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de nombreux Juifs ashkénazes menés par R. Juda ha-Ḥasid (1660-1700) - qui avaient une
mentalité, une langue et une tenue vestimentaire assez particulières - éveilla une attitude
fortement hostile au sein de la population musulmane locale. Ce mouvement d'ʽaliyāh -
de « monter » - vers la Terre sainte, fut a priori bien organisé. Plusieurs Juifs riches
d'Allemagne et d'Hongrie le financèrent, et dès 1699 plusieurs maisons furent achetées à
Jérusalem. Mais le décès soudain de R. Juda ha-Ḥasid laissa la communauté dans des dettes
importantes et en 1720 les musulmans brulèrent la "cour des Juifs" et expulsèrent les
Ashkénazes de la ville.
La même année voit la naissance de Eliyyāhū ben Shlomo Zalman, surnommé le Gaon de
Vilna (1720-1797), qui devint une sommité hors norme du judaïsme lituanien. Le Gaon
intervint dans tous les domaines de la Torah ainsi que dans celui des sciences profanes. Il
tenta lui-même de monter à Jérusalem, pour des raisons obscures ce projet ne se réalisa pas
mais ses disciples- les pĕrūšīm les abstèmes- furent tous impliqués dans un mouvement
d'immigration important qui commença officiellement en 1808 et dura plusieurs dizaines
d'années.
Au sujet des motivations du Gaon ainsi que de ses disciples s'est développée une polémique
acerbe au sein d'historiens et chercheurs israéliens de renom qui perdure depuis plus de trente
ans. Pour certains (Morgenstern, Shuchat) tous ces mouvements d'ʽaliyāh furent motivés et
orientés dans la perspective de la rédemption censée arriver en 5600. Israel Bartal, historien
« moderne » écrit à ce sujet : « Cette doctrine n'est pas nouvelle… Mais sous sa forme
actuelle, il s'agit d'un conflit entre, d'une part, la recherche historique critique et, d’autre
part, une tendance à lire dans les sources l'annonce d'un nationalisme moderne religieux-
sioniste messianique prétendant utiliser des outils de recherche
2
». Jacob Barnai pour sa part
prétend qu'« il n'y a aucun débat sur le pouvoir ottoman ni local ni central, ni sur les
changements relatifs au statut des résidents de Jérusalem, tant Juifs que non-Juifs, ni sur les
Capitulations. Il semble que Morgenstern ne s'intéresse pas à l'histoire de la Palestine et de
l'Empire Ottoman, comme si le Yishuv vivait en autarcie loin de toute population non-juive
3
».
Morgenstern rétorque en accusant que « derrière l'acte d'ignorer l'ʽaliyāh des disciples du
Gaon, se cache une idéologie : le désir de remettre en cause le fait que c'est l'implantation
des Pĕrūšīm à Jérusalem qui engendra le changement démographique ayant réussi à
2
Bartal, Israel, Exiles in the Homeland, Essays, Jérusalem, Hassifria Ha-šiyonit, 1994, p. 14 (en héb.).
3
Barnai, Jacob, « Book Reviews: Arie Morgenstern, The Return to Jerusalem », Zion 73 (2008), p. 375
(en
héb.)
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