Le triomphe de l’automobile française durant les Trente Glorieuses (1945-1973)
Introduction
Dans les années 1970, le Président Georges Pompidou déclare : « les Français aiment la bagnole ».
L’économie française également puisque, de 1955 à 1975, le pays passe à la production de masse et
devient un des leaders de l’industrie automobile européenne.
Durant les années 60, l’industrie automobile française devient la 1ere activité nationale par son
chiffre d’affaire, ses exportations, le nombre des entreprises sous-traitantes, le poids de la main
d’œuvre.
L’automobile est le symbole de la croissance économique des Trente Glorieuses.
4 acteurs se partagent le marché : Citroën, Peugeot, Renault et Simca (beaucoup moins puissant). Les
2 premiers sont des entreprises familiales et privées ; le 3
e
est, depuis la Libération, une régie
nationale et le 4
e
est une filiale d’un géant américain de Détroit.
La construction européenne favorise la course à la production, l’augmentation des cadences de
travail, l’agrandissement des usines, l’embauche d’une main d’œuvre variée.
La course à la production
Renault est le 1
er
constructeur français à se lancer dans la course, notamment pour concurrencer
Volkswagen et Fiat. De 1955 à 1975, il multiplie sa production par 5 ! Il s’agit de passer de 1000 à
5000 voitures par jour !
Pour conquérir les marchés nationaux et internationaux, Renault opte pour l’automobile
polyvalente : celle des banlieues, à mi-chemin entre les mondes citadins et ruraux, la « voiture à
vivre », celle du travail et des loisirs, susceptible d’intéresser les classes moyennes (en plein essor à
l’époque). Ainsi, entre 1961 et 1972, se développe la gamme : R4, R16, R12, R5.
Peugeot, qui s’était attaché à la production de berlines moyennes et très équipées (la voiture « qui se
mérite » selon la publicité) en direction des professions libérales et des fonctionnaires, se lance, dès
1965, dans celle de la 204, s’approchant des modèles populaires comme la R4 ou la Simca 1000.
La 204 devient la voiture la plus vendue en France en 1969 et rejoint la DS 19, innovante et haut de
gamme (1955), la R4 (1961), la R 16 (1965) et la Simca 1100 au rang des plus gros succès de
l’industrie automobile française.
Un enjeu d’aménagement du territoire
L’automobile a des répercussions sur la situation de l’emploi, la politique fiscale et les exportations
du pays. Elle joue même un rôle majeur dans l’aménagement du territoire français (relancé à partir
de 1963 avec la DATAR). Le Gouvernement demande alors aux constructeurs de revitaliser les
espaces ruraux victimes de l’exode rural ; de contrebalancer la perte des monopoles coloniaux, la
crise des chantiers navals ; d’éviter la mort des régions de mono-industrie textile, minière,
sidérurgique…
Ainsi, Citroën s’installe à Rennes, à Caen à Metz (aidé par de fortes subventions de l’Etat) ; Renault se
concentre sur l’axe de la Seine, notamment avec Sandouville (près du Havre), puis s’implante dans le
Nord ; Peugeot reste fidèle à l’est (Dijon, Vesoul, Mulhouse) puis s’installe également dans le Nord-
Pas-de-Calais.
Grâce aux aides publiques importantes, la déconcentration de l’automobile est une bonne affaire
pour les constructeurs. Elle favorise la multiplication des sites à une époque où les concurrents
étrangers restent concentrés et localisés (ex. Fiat à Turin). Le problème dont se plaignent les patrons
français c’est que le développement des infrastructures routières ne suit pas (ex. les autoroutes) ce
qui gêne les échanges. Toutefois, ils peuvent bénéficier d’une main d’œuvre provinciale moins chère
qu’en région parisienne (- 17% pour un OS et - 24% pour un OQ). Citroën crée 15 à 20 000 emplois
directs et indirects en Bretagne !
Dans les régions minières, le travail à la chaîne est très mal perçu ce qui oblige, par exemple, Citroën
à embaucher des immigrés marocains à la place des mineurs à Metz.
Les choix politiques jouent aussi dans les implantations des sites automobiles. Citroën s’implante
dans les régions de droite, des régions réputées calmes (Bretagne, Basse-Normandie, Lorraine) alors
que Renault ne craint pas les bastions de gauche tels que l’axe de la Seine ou le Nord-Pas-de-Calais
notamment.
Enfin, l’automobile est un atout pour dynamiser les régions « isolées » ou à reconvertir.
Dans les années 70, l’automobile emploie 10% de la population active française ! C’est dire si la
question sociale est essentielle.
La question sociale
Renault est en avance dans la gestion de cette question sociale, accordant la 3
e
puis la 4
e
semaine de
congés payés (1955 et 1962) et en proposant des salaires attractifs. La paix sociale, entretenue par le
dialogue avec les syndicats et par des acquis sociaux, est vitale pour une entreprise qui compte
97 000 employés en 1970, répartis sur de nombreux sites tels que Billancourt, Flins, Sandouville,
Douai… A contrario, Peugeot reste attaché à la concentration des sites avec Sochaux qui devient la
plus grande usine de France avec 45 000 employés !
La hausse du pouvoir d’achat est réelle alors que l’amélioration des conditions de travail reste
secondaire (jusqu’en 1970, le temps de travail dans les usines est proche de 45h par semaine).
Toutefois, les grèves de mai-juin 1968 sont importantes dans l’automobile. La CGT est très active à
Billancourt où l’on comptera 33 jours de grève alors qu’on déplore 2 morts chez Peugeot en juin. Cela
démontre le mal de vivre des OS notamment qui dénoncent la durée du temps de travail, les
cadences trop rapides et les difficultés de faire carrière.
Après 68, on assiste à une rigidité des directions comme chez Citroën et Simca où l’on engage des
services de sécurité alors que Pierre Overney, employé chez Renault et militant maoïste est tué en
1972 par un gardien.
Au malaise des OS, on peut ajouter celui des travailleurs immigrés, représentant jusqu’à 60% des
effectifs dans certaines usines.
Il apparaît que la chaîne de travail est bel et bien un échec social et humain.
La menace de la concurrence
La concurrence étrangère est favorisée en France, en 1968, suite aux événements de mai qui ont
paralysé la production et grâce à la suppression des barrières douanières en Europe. Des clients
français se tournent vers des constructeurs étrangers.
Ceux-ci effectuent des fusions d’entreprises tels que Fiat rachetant Autobianchi, Ferrari et Lancia ; ou
bien Volkswagen contrôlant Audi.
Renault et Peugeot ont créé une Association en 1966 en excluant Citroën qui signe un accord avec
Fiat en 1968 (Michelin, contrôlant Citroën, pensait pouvoir absorber Fiat en 5 ans !). Rien ne sortira
de cet accord tandis que l’Association Peugeot-Renault progresse et parvient en tête de la
construction automobile européenne entre 1970 et 1974 même si les 2 marques restent
commercialement concurrentes.
Conclusion
On peut regretter à l’époque l’absence d’une politique nationale en matière de poids lourds
(concurrence Renault-Saviem/ Berliet). Egalement le fait que le Gouvernement ait trop focalisé sur
Renault au détriment des autres marques.
Toutefois, grâce aux aides et aux subventions et malgré une fiscalité un peu rude, la France est
parvenue au rang d’un des leaders de l’industrie automobile européenne avec 4 marques reconnues.
Vidéos utilisées :
Salon avec la DS 1955
http://www.live2times.com/1955-ds-19-au-salon-de-automobile-e--9594/
La Nationale 7
http://www.ina.fr/economie-et-societe/vie-sociale/video/RAF02024773/arrivee-des-touristes-sur-la-
nationale-7.fr.html
Le travail des OS chez Renault
http://www.ina.fr/economie-et-societe/vie-economique/video/CAF97069567/presentation-os-
renault.fr.html
Fermeture et historique de Renault Billancourt
http://youtu.be/Xgy8gXC74TU
Publicité sur la Renault 5
http://youtu.be/uqWdW9JAP0Y
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