse des valeurs.
Revue de la littérature :
38 cas publiés depuis 1982, sans compter la littérature
biblique… et aucun cas de traumatologie:
v Diagnostics lors de l’ACR : 13 infarctus du myocarde, 8
décompensation de BPCO, 1 rupture d’anévrisme aorte
abdominale, 1 rupture artère pulmonaire, 1 hémorragie gastro-
intestinale, 1 hyperkaliémie sur insuffisance rénale,
traumatisme, 1 intoxication à la digoxine, sepsis, 1 overdose
d’opiacés et de cocaïne.
v Reprise d’une circulation après l’arrêt de la réanimation
dans les 10min chez 82% des cas (approximation puisque
les patients ne sont souvent plus monitorés)
v Durée de la réanimation entre 6-75min (moyenne à 27min)
lors de l’arrêt de la réanimation, 23 patients en asystolie, 12 en
PEA et 1 en FV (2 cas non décrits)
DEVENIR :
17 patients avec bonne récupération neurologique ( !)
14 retour à domicile !
3 décès ultérieurs (sepsis, embolie pulmonaire)
17 patients sans récupération neurologique et décédés
rapidement.
Manque de données pour 4 patients.
A relever que l’on ne trouve pas de corrélation entre le devenir des
patients et la durée de la réanimation, l’intervalle avant la reprise
d’une circulation spontanée ou le diagnostic.
Pour la petite histoire…
Edgar Poe (1809 - 1849) , romancier américain qui a décrit dans
son livre « The Premature Burial » l’histoire d’une jeune femme
considérée à tort comme décédée et placée à l’intérieur d’un
cercueil dans le tombeau familial. Lorsque le tombeau fut ouvert
quelques années plus tard pour y amener un autre cercueil, un
squelette fut retrouvé sur le seuil suggérant que la jeune femme
avait survécu et qu’elle est peut-être décédée alors qu’elle était
incapable d’ouvrir la porte du tombeau.
Dans les années 1800, la crainte d’être enterré vivant était grande.
Plusieurs systèmes ont été mis en œuvre pour permettre au défunt
éventuellement non décédé d’appeler à l’aide (sonnette dans le
cercueil).
Problèmes posés :
1. Etablissement du diagnostic de mort :
Pas de définition universellement acceptée: la mort n’est pas un
événement mais un processus durant lequel plusieurs organes
vitaux faillissent, une succession de défaites biologiques. Notion
d’irréversibilité.
o Mort évaluée selon 8 critères
o Absence de pouls central, carotidien et/ou fémoral
o Coma profond
o Pupilles en mydriase bilatérale sans réaction à la
lumière
o Absence de réflexes oculo-céphaliques (réflexes
thermo-vestibulaire à l’eau glacée si lésion du rachis
cervical)
o Absence de réflexes cornéens
o Absence de réaction cérébrale à des stimuli douloureux
o Absence de réflexes de toux et oro-pharyngés
o Absence d’activité respiratoire
2. La ressuscitation peut être assimilée à une négligence médicale
avec ses conséquences médico-légales.
3. Guidelines éthiques suggèrent un arrêt des mesures de
réanimation après une RCP effectuée correctement pendant
30min (27 min en moyenne dans cas décrits !) sans signes de
reprise cardio-circulatoire. Toujours valable ?
Conclusions :
Phénomène sans doute moins exceptionnel que la littérature ne le
laisse supposer et qui nécessite bien évidemment plus de
données pour pouvoir éventuellement définir des guidelines.
Peut intervenir en intra- ou extra-hospitalier, chez un patient jeune
ou âgé, en bonne santé ou polymorbide…..
De pronostic généralement extrême, plusieurs cas d’absence de
séquelles ont été rapportés.
Souligne le problème éthique concernant les modalités d’arrêt de
la réanimation et un problème clinique face au diagnostic même
de la mort.
*Recovery after discontinued cardiopulmonary resuscitation, Linko K, Honkavaara P,
Salmenpera M.Lancet. 1982 Jan 9;1(8263): 106-7
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